Les Factures (1)
Tenant entre ses doigts les chaussures à talons trop hauts quelle avait enlevés pour
suivre le chemin de mauvaises pierres, elle serrait autour delle ses bras crispés,
protection dérisoire contre le froid piquant. La lourde porte de chêne poussée, elle
avait fait quelques pas sur le dallage de tomettes rouges sombres, glissantes
dhumidité sous la plante de ses pieds nus. La pénombre de la vaste pièce, toute en
longueur, basse de plafond, nétait percée que de la lumière vacillante de quatre
chandeliers posés chacun dans des niches régulièrement espacées creusées dans
lépaisseur du mur de pierre brute à sa droite.
Elle sétait garée sur la grande esplanade de gravier gris comme elle lavait fait la
première fois, un an plus tôt, pour un barbecue de fin dannée. Pas de guirlandes
multicolores sur la façade de la grande maison de maître cette fois, ni cris ds
jouant sur les marches du perron, ni signes amicaux de collègues la saluant de la
main. Elle venait seule.
Après de longues nuits sans sommeil, des nuits entières à ressasser sans fin les mêmes
questions, les mêmes angoisses, elle avait téléphoné pour annuler le premier rendez-
vous sans donner dexplication, le mois dernier.
Elle navait rien résolu depuis.
Pourtant elle était là.
« et pourquoi pas ? »
Elle navait rien tranché, oscillant entre honte et désespoir. Ce « et pourquoi pas ?
» lavait amené à téléphoner un soir, en début de semaine, pour solliciter le rendez-
vous daujourdhui. Elle avait dû insister, avait raccroché tremblante dhumiliation
davoir dû supplier, sa résolution mise à rude épreuve.
Elle avait donné leur bain à Lise et Bastien, et les avait mis en pyjama, avait sorti
du réfrigérateur le gratin de pâtes à réchauffer avant daller se préparer. Elle avait
dit à Paul de ne pas sinquiéter, que la soirée durerait sans doute assez tard, quil
y aurait un cocktail et un buffet froid pour les clients, que son patron leur
donnerait une prime
il fallait justifier les clips à ses oreilles et le collier de
strass autour du cou, la jolie robe, les chaussures à talons hauts et les Dim-up, ces
« beaux habits » quelle navait portés que pour le mariage de sa sur,.
Paul navait rien demandé, aussi muet quil létait si souvent, ne levant les yeux
interrogateurs que quand elle avait parlé dune prime ... « je sais pas combien
il a
pas dit »
Combien
elle nen savait rien, et ce nétait pas ce qui finalement linquiétait
vraiment.
Ce qui linquiétait, cétait « quoi ». Elle avait bien compris au téléphone quaprès
son premier refus, les exigences avaient changées. Elle avait supplié.
Il attendait tout au fond de la grande salle froide. Il ne sétait pas retourné en
entendant souvrir la lourde porte de chêne, semblant observer, les mains croisées
dans le dos, un tableau sur un chevalet, ne jetant un bref coup dil vers elle quau
son des talons de ses escarpins quelle venait de remettre à ses pieds après quelques
pas sur les carreaux glacés et humides. Elle les avait enlevés après sêtre tordu les
chevilles à deux reprises sur lallée mal pavée bordées de petits lampadaires menant à
la grange.
Il portait le même costume gris quelle lui avait vu laprès-midi au magasin, le même
costume quil semblait porter tous les jours depuis les trois ans quelle travaillait
pour lui.
Elle sest arrêtée à quelques pas, les bras croisés sous sa poitrine.
Elle a regardé le cadre posé sur le chevalet qui retenait lattention de son patron.
Pas un tableau. Une photo, agrandie. Une femme, nue, photographiée de face, posant
sans sourire devant lobjectif, lair triste, les bras pendants le long de hanches et
de cuisses fortes, les seins lourds.
- Vous êtes venue.
-
oui
- Vous êtes mariée, nest-ce pas ?
- Oui.
- Des s ?
- Deux.
- Je nai pas ds. La photo, cest mon épouse. Approchez.
Sans un seul instant poser ses yeux sur elle, il la attirée dune main aux doigts
durs serrés sur son bras et la e à sagenouiller devant lui, appuyant dune main
ferme sur son épaule, puis sur sa tête, serrant ses cheveux à pleine main pour frotter
son visage contre son entrejambe, blessant sa joue sur la boucle de sa ceinture.
- Faites.
Il a croisé les mains dans son dos, reprenant la position quil avait à son arrivée,
na plus prononcé un mot ni fait le moindre mouvement.
