Evasion (6)

Ce qui fait le plus râler Aubin, c'est de rester cantonné dans un bureau alors que tant de belles fesses ne demandent qu'à être contemplées de près. Il lui prend une sorte de besoin inépuisable de baiser, de mélanger son corps à de nombreux autres, de se donner, de prendre toutes chairs mâles passant à sa portée. Toutefois, le soir, il ne manque pas de se rendre au bar, surtout lorsque Isidore officie.
C'est ainsi que, débordé, le barman demande à Aubin un coup de main pour réapprovisionner les frigos. Après la fermeture, comme récompense, l'aide improvisé reçoit la grosse queue de l'antillais dans ses entrailles avant de mettre la sienne, de queue, dans les entrailles de son amant. Éreintés par leur journée et les galipettes friponnes, ils s'endorment à même le sol. La fraîcheur nocturne les réveille, frigorifiés. Ils se réchauffent selon une méthode approuvée et éprouvée, dite du museau-museau avec bite au cul. Les couilles bien vidés, chacun regagne son logis.
Souvent, Lazaro papillonne entre Isidore et Aubin. L'espagnol n'aime guère changer de partenaires, trop timide pour draguer constamment, malgré son indéniable beauté. Aussi trouve-t-il fort commode d'aller de l'un à l'autre ou aux deux à la fois. Isidore, lui, court la gueuse, façon comme une autre de prouver au monde que l'on est un hétéro pur sucre. Car, selon son précepte, vivons homo caché, hétéro public. Il se pavane dès qu'une fille l'accompagne, ne cache pas ses qualités physiques en revêtant des shorts plutôt moulant qui font ressortir l'ampleur de ses attributs virils. Toutes ces aventures féminines ne l'empêchent nullement d'honorer convenablement et assidûment ses deux collègues lorsqu'ils en ressentent le besoin. Un inépuisable, l'Isidore!
Heureusement pour Aubin, lors de la pleine saison, du personnel complémentaire débarque, n'apportant aucun membre de la confrérie gay mais un soulagement sur le plan travail. Le voilà donc un peu plus libre de ses soirées qui débutent plus tôt.

Tout bénéfice, si l'on songe que, dans la clientèle se glissent plusieurs magnifiques paires de fesses prédisposées à accorder un laisser passer à toute queue présentable. Chaque soir, ou presque, Aubin reçoit dans son lit, se livrant aux joies qu'apportent les plaisirs lubriques. L'été se déroule dans cette ambiance: travail, baise.
Une cadence infernale durant juillet et août qui se ralentit sérieusement en septembre. Dans la région, le camping n'a aucune chance de se faire une clientèle en dehors de la période estivale. Seuls quatre bungalows restent occupés pour l'ultime semaine. Lazaro regagne sa faculté en Espagne. Isidore, dont le contrat s'est achevé depuis 15 jours, traîne dans les parages, rejoignant nuitamment Aubin avec qui il voudrait partager ses conquêtes féminines, sans succès. Les deux hommes se fondent l'un dans l'autre, ou l'autre dans l'un, à quatre reprises, mais en tête-à-tête ou en tête-à-queue.
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De retour au camping initial, Aubin s'occupe seul des quelques clients présents. Le travail n'accapare pas ses journées si ce n'est qu'il doit être constamment présent. Rémi est en vacances, quelque part vers Ibiza afin de se dégourdir la zigounette, comme il dit si bien. Zigounette qui a dû se dégourdir à maintes reprises durant tout l'été avec les jeunes estivants majeurs accompagnant leurs vieux parents (jamais avec le personnel si l'on en croit ses promesses). Enfin! Il mène sa vie normalement, en somme. Lorsqu'il rentrera, Aubin prendra, lui aussi, ses congés. En attendant, il se repose. Côté baises, calme plat ou presque, exceptées la branlette quasi journalière. Pas de quoi épuiser son homme!

