Victor (3)
Les péripéties avec Monsieur Ex laissent un goût amer dans ma mémoire. Je m'en remets difficilement d'autant que Victor fréquente de plus en plus souvent ma tanière, qu'il y reste de plus en plus longtemps. Je ne peux m'empêcher de comparer, surtout aux moments cruciaux. Comment un homme aussi peu sociable que mon Ex peut laisser d'aussi agréables souvenirs dans le crâne des gens qu'il effrontément? Pourquoi ne puis-je me l'ôter de l'esprit, tout bonnement? J'en viens à me demander si, en fait, je n'arrive tout simplement pas à me l'ôter du cul. C'est bien ça! Il me tient par le cul! Je frémis rien qu'à penser à sa façon de baiser, à ses pelles, à ses fellations, à ses léchages. Et sa bite, ce monument fait art! Je bande, j'en éjaculerais presque. Oui, il me tient par la chair! Je me dois de ne plus établir de comparaisons entre Victor et lui. C'est le seul moyen de m'en sortir.
Légèrement remis de ma récente faiblesse (je n'emploie plus le mot lâcheté), je rentre du boulot, passant par le parc habituel. Une grosse voix charmante me distrait. Il ne manquait plus que lui! Le massif Eugène se pointe à mes côtés, tous sourires. Une fois les politesses formulées, il m'accompagne dans ma marche, sans un mot. Une folle pensée s'incruste dans mon esprit. Je ne résiste pas, demande s'il connaît Victor Z
il répond affirmativement d'un hochement de tête, la mine devenant plus fermée. Je crois avoir touché un point sensible. Toutefois, pas question d'approfondir la question pour le moment. Nous arrivons devant mon immeuble. Je propose un verre. Il accepte, sourire revenu sur ses lèvres.
Je passe sous la douche, me vêt confortablement, et me voilà frais et dispos. Durant ce temps, Eugène s'est sustenté d'amuse-gueule arrosés d'un pastis relativement costaud. Deux doigts de porto me suffiront. Je m'assieds en face de lui. Nos regards se croisent, s'attardent l'un sur l'autre. Sans prévenir, il questionne:
<< - Quand tu fais l'amour avec un mec, c'est toi qui encules ou pas? >>
Cloué sur place mon doux moi! Figé le gus! Moi qui le pensais hétéro pur et dur! Voilà qui s'appelle se gourer! En y réfléchissant bien, c'était une interprétation de ma part.
<< - Les deux mon commandant, selon la personne, l'envie du moment. >>
Il opine du chef, daigne m'expliquer:
<< - Avec Victor, on s'est rencontrés plusieurs fois. On évitait d'en venir au côté sexuel, sans trop savoir pourquoi. Enfin si. On fumait, c'était la raison de nos rencontres, presque. Peut-être que nous fumions parce que nous avions peur de nous dévoiler. Je ne suis pas très démonstratif et j'hésite beaucoup. Mais une fois décidé de sauter le pas, alors je suis très direct, comme avec toi aujourd'hui. Le jour où c'est arrivé, Victor et moi, ça n'a pas marché. Moi, les branlettes, ça ne me chante pas trop. Je n'ai besoin de personne pour ce genre de truc. Il voulait bien que je le baise à condition de me baiser. Pas question de donner mon cul, je suis un mec! >>
Et bing! Un connard de plus! Combien le monde contient-il de cons en tous genres et de ce genre en particulier? Alors j'y vais de mon couplet. D'abord, se branler à deux peut être fort agréable dans la mesure où les caresses, les baisers, et quelques autres mignardises accompagnent la séance. En tout cas, même sans ces gâteries complémentaires, c'est autre chose qu'une masturbation en solitaire. Ensuite, enculer ou se faire enculer ne détermine en rien la virilité. Au demeurant, qu'est-ce que la virilité? Quand on est pédé, si on veut enculer, faut bien qu'un autre mec accepte de se faire enculer. Si personne ne voulait se faire enculer sous le prétexte de rester un homme, la sexualité des pédés se réduirait terriblement. Et me voilà parti dans une dissertation visant à rendre mon auditoire un peu plus réceptif (si j'ose dire) au fait de se faire enculer.
