Victor (4)
Finie la journée de boulot: je regagne mes pénates. Pas le temps de contempler les beautés du jour éparpillées dans le parc. Cependant, je jette un rapide coup d'il afin de m'assurer qu'un certain Eugène ne traîne pas dans les environs. Je ne le vois pas. J'aime à croire que nos ébats de samedi l'ont comblé au-delà de toute espérance, prétentieux que je suis. Ne pensons plus à lui puisque Victor est revenu!
Long séjour dans la salle de bain, une éternité pour choisir la tenue adéquate. À peine j'enfile un tee-shirt que le grelot de l'interphone annonce l'arrivée de l'homme impatiemment attendu. Mon dieu! J'ai le cheveu hirsute! Vite un coup de peigne. Pas la peine, idiot, c'est à la mode!
C'est bien lui, tout affriolant. Je m'aperçois du vide qu'il laisse lorsqu'il n'est pas à mes côtés. Dès qu'il entre, tout tourne autour de sa personne. Non pas qu'il en soit responsable consciemment, loin s'en faut! C'est un introverti, le Monsieur, un discret, un secret, surtout un modeste. Mais il en est la cause. J'aime le placer au centre de ma petite vie douillette. Je lui fais remarquer que son absence de plus d'une semaine m'a chagriné un soupçon. Ses yeux trahissent une certaine satisfaction devant mon aveu. Il compte bien se faire pardonner ces journées sans moi, c'est du moins ce qu'il exprime oralement puis confirme par gestes très suggestifs. Bien la peine que je passe un temps infini à me bichonner! Victor me chiffonne immédiatement, prenant grand soin de n'oublier aucun recoin de mon corps. Émoustillé que je suis! Frétillant de la croupe, de la bite, enfin de partout. Que j'aime cette douceur! La tendresse me rend tout chose. Je trouve qu'il y a une grande force dans la tendresse, surtout chez un homme. Il s'abandonne à mes papouilles. Je ne me prive pas de le câliner, le bécoter, le lécher, le sucer. Je ne me lasse pas de le pénétrer délicieusement, de me laisser pénétrer par sa queue géante mais ô combien savoureuse. Là, tout de go, debout dans le salon, nous lâchons notre foutre sur la moquette.
Parfait mon doux Victor: mise à part la baise, qu'allons-nous fabriquer de notre temps en commun? La question ne le tarabuste pas trop, en apparence. Dans son merveilleux crâne tout a été prévu, certainement. Bingo! C'est le cas. Attention, amant de mon cur, je travaille, moi! Lui aussi, précise-t-il. Nous y voilà. Mais dans quoi, mon tout beau? Le restaurant où il m'a invité, pardi! Non, il n'est pas employé, il en est le propriétaire! Chaque semaine, il s'accorde un congé, au cours duquel il n'apparaît sur son lieu de travail que pour se sustenter quelques fois et, avant la fermeture, relever la caisse. Il m'explique sa théorie du patron travaillant au rythme d'un salarié, vacances y compris. Je ne renaude pas, ne connaissant rien à l'hôtellerie en général et la restauration en particulier. Il se dit contrit pour ne pas m'avoir dit la vérité sur son statut professionnel. Je pardonne sans un mot mais avec ma langue dans sa bouche et une pelle dite maousse. La conversation repart. Mais où demeure-t-il? Un appartement juste au-dessus du resto, évidemment! Suis-je benêt, j'aurais dû le deviner tout seul! Ces précisions données, Victor m'annonce que je n'aurais pas à cuisiner, tout au moins le soir. Je devrais me rendre à son restaurant où une table m'attendra, dans un de ces petits salons particuliers: un de ceux où le patron se sustente régulièrement. Un seul inconvénient: nous dînerons tard dans la soirée, après le service. Bien chef! J'accepte volontiers! Ensuite, soirée en tête-à-tête et dodo chez lui. Mais son personnel, il ne regimbera pas? Que nenni! Tous sont au courant des murs de leur patron, beaucoup les partagent cela va de soi. Alors tout va bien. Donc, si j'ai compris, nous vivrons en couple durant quelques jours.
Juste le temps d'emballer quelques menus effets de toilettes, deux ou trois nippes (multiplié par 10), et je ferme la porte de ma demeure pour 4 jours. Grimpette sur la moto, une fois le sac attaché. Une première pour moi. En cours de route, j'alerte Armand de mon absence avant d'éteindre mon portable que je remettrai en marche seulement samedi prochain. L'appareil dans ma poche, mes mains s'agrippent au corps voluptueux de mon amant que je souhaite éternel. Mes doigts s'en vont fouiner sous le blouson, tentent de s'introduire sous la ceinture du pantalon. Tout ceci prend du temps, pour cause de maladresse de ma part. Au dernier feu, Victor m'annonce que nous sommes arrivés. Je prends une position plus conforme à la bienséance.