Cette relative quiétude l'amène à réfléchir sur ces dernières années. Que de changements! Il se revoit dans l'appartement, avec Gus, son mâle, son mec, son mac ou peu s'en faut! Lui Aubin, bossait dans une banque, comme caissier. On l'avait embauché pour ses qualités intellectuelles, pour son physique aussi, afin de montrer qu'ici on était jeune, beau et intelligent! Bien payé, au demeurant, et pas trop écrasant comme boulot si ce ne sont les responsabilités.
Que de congés! Gus l'attendait à la maison, le gratifiait de plusieurs pelles ou/et de câlins très appuyés, avant de le laisser s'occuper du ménage, de la cuisine, de la lessive etc. Gus, en attendant que ces activités cessent, lisait son journal, étudiait les chevaux qui devaient courir dans la journée, regardait une vidéo porno ou non. Il errait, passant le temps. Il lui arrivait, rarement bien sûr, d'effec quelques travaux dans l'appartement ou chez un patron. Cela durait peu. Il ne râlait pas lorsqu'Aubin, malade, devait s'aliter. Il le chouchoutait espérant une prompte guérison. Drôle d'époque, se dit Aubin. Et pourtant! Il était heureux. Il se fichait pas mal d'entretenir un fainéant. Il gagnait assez de fric pour deux. Ni lui ni son compagnon ne dépensaient inconsidérément. Il lui faisait confiance. D'ailleurs, tout l'argent allait sur son compte à lui, Aubin. Gus, interdit bancaire, n'avait rien à son nom. Ils menaient leur vie tranquille, à deux, sans jamais chercher à se gêner, tout en respectant la part privée de l'autre.
Lorsque Gus partait deux ou trois jours, voir sa famille, comme il précisait, il revenait toujours avec un parent, un copain, qu'on hébergeait le temps de son séjour. Très souvent, ces visites se produisaient durant les ponts, les vacances, les jours de RTT. Le visiteur admirait Aubin, lui jetait certaines œillades évocatrices. Alors il ne résistait guère aux charmes du monsieur. Dès que Gus s'absentait pour aller jouer au tiercé, boire un coup au bistrot, Aubin s'autorisait certaines privautés avec le personnage qui le menait au septième ciel. Tout était au mieux dans le meilleur des mondes! Mais les coïncidences ont ceci de particuliers: elles laissent entrevoir des anomalies si elles se reproduisent trop souvent et de façon identique.
Ce genre de visites, rares au début, devinrent de plus en plus fréquentes pour se produire presque chaque semaine, le week-end uniquement. Au début, les visiteurs étaient de jeunes personnes, mâles à la frimousse timide mais charmante, au corps alerte.
Les mois passant, ces messieurs se présentaient sous un jour de moins en moins alléchant. L'âge, la bedaine, les rides augmentaient pendant que les cheveux et les charmes diminuaient. Au début, Gus restait à la maison. Les mois passant, il s'absentait pour tout le week-end ou presque. Jusqu'au jour où Aubin refusa les avances du personnage. Celui-ci, réservé, attendit patiemment le retour de Gus avec qui il eut une entrevue quelque peu orageuse. L'homme parti, Gus présenta sa mine des mauvais jours. Aubin tenta bien de lui rendre sa bonne humeur, rien n'y fit. Tout le week-end il maugréa, refusant les taquineries coquines.
Durant plus d'un mois, personne ne vint séjourner. Gus repris son allant et ses coups de queue en virtuose qu'il était. Aubin oublia le vilain monsieur.
L'accalmie dura peu. Les visites reprirent, moins nombreuses, de bien meilleures qualités. Gus, lui, devint plus dur, plus exigeant. Irritable, coléreux, souvent odieux, il ne supportait pas d'être contrarié. Les disputes se multipliaient pour un rien. Des insultes, Gus en arriva aux coups. Après chaque raclée donnée à un Aubin toujours aussi épris, le cogneur se faisait suppliant, demandant pardon quasi à genou, pleurant parfois. Cela durant trois ou quatre ans. Aubin s'aperçut que Gus fouillait ses poches, ses affaires, s'emparait de tout l'argent qu'il trouvait. Il ne demandait plus, il exigeait, commandait, ordonnait. Alors les soupçons effleurèrent l'esprit d'Aubin qui, jusqu'à ce moment là refusait de voir la vérité, espérant qu'un très prochain jour lui reviendrait son fainéant tendre et attentionné. Certes, des idées l'avaient assailli, deux ou trois fois. Les réflexions de certains "amis" appelaient un questionnement sur le comportement de Gus. Mais Aubin ne voyait que leur amour, celui du début. Devenu méfiant par précaution, pensait-il, Aubin ne conserva plus d'argent sur lui ou à la maison. Alors, disparurent sa gourmette puis un service de verres en cristal de baccarat. Aubin crut avoir perdu la première.
Gus déclara avoir cassé le second par mégarde en voulant le déplacer. Ce dernier devint vindicatif. Jusqu'au jour où, n'en pouvant plus de se voir ainsi démuni monétairement, il cracha le morceau:
<< - Tu es une pute! J'ai toujours su que tu couchais avec les copains que j'amenais à la maison. Alors j'ai eu l'idée de les faire payer. Ton joli petit cul, ça vaut son pesant d'or! Le fric passait dans mes fouilles. Je reconnais que j'aurais dû être moins gourmand. J'ai trop pioché dans les vieux, trop souvent. J'ai eu peur que tu te doutes de mon petit manège. Alors j'ai calmé le jeu. Après quelques semaines, j'ai recommencé sachant que tu ne pouvais pas te passer de baises, pute que tu es! Si tu avais été fidèle envers moi, comme je le suis envers toi, jamais ça ne serait arrivé. C'est moi le patron, ici! C'est moi qui encule! Obéis, sinon ça va barder pour ton matricule. Tu as déjà eu certains aperçus de ce que je suis capable. Et ne compte pas que je te demande pardon, dorénavant! >>