<< - Puisque tu aimes être direct, une fois rassuré, je le serai aussi. Tu peux me baiser toute la soirée et toute la nuit si tu veux. >>
Un sourire radieux se fige sur son visage. Je retrouve enfin l'homme de notre première rencontre au moment où il m'abordait. Toutes mes mauvaises pensées s'envolent. Ma tête ne s'emplit que du mec que j'ai en face de moi. Derechef, je le rejoins sur le canapé où il ne tarde pas à m'attirer vers lui. Nous entamons les choses sérieuses par une pelle inoubliable, de celles que l'on aimerait éternelles. Ses caresses, un peu brusques parce que maladroites, montrent son peu d'habitude ou plutôt son peu de pratique. Il ne doit pas s'envoyer en l'air tous les jours, mon bon Eugène! Un frustré, probablement. Si j'en crois les quelques bribes lorsqu'il parlait de lui, ses dragues doivent s'avérer longues, épuisantes pour la personne draguée. On doit souvent abandonner face à un mec aussi difficilement "accrochable". Et en plus, il croit les autres peu abordables! Foin des explications psychologiques du pourquoi du comment! L'heure est aux galipettes et je vais m'y adonner avec entrain et application! Cette main qui se hasarde dans mon dos me rappelle à mes devoirs d'amant. C'est parti! Je gobe cette langue qui me cherche, je la suce, la retient prisonnière dans ma bouche. Mes doigts farfouillent dans son entrejambe afin d'y taquiner la bite déjà au garde-à-vous. Je me fais une idée, au tâter, de l'importance de la chose. On ne peut pas crier à la merveille, mais rien ne permet de rechigner.
J'ai la tête vaseuse par manque de sommeil. Les jambes flageolent à cause d'une faiblesse due aux exploits nocturnes. Un effort, mon tout beau, l'homme qui dort dans ton lit doit avoir besoin de forces. Tu as un petit déjeuner à préparer. Que nenni! Lui aussi s'éveille, bite raide en l'air, m'att par le bras, me fait choir sur lui, ferme ma bouche, prête à émettre quelques récriminations de pure forme, par une pelle comme lui seul en a le secret. Pendant qu'un bras me maintient fermement contre lui, la main libre s'affaire dangereusement vers mon anus passablement irrité par cinq assauts ayant duré chacun près d'une demi-heure! Deux doigts s'aventurent à l'intérieur, précautionneusement. Eugène susurre à mon oreille:
<< - Je vais le laisser au repos, je le retrouverais ce soir. J'ai envie d'un 69. >>
Comme c'est drôle! J'ai une fâcheuse (?) tendance à obéir à ce genre d'ordres. Je me plie à ses volontés avec une rapidité et une application déconcertantes. En position! Les bites bien au chaud, nous fourbissons nos bouches afin de les rendre les plus accueillantes possibles. Nous avalons nos dards et leur assénons une fellation de bon aloi. Cela n'empêche nullement les caresses. Quelques interruptions permettent un gros baiser exigeant certaines contorsions corporelles afin que nos bouches se rencontrent. À ce petit jeu, la pression monte vite, chez moi. Je ne suis pas un éjaculateur précoce, sauf lorsqu'il s'agit de pipe. Allez savoir pourquoi! Mais c'est ainsi. Je grogne afin d'alerter un Eugène pas mal absorbé par son occupation. J'interrompe la mienne afin de lui repousser sa tête. Il maugrée. Je le préviens de l'imminence du feu d'artifice qui titille mes couilles. Il comprend. Ses doigts m'achèvent. Je lui rends la politesse. Une pelle clôt notre bonjour matinal. Un il sur le réveil, je crie que je suis en retard pour le boulot.
Mais oui, mon Eugène, restes ici si tu veux. Non? Tu bosses également? Alors à ce soir, comme tu me l'as dit juste avant le 69. Non plus! Pourtant. Ah! Tu as oublié que tu étais de permanence. Tu viens de t'en souvenir. Tant pis, ce sera pour une autre fois
j'espère.
Juste un petit bécot sur la bouche et nous voilà tous deux dans la rue partant chacun de notre côté. Dans le métro, je rumine ma déception. M'aurait-il laissé espérer une nouvelle nuit uniquement pour obtenir un 69? Idiot! Et pourtant
*****
Monsieur Gédéon! Voir ce personnage chenu, fragile, mais ô combien adorable, chasse mes noires pensées de la journée. En effet, je n'ai cessé de ressasser la déconvenue nommée Eugène qui me laissait entrevoir de nouvelles prouesses avant de pratiquer une fellation réciproque tôt ce matin, et qui, une fois satisfait par l'acte, jouait les oublieux afin de ne pas tenir parole. Tout le jour je cherchais ce qui, autrement, avait bien pu provoquer une telle réaction. Quel imbécile de croire que je traversais une période faste! Ou alors, elle venait de se terminer par ce que l'on appelle un bide.
