Clorinde Revient! (9)
Et évidemment, le soir, quand elle est rentrée, il a fallu que je lui fasse, tandis quelle se douchait, un compte-rendu circonstancié de la conversation que javais eue avec son patron.
Sans omettre le moindre détail.
Elle était enchantée.
- Il a mordu. Cest lessentiel. Il a mordu.
Elle sest ébrouée, sest enroulée dans sa grande serviette blanche.
- Et maintenant ? Vous allez vous y prendre comment maintenant ?
À vrai dire, je nen savais trop rien. Je comptais improviser.
- Cest le mieux, oui, vous avez raison. Sadapter. En fonction du contexte. Et de la façon dont ça réagit en face.
Elle a laissé tomber la serviette et elle sest plantée, toute nue, devant la penderie.
- Bon, mais cest pas tout ça. Quest-ce que je vais mettre ?
- Oh, tu peux rester en létat, hein ! Moi, ça me va très bien.
- Oui, oh, ben ça, je me doute. Je sais. Mais pour sortir, ça fait quand même un peu désordre.
- Tu sors ? Tu vas où ?
- Ah, oui, cest vrai, je vous ai pas dit. Je suis invitée. À un vernissage. Par Stephen, le type de la 342. En fait ce quil y a eu, cest que, ce matin, il y avait une grande photo, en noir et blanc, sur la table où je lui pose le plateau dhabitude. Du coup, jai un peu hésité. Jallais en faire quoi de son petit déj ? Et lui, il a fait semblant de croire que jétais statufiée devant la photo parce que je la trouvais géniale. « Cest moi qui lai faite. Ça vous plaît ? » Jallais pas lui dire non. Surtout que, pour être honnête, cest vrai quelle est pas mal. Alors jai eu droit à tout un discours sur la technique de la photographie à quoi, je dois dire, jai pas compris grand-chose. Et, au final, il ma invitée à ce vernissage, ce soir, avec lui. « Vous verrez ce que je fais comme ça. » Étant bien entendu que, faut pas me prendre non plus pour une lapine de trois semaines, ce quil veut, cest men foutre suffisamment plein la vue pour que je finisse, fascinée, dans son lit.
- Et ça te tente pas ?
- Cest pas que ça me tente pas. Cest que, depuis que je bosse là-bas, il mignore superbement, ce mec. Et, sous prétexte que ça le toque, comme ça, dun coup, de vouloir me sauter, il faudrait que jécarte docilement les jambes. Et que je sois éperdue de reconnaissance. En plus. Oui, ben il a quà y croire ! Cest pas demain la veille quil me touchera. Par contre, je vais bien mamuser. Ça, je peux vous assurer que je vais bien mamuser. Ce qui me dit pas ce que je vais mettre. Ben, aidez-moi, vous, au lieu de rester planté là comme une bûche.
- Ta robe rouge ? Elle te va très bien, cette robe rouge.
- Mouais. Un peu provocante quand même. Dautant que, je les connais pas tous ceux quil va y avoir à cette soirée, mais sûrement que ça va être le style un peu coincé.
On a frappé.
Elle a crié.
- Cest qui ?
- Cest moi, Lucie.
- Eh ben, entre ! Tu tombes bien. Tu vas maider.
- Ah, parce que ty vas finalement
- Jy vais, oui.
- Jen étais sûre.
- Oui, mais te fais pas un film. Cest pas pour autant quil va me passer à la casserole. Il y a pas de risques.
- On verra.
- Cest tout vu.
- Alors là, jsuis bien tranquille. Ten crèves denvie.
- Mais non, mais
Peut-être un peu, si ! Mais ce sera pas ce soir en tout cas.
- On en reparlera. Pas plus tard que demain matin.
Clorinde lui a tiré la langue.
- Viens maider à choisir plutôt, tiens, au lieu de raconter des âneries.
Elle a tourné deux fois sur elle-même. Trois fois.
- Ça va ?
- Mais oui, ça va. Allez, file le retrouver.
- Vous allez faire quoi, vous, pendant ce temps-là ?
Lucie a souri.
- Devine
- Oui, ben vous enregistrez, hein ! Que je participe
Tu sais ce quon a dit, Lucie. Et vous faites attention aux voisins. Sils réagissent, tout ça. Et puis aussi
- Mais oui, on sait, on sait. Allez, va vite profiter de ta soirée.
Elle la poussée en riant vers la porte quelle a refermée sur elle.
- Là ! Et maintenant à nous deux !
Elle ma posé les mains sur les hanches. Il y en a une qui a lentement dérivé le long de ma cuisse, qui a changé de direction, est venue me cerner lentrejambe.
Son portable a sonné. Elle y a jeté un coup dil.
- Cest lui !
- Qui ça, lui ?
- Mais lui ! Lui ! Faut absolument que jy aille ! Je te laisse. Désolée.