L'aveu, suivi d'un départ avec claquage de porte, devait réveiller, enfin, un Aubin énamouré mais endormi volontairement jusqu'à présent. Les réflexions derrière son dos lui confirmèrent sa véritable situation. Il prit aussitôt sa décision: partir. Il prépara sa fuite, patiemment, discrètement. Un impératif: changer totalement de genre de vie de telle sorte que Gus ne puisse jamais deviner où il se trouve. Aubin aime le luxe, les belles choses, les boîtes, s'amuser en nombreuse compagnie. Alors il doit se mettre au vert. Le soir, quand Gus rentra, un tantinet mal dans ses baskets, ne sachant trop que dire ou que faire, Aubin le servit comme à l'accoutumée, lui infligeant une délicieuse fellation avec décharge au fond du gosier. Gus se sentit le véritable maître. Content de cette diversion, il pilonna longuement le cul de son déjà esclave.
Durant deux mois, Aubin ne regimba pas, acceptant les vieux messieurs du week-end, juste pour un moment, le temps que l'homme aille faire son tiercé, par exemple. Gus retrouva sa splendeur légendaire tant sur le plan humeur que sur le plan physique. Il pouvait, de nouveau, le lundi, sortir une liasse de 5 billets de 100 euros, voire plus, pour payer son café au bistrot. Toutefois, prévoyant, il s'accoquina avec quelques minables afin de monter des coups tout aussi minables. Si Aubin venait à lui manquer, il ne serait plus en peine de monnaie. Le dernier vendredi, Gus prévint Aubin qu'un monsieur viendrait passer tout le week-end à la maison. Lui, Gus, devant partir pour affaire. En effet, il quitta l'appartement avec un sac de voyage et 2000 euros en poche. Une heure plus tard, Aubin montait dans un taxi, sac à dos et matériel de camping en guise de bagage. Il venait de démissionner de la banque, avait tout organisé dans les moindres détails y compris l'achat de ce matériel qui l'attendait dans la cave, lieu où Gus n'allait jamais. Juste le temps de sauter dans un train et adieu Gus!

Ils s'aimaient, de cela Aubin est sûr. Il regrette presque cette époque. Pas les coups, les insultes, faire la pute, non bien sûr! Gus était fidèle, là encore Aubin en a la certitude. Pourquoi leur vie à dérapé? Le besoin d'argent chez Gus? Le besoin de variété en matière de baises chez Aubin? Beaucoup plus complexe que cela. À tel point, qu'Aubin refuse d'approfondir ses réflexions sur le sujet.

Un campeur, sourire chaleureux aux lèvres, le sort de ses souvenirs:
<< - Vous devriez mettre un peu de chauffage, le soir. Il commence à faire frisquet.
- Vous n'avez personne pour vous tenir chaud?
- Si mais seulement le temps d'un câlin. Ensuite séparation pour cause de compagnon au sommeil agité. Il bouge tellement qu'il me réveille. Pourquoi, ça vous dit de me chauffer quand je me retrouve seul?
- Je suis une excellente couverture chauffante. Mais votre couverture habituelle n'apprécierait peut-être pas de se voir remplacée.
- Au contraire! Cela ferait une bien meilleure literie. >>