Je ne m'attendais pas à une visite de Monsieur Gédéon. D'abord parce que sa personne n'occupait pas mon esprit, ensuite parce que l'homme sort peu et, pour ne pas dire jamais, pratiquement pas en ville. Son aimable sourire, son air affable, m'apaisent. Je lui montre mon meilleur fauteuil, lui propose un doigt de porto qu'il accepte avec plaisir. Tout de go, il m'invite à dîner dans un restaurant de mon choix. Je me braque un soupçon: tenterait-il de m'attirer dans ses filets? Je respecte beaucoup les personnes âgées, quelles qu'elles soient, mais de là à
non, pas question! Soit, peut-être quelques petits câlins très anodins, juste histoire d'apporter un peu de baume au cur de l'ancêtre, mais pas plus. Pareille concession ne vaut certes pas une soirée en amoureux. Mon visiteur comprend ce qui se passe dans mon cerveau. Il me rassure:
<< - Tu sais, depuis la disparition de mon conjoint je ne chasse plus. Quand il était là, nous avions nos jours de chasse, comme nous appelions les périodes durant lesquelles nous allions chercher de nouvelles amours éphémères. Bien entendu, l'âge venant, on se tournait vers les gigolos, lui comme moi. Cela ne nous posait aucun problème. Cette liberté organisée nous a certainement permis de rester ensemble si longtemps. À chaque fois, la période écoulée, nous nous retrouvions avec autant de plaisir et nous nous donnions l'un à l'autre comme aux premiers jours de notre amour. Mais dès qu'il est parti, je n'ai plus eu le courage, ni l'envie, de réitérer ces escapades. D'ailleurs, leur raison d'être s'en était allée avec lui. Non, je n'ai aucune intention de te harceler. Je veux simplement te parler d'Armand, ou plutôt que tu me parles de lui. Je le connais mal, ne l'ayant vu qu'à deux ou trois reprises en des occasions difficiles pour moi. Je n'aimerais pas commettre d'impair envers lui. Il ne cesse de te louer, parle de toi comme de sa véritable famille. Alors, je pensais qu'un petit tête-à-tête, toi et moi, permettrait d'aborder ce sujet de façon plus sympathique. Tu sais, depuis qu'il est à la maison, il parle peu, semble s'ennuyer. Je comprends que ce n'est pas drôle de vivre avec un vieillard. Je ne veux pas qu'il se croit obligé de rester. Enfin, tu vois ce que je veux dire. >>
Il m'implore presque. Son regard ne laisse aucun doute quant à ses saines intentions. Cet homme, en conviant son petit-neveu à vivre sous son toit, espérait se créer enfin une famille, compensant ainsi en partie la disparition de son conjoint. Des doutes viennent ternir ses projets, à moins que ce ne soient des précautions. J'accepte son invitation tout en lui précisant que c'est bien Armand, et lui seul, qui a émis l'idée d'en appeler à son grand-oncle, alors qu'il se trouvait chassé par ses propres parents, et personne d'autre. Monsieur Gédéon paraît heureux de cette nouvelle. Il me demande de prendre mon temps pour me préparer, précisant:
<< - À ton âge, un rien t'habille! Je sais que tu ne seras pas long. >>
Cinq minutes plus tard, bras dessus, bras dessous, je l'emmène au troquet du coin où l'on sert un mironton que même un dix sept étoiles ne saurait mijoter, arrosé d'un petit picrate à faire pleurer d'envie n'importe quelles papilles gustatives. Ne parlons pas des desserts fabriqués maison (du début jusqu'à la fin). Et tous ces délices pour une somme modique.
Madame Michèle nous reçoit très gentiment. Elle m'aime bien. Il y a encore peu, alors que je crevais la dalle, elle m'embauchait pour faire le ménage chaque matin avant l'ouverture, travail qui ne prenait pas une heure puisque le plus gros était fait par son mari trop maniaque pour laisser à quiconque certains soins. En échange, elle me fournissait le couvert et c'était un copieux couvert matin, midi, soir. Je mangeais dans la salle, comme un client, parmi eux. Elle ne me cantonnait pas à la cuisine. Elle était heureuse de me voir heureux. Alors, dès que je le peux, je vais chez elle. Il m'est arrivé d'y organiser un anniversaire, celui de mes vingt deux ans! Près de 40 couverts! Ce soir-là, elle me reprochait de vouloir lui rembourser sa gentillesse. Sacrée Madame Michèle! Mais à toutes ces qualités s'ajoute celles d'une excellente cuisinière, vendant des vins savoureux, le tout servi bon , à un prix raisonnable.
Apercevant Monsieur Gédéon, ses difficultés à se tenir droit, soucieuse du confort de ce client, la maîtresse de maison apporte une chaise plus appropriée. Elle plaque deux bises bien sonnantes sur mes joues puis vaque à ses occupations après nous avoir servi un porto, apéritif que je préfère quand il s'agit d'un bon cru.
