Victor (2)

Je cherche un homme! Si je m'écoutais, je le crierais presque! Je veux baiser pour me venger de Victor, comme s'il fallait le rendre jaloux ou le punir de m'avoir frustré. Mon appel silencieux semble entendu pas les mânes célestes présidant aux destinées des pédés en chaleur. L'homme, le vrai, se trouve là, à quelques mètres de moi. Le souffle me manque. Une masse imposante s'offre à mes regards ébaubis. Ma taille question hauteur, le double question ampleur générale. Pourtant, il n'est pas gros. Un cou dit de taureau porte une tête carrée dont les mâchoires ne doivent craindre aucune viande dure. Les mains, mon dieu les mains! Elles couvrent certainement la totalité de mon fessier. Une petite pression de ses doigts laisserait certainement un hématome tant ils dégagent de puissance. Je devine les cuisses sous le jeans trop large, le torse sous le tee-shirt trop ample. Dans ses bras, on doit se sentir minuscule, fragile, fait de porcelaine. Et la queue, comment est-elle? Son cul doit certainement montrer un aspect réjouissant. Quoique, il ne faille probablement pas y toucher. Pas le genre à se laisser enculer, pas même titiller la rondelle. Je suis planté en face de ce que je considère comme étant une brute, sans bouger, cogitant à ce qui m'adviendrait au cas où…
<< - L'inspection s'achève bientôt? >>

La voix est profonde, grave, claire, aimable voire souriante. Je sors de ma torpeur, sourit. Oh que non, elle n'est pas terminée mon inspection. J'aimerais bien la continuer en un endroit plus propice aux prospections de son corps. Je lui exprime mon désir de converser, précipitamment, comme si, une fois la dernière parole prononcée, je devrais fuir afin d'éviter des désagréments. Il hausse ses larges épaules, grogne un "pourquoi pas" que je trouve un peu tristounet, fataliste. Si je pige son humeur, il s'emmerde, je suis un pis-aller! Qu'il en soit ainsi du moment que je me régale! Je me suis toujours fichu de n'être qu'une roue de secours, quand cela s'est présenté, du moment que le mec soit à mon goût, le reste ne me concerne pas.

La stature de mon compagnon me tisse énormément. Je fais malingre, maigrichon, échalas. Il en impose, il m'en impose. Cependant, ce mec agit, parle, le plus simplement du monde. Aucune fioriture dans ses gestes ou ses paroles. Tout coule de source, tels le Candide et l'Ingénu de Voltaire. Nous devisons tandis que nous gagnons mon logis. Pas bête le mastodonte, une tête bien remplie si j'en juge d'après les bribes de renseignements qu'il me fournit. Eugène qu'il s'appelle, prénom devenu peu courant comme je lui fais remarquer. Nouvelle manifestation des épaules signifiant un fatalisme qui semble l'habiter.
Bien! Confortablement installé dans un fauteuil, Eugène déclare le plus calmement du monde qu'il est étonné de rencontrer une personne aussi peu farouche envers un inconnu. Cela m'estomaque un soupçon. Quand on drague, vaut mieux laisser de côté le farouche afin de faire place à l'avenant, cela va de soi. À l'évidence, ses pensées ne concordaient pas avec les miennes. Monsieur ne draguait pas et, dans le cas contraire, seules les dames l'intéressent si je me réfère à notre brève discussion qui suit. Il n'en reste pas moins un mec fort attirant, bandant même, à la conversation agréable et variée. Bien entendu, pas question de lui révéler mon but initial à savoir baiser avec lui. Des fois que Monsieur Eugène serait anti-pédé, vu sa carrure, je me retrouverais bon pour figurer dans un pot de marmelade en moins de temps qu'il ne faut pour l'écrire. Prudence mon petit, prudence. Cela ne m'empêche nullement de le zieuter par intermittence, avec écoulement salivaire mental à l'appui. Mes babines frémissent de désir. Pour une fois que se présente un jules, un vrai, dans toute sa splendeur brutale! Enfin, je dois me faire une raison. Il est là, profitons-en comme on peut. Mais alors pourquoi m'a-t-il abordé? Très simple mon bon: Eugène est adepte de la connaissance d'autrui. C'est un curieux, un liant. Seulement cela, demandais-je? Mais oui, affirme-t-il. Je lui précise la fréquentation du parc dans lequel nous avons liée connaissance.
Son visage se rembrunit. Mon grand, tu n'aurais pas dû aborder ce sujet. Il me faut effec une marche arrière. Je précise que chaque jour je vais travailler à pieds et que le parc est sur ma route (c'est vrai). Habitué à croiser des énergumènes aux gestes évanescents, lui, Eugène, faisait tâche dans son coin, ce qui m'a intrigué. Il semble accepter mon explication bien que ne paraissant pas très convaincu. Le principal n'est pas qu'il me croit mais que je m'en sorte au plus vite. Maintenant, il me tarde de le voir partir. Ce mec ne me dit plus rien que vaille. Sa photo me comblerait amplement, loin de sa présence. Cette réaction impulsive m'impose de cesser là l'entretien, prétextant un rendez-vous. L'Eugène se lève, me gratifie d'une poignée de main à vous briser les phalanges, se retire en me remerciant pour ces instants cordiaux. Je pousse un ouf énorme dès que je le vois traverser la rue et se diriger vers le centre ville.
Me voilà tout béjaune, bite en rut. Me calmer devient la priorité. Je me glisse dans un bain bien chaud, parfumé. Cette main, que j'avais dédaignée quelques heures plus tôt, vient à mon secours, une fois de plus. Un magnifique gode se joint à elle afin de combler mon arrière-train. Je lâche tristement mon foutre sur la mousse bleue. Cela ne me fait pas oublier les épaules du cher Eugène, la cambrure de ses reins, le délicat arrondi de son postérieur et encore moins l'éclat de sa gueule virile, bien au contraire. Je le veux! Je le veux! Malheureusement, il me fout les pétoches, c'est rien de le dire. Je me rappelle son œil mauvais dès que j'ai abordé, très légèrement au demeurant, la question des pédés habitués du parc.
Sinistre journée! Pas même un mec à mettre dans mon lit. Armand n'est pas en état pour des galipettes cochonnes, son moral frôlant le dessous de ses baskets. Pour en revenir à ma principale préoccupation du moment, reste le sauna où je pourrais me laisser tâter sous toutes les coutures dans un quelconque coin sombre.
Seulement la flemme de me rhabiller s'empare de moi. Ici, douillettement affalé dans le canapé, je vais m'offrir un porno tout en grignotant.