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Assis dans un fauteuil en rotin, nu comme un vers, queue tendue au maximum, main sous les couilles, autre main sur un téton, Aubin observe le couple en pleine action. Il trouve la séance agréable, au contraire de ce qu'il craignait. Jamais pareille chose ne lui était advenue. Vivien et Claude, récemment pacsés, s'adonnent à l'adoration du pied, sans négliger le reste. Leur plus grand plaisir: se donner en spectacle avant d'inviter le (ou les) spectateur à partager leurs ébats. Tête-bêche, ils lèchent leurs orteils un à un, n'omettant pas les interstices. Patiemment, goulûment, ils aspirent et relâchent ces organes avant de passer en revue l'intégral de la plante des pieds, du talon. Ils gémissent leur plaisir, négligeant leur invité qui se branle doucettement, attendant son heure. Des pieds, on remonte aux mollets, aux genoux, aux cuisses pour en revenir aux gros orteils que l'on déguste à satiété. On hume, on lèche, on suce, on baisouille. Changement de position: Vivien, assis, laisse les pieds de Claude s'emparer de sa bite et la masturber, passant à plusieurs reprises les orteils sur le gland suintant de mouille. Cinq minutes de la sorte et ils inversent les occupations. Rassasiés de cette gymnastique, ils s'occupent de leurs arrières en se bouffant l'anus, chacun leur tour. Chaque épisode est séparé par une flopée de pelles plus ou moins baveuses. Ils reviennent à leur plat préféré par une tentative de gober la totalité des orteils de l'autre, jeu quasiment impossible à réaliser mais très divertissant. Vient la période caresses. Les mains restent inactives, les pieds folâtrent sur les corps allant jusqu'à titiller de façon étrange les tétons des "suppliciés". Autre scène: Claude place sa queue entre les fesses serrées de Vivien, pose sa main sur l'engin, s'agite en va et vient, sans pénétration anale. Un cri rauque annonce les giclées de sperme qui inondent le dos, l'anus du faux enculé. Une nouvelle fois, ils inversent les occupations et c'est au tour de Vivien de lâcher son foutre sur les fesses de son amant. Aubin, lui, n'a pas quitté le couple des yeux. Vivien propose:
<< - Tu nous encules et après on t'encule chacun. Ensuite, si tu acceptes, on t'enfile tous les deux, double pénétration pour finir. >>

Aubin ne bronche pas. Son silence équivaut à une acceptation. Il se trouve entouré par deux mecs pressés de savourer l'extrémité de ses membres inférieurs. Vivien et Claude s'agenouillent devant lui, s'emparent chacun d'un pied qu'ils hument à satiété avant de le happer, de le lécher, de le mouiller, de l'adorer en somme. Un peu réticent au départ, Aubin cède alors que certains frissons inconnus parcourent sa chair. Drôle de manière de baiser, pense-t-il, mais étrangement agréable. Cette acceptation ne va pas jusqu'à rendre la pareille à ses partenaires. Il n'est pas prêt à ce genre de taquineries sur autrui. Cette réserve s'avère inutile: le couple veut ses pieds à lui, et uniquement cela. Des pieds, ils passent aux talons puis aux plantes. Endroit délicat et sensible provoquant des réactions de rejet pour cause de chatouillis difficilement supportables pour un non initié comme Aubin. Les fétichistes comprennent, passent aux mollets avant de s'aller mignoter l'aine, le pubis, les couilles, la queue de leur invité. Un autre merveilleux supplice débute. Le ballet des bouches ne s'arrête pas. Les langues se croisent, les lèvres se congratulent. Les mains aux doigts souples virevoltent d'un coin de peau à un autre. Les nez sentent sous les aisselles, sous les bourses, sur l'anus. Aubin laisse faire, se contentant de répondre aux pelles qui se succèdent et de certains attouchements sur les deux mecs. Il apprécie ces corps tendus par le désir, ces bites aux proportions raisonnables, rougeoyantes et roidies par la lubricité, ces fesses rondes et légèrement duvetées de poils blonds. Il devient pantin, laissant Claude le capoter avant de s'empaler et se pistonner lui-même. Vivien approche sa queue qui disparaît dans la bouche de l'enculé. Les ahanements emplissent la pièce. Aubin apprécie ce cul chaud où coulisse hardiment sa tige trapue. Vivien se désempale, aussitôt remplacé par un Claude envieux de se faire fourrer tout en suçant sa chère moitié, après changement de capote. Le pistonnage reprend, dans un cul un peu plus serré mais tout aussi chaud que le précédent. L'ambiance frôle l'hystérie. On se calme avant de passer au bouquet final. On s'évertue à câliner, à rouler des pelles, à se lécher. Enfin, le couple pose capote sur bite. Aubin s'assied sur celle de Claude qui s'est allongé puis se penche afin de permettre à Vivien de l'enfiler lui aussi. Les deux queues se plaisent, se complaisent dans cet anus dilaté par la charge doublée. On savoure un maximum cette cohabitation pénienne dans un habitacle anal. La pression exercée par cette double pénétration provoque l'éjaculation d'Aubin qui, secoué par les spasmes, laisse couler la purée sur le ventre de Claude qui se badigeonne avec cet onguent. Le double pistonnage continue pour s'achever dans une orgie de foutre noyant les latex et de gémissements emplissant l'atmosphère.

