Gageure (4)

Il entre dans la pièce sombre, à peine éclairée par un vilain néon. Abdel s'assied en face de moi. Immédiatement je pense qu'un rayon de soleil vient illuminer les lieux. Si on était ailleurs qu'ici, chez moi par exemple, je le violerais. Non, je le supplierais de me violer. Je serais sa pute, promis. Je lui laverais son corps en entier, avec ma seule langue en guise de gant de toilette, même si c'était le mec le plus crasseux de la terre! D'une voix monocorde, blasée ou fatiguée, teintée d'ironie, il demande:
<< - Alors, mon sauveur, qu'est-ce qu'il y a encore?
- Pour tout dire, rien ne colle dans cette affaire. Au point où j'en suis, les suspects potentiels se réduisent à vous, évidemment, aux parents de Gilles, à Fernande. Voilà!
- Vous avez donc éliminés Tom et Yves.
- En effet. Le premier était malmené par une bande de machos pervers, le second attendait le premier à Nice chez des amis. Ceci jusqu'à preuve du contraire.
- Vous voyez bien qu'il n'y a rien à faire!
- J'ai pas dit mon dernier mot. Y reste tout de même trois autres suspects potentiels. Parlez-moi du père de Gilles. Vos rapports avec lui, ce que vous pensez de lui, tout le bazar quoi!
- Que dire? Un bel homme malgré son âge, dans les 65 je crois. Sur le plan caractère, c'était le réac parfait. Raciste, anti-homo, misogyne, despote dans sa famille. Il aimait paraître. Pour cela, il mentait à tout instant. Il n'hésitait jamais à magouiller afin de faire croire qu'il était quelqu'un d'important. Il prêtait de l'argent qu'il n'avait pas, donnait des cautions bidons. Tout ça, pour se donner de l'importance. C'était maladif, chez lui. Il aurait dû consulter un psychiatre. Il travaillait dans un ministère, je ne sais plus très bien lequel. Il prétendait être directeur. Voilà en gros le personnage. Bien sûr, il n'était pas gâté avec un fils unique, pédé, qui avait pour petit ami un beur! Il est venu une fois dîner à la maison, pour l'anniversaire de Gilles.

Au début du repas, il se retenait. Mais c'était plus fort que lui, il fallait qu'il sorte sa bile. Oh! Il n'a fait aucune vacherie sur les homos! Par contre, il a raconté ses prouesses militaires lors de la guerre d'Algérie. Sa femme tentait bien de détourner la conversation sur autre chose, mais le vieux en revenait toujours aux bienfaits de la colonisation: modernisation d'un pays d'arriérés, scolarisation, et tutti quanti. Lorsqu'il a déclaré que les arabes avaient, en quelque sorte, massacré leurs éducateurs, j'ai simplement rétorqué que ces mêmes éducateurs nous avaient envoyé défendre la France toujours en première ligne, durant les deux guerres mondiales entre autres, sans omettre qu'ils nous avaient réduits à l'état d'esclaves. À la fin, je me suis levé de table en lui signalant que je ne le virai pas de chez nous parce qu'il était le père de Gilles mais que j'espérai qu'à l'avenir il aurait la décence de ne plus revenir ici en ma présence. Je suis sorti faire un tour en attendant qu'il s'en aille. Je voulais éviter que la situation ne s'envenime.
- Croyez-vous qu'y pourrait avoir tué Gilles?
- Non! Une grande gueule, oui, mais rien dans le ventre. Un mou, un méchant mou très méchant, lâche par dessus le marché, donc vantard. Ça oui! J'ai appris par Gilles qu'il n'avait été en Algérie que durant 2 semaines. Il a été renvoyé en France suite à plusieurs interventions d'amis au sein du gouvernement de l'époque. À l'en croire, il aurait participé à toutes les grandes opérations, même les moins glorieuses pour l'armée française. Vous voyez le genre.
- L'aurait pu Gilles dans un mouvement de colère.
- Oui, il aurait pu. Seulement Gilles servait son orgueil de père. N'oubliez pas que Gilles était une star du petit écran, un présentateur vedette, comme on dit. Même si ses émissions n'atteignaient pas le grand public. Dans le fond, que Gilles soit homosexuel ne gênait en rien son père qui tirait profit, au niveau de ses affaires, de la renommée de son fils.

