Blanche (2)
Sylvain chevauche silencieusement à son flanc. De temps à autre, il lui coule un bref regard de côté.
Les feuillages commencent à revêtir leurs couleurs dautomne. Deux petites colonnes de buée séchappent des naseaux des chevaux.
Mademoiselle Blanche
Oui, Sylvain.
Je voulais vous dire
Votre équipage, stationné ainsi, des heures durant, place Clichy
Elle se trouble. Elle balbutie.
Jen avais pour cinq minutes.
Il ne répond pas. Il ne la regarde pas. Il sourit aux lointains.
Ses joues sempourprent. Il se doute. Non, il ne se doute pas. Il a compris. Il sait. Et il a raison. Évidemment quil a raison. Si elle retourne là-bas
Si on voit longuement séjourner sa voiture aux abords de la place
Cest courir des risques insensés. Elle ny retournera pas. « Tu ny retourneras pas ? Bien sûr que si ! Arrête de te mentir à toi-même ! Tu ne peux plus te passer de lui. De ses baisers. De sa tendresse. De ses caresses. Tu las dans la peau. »
Sylvain
Elle peut avoir aveuglément confiance en lui. Il la vue naître. Il la connaît depuis toujours. Et il sest toujours montré, quelles que soient les circonstances, dune discrétion absolue. Et puis, même sil nen manifeste rien, sil reste toujours extrêmement déférent à son égard, il ne porte pas Pierre dans son cur. Elle le sait. Elle le sent. Non. Sylvain, elle na rien à craindre. Il sera de son côté. Quoi quil arrive
Oui, Mademoiselle Blanche
Vous ne resterez pas place Clichy. Vous rentrerez. Et vous reviendrez me chercher. À lheure que je vous aurai préalablement fixée.
Pour que Monsieur se demande et me demande où jai bien pu abandonner Madame seule sans équipage ?
Elle soupire. Il a encore raison. Il va bien falloir, pourtant, trouver une solution quelconque. Absolument
Renoncer à voir Gontran, elle ne le pourra pas. Cest hors de question. Cest au-dessus de ses forces.
Je pourrais peut-être
Dites
Faire le tour, en vous attendant, de vos fournisseurs habituels.
Il est décidément plein de ressources, ce cher Sylvain. Elle bat intérieurement des mains, mais elle ne le montre pas. Elle fait la moue.
Je nai pas le choix, nimporte comment.
Ils ont fait lamour. Deux fois. Trois fois. Si bien. Avec Gontran, elle découvre. Elle se découvre. Tout devient possible. Tout devient facile.
Elle se presse contre lui.
Je ne veux pas te perdre
Il y a pas de raison !
Oh, si, il y en a des raisons, si ! Il y en a plein. Dabord, jai vingt-ans de plus que toi.
Dix-sept !
Cest pareil.
Mais cest pas important lâge ! Quest-ce ça fait, lâge ?
Et il lui dévore les seins de tout un tas de petits baisers.
Elle lui ébouriffe les cheveux.
Tu es fou
Sylvain laide à gravir le marchepied.
Me voyant stationné devant la boutique du mercier Divitis, Madame Saintonge sest étonnée de ne pas vous y avoir trouvée.
Et vous lui avez répondu ?
Que vous y étiez pourtant entrée. Que pouvais-je lui dire dautre ?
* * *
Vous avez mauvaise mine, Mademoiselle Blanche, ce matin. Très mauvaise mine.
Et pour cause ! Elle na pas fermé lil de la nuit. À tout tourner et retourner dans sa tête. Et à pleurer.
Jai mes soucis, Sylvain.
Si cest ce monsieur
Elle ne répond pas. Elle fixe quelque chose au loin. Très loin.
Il insiste.
Je nai pas de conseils à donner à Madame, mais elle ne doit plus aller le voir en ville. Cest beaucoup trop dangereux.
Elle explose. Pas en ville ? Et il veut quelle le voie où alors ? Où ?
Ici !
Ici ? Vous êtes complètement fou, Sylvain.
Ici, oui ! Donnez-vous donc la peine de réfléchir
Monsieur Pierre ny met pratiquement jamais les pieds. Pas plus que qui que ce soit dautre, dailleurs.
Cest séduisant. Le moins quon puisse dire, cest que cest séduisant. La seule chose
Mon fils est parti. Sa chambre est donc libre. Et dune propreté impeccable.
Je nen doute pas, Sylvain
Je nen doute pas, mais
Mais ?
Elle ne sait pas. Ça lui paraît trop simple. Trop facile. Et puis elle redoute confusément quelque chose. Sans vraiment savoir quoi.
Il se pique.
Si vous avez une meilleure solution
Elle na pas. Si elle avait
Et elle se décide dun coup.
Je vais lui écrire un mot. Vous allez le lui porter, Sylvain. Lui dire que je lattends cet après-midi ici. Et lui expliquer comment y venir.
Il ne sait pas où donner de la tête.
Oh, mais cest magnifique ! Cest à toi tout ça ? Combien il y en a des chevaux ? Quatre ? Tu les montes tous ? Et cest quoi, là ?
La grange.
Je peux voir ?
Il nattend pas la réponse. Il pousse la porte.
Tout ce foin ! Ça sent bon en plus ! Tu sens comme ça sent bon ?
Il en ramasse une brassée quil lui jette au visage, par jeu. Une autre quil sefforce denfouir dans son corsage.
Arrête ! Ça pique !
Mais non, ça pique pas !
Il la fait chavirer. Tombe sur elle.
Gontran
Comment tu vas y attr !
Il la dépouille de ses vêtements. Avec impatience. Avec frénésie. De tous ses vêtements. Quil rejette au loin. Le foin sous son dos. Sous ses fesses. Doux. Piquant. Et ses mains sur elle. Sa bouche. Sur ses seins. Sur son ventre. Partout. Si ardent. Si amoureux.
Elle referme ses bras autour de lui.
Viens, Gontran ! Viens !
Il vient. Il lemplit toute.
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