Monsieur Gédéon décide de se laisser aller. Basta du régime et de ses contraintes. Ce soir, il est de sortie! Néanmoins, il veille à ne pas trop r. Il me parle beaucoup de son conjoint: Valérien. Pour être plus précis, il ne parle que de lui. Alors qu'il déguste sa salade de fruits, j'en profite pour le taquiner et amener, par la même occasion, la conversation sur le sujet ayant causé sa venue:
<< - Vous parlez toujours de Valérien et jamais de vous. En fait, vous êtes bien de la même famille qu'Armand: on parle beaucoup des autres mais surtout pas de soi. >>
Il continue de savourer son dessert, s'essuie la bouche avec la serviette, jette un il dans ma direction, lance sur un ton taquin:
<< - Et toi, tu évites soigneusement tout sujet te concernant. >>
Un point partout, égalité! Je commande un café, lui une verveine infusion. Enfin il se décide, m'explique la vie recluse d'Armand depuis son arrivée. Je lui demande de patienter. Son petit-neveu vient de subir un grave choc. Monsieur Gédéon reconnaît mais insiste: Armand s'ennuie et ce n'est, apparemment, pas à cause de ses malheurs familiaux. Je promets de me rendre sur les lieux le week-end prochain, juste histoire de faire une dînette avec eux deux car ensuite je devrai retourner en ville. Probablement que je serais accompagné de Victor. Le sourire éclaire de nouveau le visage de mon interlocuteur. J'essaie de le rassurer encore plus. Au moment de se séparer, Monsieur Gédéon m'interpelle:
<< - Selon toi, c'est quoi l'amitié? >>
Voilà qui me laisse pantois. Je bredouille une banalité. Rieur, il me coupe la parole:
<< - C'est quand deux personnes s'entendent bien et se le disent en se tutoyant. Je m'entends bien avec toi. Si c'est réciproque, oublie le vous et le Monsieur. >>
J'accepte de tout cur. Alors qu'il monte dans sa voiture, Gédéon me lance:
<< - Je sais pourquoi Armand s'ennuie: il te perd. Eh oui! Il t'aime à en crever. >>
Et vlan! Att ça dans les gencives! Pépère sait annoncer les nouvelles! Il aime faire des effets de surprises! Et il réussit, le filou! Armand amoureux de moi! Non mais! Impossible! Pendant que je tourne ça dans mon crâne, le partant m'assène:
<< - Ouvre les yeux! Tu verras mieux! >>
Promis, je vais ouvrir les yeux. S'il y a une chose que je veux éviter à tout prix, c'est de faire souffrir Armand.
Avant de m'endormir, je récapitule ma situation sentimentale: Victor c'est l'amour que j'espère avec un A majuscule. Seulement faudra qu'il laisse de côté les hallucinogènes (c'est comme cela que j'appelle les drogues). Eugène, lui c'est la baise et uniquement la baise. Un mec comme lui dans son lit c'est une féerie de luxures! Armand, mon ami Armand, ma roue de secours, et moi sa roue de secours. Voilà qu'il s'amourache de moi, selon Gédéon! Pas mal pour un type moyen comme moi: trois mecs à mes basques, si l'on peut dire!
*****
Mon premier grand souci consiste à parler sentiments avec Armand. Depuis la soirée avec Gédéon, je ne cesse d'y penser. Comment aborder la question? Je ne dois pas mêler le grand-oncle à cette affaire, donc ne rien dire de sa visite, de notre conversation. L'autre grande énigme réside dans l'attitude d'Eugène. Je suis vexé comme un paon dont on aurait arraché les plumes! Mortifié que je suis! Comment? Il s'évanouit d'amour, souhaitant recommencer nos prouesses la nuit suivante, et ce juste avant une bonne pipe des familles, pour renier ce qu'il a dit une fois le foutre giclé! Il se fiche de moi! Dans le fond, pourquoi se mettre martel en tête? Eugène n'est qu'une aventure, sans plus. C'est vrai, mais quelle aventure! Un baiseur pareil on n'en trouve pas tous les jours. On le classerait dans les rarissimes sans problème. En ai-je connu un comme lui? Réfléchissons un peu
voyons voir
. Mais oui! Monsieur Ex! Dans ce cas, ils se ressemblent sur un second point: pignoufs tous les deux.
À ces deux gars-là s'ajoute un troisième, plus effacé, mais non moins rempli de charmes: Victor. Je me sens bien en sa compagnie. Nous passons des heures agréables côte à côte. Question pieu, ce n'est pas mal non plus. Par certains aspects, c'est même le meilleur si l'on considère que l'acte est complet, le partage total. Avec Armand, aucun sentiment amoureux, mais une très forte amitié. Avec Eugène, le cul incontestablement, avec une restriction: pas question de l'enfiler. Il vient de chasser de mon esprit Monsieur ex, ou plutôt de le chasser de mon cul. Dans ce domaine, c'est Eugène que j'ai dans la peau. Mais avec Victor, sensualité, amour, se mêlent à chaque instant qui nous assemble.