- Le jour du décès de Gilles, quand vous êtes rentré dans l'appartement avant de découvrir le drame, la porte était-elle fermée à double tour ou avez-vous juste actionné la clé pour ouvrir? Essayez de vous rappeler. Si oui, qui avait un double de la clé?
- La porte était bien fermée à double tour, avec crans de sécurité, comme quand on s'absentait. Concernant un double de la clé, il y en avait cinq ou six. Fernande, la mère de Gilles, Tom et Yves. Je me souviens que nous avons fait refaire un second double pour la mère de Gilles qui ne savait plus où elle avait rangé l'autre qu'elle n'a jamais retrouvée.
- Tu m'as dit que ta famille t'ignorait depuis qu'y savent que t'es homo… Oh pardon! Je t'ai tutoyé sans le vouloir, excuse-moi!
- Pas grave. Au contraire, je préfère.
- Alors tu me tutoies, d'accord?
- D'accord.
- Pour en revenir à ta famille, y s'agit de tes parents, de frères ou de sœurs?
- Non, seulement d'un oncle et de deux cousins. Mes parents sont décédés et j'étais fils unique. De ce côté-là, il n'y a rien à suspecter. Je ne les voyais déjà plus, bien avant de rencontrer Gilles.
- Depuis que cette affaire à débutée, tu as eu de leurs nouvelles?
- Aucune. J'ai su par mon avocat qu'ils avaient été interrogés par la police, à mon sujet, c'est tout. Après, rien d'autre… >>

Au début de l'entretien, Abdel baissait les yeux. Maintenant, il me regarde bien en face. Si je le pouvais, je resterais avec lui, auprès de lui, pour écouter sa voix profonde, timide, un peu hésitante, pour admirer cette bouche voluptueuse aux dents parfaites. Je m'imagine frôlant ses bras bronzés, aux muscles fins. Je crois ressentir le contact de mes doigts sur ses cuisses fermes. Je débloque, en somme! Le pauvre est en taule pour des années encore. Crime crapuleux, ont estimé juges et jurés, le maximum de cabane prévu par la loi a été infligé à Abdel. Les bronzés, ça fait toujours peur à un jury! Encore heureux qu'ils ont oublié le coupe-chou soi-disant inventé par le sieur Guillotin!

*****

Madame me reçoit dans le grand salon.
Martin reprend du service. Elle explique:
<< - Vos allées et venues ne passent pas totalement inaperçus, très cher. On jase, évidemment. C'est bien dommage! Enfin, nous n'y pouvons rien, n'est-ce pas! Certaines personnes ne m'ont pas caché leur mécontentement. Elles laissent entendre que ressortir cette histoire pourrait me causer plus de désagréments qu'autre chose. Alors je préfère garder Martin auprès de moi, si vous n'y voyez pas d'inconvénient, bien entendu.
- Aucun, Madame, croyez, le-bien. Même si sa présence me rassure parfois.
- Je sais que… certains liens se sont créés entre vous…
- Vous comprendrez, Madame, que je ne tiens pas à étaler ma vie privée, même avec vous. Veuillez excuser ma franchise mais je suis intransigeant sur ce point. Mes relations avec Martin ne concernent que moi et lui.
- J'entends bien. Je prends bonne note de la leçon. >>

Pendant l'échange, ledit Martin n'en menait pas large. Il me fixait, inquiet de me voir exploser. Je sais me tenir dans le monde, quand même! Et cela ne m'empêche pas de dire mes quatre vérités, ah mais! J'en reviens donc à mon enquête:
<< - Croyez-vous, Madame, que feu votre mari ait été capable de votre fils, son fils, dans un mouvement de colère?
- Quelle horreur!
- Comprenons-nous bien, Madame. Feu votre époux passait pas pour un tendre envers les homosexuels. Y détestait tout ce qui était pas de race blanche et tout particulièrement tout ce qui venait d'Algérie. Y' a eu cet incident, lors d'un anniversaire de Gilles.
- Ah, on vous a dit! Ce que je vais vous dire, Monsieur Portille, va vous paraître déplacé, mais mon mari était un lâche dans toute l'étendue du terme. Ça, il clabaudait partout ses prouesses imaginaires à tous vents. Mais personne n'y croyait, et surtout pas moi. Lui seul se persuadait d'être un homme viril. Si j'osais un parallèle, je dirais que mon mari était encore moins viril que mon fils, qui, lui, l'était mentalement.
Comprenez-vous ? Mon époux a été renvoyé du front, en Algérie, parce qu'il s'évanouissait dès qu'on lui ordonnait de tirer. Je simplifie, bien entendu, j'exagère également, mais c'est pour que compreniez mieux
- Parfaitement. Mais y me semble que vous me cachez quelque chose concernant votre époux. J'en suis persuadé.
- Mon mari n'est pas mort à la suite d'un accident. C'était un geste volontaire. Probablement le seul geste courageux qu'il ait eu dans sa vie! Une enquête était sur le point de révéler certaines malversations de sa part, des magouilles pas très jolies-jolies qui l'auraient amené en prison. Nous étions mariés sous le régime de la séparation des biens. Je dispose d'une fortune considérable, lui n'avait rien. Sur plusieurs documents, il avait imité ma signature, disant que j'apportais ma caution à ses opérations plus ou moins délictueuses. Quand nous l'avons découvert, je lui ai signifié de faire en sorte d'éviter le scandale. Cela a été apprécié, dans certaines sphères gouvernementales. Voilà, vous savez ce qu'il y a à savoir.
- Donc, vous avez exigé de votre mari qu'y se suicide?
- Pas moi. Certaines personnes lui ont fait comprendre qu'il convenait de mettre un terme à ses trafics et ce sans provoquer de scandale. À lui de trouver la solution! Beaucoup d'intérêts importants étaient en jeu. Mais il n'y avait pas que cela. Les fausses signatures, les aides farfelues, de mon mari, n'étaient que peccadilles. Par contre, il s'était mêlé, malencontreusement, de questions dont il n'aurait jamais dû avoir connaissance. Avec sa manie de se donner de l'importance, il a failli provoquer une catastrophe en commettant d'énormes bourdes. Je ne puis en dire plus, personne ne vous en dira plus. >>

