Les Factures (2)

Les factures (2)

((J’ai publié une première « vision » - Les factures (1) – d’une idée d’histoire qui
m’avait été soumise par un lecteur.
Voici une deuxième « vision » du même thème.
Il y en aura d’autres.
C’est court.))

Echarpe de laine rouge et manteau gris, un petit garçon court dans une allée du jardin
public, bras levés pour attr une feuille poussée par le vent froid. Avec un cri
aigu, il la poursuit sur la pelouse et trébuche, tombe, les bras en avant. Il reste
couché à plat ventre sur l’herbe humide de l’averse qui a semé des flaques dans les
allées de gravier gris.
Bonnet bleu sur la tête dont s’échappent ses fins cheveux blonds, une fillette, plus
âgée, s’approche d’un pas lent, les épaules soulevées de ses bras tendus et ses mains
enfouies dans les poches de son pantalon de toile. Elle s’arrête tout au bord de la
pelouse à hauteur du petit garçon dont le cri de poursuite s’est interrompu.
Visage relevé, il tourne entre ses doigts une feuille jaunie.
Plus loin dans l’allée, une jeune femme avance d’un pas irrégulier, le visage baissé.
Elle a vu le petit garçon tomber, la fillette s’approcher de lui, a baissé les yeux
sur le gravier et les feuilles mouillées qu’elle évite en marchant, décalant un pied,
allongeant un pas, marche hypnotique qui accapare toute son attention.

Ils étaient dans un angle de murs, dans les ruines en haut de la butte.
Elle a attendu qu’il ouvre son pantalon et baisse son slip. Il s’est branlé pendant
qu’elle sortait un préservatif de son sac.
Elle s’est accroupie pour lui enfiler la capote et l’a sucé, s’équilibrant d’une main
au mur de grès, a écarté d’un geste de bras la main qu’il posait sur ses cheveux.
Elle s’est redressée pour le branler, le laissant comme convenu soulever sa jupe
courte et écarter la taille de son collant pour y glisser la main, s’insinuer sous son
slip et toucher son sexe.


Elle s’est reculée d’un pas, taille pliée et jambes serrées pour empêcher la main
froide de passer entre ses jambes et a accéléré le va-et vient de sa main sur le sexe
en guettant la contraction des cuisses, a senti les doigts agripper plus durement sa
toison et les pulsations du sexe dans sa main.
Elle s’est écartée, lui a tendu un mouchoir en papier et sans un mot lui a montré du
doigt le sachet en plastique posé au sol contre le mur.
En croisant le regard de la fillette qui regardait l’homme partir, elle a froissé les
billets dans sa main droite, au fond de la poche de son blouson.

Elle savait ne pas avoir le droit de monter vers les ruines. Elle a porté la main à sa
joue pour effacer le cuisant de la gifle sans un mot, sans une larme.

La jeune femme regarde sa montre. Dans une demi-heure, ils pourront rentrer. Elle
préparera un chocolat et des tartines de pain beurré.

Le petit garçon se relève, frotte son manteau de ses mains maculées de terre grasse
sous le regard de la fillette, repart en courant dans l’allée en contournant une, puis
deux flaques, saute à pieds joints dans une autre et se retourne, vers la fillette
d’abord, la jeune femme ensuite, immobile, un doigt sale au coin de ses lèvres
boudeuses, figé en attente d’une réprimande.

La fillette voit la jeune femme s’éloigner. Elle ratt le petit garçon et le prend
par la main, l’entraîne vers le petit lac. Au bord de l’eau, ils regardent deux
canards avancer paresseusement, faisant se croiser les ondes qu’ils soulèvent. Ils les
suivent lentement en suivant la berge.
La fillette ne lâche pas la main qui veut lui échapper, reste toujours entre l’allée
qui monte vers les ruines et le petit garçon. Deux fois elle lève les yeux, aperçoit
la jeune femme, tout en haut de la butte.

A huit ans on sait tout de la vie, tout ce qui fait pleurer sa mère la nuit.


Instantané dans un parc - Misa 10/2012

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