En rentrant à son bungalow, Aubin s'avoue content de la soirée bien qu'il eut aimé des mecs plus partageurs. Par moment, il avait vraiment l'impression d'être la pièce rapportée, celle dont on se sert occasionnellement, l'épice non indispensable à une cuisine routinière mais pas sans saveur. Il sourit de cette métaphore. Demain, il partira pour quatre semaines de repos. Il espère vivre quelques aventures qui ne manqueront pas de piquants comme ceux vécus un peu plus tôt.

Tout en bouclant son sac de voyage, Aubin se demande où passer ses vacances. Il n'a pas pris le temps d'y réfléchir plus tôt, ou pas voulu. Et si Rémi lui prêtait sa voiture? Oui, mais pour aller où? Faire quoi? Depuis qu'il retravaille normalement, il n'a jamais pensé aux congés. Les semaines, les mois, se sont écoulés à une vitesse incroyable, bosser était un amusement, ou un ennui. Amusement quand il y a pas mal de clients: après le boulot, on rit, on danse, on picole, on baise. Parfois même pendant les heures de boulot. Ennui durant les périodes hors saison, hors vacances, où la clientèle se réduit à une peau de chagrin, à quelques vieux couples ou couples de vieux. Aubin hausse les épaules: et s'il faisait le chemin inverse? L'idée ne lui déplaît pas. Revoir la ville de F… où il a laissé certains cœurs chiffonnés par son court séjour. Ensuite faire une pause chez Mathilde et Paulin histoire de voir ce qu'ils deviennent dans leur nouvelle vie et surtout de tâter les miches d'un Mikael et d'un Modeste aux appâts demandeurs de caresses. Enfin, revoir sa ville natale, celle de ses premières amours, celle de sa période bonheur avec Gus. Du même coup, il pourrait l'affronter, le Gus, lui montrer que, dorénavant, il ne compte plus, il ne lui fait plus peur. Ce défi convient parfaitement à Aubin. Illico, il réserve à l'hôtel où il résidait à F…. De là, il avertira les autres de sa prochaine visite.

Bisous affectueux, amical, à Rémi: les vacances d'Aubin commencent alors qu'il monte dans le taxi pour la gare. Sacrée surprise qu'il va avoir, le Gus!
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Rien de changé, à F…. Beaucoup de cœurs délaissés voilà deux ans se sont envolés sous d'autres cieux quand ils n'ignorent pas le nouvel arrivant pour cause de déjà consommé. À moins qu'ils n'aient convolés en justes ou injustes noces. Pour ceux restés dans les parages, revoir Aubin, toujours aussi frais, ravive bien des envies endormies. Mais on résiste à la tentation, car d'autres cœurs, inconnus, se présentent qui ne demandent qu'à être chéris. Ils le seront, tendrement, pleinement. La crainte de croiser Paulin dans quelque endroit gayment fréquenté oblige Aubin à éviter le sauna. Une semaine de folie: bonne bouffe, bons amusements, bonnes baises, gros dodos très reposants. Aubin se sent d'attaque pour la suite de son programme. Il quitte F… non sans promettre un nouveau passage, dans quelques temps, juste pour consoler un certain Marcel outrageusement épris de lui, un prétexte comme un autre.

Comme la première fois, Aubin traverse le village, sac de voyage en main: personne dans la rue principale. L'épicerie close attire ses regards. Une étiquette prévient de la fermeture pour 15 jours: vacances annuelles. Mikael est donc libre, sous réserve qu'il ne soit pas parti sous des cieux exotiques. Aubin continue son chemin. Il arrive devant la grille de Mathilde et Paulin, sonne, anxieux de savoir ce qu'ils sont devenus. Elle vient lui ouvrir. Accueil glacial pour ne pas dire plus. Sans préambule, elle annonce, tremblante:
<< - Vous n'êtes pas le bienvenu, Aubin. Cette maison vous est fermée, dorénavant. J'ai préféré ne pas vous le faire savoir par écrit car ce n'est guère convenable et honnête, pour des gens de bonne éducation, d'agir sans parler en face. Je savais qu'un jour vous repasseriez. Cela étant, je sais bien que vous n'avez pas fait ce trajet uniquement pour nous. D'autres personnes accueillantes vous attendent, certainement. Aussi, ne perdez pas de temps pour les rejoindre. Ne récriminez pas, inutile! Je vous demande de ne pas insister et de vous retirer. Je vous souhaite le bonjour, malgré tout! >>