En me raccompagnant, Martin m'assure de sa compagnie pour la nuit. Le cher homme, par ce désir de mon corps, me remonte le moral, me redonne goût à la vie et à son vit en particulier, bien que je n'ai jamais été lassé ni de l'une ni de l'autre.

*****

Quand je baise avec Martin, je me sens complet, en quelque sorte, je participe à un assouvissement total de l'acte charnel. La chose est assez rare, chez moi. Souvent, après une baise, j'ai comme l'impression d'avoir accompli un acte hygiénique, ce qui me frustre terriblement. Avec Martin, jamais une telle frustration ne m'est arrivée. Est-ce ça l'amour, le grand Amour? Cependant, en toile de fond, le triste sourire d'Abdel me hante. Image fugace qui provoque chez moi des rêves érotiques, des envies de sentiments passionnés et passionnels, des envies de vie à deux, de bonheur à deux.

Tandis que Martin me pistonne l'oignon consciencieusement, j'imagine sentir la queue d'Abdel dans mes tripes! C'est la première fois qu'un truc pareil m'arrive! Pas de doute, j'ai le béguin pour le beau taulard! Cette constatation me confond car j'éprouve une grande tendresse pour mon Maousse Martin! Je jouis par habitude, sans grande manifestation de joie. Lui s'exprime comme à l'accoutumée, avec beaucoup de grandeur, je trouve. Une fois l'explosion des sens passée, il m'assène:
<< - Peut pas dire que ce soit la grande chevauchée, ce soir! T'as pas la tête à mon nœud!
- Excuse, mon Martin, mais je sais pas ce que j'ai. Toute cette histoire de Gilles me turlupine. Y'a ment un truc que je pige pas. Et ce suicide qui s'ajoute! >>