*****
Ah la douceur d'un foyer avec l'Aimé! Tout en dégustant les crudités façon maison, je m'imagine trônant derrière la caisse (ici elle est virtuelle) tandis que mon doux et tendre s'affaire à la cuisine, mijotant une quantité incroyable de petits plats destinés à combler mes papilles gustatives. Bien entendu, le client en profiterait, le personnel aussi, soyons magnanimes. Je soupire. Ce que voyant, et entendant, Victor s'inquiète de savoir si je m'ennuie. Que répondre? Certainement pas la réalité de mes pensées. Je suis tout bêtement heureux, voilà la raison de mon soupir! Il le croit, c'est tant mieux! Le maître d'hôtel, sourcils levés, m'observe gentiment. Je l'ai ouï parler d'une première pour son patron: aucune de ses conquêtes n'est venue manger en ce lieu, invitée par lui, je suis une première. Un serveur me zieute avec condescendance: certainement un ancien de Victor qui éprouve encore pour lui de bien doux sentiments.
Je lui exprime ma reconnaissance pour avoir pensé à me proposer ces quatre journées en sa compagnie. Je me glisse sous les draps, happe la queue déjà en grande forme. Comment engloutir 25 cm? Je m'y efforce cherchant à maîtriser certaine envie de renvoi. J'arrive au deux tiers du morceau. Victor manifeste son contentement en s'occupant de ma queue qu'il enveloppe d'une langue de velours. Il la bichonne comme il le ferait d'une sucette ou d'un bâton glacé.
Mais l'excitation bien trop forte pousse nos sens à se libérer trop tôt. Les giclées de foutre arrosent généreusement nos palais respectifs. Tandis que nous déglutissons ce nectar d'homme, nos mains palpent les arrières de chacun, préfigurant déjà ce qui adviendra de nos fesses dans un très proche avenir.
Miracle de l'amour. Nous ne débandons pas malgré cette première fournée de sperme. Nous prenons position l'un contre l'autre, bouche contre bouche, langue sur langue, bite contre bite. La mienne de bite se cale contre celle de Victor comme pour se mettre à l'abri. Nos bassins ondulent, baignés par la sueur que nous dégageons tant nous sommes bouillants de nous aimer. Alors que je pense jouir ainsi, Victor me bouscule, insère sa pine capotée dans mon anus, pistonne énergiquement ma prostate qui m'envoie des centaines de radiations plus époustouflantes les unes que les autres. Sans prévenir, ma queue éjecte son jus, ma gorge pousse des gémissements de satisfaction. Mon enculeur, secoué de spasmes, mordille mon dos tout en essayant d'enfoncer encore plus son pieu dans mes boyaux. Nous ne bougeons plus. D'une voix feutrée, mon amant décide:
<< - Au réveil, tu me la mets profond, comme j'aime. >>
Nos yeux se ferment.
Réveil à 4h du matin! Ma mère! Que suis-venu faire dans cette galère! Victor s'apprête afin de se rendre aux Halles y faire son marché! Je me recouche, m'enfonce douillettement sous la couette. L'amant de mes rêves procède à ses ablutions discrètement, s'habille de même, ferme la porte doucement. Je me rendors. Un frottement me réveille. Je sens un pied froid se glisser sous les draps: Victor est de retour. Je me blottis contre lui, ronronne pour lui demander un câlin. Il s'exécute en murmurant:
<< - J'attendais ça avec impatience. >>
Nos deux ébats de la nuit n'ont apporté à nos corps qu'un assouvissement momentané. Nous complétons afin d'avoir notre compte pour la journée. Couché sur le côté, Victor me présentant ses arrières, j'insère ma queue capotée dans son cul avenant. Il glousse de plaisir tandis que je grogne de joie. Doucement je le pistonne pendant qu'une de mes mains s'occupe de son énorme bite. Pas de précipitation, pas de positions extravagantes: on baise à la pépère. Que c'est agréable, de temps en temps! Nos foutres s'écoulent, le mien dans le latex, le sien sur le drap.
Il me faut quitter ce nid: le devoir m'appelle, nous appelle. Victor s'active également. D'abord, il change les draps.
Quatre jours de vie en couple, comme si nous étions ensemble depuis des années. Cela m'a permis de comprendre un peu Victor. Il aime proposer, il a en horreur qu'on le brusque. En conséquence, je ne devrais jamais lui suggérer de vivre définitivement avec lui mais attendre qu'il le demande. Toute notre relation sera basée sur ce simple critère. Je devrai faire énormément attention. Son appartement est bien comme il l'a décri. La chambre et la salle de bain sont impeccables, propres, confortables, fonctionnelles. Les autres pièces ressemblent à un véritable foutoir dans lequel s'accumulent divers cartons jamais ouverts, des tas d'objets hétéroclites, même une vieille moto, des cadres de motos et autres casques idoines. Dommage car l'endroit est spacieux, bien éclairé par de grandes fenêtres.