*****

Je prépare mon plateau repas, pinard en prime, après avoir dégusté un généreux apéritif. On se console comme on peut. Le tout, c'est de rester raisonnable. Me voilà prêt pour cette soirée. J'enclenche le lecteur DVD, je m'affale sur les gros coussins étalés à même la moquette. Comme de coutume, à peine allongé, façon romains de l'antiquité, la sonnette pousse son grelot. Un fol espoir dans la tête, je me précipite vers la porte, j'ouvre: Victor se pointe, tout sourire, heureux de l'effet produit sur moi. À peine entrevue la charmante silhouette que ma queue se rebiffe sous la robe de chambre. Je ne pense plus aux réprimandes, fini le supposé pique assiette! Un unique souci taraude mon pauvre esprit: baiser!
Il a faim le maraud! Je lui demande le pourquoi de ce retour inopiné. Il me déclare m'avoir prévenu, lors de notre première rencontre, qu'il passerait me voir le midi puis reviendrait se blottir dans mes bras au cours de la soirée et toute la nuit. Où avais-je donc la tête pour ne pas entendre ça? J'ai beau tarabuster mes cellules mémorielles, je ne me souviens pas d'une telle proposition. Je confirme. Sans plus de fioritures il conclue:
<< - Merde! J'ai dû me tromper! Alors quelqu'un poireaute pour rien en ce moment! >>

Si mes illusions persistaient encore concernant un éventuel attachement de Victor pour ma personne, elles s'évanouissent d'un coup. Et, du coup, je me vois réduit à un coup…. parmi tant d'autres (j'aime ce genre de vilain jeu de mots). Me voyant inerte, l'amour-propre outragé, il m'asticote pour que je m'active: une table est réservée dans un restaurant de sa connaissance, et elle ne le restera pas longtemps car l'endroit est fort prisé des gourmets et des gourmands de tous poils.
Je relègue ma vexation aux oubliettes, saute dans des vêtements, m'apprête au mieux compte tenu du peu de temps dont je dispose.


Mes yeux éblouis admirent l'endroit: du chic! Pas de personnel obséquieux, seulement du hautement qualifié, discret à souhait. Nous sommes dirigés vers un petit salon, charmant tout plein. Les bougies scintillent, le champagne siège dans un seau à glace. Le maître d'hôtel annonce que le service débutera dans cinq minutes, juste le temps de déguster une coupe du délectable nectar. J'ai comme l'impression de ressembler au petit garçon crevant de faim que l'on invite à pénétrer dans une pâtisserie. Je me sens très complexé. Je me trouve moche, mal habillé, presque sale. Victor, très à l'aise malgré sa tenue en vieux cuir usé, me tend une coupe tout en annonçant:
<< - C'est pour me faire pardonner de mon attitude ce midi. Je n'ai pu agir autrement. J'ai aussi à me faire pardonner de t'avoir taquiné tout à l'heure lorsque j'ai fait celui qui s'était trompé de rendez-vous. Je n'en avais pas d'autres. C'était un peu idiot de ma part. Pardon si je t'ai choqué, là n'était pas mon intention. >>

Par geste, je lui fais comprendre que cela n'a aucune importance. Une vilaine pensée chemine dans mon ciboulot: qui va payer l'addition? Je me prépare au pire. Là encore, je jette aux orties mes doutes. Une partie de baise avec lui vaut bien un tel effort financier. Je le regarde. Il parle de choses et d'autres, surtout de motos. Je ne comprends rien, mis à part qu'il est fils unique et détenteur d'une petite fortune que ses géniteurs lui versent mensuellement au titre d'argent de poche en attendant de lui céder la totalité de leurs biens une fois leurs vies achevées. Plus tard, j'apprendrais que cette version est mensongère. Ce genre d'histoire familiale est très souvent compliqué. Donc, en résumant, on peut dire que mon doux compagnon exerce la digne occupation, dans la vie, de blouson doré selon une expression du temps jadis. Je mange sans bien réfléchir aux divins mets que l'on nous sert. Je plane bêtement. De temps à autres je réponds machinalement. Je suis amoureux, c'est sûrement cela.

Le plus étonnant de la soirée c'est que nous partons sans payer! Tout au moins, je n'ai rien vu qui puisse laisser supposer que Victor ait payé. À moi, on ne m'a rien demandé. Nous revenons à la maison.

Je referme la porte derrière nous, propose un digestif. Je me confonds en remerciements pour cette soirée des plus agréables. Mon compagnon certifie qu'elle ne fait que commencer.