Je le regarde, mon Maousse, je l'admire presque. Voilà un garçon au corps sain, à l'esprit sain, sans fioriture, tout fait de sincérité. Pour le coup, ma lubricité trouve un regain de forme. Machinalement, ma main s'empare de la bite de mon compagnon. Mes lèvres rejoignent les siennes. Je bande. L'image d'Abdel s'efface de ma mémoire. Je peux me consacrer à Martin avec toute la fougue dont je suis capable. Il ne comprend pas bien ce revirement mais accepte avec joie les hommages dont je l'abreuve. Le contact de son système pileux m'électrise. Il le sait, en joue. Je suis au paradis quand j'enfonce mes doigts dans sa toison, quand je soupèse ses couilles, quand je titille un bout de sein. Je m'enivre de son odeur de mâle, fourrant mon nez dans tous les coins et les recoins de son corps. Ma langue suit un trajet identique avant de s'attarder longuement sur la tige de chair tendue par le désir, de taquiner les bourses, de papillonner aux alentours de la rosette. Martin grogne de plaisir, prenant des poses alanguies l'espace de quelques secondes, telle une pute. Parfois, il aime s'avilir un soupçon, juste un peu. Mais ça ne dure pas. Il sait que je n'apprécie guère. Ma queue plonge dans son tréfonds, provoquant une osmose de nos deux êtres. Je comprends que Martin va éjaculer. Je le branle. Il adore ça, les soubresauts annonciateurs ne trompent pas. Le jus s'éjecte, retombe sur son ventre non sans avoir déposé quelques gouttes sur mon visage et noyé mes doigts. La vue de ces jets de foutre précipite mon éjaculation. J'aime jouir dans un anus, regrettant la capote, filtre artificiel malheureusement obligatoire.
Je soupire, en me retirant de l'orifice accueillant, libérant ma bite du préservatif, et je me blottis bien contre mon géant, le nez sous son aisselle, ce dont il raffole. C'est alors qu'il me fait la surprise:
<< - Tu sais, Honoré, j'étais l'amant de Madame Loué, y' a longtemps. J'avais tout juste 19 balais. On a fait ça quatre fois en tout. Un jour, son mec nous a trouvé en train de nous rouler une pelle. Pas besoin de lui faire un dessin, au vieux. Y'a rien dit. Le vieux l'a fait chanter, Madame. Si elle le pistonnait pas dans ses affaires à la con, y'allait tout dire à mes vieux. Moi et elle, on s'est vus en cachette, après pendant des années, mais on n'a plus baisé ensemble. Elle m'aimait bien, moi aussi, de l'amitié, quoi! Quand le vieux l'a commencé ses conneries de faux, elle a repris le dessus sur lui. Y l'a menacée plusieurs fois de lui faire la peau. Y'a jamais eu de lettres anonymes. Fallait bien qu'elle trouve une excuse pour les autres. C'est là qu'elle m'a embauché comme garde du corps. Elle le craignait, son mari, tu comprends? Mais j'avais viré de bord, entre temps. Les bonnes femmes m'intéressaient plus. Quand je dis les, c'est plutôt la, parce qu'elle a été la seule.
- Merci de ta franchise, mon Martin, merci. >>

Pour le coup, je remets le couvert en lui présentant mes fesses sur lesquelles il se précipite, langue en avant. Quel baiseur! Infatigable! Tout comme moi.

Alors que je m'apprête à m'endormir, il avoue:
<< - Les menaces récentes dont Madame Loué t'a parlées, elles viennent de Tom et d'Yves. L'histoire du voyage à Nice et de la tournante, ça s'est passée deux jours après la mort de Gilles, pas le jour même comme y disent.
- Comment tu sais ça, toi?
- Elle me l'a dit. Mais je devais pas t'en parler.
- Mais qu'est-ce qu'elle cherche, à la fin? Elle veut qu'on innocente Abdel mais elle cache certains trucs! Fais chier! Merde! Bon, y'a rien d'autre de ce genre à savoir?
- Non, c'est tout pour aujourd'hui.
- Écoute, Martin, si y'a encore quelque chose, dis-le maintenant.
- Je sais pas…
- T'as pas confiance en moi, c'est ça?
- Non, mais je veux pas manquer à ma parole.
- D'accord! D'accord! Je crois qu'y vaut mieux plus en parler. Ça pue trop cette affaire! Ça sent le pourri! J'ai besoin d'air pur. Allez, mon gros Loulou, je me gare sous ton bras et on roupille. Parlons plus de ce merdier, ça me donne envie de vomir. >>

*****

Tout en conduisant, je tente un récapitulatif. Allez savoir pourquoi, mais peu à peu je remonte mentalement une piste qui pourrait m'emmener vers la solution finale. Tout concorde, tout coïncide. C'est clair comme de l'eau de roche. L'évidence m'apparaît dans toute sa simplicité. Seulement je suis incapable de répondre à la question qui s'impose: POURQUOI? Où est le mobile? Autre sujet à élucider: la preuve!
Aussi, je suis fermement décidé d'aller jusqu'au bout. Pour ça, j'utiliserai tous les moyens possibles. En premier, foutre la trouille à tout ce petit monde en lançant quelques sous-entendus bien sentis, comme par inadvertance, devant les intéressés. Je commence par l'Yves, la beauté trafiquée, le mâle féminisé.

Il me reçoit en tenue d'intérieur, à savoir kimono de soie. Je remarque de suite un changement sur sa personne. J'ai du mal à y croire. Aucune trace de maquillage, les sourcils connaissent quelques poils indisciplinés émergeant depuis peu. Les cils naturels paraissent dépourvus de potion noire. Même les yeux sont de couleur différente. Le bleu azur fait place à un noir de jais pailleté d'éclats dorés dus aux lumières ambiantes. Il se fourrait des lentilles de contact colorées, ce con là! Pourtant, ils sont plus attrayants comme ça, ses yeux! Je ne cache pas mon admiration. Il la voit dans mon regard. Son sourire m'achève:
<< - J'ai suivi votre conseil. Vous n'aviez pas tort. À cela près que je ne prise guère de voir un poil folâtrer à part des autres. >>