Chaque soir, aux environs de 22 heures, je me pointe au restaurant où le maître d'hôtel me dirige vers un salon particulier, jamais le même (il y en a 15 en tout). Victor m'y rejoins un quart d'heure plus tard, une fois les cuisines fermées et laissées au personnel d'entretien. Lors d'une discussion, il m'explique le fonctionnement de son établissement. Les clients ne sont acceptés que sur rendez-vous. Les cuisines travaillent de 9h à 14h30 et de 18h à 22h. Le maître d'hôtel ou plutôt celui qui en fait fonction, le sommelier, les serveurs, travaillent de 11h à 15h et de 18h jusqu'au départ du dernier client, soit en général aux environs de minuit. Tous ont deux jours de congé par semaine, le patron compris. Bien entendu, je fronce les sourcils en entendant parler de deux jours. Où Victor passe-t-il son second jour de congé? Car, jusqu'à présent, il ne m'a consacré qu'une seule journée par semaine. Il sourit, énigmatique, comprend mon interrogation mais se garde bien d'y répondre. Patientons! Le gredin ne se dévoile que peu à très peu! Le dîner, copieux, délicieux, achevé, aux environs de 23h, nous montons à l'appartement. Et là, nous nous donnons l'un à l'autre sans compter, oublieux du monde dans lequel nous vivons. Plus rien n'a d'importance si ce n'est de souder nos corps, de les faire tressaillir de plaisir. Nous baisons à deux reprises durant la nuit et une troisième fois le matin, à son retour des halles. Sans le vouloir, nous prenons ce rythme.
Le dernier soir, je constate que le personnel montre quelques signes d'impatience, à moins que ce ne soit de l'irritation. Suis-je visé? Dans ce cas, pourquoi? Victor le remarque aussi. Il suggère, en glissant un gros billet sous mon assiette:
<< - Récompense-les, ça les calmera. Donne ça à Jean. Il se charge du tronc commun. >>
100 euros! J'obéis. Avant de suivre Victor à son appartement, je congratule Jean pour le service, le charge de remercier tout le personnel et lui remets le généreux pourboire offert par leur patron, sans le lui dire évidemment mais je complète par cent nouveaux euros: ceux que m'a donné Bertrand, sans en dire un mot à Victor. L'homme de service sourit devant l'importance de la gratification mais paraît soulagé à la perspective de ne plus me voir, certainement. Arrivé dans la chambre, alors que je joue les polissons en masturbant la queue de Victor, je lui fais part de mes impressions concernant son personnel. Bien entendu, je ne pose aucune question, ne prononce aucun jugement. Alors que ses 25cm se dressent dans ma main plus que voluptueuse, il précise:
<< - Je vivais avec Loïc. Nous avons créé ce restaurant tous les deux. Lui s'occupait du service, moi de la cuisine. Le personnel l'adorait. Les gars m'aimaient bien aussi, mais pas autant que lui. C'était un garçon comme on en voit peu. Toujours est-il qu'à sa mort, suite à un accident de moto, ils étaient effondrés. Ils perdaient un très bon copain, à n'en pas douter. Maintenant, ils tournent cette amitié vers moi. L'un d'entre eux, croyant que dorénavant j'étais libre, pensait pouvoir m'attirer dans ses filets. Il m'aime encore, mais je l'ai repoussé avec le plus de ménagement possible. D'habitude, je passe la nuit chez mes amants d'un soir. Mon personnel ne connaît rien d'eux. Et voilà, tout d'un coup, que je leur amène un mec durant quelques jours. Tu es une sorte d'intrus, pour eux, une sorte de remplaçant et un rival pour l'un d'eux. C'est, du moins, comme cela que je l'entends. >>
Je me serre plus fort contre Victor, tout en maintenant sa queue dans ma main. Je sens son bras passer sous moi, sa main caresser mon cou. Son regard fixe le plafond. Une profonde tristesse envahit son visage. Peu à peu, la bite s'amenuise. Je la laisse en paix. Mon amant ne bouge pas. Je respecte sa douleur: parler succinctement de cet amour disparu n'a pas dû être facile. Maintenant, je comprends le pourquoi des pièces inoccupées dans l'appartement, de la vieille moto qui y gît ainsi que des accessoires, sans oublier les cartons fermés contenant, à n'en pas douter, nombre de rappels d'un passé heureux interrompu par une catastrophe.
Je m'endors.