Chose promise, chose due. Et Victor respecte ses promesses!
Les festivités débutent langoureusement, presque lentement comme si nous étions repus et fatigués par les agapes. Les doigts agiles s'en vont fleureter sur les peaux réceptives et frissonnantes, laissant les corps se coller l'un à l'autre et permettant aux bites envahies de mouille de se malaxer l'une et l'autre. Nos lèvres ne se quittent pas obligeant nos respirations de passer par les narines. Les salives se mélangent. Dans un geste inconscient j'entoure la taille de Victor avec mes jambes alors que nous sommes face à face, couchés sur le côté. Je devine sa queue venir chatouiller ma rosette. Elle dégage une quantité de lubrifiant naturel non négligeable. Je suis comme obnubilé par ce membre qui demande de me pénétrer. Mon cerveau embrouillé n'attend que cela tandis que ma chair hurle son envie d'accepter l'autre chair, de lui faire une place, de l'enserrer, de la faire fondre. Comme je voudrais qu'il m'encule à cru! Un reste de prudence, de peur peut-être, commande que l'on se protège. Un peu de gymnastique et je pose la capote sur le braquemart tendu au maximum, rouge à éclater. Pendant que la tige s'enfonce en moi, nos corps se recollent, nos bouches s'unissent. Un doux pistonnage commence. Nos mains palpent à l'envi, cherchant à faire tressaillir certains endroits anatomiques vulnérables aux caresses. Nous nous séparons, exception faite de la queue qui me pilonne sans cesse. Maintenant, je suis allongé sur Victor qui, de cette façon, plante entièrement son dard entre mes fesses, l'enfonce de tout son long, provoquant gémissements de bonheur, soupirs de satisfaction bienheureuse. La puissance virile de mon amant commence à me rendre fou. Je rêve de le pénétrer à mon tour, de le soumettre à ma queue, de jouir en lui l'ensemençant, l'engrossant, afin de lui prouver combien je l'aime, combien je suis à lui, comment il est à moi. Je me garde de lui traduire mes pensées en paroles, me contentant de les traduire en gestes érotiques, pornographiques mais attentionnés à nous donner un maximum de plaisirs. Le comprend-il? Probablement sans le savoir car il s'évertue à provoquer des frémissements dans tout mon être de chair. Retarder l'explosion finale devrait prolonger ces instants d'intense amour. Nous le savons. Aussi n'hésitons-nous pas à faire une pause de temps à autres. D'une voix douce, presque craintive, Victor me demande de le pénétrer. J'accède à son désir qui est le mien depuis quelques minutes. Une fois capotée, ma queue plonge dans l'anus vénéré. La tiédeur, l'étroitesse, provoquent en moi une envie de m'enfoncer encore plus si cela était possible. Mes doigts se plantent dans le dos de Victor qui ne renâcle pas. Ils labourent sa peau alors que je rugis de colère mais de jouissance également. Oui, je peste car je n'ai pu contenir l'éjaculation. Oui j'hurle ma joie de jouir grâce à cet amant que j'idolâtre à cet instant. Malgré la confusion de mes sentiments, le chamboulement de mes entrailles expulsant le foutre, j'entends un gémissement signalant qu'une autre bite laisse échapper des giclées de sperme. Deux corps secoués de spasmes. Deux gorges manifestant phonétiquement notre bonheur de jouir en couple formé par deux êtres qui s'apprécient, s'aiment.
Les nerfs se détendent. Nous sommes apaisés. Pas tout à fait, dirait-on, si j'en juge par l'attitude de Victor qui sort de son cul ma bite encapuchonnée, porte sa tête devant celle-ci, la décapuchonne et l'engouffre. Je manifeste mon désaccord en tentant d'éloigner sa tête à l'aide de mes mains, laissant entendre que mon membre est plein de foutre. Il résiste et lèche ma hampe puis le gland avant de s'aller titiller les couilles qui lancent des ondes cochonnes dans tout mon système sexuel, ce qui provoque une érection. Sans désemparer, les lèvres serrent ma queue, la gorge l'avale et la régurgite à maintes reprises. La langue s'évertue à exciter le gland et son pourtour. Je grogne de jalousie, le fais savoir. Victor ne réplique pas lorsque je gobe sa queue, complétant ainsi la position du 69. Cette tige humide de foutre pas encore séché me rend totalement dingue. Cette odeur m'enveloppe, m'ôte tout jugement lucide. Par jeu, doucettement, je mordille la verge en divers endroits avant de lui appliquer une fellation en règle. Les bruits de succion envahissent la chambre. La salive envahit nos pubis et trempe nos couilles. Bientôt les rosettes se trouvent mouillées de la sorte. Elles s'ouvrent quelque peu, demandant un envahissement plus conséquent, une intrusion plus porteuse de sensations fortes. Je cède le premier, présentant mon fondement au vit déjà habillé de mon amant impatient de s'introduire dans mes entrailles. Finie la douceur. Il me fouraille férocement, suant, soufflant. Ses va et vient brutaux causent certains grincement au sommier. Parfois, il se retire, se recule d'une dizaine de centimètres, et sans coup férir replonge dans mon antre intime. Mes doigts se crispent sur les draps. Je l'aide en cambrant mes arrières. Ses ongles pénètrent mes fesses. Il rugit, tremblant, puis hurle que jamais il n'a joui autant avec une telle intensité. Le compliment me pousse au firmament des amants heureux. Je lui accorde quelques minutes de répit au bout desquelles sa bite quitte mon cul et sa bouche prend ma queue. Il n'a de cesse de malaxer mon engin avec ses lèvres et sa langue. Il ne s'arrête qu'une fois avalées les giclées de foutre et dûment nettoyée ma queue.
Nous savons que nous n'en resterons pas là. Juste un peu de repos avant de reprendre les ébats. On se papouille, on se bécote, on se roule des pelles, on se mignote. Puis on reprend le combat destiné à mener vers les grands frissons.
Quelle nuit, mes aïeux! Mon anus en est très irrité, le sien également. Nos queues rougeoient plus d'avoir subi tant de pénétrations, de succions, que par désir. Nos bites humides, molles, demandent grâce. Nos peaux collées par la sueur et le foutre ne veulent aucunement se séparer. Il est temps de récupérer en vue de prochains exploits. Juste avant de m'endormir, j'entends la voix de Victor qui marmonne pour lui-même, comme une marotte:
<< - Je me demande ce qu'un gars comme Eugène peut bien foutre dans ce quartier. >>