Bien! Mettons un terme à ma relation avec Monsieur Ex dont je viens de recevoir, ce matin, la petite note concernant le mobilier. Envoyons-lui son chèque et, rien que pour l'emmerder, j'ajouterai le prix d'une passe en le lui précisant bien. Cent euros de plus devrait amplement suffire pour une pute de son genre, car c'est ainsi que je le considère. Il n'avait pas à faire montre de mesquinerie si l'on songe à tout ce que j'ai supporté.
Trois noms ne cessent de tournoyer dans mon crâne prêt à exploser: Armand, Eugène, Victor. Le fait de fréquenter assidûment les lieux de drague ne me guérit pas de cette hantise. D'ailleurs je ne fais aucun effort pour attirer les regards et repousse tous les prétendants, alléguant quelques occupations. Pourtant, tout allait si bien avant. Je n'avais aucun questionnement à propos d'Armand. On se disait tout, on partageait bien des sorties, même des amants. On baisait de temps à autres. Tout cela ne prêtait pas à conséquence. Pourquoi s'est-il amouraché de moi, le crétin? Ce que je considérais comme une période faste en amants fort à mon goût s'est révélé être un piège. Maintenant me voilà avec trois types sur le dos, sans vilain jeu de mots. Le plus terrible, c'est que je ne veux en perdre aucun. Eugène n'a baisé qu'une fois avec moi. Pourtant je ne peux plus m'en passer. Une fois veut dire de 17h à 7h le lendemain, d'affilée. Comme quoi, un coup de queue peut changer toute une vie!
Lorsque je me sens tout bizarroïde mentalement, j'astique, je frotte, je nettoie. C'est justement ce que je fais en ce vendredi férié. L'appartement brille comme un sou tout neuf. J'ai même nettoyé et rangé placards, armoires, bibliothèque. Vers 18h, épuisé, je me détends dans la baignoire remplie d'eau chaude. Je me prélasse, au bord du sommeil. Le grelot de l'interphone m'appelle. Je peste: encore une personne qui ne connaît pas mes habitudes: on me prévient avant de venir, bon sang! Je me tire du bain bouillant, patauge sur le carrelage, chope une serviette format grandiose, me précipite afin de répondre: Eugène désire me voir, qu'il monte, la porte sera ouverte! Je me replonge dans le liquide que je juge déjà refroidissant mais très moussant (hi!hi! comme mon fessier à l'idée de la présence de cet homme au vit si entreprenant). Deux minutes plus tard, j'entends la porte d'entrée se refermer. La belle voix demande où je suis. Je réponds façon boudeur. Il se plante dans l'encadrement de la porte, mains sur les hanches, baissant les yeux comme un gamin fautif qu'il est. Passées quelques secondes d'inaction, d'échange de regards, il s'agenouille près de la baignoire, pose ses lèvres sur les miennes. Quel délice! Cette langue caressant la mienne! On en redemande pour la vie! Ressaisissons-nous! Pas le moment de flancher sinon Monsieur croira que je désespérais de le revoir un jour. C'est le cas, mais il n'a pas besoin de le savoir. Il me propose de passer la soirée en ma compagnie, la nuit également si cela m'agrée. Diantre! Qu'il est poli, à moins que ce ne soit de la diplomatie! Je bougonne, pour la forme. Faut quand même pas se laisser faire! Bon, d'accord, mais plus de promesses non tenues! J'ai horreur de ça. On baise, on se tait. C'est toujours mieux que de dire des conneries. Il fait l'innocent! Se relève un peu outré. Je préfère ne pas aller plus avant sinon je sens qu'il ira tirer son coup ailleurs et moi j'en serai tout marri. Je lui fais un geste afin qu'il se penche pour un baiser réparateur. Eugène en position, mes deux bras entourent son cou, l'attirent dans la baignoire dans laquelle il plonge la tête la première. Il n'apprécie guère mais se voit contraint de sourire. Pour me faire pardonner, mes mains s'en vont fouiner du côté de sa braguette. Sa queue regimbe immédiatement, donnant ordre à sa tête d'oublier le bain . Nous gigotons tant et plus afin de dévêtir mon amant, jetant ses vêtements par dessus bord. L'eau éclabousse toute la salle de bain. Question nettoyage, tout est à recommencer ici. Nous entamons une séance de luxure aquatique. De nouveau, je sens cette bite encapuchonnée pénétrer ma chair qui tressaille de plaisir. Les positions incommodes ne nuisent en rien à la fiesta que l'on se donne. La jouissance ne tarde guère. Nous sommes sur place pour nous rafraîchir.