2h! Victor dort paisiblement. Avec délicatesse, je réactive son braquemart. Quelques coups de langues sur le gland, une caresse baveuse sur la hampe et voilà l'engin prêt à fonctionner. Je l'habille de latex, positionne mon arrière-train afin de recevoir la magnifique barre de chair dans mes entrailles. Deux mains s'emparent de mes hanches alors que l'intromission touchait à son maximum. Des lèvres s'attardent dans mon dos, déposant plusieurs baisers. Mon enculeur murmure:
<< - Si on se rendormait comme ça? Je suis si bien. >>
Morphée nous emporte de nouveau, sans aucun problème!
Le réveil sonne. J'ouvre les yeux, comprends que la queue de Victor s'active entre mes fesses bien huilées par le travail de la nuit. Je réponds à l'appel. La chaude queue rue dans mes entrailles quelle bouscule, quelle farfouille. Je suis au bord de la pâmoison tant je prends mon pied. La conclusion de ces ébats ne tarde pas. Nous jouissons, heureux de nous. Un besoin de parler s'ensuit. Quelques brèves paroles échangées. Victor croit bon de préciser quelques points concernant son amant défunt. Il termine en avouant:
<< - Je n'aime pas trop l'alcool, ce qui m'a évité de tomber dans l'ivrognerie. Par contre, j'ai un peu beaucoup abusé de certains tranquillisants, genre fumette. Depuis quelques semaines, je n'y ai plus recours, grâce à toi. >>
Flatté du compliment le mec! J'en rougis comme jeune pucelle s'entendant invitée à une orgie. Il ajoute, presque timide:
<< - Mes potes, ceux que tu as vus dans le métro, savent que je suis pédé. Loïc faisait partie de la bande bien avant que j'y entre. Parmi eux, deux seulement sont comme nous. Je leur ai dit pour toi. Ils s'en foutent que je fume plus. Ils veulent te connaître si on passe quelque temps ensemble, toi et moi. >>
Je rosis de fierté mais cache mon visage.
Le rite ne change pas: lever pour courses aux halles, retour au lit avec séance de jambes en l'air, lever définitif. Cette fois-ci, j'emporte mon sac, mon séjour arrive à son terme. Un gros bisou avant de partir. Au moment où je m'apprête à fermer la porte de l'appartement derrière moi, Victor m'interpelle:
<< - Un mois de vacances avec moi, ça te dit? >>
Mes jambes défaillent! Non à cause de nos galipettes coquines! Mais uniquement en raison de la proposition. Je me retourne vers lui, le regarde, yeux presque larmoyants de contentement:
<< - Si c'est vraiment ce que tu veux, d'accord.
- Si je te le demande c'est que je le veux. Non, tu crois pas?
- Je suis con, hein?
- Pas con, un peu maladroit, comme moi. Peut-être qu'on n'est pas habitué à se dévoiler. Tu crois pas?
- Tu as sûrement raison, Victor. Maintenant, je dois y aller sinon c'est le scandale au boulot. Si je m'écoutais, je te planterais ma bite au cul toute la journée.
- Ose!
- Promis durant nos vacances. >>
Tout en fermant la porte, je l'entends clamer:
<< - Bon! On ne se verra pas durant deux semaines. Ici, on aura plusieurs banquets et deux mariages. Alors on se retrouve lundi en quinze, au matin, chez toi. Je t'appellerai avant. >>
Je gagne le métro en sautillant de joie! Je ferai tout pour que mes congés commencent à la date fixée par mon Victor, même si pour cela je dois démissionner!
*****
C'est l'âme sereine et le cur heureux que je gambade vers mon boulot. Mille merveilles passent dans mon crâne surchauffé où les idées les plus folles se bousculent. Pour la première fois de ma vie, je vais passer des vacances avec mon mec! Enfin
avec celui que je considère comme mon mec. Jamais, avec Monsieur Ex, nous ne sommes partis ensemble durant plusieurs semaines. Il trouvait toujours une excuse. Après mure réflexion, mis à part la baise pour laquelle un premier prix ne serait pas arrivé à vraiment lui rendre hommage, il n'avait rien de palpitant, l'Ex très cher! Mais le nouveau, Victor, détient tout plein de qualités: les réelles et celles que je ne connais pas, sans omettre celles que j'invente. J'ai enfin gagné le gros lot! Je veux m'en assurer! Je veux le croire! Je le veux, je le veux!