Je reviens sur terre, réponds:
<< - Faut discipliner, pas arracher quand vous en avez juste ce qu'y faut! Vos esthéticiennes doivent savoir comment on fait, non?
- Elles se contentent de se plier à la mode du moment, aux critères du jour.
- C'est vous le client, à vous d'exiger ce que vous voulez. >>

La voix chaleureuse s'en vient taquiner ma libido, tout autant que le corps devant moi. Il s'assied, façon virile. Décidément, l'abandonne toute ses facéties mondaines. Ce qui lui va à ravir et ravi je suis. Au point que sous mon caleçon se dresse un mât de misère car trop à l'étroit. J'en arrive à espérer que cela devienne un mât de fête. La voix enchanteresse résonne dans mon crâne embrumé par des pensées plus érotiques les unes que les autres:
<< - Un apéritif, cher Monsieur Portille? >>

J'accepte. En sirotant, j'aurai tout loisir de contempler la bête. Reste que je ne suis pas là pour régaler ma vue mais pour m'instruire sur certaines anomalies à propos d'un crime de sang. Donc, prudemment, j'avance:
<< - Dites-moi, Yves, votre voyage à Nice, en compagnie de votre ami Tom, ce n'était pas le jour de la mort de Gilles, mais bien le surlendemain de sa mort. Les témoignages concordent. Je comprends que vous ne vous en souveniez pas précisément, il y a si longtemps.
- Vous croyez? Pourtant, j'aurais juré que c'était précisément ce jour-là. Mais qu'est-ce que cela change?
- Tout bonnement que vous revoilà en piste dans la liste des suspects.
- L'affaire est close, Abdel coupable.
- Plus maintenant, mon cher Yves! Certains éléments démontrent sans contestation possible, que Abdel a pas pu commettre ce crime (quel menteur je fais!). Nous préparons un rapport détaillé sur ces nouveaux éléments et sur les lacunes de la précédente enquête, dont le fait que les amis du défunt n'aient jamais été interrogés.
- Vous ne pensez tout de même pas…
- Oh je ne pense à rien, si ce n'est qu'un innocent croupit en prison et qu'un meurtrier se goberge en liberté.
- Mais enfin, je n'ai rien à voir avec cette affaire!
- Alors pourquoi menacer, ou tout comme, Madame Loué?
- Moi? Jamais de la vie! Voyons, une amie très chère! Qui a bien pu vous mettre pareille idée en tête?
- Le téléphone, mon tout bon, le téléphone et pas arabe celui là.
- Serait-on sur écoute?
- Ne vous mettez pas martel en tête! Je suis totalement incapable d'une telle installation. Déjà que j'ai du mal à utiliser mon autoradio, alors pensez! Bien, ces menaces?
- Je veux bien coopérer à condition que vous soyez discret.
- Promis, pas un mot à personne.
- Parlons du père Loué. Un vieil imbécile tout juste bon à faire couler son monde et la France avec. Simplement, il nous a entraînés, Tom et moi, dans des affaires financières scabreuses. Quand nous l'avons sommé de réparer et de nous blanchir, en quelque sorte, c'est tout juste s'il ne nous a pas ri au nez. Directeur de cabinet dans un ministère, tu parles! Un chef de bureau, sans plus. Mais assez bien placé pour voir passer des dossiers très intéressants. Seulement il n'était pas capable de reconnaître l'orge de l'ivraie, le bon du mauvais. Quand on s'est aperçu qu'il ne voulait rien savoir, alors, à notre tour, nous lui avons clairement dit que nous engagerions quelqu'un pour lui faire entendre raison et rendre gorge. A la mort de Gilles, son père à tout fait pour que l'enquête soit bouclée rapidement. Ses supérieurs l'y ont engagé et encouragé les enquêteurs: les indices désignaient Abdel coupable, une véritable aubaine pour tout le monde. Après le décès, bienvenu, de Loué père, sa veuve nous a assuré réparer, financièrement. Toutefois, elle a demandé du temps car elle ne connaissait pas l'étendue des dégâts, après avoir paré au plus urgent. Et puis, elle s'est mise en tête d'innocenter Abdel. Nous pensions, Tom et moi, que vous enquêteriez sur une piste de rôdeur. Mais vous vous êtes engagé sur l'entourage de Gilles, donc nous, et commenciez à fouiller dans nos histoires. Nous avons tout bonnement tenus à prévenir Madame Loué des dangers encourus si jamais on révélait que nous avions participé à des tripatouillages involontairement, certes.
- Il était au courant, le Martin, pour vous deux, je veux dire Tom et vous?
- Non. Clémence, enfin Madame Loué, lui a dit qu'elle craignait pour sa vie, que son mari l'avait menacé à plusieurs reprises, ce qui était vrai. Mais tout ceci est étranger au de Gilles, je vous l'assure!
- Si ça pouvait être vrai! Malheureusement, c'est lié, indirectement, mais c'est lié.
- Qu'allez-vous faire?
- Rien pour le moment. J'ai besoin de plusieurs confirmations sur divers points annexes.
- Est-ce que vous savez…. pour Nice… je veux dire à propos de moi…
- J'ai entendu certaines rumeurs. Si elles s'avèrent fondées, vous êtes une victime et je compatis sincèrement. Cela concerne que vous et vos agresseurs. >>

