La Bague De Fiançailles
Paris, février 1925
Charles De Hauteville hâte le pas sur le boulevard des Italiens
Lhumidité de ce crachin hivernal lui glace les os.
Il se rend aux Nymphettes, la maison de tolérance qui se trouve dans une petite rue près des grands boulevards. Les habitués préfèrent dire le 8, correspondant au numéro de la rue où se situent les Nymphettes.
Létablissement est renommé et a la meilleure réputation à Paris. Ses « services » attirent la grande bourgeoisie, quelques diplomates, députés ou militaires de haut grade, ainsi que des artistes à la mode. On murmure également que certains ecclésiastiques le fréquentent également en secret.
La discrétion est la règle aux Nymphettes.
A peine entré, la jeune fille soccupant du vestiaire sapproche de Charles de Hauteville et vient lui prendre son manteau, son chapeau et ses gants :
- Merci Adelaïde, Madame Lucienne est là ?
- Comme dhabitude Monsieur Charles, dans le grand salon
Dès le hall dentrée, les fresques représentant des scènes érotiques sautent aux yeux. Elles sont mises en valeur par lénorme lustre de Murano.
Létablissement tire dailleurs son nom de ces fresques représentant les nymphes de lantiquité grecque.
On ne peut pas ignorer où on se trouve.
Les plus grands artistes « art déco » ont participé à la décoration des lieux.
Ces fresques en mosaïques, les épais rideaux rouges, ainsi que les miroirs aux plafonds et sur les murs, confèrent à lensemble un parfum de scandale.
Les plus beaux matériaux ont été utilisés pour la décoration intérieure et les meubles : marbre de Carrare et bois précieux, ébène, ronce de noyer, marqueterie en acajou, ainsi que cuivre, laiton et bronze.
Lambiance est donnée dès lentrée.
Un majestueux escalier en marbre monte jusquaux étages.
Au 1e r étage, chacune des demoiselles à sa pièce
Au deuxième se trouvent les chambres à décors particuliers dites « chambres exotiques », la russe, lhindoue, légyptienne, la tonkinoise et quelques autres.
Au dernier étage, sous les charpentes on peut découvrir des chambres un peu plus spéciales équipées, pour les messieurs préférant certains jeux plus sulfureux.
Un couloir sur la gauche emmène vers les petits salons ou boudoirs, où certaines demoiselles attendent que les messieurs fassent leur choix.
Au fond, le grand salon abrite un bar en zinc, et différents fauteuils et banquettes. Cest vers ce grand salon que se dirige Charles.
Des jeunes filles en tenues légères, voire en partie dénudées attendent sur des fauteuils. Des brunes, des blondes des rousses, ainsi que quelques jeunes femmes originaires de lempire colonial, Afrique, Maroc, ou Indochine.
Le gratin de la société parisienne vient sacoquiner dans le plus grand secret en ce lieu où le champagne coule à flot et où samoncellent les plus belles filles de joie de la capitale.
De vingt à trente pensionnaires sy relaient de quinze heures à quatre heures du matin, au rythme officiel de deux passes par jour, trois le dimanche, selon un document officiel, issu du ministère de lintérieur. Prix unique : 30 francs, sauf pour les chambres « exotiques » ou pour les « spécialités du dernier étage », plus le pourboire. Il est bien évident que les demoiselles ne sarrêtent pas aux quotas fixés par les ronds de cuir.
Des messieurs, ainsi que quelques dames tournent autour des Demoiselles ou ont engagé la conversation avec elles. On murmure quAnaïs Nin, la romancière, est une habituée de létablissement. Bien sûr, le rôle de ces demoiselles est dinciter ces messieurs, voire ces dames à boire dans un premier temps, à leurs frais, puis éventuellement à rejoindre leur chambre dans les étages.
Charles reconnaît en passant dans un boudoir, Madame De Neuville, la veuve dun riche armateur, décédé dun infarctus il y a un mois à peine, assise dans un fauteuil profond, en velours pourpre, en galante compagnie. Une femme coiffée à la garçonne une fesse posée sur laccoudoir du fauteuil lembrasse à pleine bouche, une jeune fille rousse dénudée accroupie à ses pieds retrousse la robe de Madame de Neuville.
Le principe de ces petits salons est que les rideaux noccultent pas complètement ce qui sy déroule. Chacun peut en effet profiter du spectacle offert par les couples sy trouvant, ou les trios comme cest le cas présentement. Charles marque un temps darrêt, avant de reprendre son chemin, impassible.