Ai-je bien entendu? Du coup, l'imposante silhouette dudit Eugène s'impose à ma cervelle admirative. Cela provoque chez moi un désir incontrôlable de bite dans le cul. J'ai ce qu'il faut à portée de fesses.

*****

Mon bel Armand conte enfin ses déboires. Toujours la même sinistre rengaine du coming-out désastreux. Il ne cesse de me répéter que j'ai beaucoup de chance de vivre loin de la famille, même si elle "comprend" mon homosexualité! Que cela m'évite d'aimer encore des personnes qui me rejetteraient. Je ne le contredis pas. Nous ne sommes pas là pour parler de moi mais de lui. Tout récent expulsé de chez et par ses parents, pour cause de non changement de genre de vie, je ne peux que le rassurer quant à sa sécurité matérielle: le temps de se trouver un chez lui, il pourra toujours profiter de la chambre d'amis, juste à côté de la mienne. Conseiller, en pareilles circonstances, voilà qui reste hasardeux quand ça n'est pas catastrophique. On ne peut que tenter de consoler, rassurer. C'est ce que je fais. Nous décidons de récupérer ses affaires, de les amener illico ici. Ses géniteurs sont absents pour la journée, cela évitera tout accrochage déplaisant, toute scène pouvant tourner au tragique que ne supporterait pas Armand.
En sortant de l'immeuble, nous croisons Victor. J'avais complètement oublié qu'il devait passer! Armand propose de remettre son déménagement à plus tard. Victor s'efface devant l'urgence, une fois mis au courant. Il propose même de venir nous donner un coup de mains.

Trois beaux gaillards, deux dans la force de leur jeunesse, un dans la force de la maturité, ne mettent guère de temps à emballer dans des sacs de voyage, sacs poubelle ou cartons en tous genres, livres, CD avec leur lecteur, vêtements, ordinateur et accessoires. Deux heures trente à peine, et notre ouvrage s'achève. Nous procédons au nettoyage à fond de la pièce afin de laisser l'endroit nickel. Les vieux réacs constateront que les pédés ont du savoir-vivre. Nos trois voitures suffisent amplement pour emporter le tout. Armand décide de ne laisser aucun message à ses parents.

Nous voilà assis tous les trois autour d'un apéritif bien mérité. Nous déjeunerons dans un restaurant avant d'aller au cinéma. Nous obligeons Armand à nous suivre. Il a grand besoin de distractions, le brave garçon! Je m'impose de veiller à ce qu'il ne plonge pas dans une de ces attitudes dépressives qui se concrétiserait par une nouvelle soûlographie. Mais il n'en est rien. Il parle de lui, de sa famille ou plutôt de ce qu'il en reste. Il ressort que, devenu fils unique depuis deux ans, suite au décès de son frère aîné, la descendance repose sur lui. C'est que, chez ces gens-là, on y tient à transmettre le nom! En conséquence, on ne comprend pas qu'un mâle se dispense d'un tel devoir, au motif de bougrerie! On se fiche éperdument de ses pratiques sexuelles du moment qu'il assume ses responsabilités en même temps que prendre femme aux seules fins d'assurer la lignée. Pauvres petits bourgeois se prenant pour une illustre famille au sang bleu! Contre un tel genre d'ânerie, on ne peut rien. Ils sont butés, bornés, dotés d'œillères. Bien entendu, je ne donne pas le fond de ma pensée à Armand, toujours au bord des larmes. Il se contient, courageusement. Tout à coup il se rappelle un sien grand-oncle, du côté de sa mère, jugé totalement marginal, façon élégante de déclarer qu'il est fou. Un vieil homme doux, que le petit-neveu aimerait bien revoir, d'autant que lors de leur dernière entrevue, l'aïeul s'est montré très affectueux envers lui. Séant, il téléphone au vétéran qui, tout heureux, n'hésite pas un seul instant à l'inviter. Armand change ses plans pour la journée: il quitte la ville pour la banlieue où niche le papy. Il nous demande de l'accompagner. Cette virée nous fera le plus grand bien, nous acceptons.