Un coup de rinçage et d'essorage sur les habits trempés d'Eugène, une mise au séchage et, demain, un repassage, ainsi tout sera effacé. Bien entendu, il doit rester à poil: aucune de mes fringues ne lui va. Afin qu'il ne se sente pas seul démuni, je reste nu. Nous passons ainsi la soirée, dînant, baisant, admirant les prouesses sportives effectuées par les acteurs d'un porno totalement imbécile. Dommage: les mecs sont des splendeurs, pas des prix de beauté mais des types sensuels bien dans leur peau, heureux de baiser! Un metteur en scène devrait réaliser un film dans lequel sentiments, érotisme et sexualité seraient mélangés; tout comme ils le sont dans la vie, mais avec un bon scénario, de bons acteurs connaissant leur métier.
Je suis vraiment détendu dans les bras d'un Eugène doux, aimant. Durant la nuit, il me plante sa bite à deux reprises. En compensation, il me pipe deux fois.
Au réveil, comme l'autre fois, il demande un 69, sans rien préciser d'autre. La leçon a été entendue. Dans un coin de ma tête, je note son agréable manie de sucer au lever. La fellation réciproque terminée, nous allons sous la douche congratuler nos parties génitales une fois de plus. Ensuite, nous prenons un copieux petit déjeuner durant lequel Eugène manifeste le désir de passer la journée en ma compagnie. Je ne demande pas mieux. Je ne cache pas ma joie. Mon imagination me montre toutes les folies envisageables durant ces prochaines 24 heures. Toutefois, demain matin il lui faudra partir: je suis invité en banlieue.
*****
Bon, d'accord! J'ai l'il vaseux, la joue flasque, la langue pâteuse. Pas brillant le mec! Le miroir me le dit, preuves à l'appui. Faut préciser que l'Eugène n'a pas débandé depuis hier. Une véritable mitraillette, ou une mitrailleuse (je ne connais pas la différence). J'ai toujours répondu présent, mon anus irrité en témoigne. Ma bite, en feu, demande quelques soins. Va falloir jeûner, question cul, durant plusieurs jours, histoire de remettre tout en place. Une restauration générale des attributs sexuels s'avère indispensable. C'est pas le tout, mais faut que je présente un peu mieux. D'abord, restaurons-nous convenablement.
Eugène, face à moi, avale gloutonnement sont petit-déjeuner. C'est un rapide sur le plan ingestion. Tout juste s'il mâche. Ensuite, il m'empoigne la tête entre ses deux grosses mains, plaque ses lèvres contre les miennes, fourre sa langue dans ma bouche avec une énergie renouvelée. C'est qu'il repiquerait au truc, le polisson. Je voudrais bien, mais pas le temps, d'autres activités m'attendent! Je lui murmure, entre deux "léchouilles" de museau:
<< - Je serais de retour en fin d'après-midi. >>
Il sourit grogne qu'il ne pourra certainement pas. Avant son départ, je précise:
<< - C'est quand tu pourras. Mais avant de venir, téléphone-moi. Je n'aime pas qu'on vienne comme ça, sans me prévenir. >>
Il opine, s'en va.
L'air requinque légèrement me tronche défraîchie. Le soleil appelle à la joie, à la vie. Je retrouve ma vivacité. La route déserte permet une poussée de vitesse que je m'autorise malgré moi. Le trajet dure une heure environ. Gédéon vit dans ce que l'on appelle encore la grande banlieue voire légèrement au-delà, pas en banlieue proche.
J'aperçois la maison, son jardin parfaitement entretenu dans lequel s'affaire le propriétaire chapeau de paille sur la tête. L'homme ouvre le portail en bois afin que je me gare derrière les dépendances. Je le retrouve, inchangé, tout guilleret de la visite. Il me gratifie d'une remarque:
<< - Tu sors de boîte avec une tête pareille. Tu ne t'es pas encore couché? >>
Mais non, rien de tel, mon bon Gédéon, juste un peu de fatigue, le travail tu sais ce que c'est! Mais bien sûr qu'il sait, le Gédéon. À telle enseigne qu'il complète:
<< - Ces nuits laborieuses, dans un lit, avec un ou des collègues de travail, sont difficiles à surmonter les lendemains, c'est bien vrai. >>
Il a donc compris, ce vieux filou. Comme on dit, ce n'est pas aux vieux singes que l'on apprend à faire la grimace. Armand dort encore. Lui et son grand-oncle ont discuté fort avant dans la nuit. De cette longue et intéressante conversation il est ressorti que le vieil homme s'est complètement mis le doigt dans l'il. Son petit neveu n'en pince pas pour moi, même s'il éprouve envers ma petite personne de profonds sentiments, d'où la confusion. Il se pose des questions existentialistes, du genre: qui suis-je? Que fais-je en ce bas monde? Et autres réflexions dont les réponses n'apportent que d'autres questions. Je pousse un ouf mentalement. Je ne me voyais pas du tout expliquant à mon copain que je ne l'aimais pas d'amour, mais d'amitié, que j'appréciais malgré tout son cul et sa bite. Parfait, laissons-le dormir. En attendant, je suis Gédéon dans ses pérégrinations agricoles et horticoles, content de m'intéresser au jardinage. Je possède une curiosité naturelle. J'aime apprendre, un peu tout, histoire de détenir quelques bases. À la vérité, j'ai en horreur de me trouver pris de court lors d'une conversation, en ne connaissant pas le B.A BA du sujet dont on parle. Fierté, orgueil, prétention? Peut-être.