De longues minutes elle est restée immobile, agenouillée sur les tomettes froides.
Incertitude, honte, colère
et larmes
Enfin, bras lourds, mains tremblantes, maladroite, elle a lentement défait la boucle
de la ceinture et dégrafé le bouton à la taille, abaissé la fermeture éclair de la
braguette, laissant le pantalon saffaisser seul le long de cuisses, jusquaux
genoux, dévoilant un caleçon de coton blanc à demi caché sous les pans de la chemise.
Honte, colère
et larmes
Les doigts de la main droite glissés dans louverture du caleçon. Le sexe mou redressé
à deux doigts. Le petit va-et-vient mécanique. Quand il commence à durcir sous ses
doigts, elle retire sa main et baisse le caleçon jusquaux chevilles. Elle a devant
son visage le sexe pendant, le gland encore recouvert de lépaisse peau du prépuce
très brun.
Aussi nu que son fils de six ans.
Etonnée, elle soulève puis écarte dune main les pans de la chemise, constate que
jusque très haut sur le ventre, sur les testicules et les cuisses, il est totalement
dépourvu de poils, des poils quelle sent pourtant légèrement piquer sur le dos de la
main qui relève les pans de la chemise.
Il se rase.
Ce détail stupide la détourne un temps de sa honte, de sa colère. Cest idiot. Elle
retient un hoquet de rire nerveux en se mordant la lèvre.
Elle coince à hauteur du nombril les pans de la chemise et le bout de la cravate sous
le t-shirt quil porte dessous, effleure du bout des doigts les marques rougies qui
marquent la peau du ventre maigre à lendroit où serrait lélastique de la taille du
caleçon. Elle retarde le moment de reprendre le sexe dans sa main en sattardant sur
ces légères boursouflures quelle lisse du pouce, détaille le sexe des yeux, à la fois
indécent et presque touchant dêtre si nu.
Il est resté flasque dans sa main longtemps malgré son application à le caresser,
assez longtemps pour quelle sénerve de ne pas réussir à le faire bander, assez
longtemps pour que la honte éprouvée à se trouver ainsi à genoux devant lui à
manipuler son sexe sefface devant le défi de réussir à déclencher une réaction.
Elle na jamais été très habile à ces manipulations. Elle caresse rarement son mari,
étant toujours partagée entre peur de mal faire et peur de faire mal, malgré huit ans
de mariage. Assez stupidement, en caressant ce sexe nu, elle pense plus à son fils
quand elle lui fait sa toilette quà son mari et sent le rouge lui monter aux joues à
cette pensée, et durcit sa caresse, accélère le va-et-vient de sa main droite, doigts
serrés, sa main gauche posée à plat au-dessus de la verge sur le ventre.
Oubliée sa honte, oubliée sa colère, elle veut une érection, vexée de sa maladresse,
de labsence de réaction. Alors sa main gauche glisse du ventre à laine et à la
cuisse, éprouve la douceur de la peau glabre, remonte soupeser les testicules puis
rejoint sa main sur la verge qui enfin se tend, prend de lampleur sous ses doigts.
Elle sourit de sa victoire puis rougit violemment en sentant une réaction inattendue,
la boule qui envahit son propre ventre, la montée dhumidité qui vient entre ses
cuisses, si rare.
Avec son mari, redoutant sa sécheresse et la douleur de la pénétration, elle enduit
son sexe de gel dans la salle de bains avant de le rejoindre au lit, précaution
dailleurs bien souvent inutile tant la fréquence de leurs rapports physiques
sespacent.
Sans sollicitation, elle a avancé la bouche, embrassé le gland très rose découvert du
prépuce brun, pris sur sa langue la perle de liquide transparent apparue à la sortie
du méat, petite bouche ourlée de rose plus vif quelle observe de si près pour la
première fois.
Une ou deux fois, guère plus, elle a donné ce genre baiser à Paul, cédant à sa
demande, sans envie, un peu gênée de ce baiser intime, gêne assortie dune part de
dégoût à prendre entre ses lèvres, dans sa bouche, ce sexe dont lodeur mâle lui
faisait froncer le nez.
Son patron se tient toujours aussi immobile, comme absent à elle, ne sollicite rien,
semble nattendre rien delle. En levant les yeux un instant, elle la vu, regard
fixe, perdu dans la contemplation de la photo dont il lui a dit que cétait son
épouse.