*****

Le menton tremble légèrement, le dos voûté ne semble plus vouloir se redresser, le cheveu blanc foisonne sur un crâne hâlé. La voix reste nette, le parler très précis. Monsieur Gédéon nous accueille avec maintes marques de satisfaction. Depuis combien de temps n'a-t-il pas vu de jeunes, cet homme? Il dit aimer sa solitude, sa vieillerie selon son expression. Petite maison cossue, propre, avec jardin soigneusement entretenu où poussent quelques légumes mais surtout beaucoup de variétés de fleurs. À 88 ans finissants, le maître de maison se lève dès l'aurore, commence une journée chargée entre jardinage, nettoyage de la maison, sites internet, visite chez ses copains survivants et même chez ceux morts. Nous passons une grande partie de l'après-midi, puis de la soirée, à l'écouter. D'un coup, comme s'il s'apercevait que nous aussi avions des choses à dire, ou plutôt que son petit-neveu avait des choses à dire, il s'enquiert du motif de notre venue. Calme, Armand expose les faits, sans rien omettre, tels qu'il me les a contés dans la matinée, explique son déménagement. Monsieur Gédéon ne dit mot, écoute attentivement. Une fois le récit terminé, il se lève, va dans la cuisine s'affairer aux fourneaux d'où il nous crie une invitation à dîner en sa compagnie. Il nous appelle afin que nous l'aidions. Nous le rejoignons. Il distribue les tâches. Lorsque chacun sait quoi faire, détient les ustensiles et produits adéquats, il se souvient, à voix haute:
<< - Alors, rien ne change dans cette famille! Quelle misère! Je suppose, Armand, que tes parents ne t'ont jamais dit pourquoi ils m'évitaient, si ce n'est que j'étais un original au point de friser la folie. Tes grands-parents, tes oncles, tantes, cousins, m'ont ignoré pour la simple raison que je vivais avec un homme. Émile et moi étions ensemble depuis près de vingt ans lorsque il m'a quitté suite à une mauvaise grippe mal soignée. Nous avions convenus, lui et moi, qu'en cas de décès de l'un des deux, l'autre hériterait de tout. Nous avons fait le nécessaire auprès d'un notaire. N'ayant pas de descendant direct nous étions en droit de ne rien léguer à la famille. Du côté de celui que je considère comme mon conjoint, aucun problème n'était à craindre, il n'avait plus de famille. Par contre de mon côté, ça ne manquait pas, à cette époque. Depuis, beaucoup sont morts, une véritable hécatombe, d'ailleurs. Seuls restent toi et les tiens. Mais en ce temps-là ça pullulait, surtout les neveux et nièces. Or je possédais, et je possède toujours, une fortune très confortable. Quelques années avant le départ d'Émile, à la suite d'une chute de cheval, je me suis retrouvé dans le coma durant plusieurs jours. Émile n'a pas quitté mon chevet tandis que, ô miracle, frères, sœurs, tantes, oncles et cousins se souvenaient de mon existence. Certains d'entre eux ne se sont pas gênés pour tenter d'évaluer mes biens, profitant de l'absence de mon conjoint qui leur avait ouvert grand notre porte, heureux de ce qu'il considérait et croyait comme des "raccordailles". Comment ont-ils appris pour mon testament? Je ne saurais le dire. En tout cas, ils ont su. Sans perdre de temps, certains se sont inquiétés du comment casser ce testament légalement afin de récupérer ce qu'ils jugeaient être leur dû. Mon notaire, homme au fait de notre brouille, s'est retranché sur le fait qu'il n'était pas avocat et qu'en tout état de cause je n'étais pas encore mort. Cette rebuffade n'a pas arrêté celui qui se considérait alors comme le chef de la famille parce que le plus âgé. Alors qu'il se rendait chez un avocat spécialisé dans ces affaires d'héritages, je revenais à la vie. Dire que, chez ces gens-là, la joie de me revoir bouger, marmonner, atteignait des sommets, serait un mensonge. Émile, lui, pleurait de joie. Mais les autres pleuraient sans larmes leurs illusions perdues: ce sont des gens décents. Ils n'ont même pas attendu que je sois remis totalement sur pied pour entamer une procédure visant à me placer sous tutelle. Je passe sur leurs allégations pour arriver à leurs fins. Toujours est-il qu'aucun juge n'a voulu les entendre. Ils ont même essayé de me faire interner, exposant je ne sais trop quelle dépravation ou lacune mentale dont ils m'accusaient. Toutes ces petites gens, petits moralement cela va de soi, ne concevaient pas que je puisse donner mes biens à un étranger. Pour eux, tout devait revenir à la famille, sans tenir compte du passé. C'était intangible. Émile et moi avons subi la vindicte de cette engeance assoiffée de haine, bouffie par l'appât de l'argent. Et puis, tout le monde s'est calmé: les avocats coûtent très chers. Moi, je n'avais pris aucun conseil, assuré de mon bon droit. De plus, certains policiers, voire même deux magistrats, menaçaient de les poursuivre s'ils continuaient à me harceler de la sorte. Il ne leur restait plus qu'à attendre patiemment que je veuille bien casser ma pipe. Le sort en a voulu autrement. Presque tous s'en sont allés avant moi. Il ne reste que tes parents et toi, Armand. Alors, en souvenir du bon vieux temps et des niches que cette engeance m'a fait subir, tu peux venir t'installer ici. Je n'occupe que le rez-de-chaussée. Tu pourras emménager selon ton goût à l'étage. Il est à ton entière disposition, fais-en ce que tu voudras. Je me ferais un honneur de respecter scrupuleusement ta vie privée. Tu pourras aller et venir sans même passer par mon coin. Bien entendu, je n'en informerais pas tes parents, sois sans crainte, et pour cause. Qu'en dis-tu? >>

Cette proposition présente un grand avantage: Armand restera en famille, chose qui lui tenait beaucoup à cœur, même si ce grand-oncle est encore, sur bien des points, un inconnu pour lui. Pourtant, il craint d'avoir un triste rôle à jouer: celui de garde-malade voire de garde-gâteux. En effet, si le grand-oncle perd la raison, vu son âge, jamais il ne l'abandonnera lui qui l'accueille avec tant de gentillesse. Très vite, il oublie cette conjecture. Il accepte timidement mais avec reconnaissance. Monsieur Gédéon conclue le sujet:
<< - Parfait! On va manger. Ensuite, si cela vous agrée, vous pouvez rester coucher ici. Comme ça, demain vous serez tous sur place pour préparer cette installation. Je suppose que personne ne travaille un week-end? >>

