Confidences - Vestiaires 3/3
Confidences Misa / 10-2012
3/3 - Troisième soir
Comme la dit Hélène la dernière fois, pas la peine de se casser la tête : « Troisième soir » est un titre qui convient.
Vous vous souvenez dHélène ?
Dès le lendemain de nos rencontres, javais rédigé le contenu de son histoire, telle quelle nous la racontait.
Elle mavait dit vouloir lire. Javais donc tout imprimé et mis les feuillets dans une enveloppe de papier kraft que javais rangée dans mon sac afin de la lui remettre à sa prochaine apparition.
Comme je le fais toujours, jai essayé de rester fidèle dans le récit à ses mots, à son débit de parole. Le plus difficile était de respecter lordre dans lequel elle nous avait raconté son histoire : je ne prends pas de notes. Cest souvent perturbant pour celui ou celle qui parle. Jespère avoir eu bonne mémoire.
Finalement, vous aurez lu les deux premiers soirs de son histoire avant elle.
Si toutefois vous les avez lus, bien sûr
je me fais des idées, parfois
Nous navions pas de rendez-vous précis. Jai transporté la vingtaine de pages de son récit dans mon sac pendant plus dune semaine. Elle est apparue dans le bar où nous nous étions déjà rencontrées alors que jétais en compagnie dune amie.
Elles ne sétaient jamais rencontrées, mais mon amie ma dit avoir eu lintuition que la jeune femme qui entrait dans le bar était cette Hélène dont elle avait lu les confidences avant même quelle ne sapproche de notre table, bien que je me sois abstenue de toute description physique qui laurait aidé à la reconnaître.
Son allure décidée, son regard clair et direct, son allure sportive
limage quelle sétait fait delle au cours de sa lecture correspondait à celle qui nous a rejointes.
Hélène est grande. Sans doute proche de 1m80, elle est à la fois athlétique et féminine. Elle dégage une impression de santé éclatante, mélange de force et de douceur.
Elle portait ce soir-là un pantalon de lin taille basse kaki flottant sur ses hanches et un petit chemisier à manches courtes et bouffantes, dont le décolleté laissait entrevoir la naissance de ses seins libres.
Au-delà de sa silhouette, le plus remarquable chez elle, ce sont ses yeux, dun bleu très clair, lumineux et comme pleins de rire.
Je ne sais pas si un jour elle pourra remettre ses tenues taille 38 comme elle nous la dit. Personnellement, je le regretterais. Cest une très belle femme telle quelle est.
Elle nous a gratifiées de deux bises chacune avant de sinstaller à notre table, jetant sur la banquette de cuir rouge le gros sac de sport quelle avait à lépaule pour appeler le serveur dun bras levé. Elle a commandé du thé vert comme les fois précédentes.
Tu mas amené tes travaux décriture ?
Elle sest plongée sans tarder dans la lecture des feuillets que je lui ai tendus.
Elle se mordait la lèvre inférieure pour retenir son rire et jetait de brefs coups dil vers moi en secouant ses boucles brunes.
Je suis aussi grossière que ça ? Vraiment ?
Elle a replié les feuillets et les a remis dans lenveloppe quelle a repoussée vers moi. Elle souriait.
Ce sera sans doute le dernier épisode aujourdhui, si tu veux bien. Ensuite, ce sera à moi de vous écouter, tes amies ou toi, daccord ?
Elle sest appuyée des deux coudes à la table pour boire le thé auquel elle navait pas encore touché, puis a écarté sa tasse et la théière, faisant place nette devant elle avant de lever les yeux vers moi :
Il sest passé beaucoup de choses depuis la dernière fois
« Je ne sais pas pourquoi. Avoir revu Frédéric et navoir rien ressenti pour lui, vous avoir parlé de moi, bouger, je ne sais pas, un peu tout, sans doute, mais je me retrouve ! Je suis bien dans ma peau, bien dans ma vie !
Ça se voit ? Javais lair larguée, la première fois ? Je létais un peu.
Cest assez bizarre de raconter des choses aussi intimes à des inconnues.
Frédéric, cétait une erreur. Une erreur qui a duré deux ans. Cest pas sa faute, il na pas changé, lui. Avec le recul, je vois bien maintenant quil a toujours été tel quil était à la fin quand je ne le supportais plus.