Comme prévu, Armand débarque à la maison en compagnie de son grand-oncle Gédéon. Tout paraît au beau fixe, y compris un temps radieux en ce samedi matin. Une fois un peu rafraîchi, Gédéon parle de son programme. Nous convenons de déjeuner ensemble à la maison. Le grand-oncle s'en va. Et maintenant, mon doux Armand? Ce dernier me regarde déclare d'un ton presque honteux:
<< - J'ai pas baisé depuis que j'ai quitté mes parents! >>
Grands dieux! C'est on ne peut plus dramatique! Comment est-il possible de vivre pareille disette? Je plaisante. Lui me regarde, l'il lubrique. Allons bon! Il est dit que je ne me reposerai pas encore. Cependant, faisant celui qui ne comprend pas, je propose une sortie drague. Avec justesse, Armand me rappelle que le samedi matin la "tantouzerie", comme il nomme notre communauté, se fait belle. Les lieux de drague sont vides. C'est en partie vrai même si, parfois, on peut dénicher une affaire pas dégoûtante du tout. Et nous voilà engagés, plutôt connectés, bouche contre bouche, langue contre langue. J'avais presque oublié le goût de ses lèvres. Faut dire que j'ai deux amants de poids, au savoir-faire indiscutable, qui m'ont fort gâté ces derniers temps. Pour l'heure, c'est un excité de la queue qui s'agite devant moi. Ses mains ne mettent guère de temps pour me débarrasser de mes vêtements, s'appliquer sur mes fesses déjà merveilleusement meurtries tôt ce matin par Victor. Armand est impatient, le bougre. Il veut enculer, vite fait. Il a besoin de dégorger, l'affamé. Laissons-le procéder comme il l'entend. À mon grand étonnement, je le vois s'encapuchonner le pénis. D'habitude, nous baisons sans capote, confiants l'un envers l'autre depuis près d'un an. Je ne relève pas cet accroc à nos accords mais n'aurait-il plus confiance en moi? Il plonge sa queue dans mon anus, effectue des va et vient durant deux ou trois minutes, éjacule tout son soûl. Gêné, limite honteux, Armand maugrée un:
<< - J'en pouvais plus! >>
Fort bien mon grand. Je m'en remettrais. Mais ce qui m'inquiète, c'est la capote. Ma réponse, un peu brusque, le choque. Il se ferme, refuse d'en parler, alléguant une omission, une distraction. C'est ça! Et moi je suis le pape! J'insiste, lourdement. Je veux une explication, tout de suite! Il n'arrive pas à prononcer un seul mot. J'ai pigé. Monsieur s'est envoyé en l'air sans protection aucune. Il attend les résultats d'analyses. Il hoche de la tête: j'ai raison. Mais quand est-ce arrivé? Le jour de son coming-out, une idée de suicide a traversé son esprit d'où rapports sans protection. Une fois assuré de posséder le virus du sida, il pensait que ses parents pardonneraient, oublieraient, l'aimeraient pour ce qu'il est. Seulement il n'a pas trouvé le courage de leur dire ses craintes. Quel con! Mais quel con! On n'a pas le droit de se détruire pour des crétins, fussent-ils ses parents! Je le lui gueule dans les oreilles. Les larmes noient ses joues. Bien fait, connard! Pleure! Tu es bien avancé maintenant! Je me calme. J'éclate de rire en constatant notre tenue. Il est là, devant moi, pantalon sur les chevilles, bite encore encapuchonnée. Je lui fais face, à poil, queue en l'air demandant la conclusion logique de nos ébats. Il s'approche de moi, je le prends dans mes bras. Allez! On passera cette épreuve ensemble! Reste que je vais partir un mois durant. Je lui dis tout ça, d'un trait. Rien ne s'y oppose: les résultats tombent
. aujourd'hui! Mais alors, ce coming-out date de plus longtemps que je ne le croyais. Armand explique:
<< - Voilà un peu plus de deux mois, aux infos de la télé, on parlait de la prochaine gay pride. J'étais dans la cuisine en train de me faire un sandwich. J'ai entendu mes parents discuter. C'était clair: ils ne supportaient pas les homos. J'ai décidé de monter dans ma chambre. Alors que j'étais dans les escaliers, j'ai entendu ma mère déclarer qu'elle préfèrerait me savoir mort que pédé. Pour moi, c'était la fin! Tout s'écroulait! Cette conversation m'a boosté un peu, en quelque sorte. Je me suis convaincu qu'il fallait que je disparaisse ou que je pose un ultimatum à mes géniteurs. Pour cela, j'ai quand même attendu plusieurs semaines. Mais depuis cette soirée, je baisais sans capote, dès que l'occasion se présentait. Et des occasions, il y en a plus qu'on ne le croit! Voilà, ça s'est passé comme ça. >>
Tout s'éclaire! Je connais la raison des questions existentialistes! Allez mon grand cher connard, je t'accompagne. Nous connaîtrons ensemble les résultats. Il me remercie d'un sourire mais néanmoins sincère.