J'hésite un peu, rougissant. J'aimerais tant me blottir frénétiquement dans les bras de Victor dont je devine les idées lubriques à mon égard. Le vieil homme sourit, précise:
<< - Ne craignez rien, les murs sont isolés, on n'entend pas ce qui se passe dans la pièce voisine. On voit bien que c'est tout neuf pour vous deux, pas vrai! >>

Le plus satisfait reste Armand. La soirée se déroule dans une atmosphère sympathique. On parle de divers sujets. Notre hôte n'ignore rien de la vie d'aujourd'hui, des jeunes, des homos. S'il se complait dans la solitude, il n'en suit pas moins la vie sociale et culturelle. Nous participons tous au repas, à la vaisselle, à la mise en ordre des chambres. Nous ne regrettons pas notre incursion chez Monsieur Gédéon, loin de là!

Mes doigts se faufilent dans la toison de Victor. Il apprécie, répondant en posant ses lèvres sur les miennes, entre deux phrases. Nous parlons de notre journée, des aléas nous conduisant vers telle ou telle destinée. Nous remercions mentalement Armand de nous avoir fait connaître son grand-oncle. Mes paupières s'alourdissent. Je tente de résister au sommeil, en vain. Je m'endors dans les bras de celui qui me protège, qui m'aime, peut-être, heureux de nous.

*****

Prendre le petit déjeuner dans un jardin, sous la charmille, voilà qui ne m'était jamais arrivé de ma vie! Avaler le premier café au rythme du gazouillis de moineaux guillerets est une découverte pour moi. Victor me promet beaucoup de matins comme celui-ci. Ce qui m'enchante car cela signifie que je suis un peu plus qu'une agréable aventure pour lui. Nous saluons Monsieur Gédéon qui apparaît frais, pimpant, immédiatement suivi d'un Armand ébouriffé, les yeux gonflés par le manque de sommeil et rougis par les larmes: mauvaise nuit pour lui. Il aura beaucoup de mal à s'en remettre. Putains de parents à la con! Je les maudis d'avoir blessé à vie un aussi gentil garçon que leur fils. Afin d'occuper l'esprit du malheureux, nous décidons du programme de la journée: nettoyage complet du futur logement. Sans perdre de temps, nous sommes à pied d'œuvre, une fois revêtus de vieux vêtements procurés par le maître de maison. D'ailleurs, ces tenues d'une autre époque motivent bien des rigolades dès que nous les portons.
La journée passe vite, juste interrompue par un déjeuner léger mais reconstituant et une pause café dans l'après-midi. Peut avant le dîner, les locaux sont propres, débarrassés de toutes vieilleries. Nous n'avons pratiquement pas vu Monsieur Gédéon, occupé dans son jardin.
Le dimanche nous procédons au transfert de meubles entreposés bien à l'abri dans une réserve pour les porter dans l'appartement d'Armand qui dispose, dorénavant, d'une chambre avec salle de bain, d'un salon, d'une cuisine restant à aménager (anciennement lingerie), d'un bureau et d'une pièce pouvant servir à ce que bon lui semblera. Nous effectuons un aller-retour à mon domicile afin d'y récupérer les effets de mon ami. Deux véhicules suffisent pour tout transporter, on prend donc ma voiture et celle d'Armand, laissant celle de Victor dans mon parking. Ce week-end s'achève sur un dîner somptueux confectionné par notre hôte. Ce dernier nous offre le coucher. Nous ne pouvons accepter: demain, le travail reprend très tôt. En réalité, Victor et moi aimerions passer la nuit dans mon lit. Certes, la demeure du vieil homme est des plus confortables. Cependant, nous ne nous y sentons pas libres, sans raison d'ailleurs. Mais nous lui promettons de revenir passer un week-end. Il nous fixe immédiatement une date: celle de ces 89 ans, soit dans un peu plus d'un mois. Avant de nous séparer, il glisse à mon oreille:
<< - Je vous remercie de m'avoir amené Armand. >>

Il refuse toute réponse, me gratifie d'une poignée de mains encore énergique. Petits bisous affectueux sur les joues d'Armand et nous voilà partis.
En route, nous sommes silencieux. Ma main caresse la cuisse de Victor qui, de temps à autres, jette un rapide coup d'œil dans ma direction avec un sourire des plus bandants.

Nous ne nous jetons pas frénétiquement l'un sur l'autre. Notre passion s'affirme autrement. Nous passons un long moment à nous caresser, nous embrasser, nous regarder. Le contact de nos peaux suffit à nous apaiser. Les queues, l'une contre l'autre, raides, se complaisent. Tout à coup, le petit dur à cuire s'écarte un peu, devient sérieux, demande:
<< - Tu ne me feras jamais de mal, dis? >>

Oh que non! Je le lui crie haut et fort. Où est-il le marlou du métro? Il est vrai que sa bande de copains est plus du genre gentillet que celui d'une bande de malfrats tapant sur tout ce qui bouge. Mais qu'il a besoin de se sentir aimé, le Victor! Pourquoi? Je ne veux pas le forcer. J'attendrai que l'envie de me parler s'empare de lui. Je me plaque un peu plus contre son corps, le serrant plus fort dans mes bras. La fatigue causée par les efforts physiques des deux derniers jours nous oblige au repos. Le sommeil nous enveloppe.