Avant lui, quand je sortais avec des garçons, cétait pour le fun, pour le plaisir dune peau contre la mienne, ou parce quils me faisaient marrer ou quon faisait des choses ensemble. Ça durait jamais très longtemps.
Après la fac, jai trouvé du boulot tout de suite, et je me suis mis dans la tête de devenir adulte. Quelle connerie ! Devenir adulte ! Du conformisme idiot. Javais du boulot, alors il me fallait un homme, une maison, des s, une voiture, pourquoi pas un chien, être sage, rangée, raisonnable. Que des trucs chiants, quoi !
Jai mis deux ans à voir que je memmerdais. Que cétait pas moi.
Le pire, cest que je ne men rendais pas compte, juste je méteignais tout doucement.
Il choisissait les meubles, il décidait de nos sorties, il éloignait mes amies, en douceur, et jadoptais les siens.
Sans men rendre compte, jessayais de devenir ce quil attendait de moi.
Je ne sais même pas quand ça a changé. Pas dévènement particulier. Laccumulation de petites choses qui a rendu le quotidien trop lourd. Je sais pas.
Une chose à laquelle jai réfléchi récemment, cest pourquoi je lavais choisi, lui.
Si je me souviens bien, il a mis un moment à me mettre dans son lit. Et cest pas moi qui le freinais ! La première fois, cétait un beau ratage ! Pas bien mieux les suivantes dailleurs
Il a la baise triste, besogneuse.
Vous êtes déjà tombées sur des mecs pareils, vous aussi ?
Il baise méthodique, sans fantaisie, comme si le plaisir quil y prend était accessoire ! Une pure fonction physiologique ! Ou une manière de saffirmer, je sais pas, de saffirmer comme un mâle dominant ! Le pouvoir quils ont sur les nanas quils baisent, ça les rassure, faut croire !
Donc, cest pas ça qui ma retenue.
Comme je voulais ressembler à limage que je me faisais dune femme, jai dû me dire que ça faisait partie du package.
Cétait déjà très con de vouloir me fondre dans un moule imaginé de femme faite, de sagesse, que jai accepté comme normal que la tristesse aille avec !
Non mais ! Qui ma foutu des idées pareilles dans le crâne ? Peut-être ma mère
Je lai toujours trouvé coincée et ça ma toujours fait rigoler. Un qui a pas dû rigoler souvent, cest mon père !
Tu te rends compte ? Je me suis choisi un mec chiant parce que je croyais que grandir et vieillir cest chiant !
Bon, je dis pas que des soirées à jouer au poker avec des amis et finir à poil le nez entre les cuisses dune copine est un truc normal qui devrait être pratiqué par tous les couples, peut-être pas ! Mais au moins cest marrant ! Parce que côté marrant, les soirées bridge avec ses copains à lui, pas très fun !
Frédéric, quand il voulait faire lamour, le plus souvent, il me demandait la permission ! Ty crois, à ça ? Au début je trouvais ça un peu gênant, et puis cest devenu
poli ? Timagine ? Attendez, je vous le fais !
« Chérie, quand tu auras fini dessuyer la vaisselle, voudras-tu que nous commettions lacte ? »
« Si tu le souhaites, amour ».
Jen fais trop, ouais ! J ! Mais cest lidée.
Pas une seule fois on na baisé la lumière allumée ou en pleine journée ! Physiquement il était beau mec, pourtant. Ou alors cest moi ! Il voulait pas me voir !
Au début, il culpabilisait parce quil me faisait pas jouir en faisant lamour. Cet andouille, il maurait caressée avant, ou pendant ! Mais non ! Alors je faisais moi, et il était vexé ! Jaurais pu lui expliquer, lui dire ce que jattendais ! Ben non ! Rien.
Heureusement que javais des mains, parce que sinon, je pouvais me brosser ! Jattendais quil parte au boulot, et davoir le lit pour moi toute seule. Pour le coup, mes copines me manquaient ! Mais ça se fait pas, pas une dame !
Quest-ce que jai pu être conne !
Jai revu José, la semaine dernière.