Armand, en short, torse et pieds nus, nous rejoint, manifestant son récent réveil par maints bâillements. Bise à son grand-tonton, bise à son grand ami. Gédéon parle de terminer son repiquage de salades, j'accompagne Armand à la cuisine où il se confectionne un bon café et un jus d'orange pressée. Je l'imite quant au café. Lui aussi remarque les cernes grises ornant mes doux yeux, constate de légères bajoues selon lui. Il me refait le portrait, c'est gentil tout plein! Je ne suis peut-être pas très en forme, mais de là à passer pour un acteur jouant dans le rôle d'un mort vivant dans un film d'horreur, il y a une marge! J'explique donc mes dernières 36 heures de baises frénétiques. À peine ai-je terminé mon récit, qu'il lance la phrase débutant une conversation comme jamais je n'en avais connue auparavant:
<< - Comment peux-tu vivre ainsi, au jour le jour, sans te poser la moindre question? >>
Et moi d'expliquer que c'est justement parce que je vis au jour le jour que je ne me pose pas de question. Armand réplique, rétorque. Peu à peu, il démontre que je me pose des questions, et ainsi de suite. Gédéon, une fois son repiquage achevé, se mêle à notre débat. Nous cuisinons, mangeons, buvons, en dissertant. Nous nous affalons sur des chaises longues, tout en continuant de débattre. 5 heures durant nous philosophons d'arrache-pied!
Le temps vient de se séparer. Je ne regrette pas cette visite, bien au contraire. D'autant que j'ai réussi à sortir Armand de son trou. Il a promis de venir passer le week-end prochain en ville. Gédéon l'accompagnera le samedi uniquement, afin de procéder à divers achats.
Sur le retour, je me déclare heureux de vivre. Oserais-je espérer la venue dans mon lit d'un Eugène lubrique? Pourquoi pas! Tiens, cela fait plus d'une semaine que je n'ai aucune nouvelle de Victor. Ses courses à moto lui mangent tout son temps. Mais, au fait, comment vivent mes deux récents amants? Je ne sais pratiquement rien d'eux: ni le nom de famille pour l'un d'eux, ni leur profession ou leur domicile. Quant au reste, mis à part les rares bribes qu'ils daignent me révéler, c'est le néant complet. Dans le fond, ce n'est pas plus mal ainsi. Dorénavant, à moi de mettre un peu de mystère dans ma vie en ne racontant que très peu de choses sur moi. À partir de maintenant, ce sera donnant-donnant.
*****
Heureusement pour mon intimité physique, personne n'est annoncé pour ce soir, après le retour de chez Gédéon. De la sorte, cul et bite se reposeront. Je ne regrette pas cette fin de week-end d'autant qu'un message de Victor m'attend sur le répondeur. Il passera mardi, compte bien rester quelques jours en ma compagnie. Voilà qui change! À tout prendre, ces deux journées n'ont pas été désagréables, bien au contraire. Mes appétits sexuels ont connu un assouvissement complet. Grâce à Gédéon nous avons redonné un peu de goût de vivre à Armand, nous avons philosophé longuement et utilement. Victor s'est de nouveau manifesté. Il me reste à passer deux nuits et une journée des plus reposantes afin de jouir d'une excellente forme pour après-demain. Dans cette perspective, je dîne d'un rien, me douche. Une fois au lit, je m'attelle à la lecture. Je prévois une demi-heure maximum avant de m'endormir. C'est sans compter sur l'intérêt de cette lecture qui me captive. Lire le "Journal du voleur" de Jean Genêt exige une attention toute particulière, d'autant que c'était la seule uvre de lui que je n'avais jamais compulsée. Je la parcours d'une traite puis plonge dans un sommeil profond, d'un coup d'un seul, sans même avoir mis le bouquin sur la table de chevet.