Chapeau! Les horaires des rendez-vous sont respectés, dans la mesure du possible. Armand me présente comme un copain: la frousse, vous savez! La doctoresse comprend, nous fait asseoir. Elle prend le dossier, l'ouvre, lit. D'un ton de reproche elle moralise:
<< - Vous vous rendez compte, je pense, de la gravité de vos actes! J'ose espérer qu'à l'avenir vous serez plus sérieux. Vous pouvez partir, vos résultats sont négatifs. >>
Tout juste s'il n'allait pas baiser la main de la médicastre, mon Armand. Il se confond en remerciements, comme si cette brave femme avait le don, par un simple enchantement, d'empêcher le sida de s'attaquer à lui. Du coup, il croit bon de demander, en me désignant:
<< - Alors, lui et moi, on peut recommencer à s'envoyer en l'air sans capote? >>
Maintenant, c'est à mon tour d'être sur le cul (virtuellement). Comme si j'étais son petit copain! Armand s'en aperçoit, me gratifie d'une explication:
<< - Ben oui, quoi! T'es mon régulier, même si c'est de temps en temps. >>
La dame sourit, déclarant:
<< - Allez, messieurs! Prenez soin de vous. >>
Une demi-heure plus tard, de retour à la maison, Armand éprouve le besoin de "me finir", comme il me le dit si bien. À mon tour de congratuler son cul avec ma bite. Je ne m'en prive pas. Quelques contorsions nous permettent des pelles magistrales. Nous éjaculons vite fait, mais bien fait. Juste le temps de prendre une douche, de nous rhabiller, et voilà Gédéon qui réapparaît. Il ne sait rien des supposés soucis de santé de son petit-neveu, nous prenons garde de lui en parler.
*****
Durant ce week-end avec Armand, aucune baise n'est venue distraire nos journées, mise à part celle de samedi matin due à des événements spéciaux. Par contre, les discussions se sont poursuivies, développées. Nous sommes sortis en boîte. Pour une fois, j'ai laissé mon portable ouvert, attendant avec impatience l'appel de Victor concernant nos vacances. Le dimanche après-midi, Armand a simplement reconnu:
<< - Je suis heureux que tu sois amoureux. >>
Puis, un peu inquiet, il ajoute:
<< - On s'en mettra encore un coup tous les deux, quand même? >>
Mais oui, benêt que tu es! Enfin
si l'autre n'est pas jaloux: mais ça, je le pense en silence. De toutes façons, s'il est jaloux je le renvois aux plumes
ce qui reste à prouver tant je suis épris de lui. Nous verrons bien.
Les émotions creusent mon estomac. L'attente de l'appel de Victor m'angoisse. Alors, juste après le départ d'Armand, ce dimanche soir, je m'offre un resto. Je dois me raisonner. Notre départ est prévu dans deux semaines. Il n'a pas précisé la date de son appel. Reste que demain, au boulot, va falloir convaincre la multitude de collègues, le chef de service, le chef du département, le chef du personnel, de mon changement de congés que je veux prendre tout d'un coup. Pas question de morceler! Les 5 semaines à la fois et rien d'autre, na!
Mes yeux observent la salle. Décor plutôt kitch, personnel impersonnel, cuisine dite bourgeoise. Le maître d'hôtel, très digne, style majordome anglais, prend ma commande. Le sommelier lui succède, petit homme râblais, plus pressé de goûter aux vins qu'à les vendre, très certainement. Sa trogne rubiconde en témoigne. Sympathique au demeurant. C'est bizarre, mais il me semble reconnaître un dos. Eugène! C'est lui à n'en pas douter! J'appelle un serveur, lui demande d'offrir un digestif au personnage solitaire que je vise. La commission immédiatement transmise, le dos fait place à la face merveilleuse de cet amant incomparable. Dans ma cervelle germe un plan diabolique: afin d'éviter une attente pénible concernant l'appel de Victor, pourquoi ne pas passer le temps dans les bras d'Eugène? Évidemment, je ne peux espérer le conserver deux semaines dans mon lit! D'ailleurs, cela risquerait de tourner au désastre si Victor se pointait alors que l'autre me mignote. Le sourire épanoui s'approche de moi, accompagné d'un serveur qui transporte verre, couvert, boisson, de son client migrateur. Étonnement, surprise, on s'ébaubit. Le hasard, n'est-ce pas
Je n'y vais pas par quatre chemins:
<< - Puisque le hasard a voulu qu'on se rencontre, viens à la maison. >>
Il accepte. On en arrive à la question fatidique: que fais-tu là? Je parle d'un léger cafard (menteur va!). Lui m'apprend qu'il est enquêteur pour le compte d'une compagnie d'assurance dont le siège social est loin en province. Il habite là-bas mais vient souvent pour cause de travail. Il loge à l'hôtel quand ce n'est pas un charmant jeune homme qui l'héberge. Mais alors, pourquoi ne viendrait-il pas s'installer chez moi, le temps de son séjour. Et bing! Il accepte. A peine le oui entendu, déjà je regrette: que dire à Victor au cas où? Impossible de faire machine arrière. Du coup, je finis de manger à la vitesse grand V tant il me tarde de savourer les délices de ce corps assis en face de moi. Un second léger souci effleure ma pensée: n'ai-je pas trop abusé de ma chair ces jours-ci, pourrais-je assumer avec lui?