Je vous avais dit que je le rappellerai. Je lai fait. Parce que javais envie dêtre dans ses bras. Et puis pour
pour être fixée. Les filles, les mecs.
Je vous dirai après. Encore une question idiote. Résolue.
Jai eu des scrupules avant de lappeler, parce quil est marié. Et jai décidé que cétait son problème et pas le mien. Cest dégueulasse pour sa femme, non ? Il ma un peu parlé delle. Je lui avais parlé de Frédéric, il a dû se sentir obligé.
Je suis pas sûre de vouloir le revoir. Ou alors
je vous dirai !
Cétait super ! Toujours aussi attentif, caressant, surprenant
dans un lit tout va bien ! Mais cest comme le chocolat : cest pas parce quon aime ça quil faut en manger tout le temps ! Et puis, il y a des trucs, il faudrait pas que ce soit tous les jours. Cette fois aussi, il ma
prise par derrière.
Voyez, je deviens polie, je choisis mes mots, pas être trop grossière. Técris tout, alors je fais gaffe !
Et puis merde, les mots, ça change rien au fait : il ma enculée.
Confirmation : jaime bien. Eva avait déjà joué avec mes fesses et un gode une fois ou deux, mais javais trouvé ça moyen, et javais jamais laissé un garçon saventurer par là avant José. Cest pas tant que je trouve ça déplacé ou humiliant, du tout, mais, une crainte, de salissure, ça me bloquait un peu.
Il a su sy prendre, cétait bien. Mais après, pendant une bonne journée, je ressentais une gêne, comme un brûlure.
Question dentraînement ? Cest pareil, pour vous ?
Je me suis acheté une crème, pour adoucir. Quand jai expliqué à la pharmacienne ce que je voulais et pourquoi, je vous dis pas le fou-rire !
Apparemment, mes petits soucis vous amusent, vous aussi ! Vous moquez pas ! Christelle aussi, ça la fait rigoler ! Et elle rougissait en même temps ! Ce foutu respect des convenances ! Ces choses qui existent, mais dont il ne faut pas parler ! Comme si cétait honteux !
Tout doit rester caché. Le sexe, cest tabou, motus et bouche cousue. Ils nous ont quand même bien dressés tous les curés dhier et daujourdhui !
Après, jai bien compris que si elle rougissait, Christelle, cest quelle avait les mêmes problèmes que moi. Son mari aime bien les chemins détournés lui aussi. Et elle a fini par me dire quelle aimait pas trop, mais quelle le laissait faire, pour lui faire plaisir, et que pour éviter les mêmes désagréments que moi elle utilisait du gel lubrifiant quelle achetait en grande surface.
Cest marrant tous ces trucs quon se dit pas, les secrets dalcôves.
Dun autre côté si on se disait tout, ça perdrait tout intérêt.
Elle me faisait rire, Christelle. Je voyais bien que le peu que je lui avais dit sur Sandra la titillait. Ça la travaillait. Elle faisait des efforts pour le cacher, mais je me rendais bien compte de petites choses, quun peu de nouveauté, un peu de piquant, lui plairait assez. Des regards, des gestes retenus, des conversations qui glissaient un peu, lair de rien, sur le sujet.
Je vous ai déjà raconté comment elle me provoquait gentiment avec Ninon. Un jour, je lui ai dit quelle navait quà laborder, elle, si elle lintéressait tellement. Elle rougissait et baissait les yeux : « oh non, pas elle
». Vous auriez compris quoi, vous ? Moi jai compris quelle était mûre pour que je la serre de plus près.
Une fois, après les cours de danse, je me suis dépêchée de partir vers la douche avant quelle ne soit prête. La fois suivante, jai traîné un peu, pour voir. Elle tournait, virait, rangeait un truc dans son sac. Et cette manière quelle avait de ne pas croiser mon regard ! Son attitude me rappelait les parades dapproche assez maladroites du temps où jétais ado.
Moi, javais jamais rien fait pour lattirer, et puis je vous lai dit, je crois, je ne ressentais pas dattrait particulier pour elle. En plus, comme on discutait pas mal, je savais quelle était plutôt heureuse en ménage.