* * *
- Dabord je vais me baigner
Elle est restée un long moment debout sur la margelle, mains sur les hanches, ses fesses nues toutes dorées dans le soleil. Avant de se retourner.
- Ben alors, vous venez ?
On a nagé. On sest poursuivis. On a ri. On sest éclaboussés.
- Hou ! Ça fait du bien
Et on est allés sétendre côte à côte au bord de la piscine.
- Je vous demande pas pour Lucie hier soir. Je vous demande pas. Parce que je sais. Elle ma dit. Comment elle culpabilisait par rapport à vous ! « Je lai planté là. Sans autre forme de procès. Non, mais timagines ? Cest dun mufle ! Comment il doit men vouloir. »
- Mais non, je lui en veux pas. Non.
- Je sais bien. Je vous connais. Mais avec elle, faut que vous vous attendiez à ce que ça recommence. Parce quil suffit quil la siffle, lautre animal, et elle accourt. Quitte à la foutre dehors dans le quart dheure qui suit. Ce qui sest passé hier dailleurs. Ils se sont pris la tête. Et en beauté. Alors soi-disant que, cette fois, cest fini. Et bien fini. Sans le moindre espoir de retour. Tu parles ! Je donne pas deux jours avant quils aient remis ça. Et ce sera reparti pour un tour. Et quon se raccommode. Et quon se déracommode. Non, elle est gentille, Lucie, je laime beaucoup, mais alors, sur un plan sentimental, elle est dun compliqué
Faites gaffe, hein ! Contentez-vous de coucher avec elle. Tombez pas amoureux ! Ce serait lenfer pour vous.
- Je nen ai pas du tout lintention.
- Vous mavez moi, de toute façon, si vous tenez absolument à tomber amoureux de quelquun
Elle a poussé un énorme soupir.
- En attendant jai peur des fois.
- Peur ? Et de quoi donc ?
- Que ça dure pas nous deux.
- Pourquoi ça durerait pas ? Il y a pas de raison.
- Oh, si, il y en a ! Si ! Il y en a plein même. Par exemple
Par exemple, ce que jarrête pas de me demander, cest si coucher, pour vous, cest pas beaucoup plus important que ce que vous dites finalement. Ou que ce que vous croyez. Ce qui lest pas du tout pour moi. Je lai bien vu hier soir, encore une fois, avec Stephen.
- Ça sest fait alors
- Oui, oh, mais bof ! Enfin
Je peux pas dire que cétait loupé, non, mais je peux pas dire que cétait génial non plus. Disons que cétait très technique. Il connaît bien le corps des femmes, ça, cest sûr. Alors il fait ce quil faut pour que tu jouisses. Et tu jouis. Mais bon, cest pas lextase non plus. Cest trop appliqué. Trop méthodique. Et ça ma confirmé une fois de plus dans lidée quil y a des trucs, je prends mille fois plus mon pied avec. Comme tout ce quon fait ensemble, vous et moi. Seulement vous, vous êtes un homme. Et faut que ça couche, les hommes. Ne serait-ce que pour se rassurer. Alors cest bien que vous le fassiez. Si, cest vrai ! Ça prendrait beaucoup trop dimportance pour vous sinon, ment. Et cest bien que ce soit avec Lucie. Parce que je la connais, elle. Et quelle est bien trop engluée dans son histoire foireuse avec ce type pour pouvoir sinvestir vraiment avec vous. Cest bien pour ça que je vous lai jetée dans les bras. Sauf que je suis quand même pas à labri. Je suis pas à labri quil y en ait une, un jour, avec qui vous aurez envie de coucher, sans que je le sache, et qui saura tellement bien sy prendre avec vous, qui vous fera tellement deffet quil y aura plus quelle qui compte à vos yeux et que moi, vous me mettrez sur la touche. En vous disant que tout ce quon a fait tous les deux, que tout ce quon fait, finalement cest pas si important que ça.
- Oui, oh, alors ça, il y a pas de risque.
- Bien sûr que si, il y en a. Et vous savez ce que je me dis des fois ? Cest quil faudrait quon couche tous les deux. Comme ça au moins
Seulement en même temps, je suis presque sûre que, si on le faisait, ça ficherait tout par terre. On serait plus dans ce qui est à nous. Notre patte à nous. Notre griffe à nous. On se reconnaîtrait plus. Et ce serait encore pire.
- Tu sais quoi, Clorinde ? Eh bien, tu te poses beaucoup trop de questions.
- Cest parce que je tiens à vous. Si je tenais pas tant à vous
- Et moi donc !
Je me suis levé.
- Bon, mais allez, plutôt que de se faire des nuds au cerveau, on y va ?
- Où ça ?
- Faire des trucs à nous.
- Oh, oui ! Quoi ?
- Ce que tu veux. Cest toi qui décides.
- Jai bien ma petite idée.
- Qui est ?
- Vous verrez bien. Ce sera plus une surprise sinon
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