Sans plus d'explications, Mathilde ferme la grille. Aubin ne fait aucune tentative pour en savoir plus, inerte, bouche bée, hésitant sur ce qu'il doit faire. Un peu dépité, sac sur l'épaule, il regagne le village. Où aller, maintenant? Aucun hôtel dans le patelin. Il va à l'arrêt du car, zieute les horaires: aucun passage avant demain matin! Il s'assied sur le banc. L'appréhension de passer une nuit à la belle étoile ne l'enchante guère. Cependant, il ne voit aucune autre solution. "L'affaire Paulin", si affaire il y a eu, doit faire les plus beaux commérages et, par contre coup, tailler une jolie réputation à lui, Aubin, puisque, apparemment, il est tenu pour responsable de quelque vilenie. Dans ce cas, Modeste et Mikael, ne tiendront certainement pas à s'afficher avec lui. Passées cinq minutes à se triturer les méninges, alors qu'il s'apprête à aller dans la cabane où jadis il s'envoyait en l'air avec les deux autochtones, une voiture ralentit, s'arrête. Une voix l'interpelle:
<< - Aubin! Montez! >>

Paulin, la mine triste, ouvre la portière côté passager. Aubin jette son sac à l'arrière, monte dans le véhicule. Pas de formule de politesse. Aubin se contente juste de constater:
<< - Mathilde m'a viré sans explication ou peu s'en faut. Vous pouvez m'en dire plus?
- D'accord. Allons au village voisin boire un pot au bistrot. Nous serons plus tranquilles pour faire la causette. Je ne suis plus le bienvenu ici, tout comme vous, mais pour des raisons différentes. Rassurez-vous, votre réputation de gentleman reste intacte. >>

Cinq minutes plus tard, attablés autour d'un guéridon, les deux hommes sirotent leurs verres en silence. Enfin, Paulin se décide:
<< - Après votre départ, Mathilde et moi étions convenus d'une vie privée séparée. Soit dit en passant, elle guignait sur vous, elle aussi. Elle me l'a avoué tout récemment. Seules une certaine timidité et ma présence l'ont empêché d'agir. Donc nous nous étions promis le respect mutuel, à savoir ne jamais amener une conquête à la maison, ne jamais léser l'autre dans quelque domaine que ce soit et surtout pas sexuel. Mathilde s'était accoquinée dans une sorte de club que vous lui auriez recommandé, selon elle. Moi je fréquentais certains établissements que vous connaissez. Tout semblait parfait. Enfin, c'est ce que nous croyions. En réalité, nous étions dans un genre de faux semblant. De fil en aiguille, nous avons, chacun de notre côté, pris certaines libertés. Coups de canif dans le contrat, pour dire le vrai. Profitant de mes absences, Mathilde amenait sa conquête à la maison. J'amenais la mienne quand Mathilde allait en ville. Jusqu'au jour où l'impensable se produisit. Rien de bien méchant pour nos personnes physiques. Par contre, coup de bambou sur le moral. Régulièrement, deux fois par semaine, profitant de ce que Mathilde s'occupait de ses œuvres caritatives en ville, je recevais un jeune homme bien de sa personne qui me paraissait des plus sérieux bien que ce soit un gigolo. Ma femme, quant à elle, s'offrait un extra payant, à demeure, ou quasi. C'était toujours le même qui venait au premier signe de Mathilde. Elle le rétribuait à l'heure. Mais ça, elle me l'annonça le jour que j'ai dit, après que la maison fut entièrement pillée et que je lui eus dévoilé mon amant vénal. Tout était sens dessus dessous, tiroirs et placards ouverts en grand, linge et autres objets au sol, enfin vous voyez le genre. Tout ce qui avait un peu de valeur a disparu, y compris mon ordinateur portable. Heureusement qu'il n'y avait pratiquement plus rien dessus. La télévision, le lecteur-graveur, les bijoux, la montre gousset en or que mon père m'avait donnée, l'argent, bien sûr et j'en passe. Notre malheur se serait arrêté là si d'autres villas n'avaient pas été inspectées dans les jours qui suivirent. Encore les méfaits d'un homme et de deux complices. Bien entendu une enquête de police a été diligentée par le parquet. Ces garçons manquaient totalement de jugeote au point de venir commettre leurs vols avec la voiture de l'un d'eux, non maquillée, toujours la même. C'est le père d'Élias, notre voisin, qui les a repérés. Vous vous souvenez d'eux, je suppose? Le pire, pour Mathilde, était de savoir qu'elle avait introduit chez nous notre voleur: son gigolo. Le mien, de gigolo, était entre les mains (si j'ose dire) d'un autre client à 60 km d'ici, alors qu'on vidait notre maison. Bien entendu, la vie que nous menions, ma femme et moi, a fait les belles soirées du village. Tout était étalé, y compris mes errances, comme nous disions si bien. Sur le plan financier, rien à dire, l'assurance a bien fait son office. Par contre, nous sommes devenus les pestiférés de la région. Je ne vous raconte pas les rires en coin, les réflexions lorsque l'on nous croise, ici. Depuis, Mathilde me rend responsable de tout, estimant que si j'avais continué à vivre comme par le passé, caché, normalement... Enfin vous voyez. Mais c'est sur vous qu'elle peste le plus, jugeant que votre passage parmi nous était celui du diable, que vos conseils étaient du domaine satanique, que vous avez éveillé en moi le loup qui dormait, j'en passe et des pires. Nous nous sommes séparés. Je vis à F…. dans un petit appartement dont j'ai fait l'acquisition grâce aux droits d'auteur. Car, entre temps, mon livre a été publié. Petite consolation dans cette période tumultueuse. Un certain succès, je dois le dire en toute modestie. En partie grâce à vous, d’ailleurs. Voilà, vous savez tout ou presque. Maintenant, nous cherchons à vendre ici. Mathilde veut quitter la région, une fois l'affaire réglée. Malgré tout, cette séparation n'a rien de définitive. Nous l'avons convenu ainsi, nous laissant une chance de sauver notre couple ultérieurement et surtout ailleurs.
- Je comprends le pourquoi de l'attitude de Mathilde.
- Elle ne voulait pas vous voir. Normalement, elle devait être absente. Mais nous avons eu des acheteurs potentiels qui se sont présentés aujourd'hui. Je crois qu'ils sont intéressés. Enfin, je veux le croire.
- Et…. Avez-vous trouvé votre bonheur dans vos… errances?
- Si l'on veut, oui. J'héberge à titre gracieux, Élias. Il termine ses études cette année. Après, il partira, probablement. Rassurez-vous, rien que de très amical entre nous. Mais sa présence me fait le plus grand bien. Je n'ai jamais vécu seul. Et en plus, nous nous comprenons. Je n'ai plus besoin de me cacher lorsque je suis chez moi, en privé. C'est un soulagement, quand même. Il me présente, quelquefois, ses conquêtes masculines. Une fois, j'ai eu droit à certaines privautés de la part de l'une d'elles… >>