En fait, elle avait envie de tremper son doigt dans le pot de confiture, en cachette, pour voir le goût que ça a, et le pot de confiture, cétait moi !
« Tes prête ? On y va ? ».
Elle a eu un sourire fugitif, vite réprimé. Elle avait des questions plein les yeux. Etonnant comme on voit beaucoup de choses à condition de regarder les gens.
On fait pas assez attention les uns aux autres.
Je suis partie devant, sans lattendre. On avait tellement traîné quil ny avait pas dattente et que plusieurs cabines étaient libres. Jai poussé une porte et je me suis retournée. Une gamine. Elle avait lair dune gamine, tout gênée delle-même, tripotant sa serviette et son gel douche de ses deux mains croisées sur son ventre.
« Tu me frottes le dos ? ».
Elle sest glissée entre moi et la porte que je tenais ouverte en lattendant.
Je ne savais pas trop ce qui se passerait. Jétais prête à laider, lencourager un peu. Je vous ai dit quelle ne mattirait pas, cest vrai, mais elle était tellement touchante !
Eh ! Faites pas cette tête ! Cétait pas de la pitié ou une connerie comme ça, ou un jeu pervers ! Non, vraiment je la trouvais touchante.
Vous avez jamais ressenti ça ? Des picotements sur la peau, comme une chair de poule, une indécision mêlée denvie, un frisson brusque, et cette attente pleine de questions ? Cest bon, hein ?
Elle savait pas quoi faire. Elle a mis deux plombes à accrocher sa serviette et à mettre ses sous-vêtements de rechange à labri des projections deau. Javais presque fini de me savonner quand elle a arrêté de tourner en rond. Je lai prise par la main pour lattirer sous la pomme de douche et je lui ai savonné les épaules, savonné les seins aussi pendant quelle se lavait les cheveux bras levés au-dessus de sa tête et les yeux fermés.
Jétais pas brusque, pas vraiment, mais jessayais de ne pas être trop caressante non plus. Je ne sais plus si cest moi qui lai attirée ou si cest elle qui sest reculée vers moi, mais on sest retrouvées lune contre lautre, ses fesses contre mes cuisses.
Je vous raconte pas la scène en détail par perversité, cest pour vous dire que cétait calme, en retenue, juste un moment super agréable, pour toutes les deux.
Jai savonné son ventre aussi, et le haut des cuisses. Elle, nen finissait pas de se laver les cheveux. Je la sentais trembler contre moi. Elle me laissait faire, moi, en attente de moi, sans oser le moindre geste.
Et puis jen avais envie, vraiment, alors jai posé ma main sur son sexe, effleurant le sillon entre ses lèvres du bout dun doigt. Elle a rejeté sa tête en arrière pour lappuyer contre mon cou et a baissé les bras, posé une main sur la mienne sur son sexe, pour la garder là.
Je vous dirai pas. Mais cétait tout doux. Cétait bien. Elle, elle a pas osé. Elle avait un très doux sourire quand elle sest retournée pour se mettre sur la pointe des pieds et me poser un baiser sur les lèvres.
On na rien dit, ni lune ni lautre. Pas un mot jusquà notre retour devant nos casiers.
Juste avant de partir, elle était prête avant moi et mattendait, elle ma montré Ninon qui sen allait.
« Cest avec elle que tu devrais prendre ta douche, elle attend que ça, elle te mange des yeux ».
Elle riait.
Cétait un mardi. On va ensemble au club le mardi et le jeudi.
Jy suis aussi allée quelque fois le samedi pour faire un peu de musculation et de tapis. Jai un forfait, jy vais aussi souvent que je veux. Je reprends goût à tout ce que javais laissé de côté depuis trop longtemps. Ça moccupe, et jaime ça.
Je me souviens que cétait le mardi quon sest un peu frottées lune à lautre à cause de ce qui sest passé deux jours plus tard et le week-end.
Le lendemain, Christelle avait la mine un peu chiffonnée. Elle ma pris à part quand on sest retrouvées à la pause devant la machine à café. Elle était toute excitée. Elle ma raconté sa nuit agitée avec son mari ! Et elle ma dit que cétait à cause de moi ! Si javais été inquiète de leffet de nos débordements de la veille sous la douche, elle maurait pleinement rassurée.