De manière assez ambigüe, perturbante, cette indifférence affichée la fâche et la
libère simultanément. Elle avance la bouche, lèvres ouvertes, prend sur sa langue la
chair douce et chaude, respire à plein nez le mélange douçâtre dodeurs deau de
toilette et de sexe. Elle veut bien faire. Elle veut le faire jouir. Jouir. Elle na
plus que ce désir en tête. Le faire jouir. Et toujours ce poids au creux de son ventre
à elle.
Elle est venue par désespoir. Elle est venue pour largent. Pour une promesse
dargent. Pour remplir son frigo et nourrir ses s. Pour payer les réparations de
leur vieille Peugeot. Parce que les indemnités chômage de Paul se sont taries. Parce
que leur banque les harcelle. Parce quils nont pas payé le loyer le mois dernier.
Parce que
Alors elle sest vendue, elle, pour autant de ces raisons-là.
Elle a tellement pleuré.
Elle a demandé une avance, sachant que ça ne résoudrait rien, que ça ne ferait que
retarder léchéance.
Echéance, déchéance.
Elle a tellement pleuré.
Ils avaient travaillé tout le samedi, les trois employés du magasin de meubles où elle
travaille depuis deux ans, fermé au public pour loccasion : changer larrangement des
meubles, installer les nouveautés, régler les éclairages. Lui, dans son éternel
costume gris, ne touchait à rien, donnait quelques directives brèves, les mains nouées
dans le dos.
Les affaires marchaient bien. Ils faisaient beaucoup de ventes. Et elle gagnait à
peine plus que le SMIC. Trop peu pour vivre à quatre. Paul était au chômage depuis un
an, et malade du dos. Elle avait un temps fait des ménages le soir, dans des bureaux,
toujours payée au noir, avait organisé des soirées Tupperware, avait été serveuse dans
un bar de nuit. Elle était fatiguée, tellement fatiguée, et Paul sétait mis à jouer
au PMU, à dépenser ses maigres indemnités en rêves de chevaux gagnants et de millions.
Après sêtre changée dans le vestiaire, elle était allée frapper au bureau de son
patron, lui avait demandé une augmentation, tête basse, sen voulant de sa petite
voix, de son manque dassurance, de ses mains moites quelle croisait et décroisait
nerveusement dans son dos.
Il lintimidait. Grand et mince, froid, parlant peu, dune voix sèche. Ses costumes et
ses cravates impeccables, ses chaussures brillantes, sa Jaguar aux sièges de cuir, sa
grande maison où il les avait invités lan dernier. Les affaires étaient bonnes. Une
augmentation, même petite. Elle avait bégayé, tout mélangé, son mari, ses s, le
loyer, avait retenu les larmes quelle sentait monter sous son regard glacial, sétait
tue, laissant sinstaller un long silence. Elle sapprêtait à partir, nespérant plus
de réponse :
- Vous pourriez obtenir ce que vous voulez.
Elle a relevé les yeux, croisé son regard. Pour la première fois depuis quelle était
entrée dans son bureau, il la regardait vraiment, ses yeux fixés aux siens une longue
minute, puis son regard sest baissé lentement, sur ses seins et son ventre, sur ses
jambes. Il sest levé de son bureau, la contourné, a tourné autour delle, dans son
dos il a posé une main sur sa hanche, glissant sur une fesse en la retirant, est allé
se rassoir sur son grand fauteuil de cuir.
- Vous pourriez obtenir ce que vous voulez.
Elle restait interdite, muette, les joues cramoisies. Elle avait compris, bien sûr.
Très bien compris. Elle était incapable de prononcer le moindre mot. Surprise ?
Choquée ? Muette.
- Je sais parfois me montrer généreux. Vendredi prochain. Vous savez où
jhabite.
Elle savait que ces choses-là existaient. Ny avait jamais réellement réfléchi. Et
cest à elle que ça arrivait. Se vendre. Se vendre, elle.
Les longues nuits sans sommeil.
Le rendez-vous annulé.
Elle lévitait au magasin. Evitait de le regarder, de le croiser, de lui parler.
Et les factures saccumulaient. Elle était retournée au bar de nuit qui lavait
employée un temps, avait téléphoné à lagence de nettoyage pour laquelle elle avait
fait des ménages. Pas de travail dappoint pour elle.
Le jeans de Bastien, elle lavait déjà allongé dune bande de tissu, Lise avait
besoin de chaussures, le réfrigérateur était vide et malgré leurs discussions, les
tickets de PMU saccumulaient sur la table du salon.
Alors elle était là.
A genoux sur les dalles froides.