Paulin continue, semblant réciter le déroulement d'une vie insatisfaisante, incomplète, triste à en mourir. La conversation s'éternise un peu trop au goût d'Aubin. Il prétexte un rendez-vous avec Modeste. Paulin propose de le ramener au village. Une demi-heure plus tard, il le dépose face à l'épicerie après lui avoir donné un exemplaire de son bouquin. Sur la page de garde, Aubin peut lire, imprimé:
<< - Pour Aubin, avec mes très amicaux remerciements, sans qui cet ouvrage n'aurait peut-être pas connu le jour. >>

Flatté, Aubin, fier de lui. Il sourit de cette petite vanité. Qui lira ce livre? Quelques villageois, tout au plus les gens des environs. Quand même, avoir son nom dans un bouquin c'est laisser une trace indélébile, en quelque sorte. Cela lui donne un peu de courage, surtout s'il doit passer la nuit dans cette fameuse cabane. Ont-ils laissé des couvertures? Des bougies? Au moins, il a de quoi lire pour passer le temps. Il observe la voiture de Paulin. Elle quitte le village. Il se lève, ramasse son sac, fait cent mètres en direction de la sortie du patelin. Derrière lui, un tracteur s'approche. On klaxonne. Le chauffeur crie:
<< - C'est y pas l'Aubin? Qu'est-ce tu fais dans l'coin?
- Je suis en vacances. J'avais envie de te revoir et Mikael aussi.
- Toujours en vacances, pour sûr! Ça fait un bail! Bon, ben tu vas pas rester planté là, par le fait. Viens, on va visiter la cabane, j'ai des choses à voir, là-bas. >>