Je vous passe les détails de ce quelle ma raconté. Cest son histoire, pas la mienne. Si vous voulez, un jour, je vous lamènerai, vous vous arrangerez avec elle !
Le jeudi soir, on na pas fait douche commune. Elle se dépêchait, semblait pressée de partir. Et arrivées dans le hall, elle nétait plus pressée du tout, regardait la programmation des cours, les affiches de petites annonces sur le tableau mural. Elle traînait. Et puis Ninon est sortie du vestiaire à son tour et Christelle sest précipitée vers elle. Elles ont discuté un bref instant avant de me rejoindre.
« On va boire un verre, viens ! »
Pendant que Ninon rangeait son sac dans sa voiture sur le parking du club, jai demandé à Christelle à quoi elle jouait.
« Te fâche pas
» jétais un peu agacée, je devais pas avoir lair aimable «
tu fais gaffe à rien, toi, donne-lui sa chance ».
Cest Christelle qui a fait la conversation. Elle me donnait des coups de genoux sous la table.
A force de questions, Christelle a fini par nous faire parler. Elle jubilait littéralement quand on sest aperçues quon jouait toutes les deux au tennis, et pas si mal, quon sintéressait aux mêmes livres, quon aimait bien les mêmes humoristes et quon avait pensé à réserver pour aller les voir en spectacle, et le pompon, quon irait toutes les deux cet été sur les plages des Landes où on aimait bronzer nues loin de la foule.
Et puis elle nous a plantées là, prétextant que son mari allait sinquiéter, quelle navait pas le temps de dîner avec nous.
Jamais on navait parlé de dîner ensemble !
On sest retrouvées toutes les deux face-à-face, un peu étonnées de ce qui venait de se passer, un peu empruntées.
Après un silence gêné, Ninon la première a repris timidement la discussion au point où Christelle lavait interrompue en me demandant où jallais en vacances.
Javais la sale impression davoir été manipulée par Christelle. De quoi elle se mêlait, après tout ? Une chose était évidente, cest que Ninon ny était pour rien, et je me rendais bien compte que cétait assez injuste de lui faire subir ma mauvaise humeur.
Javais du mal à me concentrer sur ce quelle disait, et je lai interrompue. Je ne sais plus ce quelle était en train de dire à ce moment-là. Jai vidé mon sac. Que Christelle était persuadée quelle sintéressait à moi, que cétait un coup monté pour nous faire rencontrer, que je lui en voulais.
Je ne me souviens plus de tout ce que jai dit. Je sais que jétais en colère, et que la colère enflait au fur et à mesure que je parlais.
Ninon se recroquevillait petit à petit sur la banquette, et une grosse larme a coulé sur sa joue.
Je vous ai dit toute à lheure quon regardait pas assez les autres
Il a fallu cette larme pour que je la regarde vraiment.
Jétais trop gênée et en colère pour lavoir regardée depuis quon sétait assises face-à-face.
Je crois dailleurs que je ne lavais jamais bien regardée.
On avait plaisanté avec Christelle de lattention que lui portaient les culturistes du club, javais guetté son déshabillage pour surprendre le détail de son anatomie qui nous intriguait et nous amusait, javais regardé ses fesses pendant quon attendait une douche. Mais elle, je ne lavais jamais vraiment regardée.
Et je la faisais pleurer en déversant sur elle ma colère alors quelle ny était pour rien.
Si elle avait su le genre dattention que je lui avais portée jusque-là, cest elle qui aurait eu de bonnes raisons dêtre en colère.
Je me suis tue. Brusquement consciente de linjustice de mon comportement.
Et je lai regardée, enfin. Tout arrive.
Cétait le jeudi soir.
Je me suis excusée. Un peu tard. Elle cachait ses yeux gros de larmes, détournait le regard.
Tout ce que je vous ai raconté, depuis le premier jour, je lui ai raconté aussi. En plus court, jabrégeai.
Vous aviez ri à mes histoires, je voulais la faire rire aussi. Effacer les larmes de ses yeux. La faire rire à mes dépens. Effacer les mots de colère que javais déversés sur elle. Je nai rien caché. Presque rien. Un peu tout de même, je ne lui ai rien dit de comment je la guettais dans le vestiaire.