Je suis rassuré une heure plus tard. Tout fonctionne à merveille. Je le prouve à Eugène qui, pour la première fois, ne dit mot lorsqu'il comprend que je viens de lui fourrer un doigt dans l'oignon. Commencerait-il à vraiment s'accepter? Deux gourmands du cul qui se le montrent! Un pugilat dans le lit; dans le canapé, sur les moquettes, dans la baignoire, sous la douche, dans la cuisine. Chaque coin, recoin, de l'appartement, nous voit bites raides fricotant comme des affamés de sexe. Le foutre gicle, déborde, tâche. Nous en arrivons à baiser par automatisme, non plus par envie ou désir. Dès que l'on se croise, on se touche. Mon anus est en feu mais je continue néanmoins à le mettre à la disposition de cette bite qui manifeste quelques rougeurs inquiétantes. Pourquoi cette frénésie? Nous n'y répondons pas, trop préoccupés de la satisfaire. Cinq jours s'écoulent durant lesquels nous forniquons tant et plus. À la fin, nous n'éprouvons quasiment plus aucun plaisir. Nos parties génitales sont irritées, je me vois contrains de refuser qu'il me saute tant mon cul souffre. Tous les gens que je rencontre, qui me connaissent un tant soit peu, me lancent:
<< - T'as vu ta tronche! >>
Justement, j'évite de la regarder, ma tronche. Baiser à tire-larigot après une journée de travail, cela épuise, évidemment! Tout le monde sait ça!
Heureusement, vient le moment où Eugène doit reprendre la route de sa province lointaine. Par la même occasion, j'apprends qu'il rentre au domicile conjugal pour le week-end, content de retrouver ses quatre s! Je suis soulagé, sans en comprendre les motifs. Peut-être parce que cela m'évitera bien des jalousies. Il est marié, détient famille avec s. Dorénavant, je suis sûr qu'il me rejoindra dès qu'il sera en ville, si l'occasion se présente. Jamais il ne sera question de sentiments entre nous, c'est une certitude.
Avant de partir, Eugène me roule une pelle comme nous les aimons, lui et moi. Puis, la mine déplorablement épuisée, il déclare:
<< - Qu'est-ce qui nous a pris? Mais je ne le regrette pas, au contraire. Je crois que j'ai mon compte pour au moins une semaine. >>
Je colle une fois de plus mes lèvres aux siennes avant de lui répondre:
<< - Je ne sais pas ce qu'on a eu pour baiser comme ça. Mais je ne le regrette pas non plus. Peut-être qu'on recommencera, on ne sait jamais. Mais cette fois, on inversera les rôles de temps à autres, tiens le toi pour dit. Il est grand temps que je te la mette entre les fesses! On ne devrait plus se revoir avant au moins un mois et une semaine. Je pars en vacances. Cela va nous permettre de nous reposer. >>
Il s'en va, un grand sourire irradiant son visage.
*****
L'intimité du lieu, le peu de personnes présentes, ne jouent en rien. Nous fêtons dignement l'année supplémentaire d'un Gédéon au firmament du contentement. Pensez! Cela fait plus de quinze ans que nul n'est venu le congratuler en pareille occasion. Il regrette que Victor n'ait pu venir. Nous reprenons nos conversations, une fois le déjeuner plantureux avalé. Encore une journée délicieuse, apothéose d'une semaine chargée en émotions charnelles, en amitié ici entre Gédéon et Armand.
Oui, j'ai réussi à ne pas regarder constamment mon téléphone portable afin de savoir si Victor m'avait appelé ou non. Par ailleurs, cette course à la baise non-stop, ce dimanche de joie, ne m'ont pas fait oublier le changement de date concernant mes vacances. À ma grande surprise, personne, au bureau, n'émet d'objection à mon prochain départ, bien au contraire. Voilà qui arrange tout le monde. On me féliciterait presque de ma décision.