Elle suçait le sexe bandé de son patron avec application. Et elle mouillait sa petite
culotte.
Elle sest reculée quand il a joui, continuant à le caresser de sa main. Elle a
essuyé dun revers de main sur sa bouche le sperme dont elle navait pas su éviter la
première giclée, na pu empêcher les jets suivants de maculer sa robe de traînées
blanches.
Toujours à genoux devant lui, elle la rhabillé, remontant son caleçon et son
pantalon, rebouclant la ceinture après avoir soigneusement arrangé la chemise sous la
taille. Assise sur ses talons, elle a nettoyé sur sa robe avec un mouchoir tiré du sac
quelle avait posé à côté delle en sagenouillant, sest essuyé les lèvres.
Il a tendu une main vers elle pour laider à se redresser. Il détournait les yeux,
évitait visiblement de la regarder en lui tendant lenveloppe blanche sortie de la
poche de poitrine de sa veste, quelle a enfouie dans son sac avec le mouchoir
souillé.
- Jaimerais vous revoir la semaine prochaine. Ce sera différent.
Sur le chemin du retour, elle a pensé que ces mots dinvitation sonnaient comme une
prière, énoncés dune voix quelle ne lui connaissait pas, hésitante, empreinte de
doute.
Elle na pas ouvert lenveloppe dans la voiture. Ne la pas ouverte une fois rentrée
chez elle. Tant quelle ne louvrait pas, il ne sétait rien passé, elle ne sétait
pas vendue.
Comme cela lui arrivait souvent, Paul sétait endormi sur le canapé, enveloppé dun
plaid. Il ne sest pas réveillé.
Elle sest changée pour la nuit après avoir regardé les s dormir, a passé un
long temps à se dévisager dans le miroir au-dessus du lavabo, presque étonnée de ne
voir aucun changement, comme si la soirée et ce qui sétait passé avait dû la marquer
de stigmates. Elle a lavé son entrejambe souillé de sécrétions de désir dun gant
humide en observant froidement son corps nu dans le miroir, son corps quil navait
pas voulu voir ni toucher, quil navait pas désiré. Elle sest endormie en se
demandant sil lui aurait donné du plaisir, si elle aurait joui, elle aussi.
Quelques semaines
Bastien a eu un jeans neuf et Lise les chaussures dont elle avait
besoin. Elle a payé le loyer en retard et fait réparer sa voiture. Paul fronçait les
sourcils, mais ne demandait rien, ne posait pas de questions, ne sétonnait pas de ses
absences tous les samedis. Il na demandé dexplications que le mois suivant, le jour
où elle a refusé de lui donner le moindre argent pour aller jouer au PMU, son compte
bancaire étant suspendu après linterruption de ses allocations de chômage.
- Tu te payes des fringues, tamènes les gosses au ciné, et moi ? Rien ? Jai
droit à rien, moi ? Et puis tu le gagnes comment, ce fric ?
Toutes les semaines, quatre samedis soirs daffilée, elle lui avait dit que son patron
organisait des soirées commerciales, des soirées de vente promotionnelles, des portes
ouvertes se finissant par des cocktails qui la retenaient tard.
Les primes quelle ramenait à la maison avaient notablement amélioré lordinaire.
Elle avait changé. Souvent ces dernières semaines elle sénervait de voir quil ne
bougeait pas de son canapé, ne faisait rien pour laider. Elle dhabitude effacée se
montrait plus acerbe, lui adressait des reproches. Quand il lavait rejointe dans leur
chambre le week-end dernier, elle lavait repoussé, pour la première fois depuis leur
mariage, sans ménagement. Et voilà que maintenant elle refusait de lui donner les
cents euros quil lui demandait.
- Tas déjà piqué du fric dans mon sac la semaine dernière, tu crois que je men
suis pas aperçue ?
- Et après ? Tu te payes bien des fringues, toi !
- Cet argent, moi, je le gagne, figure-toi !
- Ouais, tu le gagnes ! va savoir comment !
- Tu tiens vraiment à le savoir, tes sûr ?
- Quoi ? Quest-ce que ça veut dire, ça ? Tu le gagnes comment ce fric ?
Cest vrai quelle avait changé. Inutile quil le lui dise. Elle savait. Elle était
plus dure. Plus sûre delle peut-être, mais surtout plus dure. Ces quelques semaines
avaient changé limage quelle avait delle et des autres. Elle ne se cherchait pas
dexcuses. Elle survivait. Pour elle et les siens. Ses s. Pour elle et ses
s. Ce quelle faisait pour survivre ? Quelle importance. Elle avait dépassé le
stade des questions, ne sen posait plus.