- Montons Mesdemoiselles, dit Madame de Neuville, apercevant le voyeur et en ajustant son décolleté.
Dans le grand salon, latmosphère est festive. Le champagne coule à flot. Un petit homme rabougri joue sur un grand piano à queue un air de jazz à la mode, un morceau de Count Basie.
Quelques vieux messieurs sont en grande conversation avec des jeunes filles. Deux femmes dansent ensemble.
Une jolie blonde entraîne un colonel dartillerie vers le couloir et sûrement vers sa chambre. Elle est déjà à moitié dénudée.
Martigny haut fonctionnaire au ministère de la guerre est assis sur une banquette, une jeune fille assise sur ses genoux.
- Ah De Hauteville! On mavait dit que vous fréquentez aussi le 8. Grand bien vous fasse ! Vous ne venez plus aux soirées ?
- Quelles soirées Monsieur ?
- Que pensez-vous de ce fou dAndré Breton et son manifeste du surréalisme. Pire que ces vauriens de Dada, Tristan Tzara et compagnie. On croyait avoir touché le fond avec eux ! Mais je crois que nous ne sommes pas au bout de nos surprises.
- Non, je nai pas vu, répond Charles, essayant de masquer son désintérêt pour le jacassement de Martigny
- Irez-vous voir lAmour des Trois Oranges de Prokofiev à lopéra, vous savez ce compositeur qui a fui ces démons de bolchéviques. Jy amène mon épouse la semaine prochaine.
- Je ne sais pas Monsieur, je ne sais pas.
- Cest toujours mieux que cette dégénérée de Joséphine Baker. Elle passe en première partie dans ce quon appelle la revue nègre au théâtre des Champs Elysées. Vêtue d'un simple pagne fait de fausses bananes. Vous imaginez ça ? Elle danse sur un rythme qui sappelle
Charleston, je crois. Quel scandale ! Elle fricote avec ces dadaïstes, ça ne métonne pas !
- Surement Monsieur
- Mais je vous laisse de Hauteville, je ne crois pas que vous venez dans cet établissement pour échanger sur lactualité artistique. Enfin artistique, je me comprends, nest-ce pas !!
Une grande femme distinguée, au port altier, la cinquantaine, savance vers Charles de sa démarche assurée :
- Monsieur Charles, ravie de votre visite, Héloïse comme dhabitude ?
- Oui Madame Lucienne, comme dhabitude, Héloïse.
- Puis-je vous offrir du champagne ? Gertrude, préviens Héloïse que Monsieur Charles est ici, mais apporte une coupe de champagne à Monsieur Charles avant.
- Tout de suite Madame.
Sur une étagère derrière le bar, à côté dune sculpture allégorique représentant une figure du panthéon grec, Hestia, sont alignées une série de petites urnes. La présence de la déesse Hestia en ces lieux, peut prêter à sourire. Elle est en effet la divinité du foyer, de la maison et de la chasteté. Une urne par demoiselle. Madame Lucette dépose un jeton dans lurne dHéloïse. Un jeton correspondant à une passe. Ainsi, Lucette saura exactement à la fermeture combien de rendez-vous chacune des demoiselles aura assuré et lui demandera la somme à lui reverser.
Un grand registre, où elle recopiera en fin de nuit, le nombre de jetons pour chaque demoiselle est posé sur le bar. Cest là que Luette enregistre également, les coupes de champagne ou les bouteilles que chacune delle saura fait consommer aux clients. Un petit pourcentage leur sera aussi reversé.
Lucette na pas toujours été la tenancière dun si bel établissement. On dit quauparavant, elle menait la vie sordide dune mère maquerelle dans les bas-fonds dun quartier malfamé à Saigon. Certains assurent quavant cela, elle était aussi prostituée dan sa jeunesse et a plu à un souteneur local.
º°¨¨°º
Paris, septembre 1923
- Elle est magnifique !
Antoinette est assise dans un fauteuil près de la fenêtre. Elle caresse du bout de son index, sa main gauche et la bague que vient de lui offrir Charles de Hauteville. La bague est faite danneaux dor blanc et dor rose entrelacés. Un diamant monté en solitaire orne le dessus. Dautres petits diamants sont sertis sur les anneaux.
- Rien nest trop beau pour vous Antoinette. Cette bague scellera nos fiançailles et notre promesse de mariage. Elle sera le symbole de notre engagement, de notre dévouement lun à lautre. Le symbole aussi de lamour et de la fidélité, de la perfection, votre perfection Antoinette, et de léternité.
- Vous me troublez Charles.