Lundi soir: le clignotant de mon téléphone fixe joue son rôle: clignoter. Un message m'attend. Je décroche. La belle voix de Victor résonne à mon oreille:
<< - Salut toi! Pas trop en manque depuis plus d'une semaine? Moi, tu me manques. Il me fallait bien tout ce temps pour préparer notre séjour. Je suis crevé: les banquets sont épuisants. Bon, on se voit lundi prochain, 9h. Sois prêt, sac de voyage léger compris. On va dans un coin montagnard, je te dis que ça. En cas de problème, appelle-moi au resto. Voici le N° de ma ligne personnelle:
Je t'en roule une énorme et plein de bisous tout partout. >>
Je ne saute pas de joie, j'exulte! Quelques remords s'emparent bien de mon esprit, en l'entendant demander si je ne suis pas trop en manque. De lui, certes, mais pas de sexe! Je chasse vite les intrus de ma tête. Quant au sac de voyage léger, il ne faut pas y compter. La montagne, au printemps, ça n'est tout de même pas Rio en février! Et les lainages prennent beaucoup de place, les chaussures encore plus. Je suis tellement heureux qu'inconsciemment ma main s'en va baguenauder du côté de ma bite et mon cerveau revoit des scènes orgiaques en compagnie de Victor. Je secoue cette illusion, me rappelant combien mes chairs sont meurtries. Repos, repos, repos!
La dernière semaine passe lentement, comme de bien entendu. Quoique, pas tout à fait! Il ne m'en fallait pas moins pour me remettre en état physiquement. Chaque soir, je me livre à un exercice inhabituel: mirer mon corps dans la glace, inspecter minutieusement ma petite personne, afin de détecter les progrès dus à ce repos. Il y en a, je le reconnais, mais trop peu à mon goût. La tronche reste marquée, surtout les yeux. Mais cela peut provenir d'un manque de sommeil, du travail, de la vie trépidante en général. Faut bien se trouver des excuses, si l'on veut se croire baisable. Pas vrai? Je ne m'inquiète pas outre mesure. À 23 ans, les corps se remettent rapidement des excès de sexe.
Tout est en ordre dans l'appartement, compteurs fermés, réfrigérateur et congélateur vides et secs depuis la veille. Les pièces sont nickel. L'interphone émet son grelot. Je réponds par une seule exclamation n'admettant aucune réplique:
<< - J'arrive! >>
Je dévale les escaliers, chaque main tenant un gros sac de voyage. J'arrive, essoufflé, devant la porte principale de l'immeuble. Victor est bien là, tête dodelinant comme pour me faire comprendre que je viens de commettre une bourde. Devant lui, une énorme moto scintillante. Heureux de me voir, il sourit quand même, remarque:
<< - Tu comptes te changer ici, sur le trottoir? >>
Il tend une tenue en cuir. J'ai beaucoup de mal à comprendre. Il précise:
<< - On voyage à moto, mon grand! Je t'ai apporté la tenue adéquate. >>
Demi-tour. Une fois dans l'appartement, il se colle à moi. Je comprends. Le départ n'est pas pour tout de suite. Certaines politesses concernant les retrouvailles demandent du temps, surtout lorsque l'on s'aime, que l'on ne s'est pas vu depuis plus de deux semaines.
La douceur des baisers, des caresses, changent de la presque hystérie connue avec Eugène. Nous faisons l'amour, patiemment, longuement, merveilleusement. Alors que je m'apprête à recommencer, Victor glisse à mon oreille:
<< - Pas d'abus, on reprendra cette discussion ce soir, dans notre chalet. Allez, prends uniquement du linge de corps, des affaires de toilettes. Pour le reste, je t'ai acheté tout ce qu'il faut et c'est dans nos placards, là-bas. >>
Car nous avons un chalet avec placards! Nous, nos? Ça veut dire que
. Je ne veux pas y penser, encore moins le croire. Après une douche rapide, je revêts la tenue en cuir. Qu'on est bien dans ce truc. Jamais je n'avais connu ça. C'est presque un changement
de peau. C'est comme si tout devenait autre autour de moi.
La moto file sur l'autoroute. J'entoure la taille de Victor de mes deux bras, tête collée contre son épaule dès que je le peux. Mes doigts câlinent la poitrine du conducteur. Nous traversons une bourgade. Au moment de redémarrer, après un feu rouge, Victor lance:
<< - Je n'ai pas pensé à te demander: tu es d'accord pour vivre avec moi, pour qu'on partage tout ce qui est à nous? >>
Je le lâche, hurle quatre tonitruants hourras! Je le serre de nouveau dans mes bras, plus fort qu'auparavant. Il me gronde affectueusement:
<< - Laisse-moi conduire si tu veux que l'on continue notre route ensemble. >>
Oh que oui, je le veux! Foin des Eugène, et autres Bertrand! Même Armand se verra cantonné aux relations purement amicales mais ô combien amicales! Dorénavant, j'ai mon Victor, je suis à lui, uniquement à lui. Je le promets, je le lui promets, je me le promets.
FIN
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