Et puis elle avait découvert une chose, sur elle, dès le premier soir : que son corps
était encore vivant.
Le second samedi, il lavait attendue sur le perron, lui avait pris le bras pour la
conduire à lintérieur de la maison. Dans une pièce à gauche de lentrée, il avait
fermé la porte dans son dos et sy était appuyé des deux mains.
- Enlevez votre jupe
non, gardez le sous-pull, votre jupe
vos bas aussi
remettez vos chaussures
repliez le sous-pull plus haut
ôtez votre slip
suivez
moi !
Elle na eu aucune velléité de refus.
Elle a hésité, cest vrai, a mis du temps à obéir, mais pas un instant elle na
envisagé de refuser. Elle était venue. Elle irait au bout. Il lui avait dit que ce
serait différent. Elle était venue.
Quasiment jamais elle ne se montrait nue devant Paul. Au début de leur mariage,
parfois, plus jamais après ses grossesses. Elle naimait pas les fines lignes blanches
de vergetures sur son ventre. Elle naimait pas ses hanches trop larges sous sa taille
fine. Elle naimait pas se montrer nue à son mari parce quelle naimait pas le voir
nu, lui.
Il lui a offert son bras au sortir de la pièce pour la guider dans lentrée dallée en
damier de grands carreaux beiges et bruns sur lesquels claquaient ses talons, a poussé
dune main la porte dun salon où un couple les attendait, visage tourné vers eux à
leur entrée, coupe de champagne en main, souriant, les accueillant dun signe de tête.
Reculer ? Pas question, mais deux ou trois pas moins assurés, sa main crispée sur le
bras qui la guide, le souffle retenu. Elle avance, redresse la tête, par réflexe, par
orgueil.
Toute la soirée est comme noyée de brouillard.
Elle se souvient avoir bu la coupe de champagne quon lui tendait, , que son patron ne
faisait plus attention à elle, sétait assis très loin delle, que la dame dont elle a
oublié le nom parlait sans arrêt, que lhomme, Jean-Claude, lui sappelait Jean-
Claude, avait du mal à détourner son regard de ses cuisses et de la broussaille noire
quelle tentait de cacher de ses jambes croisées, que la dame ne sest finalement tue
que lorsque Jean-Claude la baisée, accroché des deux mains à ses hanches. Elle se
souvient de lhumidité collante du cuir du dossier du canapé contre sa joue, davoir
regretté de ne pas avoir pensé à mettre de gel, mais plus du tout de comment elle
sétait retrouvée les fesses levées vers cet homme quelle ne connaissait pas.
Elle la revu. Deux fois. Il lui a présenté Jérôme, qui lui a présenté Philippe. Et
Philippe lui a présenté
Elle a acheté un téléphone portable. Elle est plus facile à joindre.
Elle noublie plus le gel.
Avec aucun dentre eux elle na connu lexcitation quelle avait ressentie la toute
première fois, la première soirée chez son patron. Pourtant eux aussi elle les suce.
Et ils la baisent. Sèche.
Les trois week-end suivants, elle est retournée chez son patron. Dans la grange. Lui
regardait la même photo que la toute première fois, sans prononcer un mot, elle, elle
mouillait en le suçant. Lui ne la regardait pas, ne lui parlait pas, ne la touchait
pas.
Un lui parle de ses collègues de travail en la baisant et en soufflant fort, elle
écoute, un autre ne veut que la sodomiser, elle sy est faite, et la traite de salope,
elle sy est faite. Et dautres
Paul dort sur le canapé, ne demande plus comment elle paie les factures, vole de temps
en temps un billet ou deux dans son sac. Les s vont grandir. Ses s.
Il ny a pas de morale à cette histoire.
Ce nest quune histoire.
Jaurais pu lécrire plus alerte, plus « sexe », plus « joyeuse »
Jai pas voulu.
Déçus ?
Tant pis
Après tout, cest juste une histoire de factures. Pas drôle.
Misa 09/2012
Et petite dédicace en forme dexcuses
Lidée de cette histoire ? Un mèl. Un monsieur qui se reconnaîtra (oui, toi, Bernard
M.) avait lu une de mes histoires, voulait écrire une histoire avec moi.
Désolée, Monsieur, vraiment désolée, je ne sais pas faire ça.
Jai « emprunté » lidée, pardon.
Voilà ma version, écrivez la vôtre.
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