6 heures! J'ouvre un œil. La routine reprend ses droits. Je me lève doucement. À peine debout, j'entends la voix de Victor récriminer: il apprécierait un câlin. Qu'à cela ne tienne, mais rapidos! Je n'ai guère de temps devant moi. Juste un petit câlin, qu'il supplie le coquin. En moins de deux, je me retrouve bite protégée dans son cul, le limant tant et plus, avec une ardeur jamais égalée. Faut dire que nous n'avons pas baisé depuis une journée et demi. Nous avons un certain retard à rattr. J'oublie le boulot pour ne plus me consacrer qu'à l'occupation fort délectable du moment. C'est à mon tour de subir sa queue infernale dans mon trou. Je me laisse enfourner avec délice. Nous continuons par un 69 des plus savoureux pour enfin éjaculer avec force grognements de plaisir. Je regarde le réveil: il ne nous a pas fallu plus de 17 minutes pour assouvir l'urgence de nos désirs charnels.

Pendant que je m'apprête pour aller travailler, Victor s'occupe du petit déjeuner. Je lui propose de prendre son temps voire même de rester chez moi s'il le désire. Il refuse, d'un ton que j'estime brusque. Le gaillard craint que je ne lui mette le grappin dessus. Mais peut-être qu'il ne s'agit que d'une impression sans fondement. Il avale juste un café, s'habille après une rapide douche. Nous nous séparons sans omettre de se rouler une pelle magistrale.

*****

Un appel de Monsieur Gédéon. Il m'apprend qu'Armand reprend un peu le dessus mais qu'il manifeste le besoin de s'isoler par crainte d'autrui. Près d'une semaine s'est écoulée depuis son déménagement. Aussitôt raccroché, j'appelle Armand. Il semble serein. Je lui propose une sortie. Il refuse. Après quelques minutes à le tarabiscoter, il m'avoue enfin qu'il ne veut plus venir en ville, craignant d'y croiser ses parents. Pour lui, cela devient une hantise. Patience, nous arriverons bien à le sortir de cet embarras. Après un long palabre durant lequel je lui démontre que se cloîtrer s'est se rendre malheureux et que, s'il se rend malheureux il rendra ses amis malheureux mais surtout cela rendra ses parents heureux. Un peu tiré par les cheveux, l'explication, mais efficace puisque mon interlocuteur accepte une petite virée samedi prochain.