Je suis dans le brouillard total. Des bruits de clé dans la serrure, une porte qui se referme, des pas qui s'approchent. Quelle sera la suite de ce rêve qui commence? Je suis en paix, rien ne m'effraie. Je devine une respiration retenue, des gestes discrets, un poids qui affaisse un peu plus le lit, un corps qui se plaque contre le mien. J'agrée cette présence. Je savoure cette peau qui se glisse contre la mienne, cette bite qui s'insère entre mes fesses dans un mouvement précurseur de sodomie. Dieu que c'est beau un rêve coquin! Deux mains enserrent ma taille, m'allongent sur le dos, autorisant la présence à se coucher sur moi. Je me laisse faire, attendant d'autres merveilles. Je ne veux pas savoir qui me couvre ainsi. Je comprends la virilité de cette anatomie dont le bâton de chair se frotte sensuellement contre le mien, étalant la mouille généreuse qu'ils dégagent. Des lèvres gourmandes s'emparent des miennes, demandent l'ouverture afin de laisser pénétrer une langue fureteuse. Je réponds à ce que je considère comme un compliment. La pelle dure une quasi-éternité. Je tressaute au moindre toucher de doigts agiles qui cherchent à provoquer mes sens déjà à vif. Je bande étonnement fort. Comme si j'étais à jeun depuis des lustres, alors que je viens de connaître des heures de gloire question baise. L'appétit revient, en quelque sorte. Une main porte un tube à mes narines. J'inspire. La potion magique fait immédiatement effet. Me voilà parti dans des sphères de luxure, sans retenue aucune, sans réserve aucune. Cet état dure peu. Alors deux doigts insèrent dans mon gosier une petite pilule que j'avale sans récriminer. Après tout, il ne s'agit que d'un rêve! Quelques papouilles bien senties, là où je suis le plus sensible, des phalanges qui mignotent mon petit trou, le pénètrent tout en le chatouillant. Je réponds en me cambrant du mieux possible. Nouvelle pelle, nouvelles caresses. Certains mouvements laissent entrevoir d'autres activités. Les corps se retrouvent tête bêche. Les bouches happent les queues hyper tendues. Goulûment, les succions sonores s'enchaînent procurant aux organismes des radiations de plaisirs. Je ne vais plus tenir longtemps. Mon partenaire de rêve ne tient aucun compte de mes demandes muettes mais gestuellement explicites. Bien au contraire, il précipite le rythme permettant ainsi à mes couilles de se libérer de leurs secrétions pleines de spermatozoïdes. Je jouis en enfonçant ma queue dans cette cavité buccale si accueillante. Les deux grosses mains tentent de rapprocher encore plus nos corps, si cela était possible. Je m'apprête à rendre la politesse. Mais il est dit que rien ne se passe comme dans la réalité. Les rêves sont faits pour éviter la réalité, c'est bien connu. J'entends comme une déglutition. Je comprends qu'une langue essuie des lèvres: le vorace ne veut pas en perdre une goutte. Mon esprit flotte. Je suis incapable de savoir si je dors ou si je suis éveillé. Qu'importe! Des instants de plaisirs sont à prendre et je ne compte pas les perdre. Combien de temps s'est-il écoulé avant que je ne sente une paire de fesses se coller contre mon braquemart à nouveau dans le meilleur de sa forme? Je repousse la question. D'autres m'accaparent surtout que je sens ma bite glisser à nu dans un anus que je suppute des plus affriolants. Surpris, je ne bouge pas, laissant mon enculé s'asseoir confortablement sur ma personne et faire un lever-baisser de bon aloi. Quelle merveilleuse sensation que celle procurée par une baise dans un tel demi-coma! J'entends des soupirs. J'entends des gémissements. Je reçois plusieurs giclées de foutre sur mon ventre alors que j'en envois quatre copieuses dans les entrailles offertes. A mon tour, je pousse d'énormes soupirs. Le cul se lève, libérant ma bite. Je suis exténué, je replonge dans un profond sommeil que je pense n'avoir quitté que très partiellement.
C'est l'humeur joyeuse! Sans en connaître la raison, je suis heureux comme un pinson! Stage dans la salle de bain avec nettoyage méticuleux de ma personne. Je m'étonne des tâches de sperme séché sur ma poitrine. Je me remémore les instants oniriques vécus cette nuit. Voilà ce qui m'a mis en joie!
Dans la cuisine, j'ouvre le micro-onde afin d'y insérer mon bol de lait de soja. Je trouve à l'intérieur de cet ustensile une enveloppe. J'ouvre: un billet de 100 euros accompagne un bref mot ainsi conçu: "Pour la passe de cette nuit. Salut. Bertrand"
Je suis sur le cul, au propre comme au figuré puisque je m'assieds. Impossible que ce soit lui, cette nuit. Jamais il n'a voulu que je le baise. La clé, il avait encore la clé? Je me précipite dans ce qui sert de salon-salle à manger. Elle gît sur la table. Nous avons niqué sans capote! Oui mais il était le seul avec qui je niquais sans capote.
Je décroche le téléphone, compose les deux premiers chiffres de son numéro puis raccroche. Après tout, à quoi bon connaître la vérité. Pour moi, cela restera un rêve. Quant aux 100 euros, eh bien n'y pensons plus! Dépensons les!
À suivre
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