Il semble méditer, avale une gorgée de martini gin. Lève une main comme s'il chassait un insecte invisible, sourit, propose tout guilleret:
<< - Si nous déjeunions ensemble, Monsieur Portille? Ça me ferait énormément plaisir.
- Je suis confus, c'est gentil à vous, mais…
- Non! Non! Non! J'insiste. Allez, c'est décidé, vous restez à déjeuner! Croyez bien que je ne cherche pas à vous acheter. Pour cela, j'ai bien d'autres moyens. Mais vous me plaisez, j'apprécie votre compagnie malgré la situation. >>

Tout en parlant, Il tapote le dessus de ma cuisse. Je sens que ma queue se dresse. Je cède, va pour le déjeuner! Il s'exclame:
<< - À la bonne heure! Me voilà comblé. Je déjeune en tête à tête avec un beau garçon! >>

Dans ma tête, j'argumente en faveur de ma décision: le mec est pas mal, un petit coup de queue avec lui serait un plus pour lui soutirer quelques informations supplémentaires entre la pipe et la sodomie, ou pendant.

Repas sobre mais excellent.
Alors que nous entamons quelques grivoiseries corporelles, le téléphone sonne obligeant Yves à abandonner mes lèvres et ma queue. Quand il revient, contrit, il annonce que nous avons peu de temps: un imprévu. Il passe de suite à l'action, ouvrant ma braguette, sortant mon vit du slip et l'embouchant promptement. Putain quelle pipe! Martin m'en avait bien touché deux mots mais jamais je n'aurais pensé que l'Yves possédait un tel talent. Une langue de velours sur une queue de velours! Une langue enveloppant, s'enroulant, se développant, sur et autour de mon gland, salivée juste le nécessaire! Que dire de ces doigts câlins qui s'approprient mes bourses, les tirant, les englobant, obligeant mes couilles à rouler l'une contre l'autre avec la plus grande délicatesse. À ce train-là, je crois que je vais juter prestement. Que nenni! Le drôle est attentionné, en demande plus. Avec la rapidité d'un prestidigitateur, le voilà à poil, couché sur le dos, jambes en l'air, après avoir revêtu ma queue d'une capote. Il me fait signe de l'empaffer immédiatement. J'exécute cet ordre charmant. Coulisse ma pine, coulisse! Et elle coulisse gracieusement, merveilleusement. L'autre hurle que je le baise pas assez fort. Je décuple la vitesse, la brutalité de l'acte. Un filet de foutre s'écoule de la bite du Yves qui se contorsionne en râlant son plaisir. Le jus monte, je ne le retiens pas. Pris d'une idée subite, je quitte ce cul avenant, ôte le préservatif, pratique quatre ou cinq mouvements masturbatoires et arrose copieusement la face de mon partenaire dont les regards m'adressent de sincères remerciements pour ce supplément.

On ne cause pas, trop pressé par l'imprévu.
L'est agréable l'Yves, en privé je veux dire. En se quittant, il m'invite à passer le week-end prochain dans sa maisonnette, comme il qualifie son palais! D'accord! Seul ou accompagné? Accompagné, que j'ai répondu. D'accord qu'il a dit. Parfait, je vais sortir mon Martin. Faudra l'autorisation de Madame pour un congé exceptionnel.