Jai parlé de Frédéric, de Sandra, de mes copines de fac, de José.
De Christelle aussi.
Elle, ne disait rien.
Je guettais ses sourires. Jai pas dû être très bonne. Cest son rire que je voulais. Je nai pas su.
On sest quittées sur le trottoir.
Je lui ai dit que jirai sans doute au club le samedi, lui décrochant un « peut-être » et un petit sourire timide.
Le lendemain, je me suis engueulée avec Christelle.
Elle écoutait sans répondre, sans baisser les yeux.
« Tas fini ? ». Elle sest accrochée à mon bras et ma fait une bise sur les lèvres avant de tourner les talons.
Je suis restée comme une imbécile devant la machine à café, toute rouge de voir les sourcils levés de mes collègues de bureau.
Elle est venue me chercher à midi pour déjeuner avec moi.
Elle a parlé de ses gosses et de leurs bêtises, du salon quelle allait acheter et du crédit quelle devrait prendre.
Juste avant de retourner au bureau, elle ma dit quelle aimerait bien que je lui savonne le dos une autre fois. Dune petite voix. Sans me regarder. En pressant ma main sur la table.
Je suis allée au club de gym le samedi. Nerveuse. Inquiète. Etonnée de la boule qui me serrait le ventre. Etonnée de mon soulagement et de la bouffée de chaleur en voyant Ninon courir sur un tapis de jogging en entrant dans la salle.
Elle ne mavait pas vue. Elle courait. Les écouteurs dun MP3 aux oreilles.
Je lai regardée courir, me déplaçant dune machine à lautre sans la quitter des yeux.
Jai attendu quelle sarrête enfin pour mapprocher et je lui ai pris sa serviette de toilette des mains pour essuyer la transpiration sur son visage et son cou.
Je lai raccompagnée vers le vestiaire. On navait pas prononcé un mot.
Elle a tendu la main vers moi pour récupérer sa serviette, mais au lieu de la prendre, elle sest approchée et ma attirée dune main dans mon cou.
Le plus beau baiser de toute ma vie.
Je vous ai pas dit avant. Cest très rare que jembrasse. Cest pas que jaime pas, au contraire. Mais cest très intime un baiser. Ça dit beaucoup un baiser. Je vous parais peut-être idiote après tout ce que je vous ai raconté. Mais un baiser, cest
»
Voilà, il faudra vous contenter de ça. Je vais marrêter là. Fini. Je suis désolée pour toi, Misa, parce que cette histoire est finie et quelle na pas vraiment de fin. Fais-en ce que tu veux. Je reviendrais un de ces jours, jespère que tu me feras lire ce que tu as écrit. Là, il faut que je vous laisse. Une partie de tennis.
Elle a repris son gros sac de sport sur la banquette et nous a quittées sur un sourire.
Elle sest arrêtée à deux tables de la nôtre et a tendu la main à une jeune-fille qui sest levée. Elle aussi avait un sac de sport à lépaule. Elle lui souriait, a passé un bras autour de sa taille en lui chuchotant quelques mots, la poussée devant elle vers la sortie du café.
Hélène sest arrêtée à mi-chemin de la sortie, sest penchée à son tour vers son amie pour quelques mots en lui tendant son sac.
Elle est revenue vers nous, sest assise à nouveau à notre table,
Je crois que je peux quand même taider pour ton histoire. Il y a encore une chose que je peux te dire. Il y a trois semaines, Ninon sest fait poser un piercing. Ne dis rien, je suis daccord davance, cest une connerie. Mais elle la faite. Ça sest un peu infecté, cétait gonflé, et elle devait mettre un pansement pour éviter de tâcher ses slips. Mais ça va mieux. Cest guéri. Alors jespère que tes lecteurs fantasmeront pas trop sur le présumé gros clito ! Et aussi. Je lui ai parlé de José. Elle est pas contre. Ciao ! et surtout nécrit pas « fin » au bout de ton histoire, ça fait que commencer !
La jeune-fille à son bras était bien jolie
très jolie, cette Ninon
et je suis son conseil, je marrête là, mais en pensant à elles, je nécris pas le mot « fin »
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