J'aime les soirées en semaine pour leur calme, après une journée de boulot. Souvent seul, je me ballade nu dans l'appartement, en toutes périodes de l'année. Je déambule selon ma fantaisie, me gardant bien de quelque obligation que ce soit. Je me branle et me gode au gré de mes besoins. Je mange à hauteur de mon appétit suivant mon goût du jour. En résumé, je vis au rythme du moment. Par contre, je déteste les visites impromptues. Non que je me considère comme un personnage de haute facture, ne recevant que sur rendez-vous! Loin de là! Mais j'aime recevoir en toute connaissance de cause et ne veux jamais être pris au dépourvu. Telles sont mes pensées en entendant le grelot de l'interphone alors que je viens de terminer mon verre de porto. Quel intrus ose violer ma liberté? Victor participe à une course de motos. Aussitôt mon esprit s'affole: ce sont peut-être les policiers venus m'annoncer un accident. Je me précipite sur l'engin de communication afin de répondre. La voix tonitruante de Monsieur Ex agresse mes oreilles. Je suis heureux de l'entendre, non parce que c'est lui mais parce que ce n'est pas ce que j'imaginais. Le gêneur insiste pour que je le reçoive. Maintenant que l'ambiance de la soirée est gâchée, je n'ai plus qu'à lui ouvrir. Avant de le laisser entrer dans l'appartement, je range tout mon attirail à plaisirs solitaires, revêt un short et un tee-shirt. Je suis tout juste prêt lorsque j'entends la sonnette de la porte. L'œil hautain, la lèvre un tantinet dédaigneuse, le sourire un soupçon goguenard, Monsieur Ex me salue d'un bisou sur le front qui se veut tendre. Vraiment, il ne changera jamais. Je lui montre ma hâte à le voir partir en ne lui offrant rien à boire, pas même de s'asseoir. Il passe outre, s'installe confortablement dans un fauteuil, me demande des nouvelles de ma santé alors que, manifestement, il n'y porte aucun intérêt. Suit un long monologue dans lequel regrets, souvenirs se mêlent. Mais que veut-il bon sang? Il me fait lanterner. Je me sers une copieuse rasade de porto, toujours sans lui en proposer. Je ne l'écoute pas, je ne veux pas l'écouter. Je déguste mon apéritif. Il continue sur sa lancée: je suis seul, il est seul, pourquoi ne pas recommencer, et ainsi de suite. Je l'observe. Il me paraît bizarre, quelque chose d'inhabituel émane de lui. Serait-il sincère? Mes yeux me tromperaient-ils? Monsieur Ex éprouverait-il de la tristesse pour de bon? Ou alors, est-ce l'effet de ce second porto généreusement servi? Le visage ne porte plus aucune trace de ricanement, de fierté machiste. Bertrand se lève, s'approche de moi, s'assied à mes côtés, pose sa main sur une de mes cuisses. Les frissons se répandent dans ma chair. Surtout, ne pas fermer les yeux afin de mieux savourer cet attouchement. Le salaud m'électrise toujours autant dès qu'il me touche. Je vois sa bouche s'approcher de la mienne. Je ne résiste pas. Toute volonté m'abandonne. Je suis lâche. Je savais que je cèderai, il le savait également. Ses bras prennent ma taille, m'attirent plus près de lui. Dieu que sa langue enveloppe bien la mienne! Comme elles sont faites l'une pour l'autre! Plus rien ne compte mis à part ce corps qui se colle au mien. Les lèvres s'activent sur ma peau désormais mise à nu. Les mains furètent les moindres parcelles de mon épiderme. La langue laisse une trace de salive tout au long de son passage. Des doigts entourent mes couilles qu'ils caressent puis vont s'occuper de ma queue en érection. Un regain d'amour-propre m'oblige à ne prodiguer aucune caresse à Bertrand. En fait, je trouve cette excuse afin de me laisser aller à ses câlineries. Je salive de bonheur, je ronronne presque. Il se sait vainqueur, je me sais vaincu. Sa bouche happe ma bite. Ce doux contact velouté provoque quelques spasmes de mon corps. Instinctivement, je pose mes mains sur sa tête, l'accompagne dans son mouvement, non sans omettre de passer mes doigts dans sa chevelure brune, bouclée, abondante. J'ouvre enfin les yeux. Comme à chaque fois avec lui, le miracle se produit. Il est là, à genoux sur le canapé, ôtant ses fringues. M'apparaît alors cet homme splendide dont chaque élément corporel est une perfection, selon mes critères. Puissance, volupté, sensualité, se dégagent du personnage. À n'en pas douter, ce mec a été fabriqué pour la baise, pour les plaisirs charnels en tous genres, pour moi uniquement cela va sans dire. Voir ses muscles tressauter au moindre mouvement, son nez palpiter à l'approche d'une partie de jambes en l'air, représente déjà une jouissance pour le partenaire. Les mains chatouillent la rosette avant de tenter une incursion anale que les phalanges n'hésitent pas à réaliser. Très vite la langue prend place devant l'orifice aux mille éblouissements. Elle lèche, tâtonne, vrille, humecte. De nouveau les mains s'activent, malaxant mes fesses. Pendant que la bouche reprend ma queue qu'elle divinement. Je me conduis comme une chiffe molle sans un geste. Je me contente de glousser mon plaisir à chaque instant. Maintenant, je sens la bite encapuchonnée de Bertrand folâtrer avec mon anus. Il s'en sert comme d'une matraque, tapote mes fesses à l'aide de son engin plus que merveilleux. Jamais, dans toute ma vie sexuelle, je n'ai vu pareil braquemart. De taille conséquente, il ne cesse d'être en érection dès qu'on l'approche. Dur, il se fait docile au moment de la pénétration, s'engouffrant dans un cul avec délicatesse. Pas une seule fois il ne m'a causé quelque douleur que ce soit, même lors des baises soudaines, brutales. Droit, épais, il fornique de façon sensationnelle. En ce moment, il me pistonne avec grâce, causant mille joies à mon anus comblé. Je le sens pénétrer, se retirer, pénétrer de nouveau. Bertrand ahane, sue tant et plus. L'éjaculation s'approche. Ses petits gémissements le confirment. Il s'affale sur moi, donne plusieurs coups de reins significatifs: son foutre gicle dans la capote pendant que le mien s'épanche sur mon ventre.

À peine remis de mes émotions qu'une violente colère s'empare de moi. Irraisonnée, cette mauvaise humeur me rend encore plus atrabilaire. Je peste pour avoir céder. Je râle d'avoir pris tant de plaisir. Je fulmine contre ma lâcheté. Je grogne contre sa victoire. Je m'injurie pour avoir trompé Victor, non pour cause de coucherie, mais parce que j'ai pu me rendre compte que question cul, il ne valait quand même pas Bertrand. Ces sentiments se manifestent concrètement. Je hurle à ce dernier de foutre le camp vite fait. Interloqué, il ne comprend pas, me montrant le canapé duquel nous venons de nous lever, comme pour me rappeler ce que nous venons de vivre. Justement, je ne veux pas me rappeler ces instants de baise glorieuse. Il exprime le désir de prendre une douche. Je refuse: qu'il parte! Blessé dans son orgueil, il regimbe d'une façon pitoyable en exigeant que je lui rembourse la moitié des meubles que nous avions achetés lorsque nous étions ensemble et qu'il m'a laissé le jour où il m'a plaqué. Du coup, la colère s'est envolée. Je le connaissais macho, borné, à la limite du sadique car jouant avec les sentiments d'autrui, mais pas mesquin. Ne sachant trop que dire, je réponds la première chose qui me vient à l'esprit: qu'il m'envoie le double des factures, je le paierai ensuite, mais je ne veux plus le voir.
La porte claque bruyamment. Bertrand parti, je regrette aussitôt mon attitude. Après tout, il a réagit en fonction de mes propres agissements une fois la baise terminée. Une évidence m'apparaît: il désirait vraiment revenir avec moi. Pas question! Son autorité de mâle borné m'en a trop fait voir par le passé. Ses coucheries presque devant moi, dans notre appartement, se multipliaient. Il me narguait, provoquant à tous moments ma jalousie pourtant fort raisonnable. Parfois, en présence de ses amants, il m'insultait, sûr de m'avoir attaché à lui pour toujours. Non, plus question de vivre à ses côtés. D'ailleurs, Victor m'aime, je l'aime. Enfin, c'est ce que je crois. Qu'importe les motivations de Bertrand! J'espère, pour le moins, que cela lui mettra dans le crâne que je ne veux plus le voir.


À suivre …

Comments:

No comments!

Please sign up or log in to post a comment!