*****


Dès arrivé à la maison, je cause de la chose, au Martin. L'opine du bonnet, la mine penaude, comme s'il attendait une punition pour une faute bénigne. Gros poutou sur ses lèvres qui bougent à peine, comme si elles ne voulaient pas répondre. A même pas mis la langue, le boudeur! Je le secoue un peu, l'asticote:
<< - Qu'est-ce qui t'arrive, mon Martin? T'as avalé de travers?
- Ben… la dernière fois tu m'as demandé si j'avais encore quelque chose à te révéler. Je t'ai dit que je pouvais pas, j'avais promis. Tu te souviens?
- Oui, je me rappelle. Quelle tuile tu vas m'annoncer?
- Bon, ben voilà. Pas facile à dire mais je crois qu'y faut. Tant pis, je me lance. C'est Madame Loué qu'a poussé son mari dans le ravin. J'étais là quand ça s'est passé. Je peux pas dire si elle l'a fait exprès ou si c'est involontaire. Voilà ce qu'a eu. Tous deux se promenaient le long du ravin. Y parlaient divorce, les arrangements à l'amiable, tu vois le genre. Moi je suivais à une dizaine de mètres derrière, discrétion oblige. Remarque, j'entendais quelques mots. Lui tenait Bonnie, leur chienne, une très jeune berger allemand, en laisse. Tu sais ces laisses qui se rallongent. Bonnie était à trois ou quatre mètres à gauche de lui, tout au bord du ravin, comme les patrons qui regardaient au fond tout en bavassant. La chienne a glissé. Lui a essayé de la retenir en criant qu'on vienne l'aider. La chienne pendait dans le vide, elle tentait de s'agripper contre les parois. En entendant les cris, j'ai couru. Madame, qui était à une dizaine de pas de son mari, s'est précipitée vers lui pour l'aider. Elle a trébuchée contre une pierre, s'est affalée par terre. En tombant, elle a bousculé son mari qu'a basculé dans le vide. Le plus étrange, c'est que la chienne avait réussi à s'accrocher à je sais pas trop quoi et à revenir sur la terre ferme. Tu l'as vue chez Madame, la Bonnie. L'enquête a conclu à un malheureux accident, comme y disent. >>

Je suis perplexe. Martin m'observe par en-dessous, ne sachant comment prendre mon silence. Effectivement, j'ai vu cette chienne, magnifique spécimen canin. J'avais noté une ancienne estafilade cicatrisée sur laquelle les poils avaient du mal à repousser, au niveau du cou, certainement due au collier quand elle s'est trouvée pendue au dessus du ravin. Mes yeux observent Martin. Il fait pitié à voir tant son visage est déconfit. Je le rassure:
<< - Fais pas cette tête là! T'as promis, t'as tenu ce que t'as pu. Mais t'as bien fait d'en parler. Quelqu'un d'autre est au courant de cet accident?
- Je sais pas mais je pense pas. Madame tient pas à ce que ça se sache, pour ça non!
- Je comprends pourquoi toi et Madame vous vous dites tout. Y'a une vraie complicité entre vous.
- La vie, Honoré, la vie, rien d'autre.
- Ouais! La vie comme tu dis. J'ai une autre version sur ce que t'as vu, mon Martin! Le père Loué était poussé au suicide. Tout l'y obligeait. Ses conneries se comptaient plus, les gens qu'y avait mis dans la merde non plus. Tout le monde le menaçait. Un type qu'a menti toute sa vie pour faire croire que c'est superman, ça supporte pas que la vérité sur lui éclate. Alors, ce jour-là au bord du ravin, l'a effectivement voulu remonter la chienne, mais y s'est laissé aller, voyant une occasion de se suicider en faisant passer ça pour un accident. Madame, elle, s'est effectivement précipitée, par pur réflexe. Reste à savoir si c'était pour sauver son mari ou la chienne. Probablement les deux. Mais elle s'est cassée la figure avant d'intervenir. Je crois que c'est ça, parce que tu me dis que la chienne avait repris pied sur le plancher des vaches, tout juste avant que le père Loué fasse le plongeon éternel. Qu'est-ce t'en penses, mon Martin?
- Ça se pourrait bien. Tu sais, vu comme le couple allait, je pensais à une poussette. Remarque, j'y en voulais pas à Madame. Y l'a tellement fait chier, la pauvre. >>

Je me plaque contre Martin, visage en direction du sien, dans l'attente de la pelle magistrale. Il retrouve son sourire, pose ses lèvres sur les miennes. Une fois les bouches décollées, il me susurre gentiment, timidement, presque honteusement:
<< - Je tiens vachement à toi, maintenant, tu sais Honoré. J'en ai parlé à madame. Elle m'a demandé d'attendre que ta contre-enquête soit finie avant de quitter son service. >>

Alors là, mon ciboulot tourne à plein régime. Si donc le Martin veut quitter le service de Madame, c'est qu'il compte passer au mien, donc qu'il veut vivre avec moi. Je suis tourneboulé par cet aveu qui me touche au fond des tripes. Mais bon dieu! Y'a Abdel! Qu'est-ce qu'il fait d'Abdel, le Martin? Attends, faut que je m'isole. Je lui souris, au Martin, mon plus beau sourire qu'il prend certainement pour un agrément à ses projets. Faut vite résoudre la question. Je ne suis pas sûr de ce que je pourrais répondre, même pas sûr de mes sentiments envers lui, envers Abdel, envers le monde entier. Le plus doucement possible, je demande:
<< - Y'a un truc qui peut pas attendre, mon Martin, ça presse, je vais mouiller mon froc. >>