Aubin, soulagé par cette rencontre qu'il croyait improbable quelques minutes plus tôt, grimpe sur l'engin qui repart. Modeste passe sa langue sur les lèvres, gourmande:
<< - Tu sais qu't'es un sacré beau gars! Mieux que quand on s'est connus, pour sûr!
- Toi non plus, tu n'as pas changé. Ta femme et tes s?
- Ça pousse, ça chipote! La vie d'famille, par le fait! Sauf qu'elle a changée, bobonne. Elle aime la galipette à plusieurs. Reluquer mézigue en train d'enfiler un gonze ça la rend folle d'excitation. On l'fait pas souvent, l'Mikael l'aime pas trop avec les femmes. Au début, juste après ton départ d'ailleurs, y'allait à fond, le drôle. Mais après quatre ou cinq fois, ça lui plaisait moins. J'ai compris qu'y fallait pas trop l'bousculer, le p'tit lapin. On mène une vie pépère, moi et bobonne, moi et l'Mikael, ou les trois à la fois d'temps en temps. On a même parlé d'toi. Tu vois, t'as laissé un bon souv'nir ici. Au fait, t'es au courant pour l'Paulin et sa Mathilde?
- Oui, je viens de le voir.
- Y t'as dit qu'la Mathilde elle t'en voulait à mort, pour sûr. Elle glapit partout qu'c'est toi qu'a donné d'mauvais conseil à son jules! Quelle conne, c'te poufiasse. Si c'est vrai, l'avait qu'à pas les écouter, ces conseils! Pour sûr! Tu sais que lui, l'Paulin, y loge en ville, avec Élias, l'fils de ses anciens voisins d'ici!
- Oui, je suis au courant, mais avec une différence. Il héberge seulement Elias, gracieusement, il me l'a certifié.
- Mon cul, oui! Élias s'fait entretenir par l'vieux. Parce que, ses vieux à lui, l'on viré avec pertes et fracas quand y ont su qu'y s'adonnait à la sodomie, comme y disent. Est d'venu un joli morceau, Élias, faut dire. Mais d'mauvaise vie, pour sûr. Je l'sais par lui, en personne. Y s'cache pas. En ville, il étudie les bites, pas les bouquins, et passez lui la monnaie! Et l'Paulin, y sait d'quoi y r'tourne, pour sûr, c'est son principal client. R'marque, y font c'qui veulent, par le fait. J'ai rien contre, si c'est discret la putasserie. En tout cas, j'y foutrais bien un p'tit coup d'bite, à Élias. Mais banquer ça m'ferait débander, pour sûr. J'désespère pas. Un jour où qu'il ira pas trop bien, j'saurais l'consoler. L'Mikael y dit comme moi.
- Je pourrai le voir, Mikael? Il est là? J'ai vu le magasin fermé pour vacances.
- L'a changé lui aussi. Un vrai p'tit homme, maint'nant. Et j'te dis pas côté fesses: un magicien. Tu verras, si tu restes quèqu'jours.
- Quatre ou cinq, pas plus. Ici, on ne sait toujours pas pour toi et Mikael?
- Non. Maint'nant, on fricote dans sa baraque à lui. L'habite plus chez ses vieux, le p'tit. L'a son domicile bien à lui, par le fait. C'soir, on ira l'rejoindre, y m'attend. Toi, ça s'ra la surprise du jour que j'lui ferai. >>

Modeste stoppe le tracteur. Ils en descendent. Il demande:
<< - Tu t'souviens de c'te baraque? C'est là qu'on s'est connus, tous trois, y'a un bail, pour sûr. Mais j'ai pas oublié. Tu sais, t'es une distraction pour nous, même si on pensait pas qu'tu reviendrais un jour. Si on me l'avait dit, j'l'aurais pas cru. Comme quoi... >>

En disant cela, Modeste plaque ses lèvres contre celles d'Aubin qui répond favorablement à l'appel des chairs. Le premier murmure:
<< - Juste un acompte avant l'grand jeu, ce soir. J'suis un peu pressé, bobonne a ses ragnagnas, tu vois l'topo. Et l'Mikael qui m'joue les chichiteuses parce que j'y ai réfusé d'me baiser l'autre soir. Pas d'radada d'puis deux jours. Ça rend fou. Mais c'soir, quand y va t'voir, y va céder. On va rattr l'temps perdu. Mais j'ai b'soin d'un aperçu, par le fait. >>

Ce disant, il baisse la fermeture éclair du jean d'Aubin, en sort la tige qu'il déguste avec ardeur. De temps à autres il grommelle:
<< - Putain qu'elle est bonne! Tu vas m'gicler sur la tronche. Une douche de jute, par le fait. T'as un vrai robinet à jute, toi. Allez, lâche-toi! >>

L'exécution ne tarde pas. Le sperme dégouline sur le visage presque émerveillé d'un Modeste aux anges. Aubin veut lui retourner la pareille, il refuse:
<< - Promis, c'soir ma bite est à toi. Attends-moi ici, j'passe te reprendre dans ½ heure. Juste l'temps de faire deux bricoles. La maison du Mikael, l'est pas tout près. À pinces, ça t'fatiguerait trop et ce soir tu s'rais pas en forme. >>

En fait de ½ heure, l'attente dure près de deux heures durant lesquelles Aubin s'ennuie ferme: pas de bougies, pas de lecture. Il serait parti si, au bout, il n'y avait pas eu la perspective d'une soirée cochonne. Cette pensée provoque une bandaison de bon aloi. La sagesse est de mise: pas de branlette sinon la fête risquerait d'être gâchée. Tout à coup, il se demande s'il serait resté dormir ici, à défaut de retrouver les deux gays lurons?

À suivre…

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