Langueurs Océanes
Nadège achève de contourner l'antique et majestueuse distillerie de pierre sombre aujourd'hui en ruines. Elle est étonnée de voir la végétation tropicale se simplifier au point de ne plus comporter que des tamariniers. La terre grisâtre du chemin devient progressivement sablonneuse. Lorsqu'elle débouche sur la plage déserte, elle n'est pas surprise du paysage qui s'offre à ses yeux: sable gris, mer d'argent, nuages menaçants, rochers noirâtres. Seule la lisière de la forêt, pourtant d'un vert sombre, offre un peu de couleur à cet univers angoissant. Ses vêtements moites de transpiration lui collent à la peau.
Elle pose son sac à dos et les enlève rapidement. Elle s'assoit à même le sol ou sa peau claire et ses cheveux blonds contrastent avec la couleur peu engageante de son environnement. Elle replie ses jambes et les maintient fermement avec ses bras contre sa poitrine, le menton posé sur ses genoux. Elle se laisse absorber par ses pensées et s'isole. Partie de métropole après des événements personnels traumatisants elle est surprise de ce premier contact difficile avec la terre antillaise. Son arrivée dans l'atmosphère moite et crasseuse de l'aéroport de Lamentin, ses premiers contacts avec des autochtones plus intéressés par son argent que par elle même l'ont un peu déçue. Quelques heures plus tôt, une pluie tropicale l'a obligée à immobiliser la voiture de location sur une route constellée de profondes ornières. Elle est restée là, sidérée par la violence assourdissante des rigueurs du climat. L'accueil au gîte s'est avéré d'une froideur peu commune. Elle n'a pas supporté longtemps les locaux sombres dont la couleur dominante proche du marron confine à la neurasthénie et a demandé le chemin de la plage la plus proche. Nadège commence à s'interroger sur ce qu'elle est venue faire dans cette galère.
Elle reste ainsi perdue dans ses pensées, jusqu'à la surprise de la caresse d'un rayon de soleil. Lorsqu'elle lève les yeux le paysage a changé.
Lorsqu'elle finit de détendre ses jambes et bascule pour s'offrir au soleil, elle est arrêtée par un contact familier et doux. Deux mains noires se sont posées sur ses épaules sans qu'elle ait entendu leur propriétaire arriver. Bien que trapues, elles semblent féminines et soignées. Délicatement elles commencent à masser les épaules offertes alors que la voix d'alto de leur propriétaire susurre: "Ne craignez rien. Je suis Angélique, votre voisine de gîte. Je suis venue rechercher un vêtement oublié ici hier soir. Vous semblez inquiète et tendue. Laissez-vous faire." Et sans attendre elle poursuit son massage du dos d'une main experte.
Lorsqu'elle revient à la réalité, une immense créole à la peau sombre est à demi allongée à côté d'elle sur le sable. Son corps d'ébène est enroulée dans un paréo multicolore. Son visage fin et in domine de puissantes épaules et de longs bras potelés. Les yeux bruns sont gigantesques mais peu expressifs. Les pieds et les mollets semblent faits pour la course. Sans aucune gêne, elle s'empare en tâtonnant du sac de Nadège et en extirpe une crème solaire. Elle en ouvre le tube et en respire l'odeur avant de s'en verser abondamment sur ses mains. Elle commence à enduire le dos et les épaules de sa compagne. Après un temps d'hésitation elle s'attaque avec soin aux jambes et aux fesses non sans en pénétrer délicatement le sillon. L'objet de ces attentions se sent de plus en plus troublée par la caresse. Lorsque les mains d'Angélique la retournent et enduisent tendrement bras, épaules et seins, une onde de plaisir secoue Nadège. Sa poitrine se durcit, ses jambes s'écartent insensiblement et dévoilent l'intimité de son sexe. La jeune antillaise se sent invitée à plus de hardiesse. Elle adoucit encore la caresse et enduit jambes et cuisses massives qui s'écartèlent. Notre vacancière appelle ainsi les deux mains noires potelées vers l'aine et tous ses sens sont en révolution. Lorsque son ventre est atteint, la tension se relâche dans un long murmure. Son visage est ensuite garni avec une délicatesse et une minutie qui la font rosir d'émotion.
Ce n'est que lorsque Angélique recherche avec difficulté le bouchon du flacon que Nadège réalise qu'elle est aveugle. Elle a donc utilisé les deux principaux artifices qui lui permettent de faire connaissance.
Lorsqu'elles décident d'aller se baigner, cette dernière ne lâche pas la main de son amie. Peu rassurée par l'eau de mer, elle se serre contre elle à la moindre vague. Nadège ne cesse d'être troublée par ces instants de contact charnel profond, peau contre peau, dans cet environnement tiède et liquide. La jeune noire prend peu à peu d'assurance et se risque à quitter le contact de sa compagne pour essayer quelques brasses autour d'elle. A périodes régulières, elle revient la toucher pour se rassurer. Elles barbotent ainsi longuement. Après quelques jeux, pas toujours innocents, les deux femmes reprennent pied. Seul tètes et nuques dépassent des flots lorsqu'elles se serrent étroitement l'une contre l'autre. Seins contre seins, ventre contre ventre, elles échangent un fougueux baisers suivi d'insidieuses caresses inobservables depuis la plage. Les deux corps, comme aimantés, semblent danser dans l'eau en tournoyant.
A la sortie du bain, elles se font un devoir d'essuyer chaque recoin de l'anatomie de leur compagne avec une ferveur qui les fait sourire. Elles restent muettes, assises cote à cote à rêver, la main dans la main, encore quelques instants avant de regagner le gîte.
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