Merci à celle ou celui qui a inventé l'excuse du pipi d'urgence! Je file aux chiottes, seul endroit possible pour réfléchir quelques minutes. Je pose mes fesses sur le siège, après m'être défroqué, au cas où. Rien ne vient! Pas la moindre goutte. Service urinaire paralysé par la question du jour. Me voilà donc avec une affaire de à élucider, qui est élucidée mais dont je n'ai ni la preuve ni le mobile. Me voilà donc amoureux d'un taulard innocent qui probablement ne voit en moi qu'un empêcheur de résider en prison peinardement. Me voilà donc avec un Martin qui se prétend dingue de ma personne et envisage une vie commune sans demander mon avis.
Je veux résoudre cette affaire de . Mais en suis-je capable?
Faut que je passe cet amour en impasse pour Abdel. Mais est-ce bien de l'amour?
Faut que je calme mon Martin en lui expliquant qu'il doit avant tout assurer son avenir professionnel et conserver sa place auprès de Madame en lui précisant que mon officine de détective privé ne nourrit qu'une seule et unique personne: la mienne de personne, et encore pas somptueusement.
Je m'admire. J'ai toujours été comme ça. Dès qu'un gros problème perso se présente, je me fous dans n'importe quel isoloir et je trouve immédiatement la solution après avoir déblayé tout ce qui me chagrine. C'est encore le cas aujourd'hui.
Illico, je sors, vais rejoindre mon Martin qui anone:
<< - J'espère que t'as pas cru que je voulais habiter avec toi, dis, Honoré?
- Y'a un peu de ça, Martin.
- Écoute, j'ai du fric de côté. T'as remarqué que je vis pas dans une masure. T'inquiète, rien d'illégal dans mon petit pécule. Les primes, les services exceptionnels rendus. Mais crois pas que j'ai fait la pute, ça non, jamais! Depuis que je suis en âge, je fais le garde du corps et c'est bonnard question paye. En plus, on dépense peu, tout pratiquement est payé par les patrons. Mon appart, juste pour avoir un coin à moi. Les trois quarts du temps, j'habite chez les patrons. Non, ce que je te proposais c'est une association, tous deux. Tu pourrais prendre plus de clients. Tu sais, je suis pas si con que j'en ai l'air, j'apprends vite. Je sais me tenir aussi.
- Vu sous cet angle, je pense que ça peut se faire, mon Martin. >>

On parle sur le balcon. On scelle notre accord par une pelle langoureuse. La fraîcheur de ses lèvres revigore la bête en moi. En parlant de bête, y'a popaul qui se redresse d'autant qu'une main vient le malaxer doucettement. Mes doigts, à moi, tournoient les tétons de Martin qui glousse de bonheur. Comme par enchantement, les habits gisent sur le ciment. Je susurre:
<< - Appuies-toi sur la rambarde, cul bien cambré. >>

Il opine, se met en place. Droite, rougeoyante, ma queue est habillée d'un latex protecteur. J'en garde toujours un à portée de bite. Une lichée de lubrifiant et voilà mon Martin embroché bien à fond. Je te le pistonne tranquillement. Il murmure que ma pine l'émerveille, l'éblouit, provoque des frémissements dans tout son corps, qu'il la veut toujours en lui regrettant qu'elle ne puisse être à la fois dans sa bouche et dans son cul. J'aime quand il me complimente de la sorte. La matraque s'active encore plus et mieux. Les râles de plaisir s'intensifient. En mordillant l'oreille de mon cher enculé, j'aperçois sa queue se brinquebalant au dessus du vide, en rythme avec ses couilles. Charmant spectacle! Veut-il m'en mettre un coup entre les fesses. Il dit que non, trop désireux de sentir que je le pénètre. Qu'à cela ne tienne! Je le bourre. Il gueule qu'il m'aime, que jamais il n'oubliera ma pine, que son cul s'en souviendra toujours, qu'aucun gode ne lui procurera de telles sensations. Cette pluie de flatteries m'oblige à remplir la capote de foutre, secoué que je suis par les spasmes éjaculatoires. Mon Martin se redresse un soupçon. Je vois sa queue tendue envoyer la purée en plein air. Je résume:
<< - Tu crois que les mecs en dessous ont pris un pébroc en cas de pluie? >>

Martin ricane malgré la crispation de tous ses muscles.

À suivre…..

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