- Saviez-vous Antoinette que dans l'Antiquité, on pensait que lannulaire était directement relié au cur. C'est la raison pour laquelle la bague était portée sur la main gauche, côté cur, en signe d'amour infini et d'attachement éternel.
Antoinette se lève et sapproche de Charles. Celui-ci déboutonne le devant de sa robe et en fait glisser les bords sur ses épaules fines.
Charles baisse la tête et embrasse le cou dAntoinette. Il hume le parfum de sa fiancée. Car depuis quelques minutes, elle est officiellement sa fiancée. Les lèvres de Charles descendent sur une épaule dénudée et déposent de petits baisers sur la peau pâle, presque diaphane.
Les femmes, depuis quelques années, se sont affranchies du carcan des corsets qui leur serraient le tronc entier et leur martyrisaient la poitrine, le ventre et le dos. Elles veulent respirer et se sentir plus libres. Charles, en faisant glisser la robe dAntoinette au sol, découvre ce quon appelle « soutien-gorges », deux mouchoirs en soie reliés par un ruban rose. Puis plus bas, ce qui au fil de ces dernières années sest transformé en « demi-corset », qui nenserre plus que la taille et se termine par les jarretelles. Il découvre enfin, la culotte qui elle aussi a évolué, se faisant moins bouffante.. En 1918, une entreprise de bonneterie de Troyes a lancé la culotte courte. Par définition, celle-ci n'a pas de jambes. Comme dans la chanson "Maman les p'tits bateaux", ce qui donnera son nom à une célèbre marque qui perdurera à travers les décennies. Ca Charles lignorait à ce moment-là. Enfin la robe tombant au sol, apparaissent les bas de soie sur les jambes minces dAntoinette. La teinte ivoire des bas, fait un joli contraste avec la peau très pâle de sa fiancée.
Charles se recule pour observer ce corps parfait.
Leurs bouches se sont rencontrées pour un baiser dabord tendre, puis passionné.
Les mains dAntoinette serrent Charles par le cou. Elle recule de quelques pas se penche en arrière sur le lit et attire Charles sur elle.
Ils reprennent leur baiser ainsi couchés lun sur l'autre sur lépais édredon.
Charles se redresse pour enlever sa veste, défaire sa cravate, ouvrir sa chemise.
Les mains dAntoinette, pendant ce temps déboutonne la braguette de lhomme, puis massent le sexe de Charles gonflé par l'envie.
Charles à découvert un des petits seins dAntoinette et en suce le téton.
Antoinette a sortir le sexe de Charles entièrement et le branle. :
Attendez Charles, laissez-moi faire, dit-elle dans un souffle. Elle le pousse et linvite à sallonger sur le dos.
Antoinette approche sa bouche du sexe dressé, lembrasse et le prend dans sa bouche. Charles pousse un soupir daise.
Il glisse sa main entre les jambes dAntoinette allongée en chien de fusil près de lui.
Charles observe la bouche de la jeune fille enserrer sa queue, ainsi que sa fine main qui en tient la base.
Il glisse sa main dans la culotte dAntoinette. Du bout des doigts il caresse la toison.
La jeune fille gémit doucement sous leffet de la caresse. Charles sent lhumidité autour de sexe dAntoinette. Il fait glisser la culotte sur ses genoux, puis se penche sur elle et dépose ses lèvres sur le pubis humide. Un profond soupir émane dAntoinette qui reprend ses succions.
Plus tard dans la soirée, Antoinette et Charles repus sont allongé lun contre lautre sur le lit. Charles aurait bien aimé aller plus loin, mais Antoinette la gentiment repoussé. « Je souhaite préserver ma virginité jusquau mariage », lui a-t-elle dit
Charles a allumé une cigarette. Il en tire des bouffées et relâche la fumée vers le plafond. Il tend sa cigarette à Antoinette qui la porte à sa bouche :
- Quavez-vous fait hier soir ?
- Je suis allée à cette réception chez Madame de Franqueville.
- Qui y avez-vous vu ?
- Personne en particulier.
- Quelquun que je connais, peut-être ?
- Je ne sais pas Charles, peut être Louis de Gastelle, cet officier de Cavalerie.
- Non, je ne crois pas le connaître. Il vous a fait la cour ?
- Il a bien essayé, mais il ny a que vous Charles.
- Quand nous marierons nous Antoinette ?
- Nous avons bien le temps !
- Pourquoi attendre ?
- Pourquoi nous précipiter ? Profitons de notre jeunesse, profitons de notre amour
- Nous pourrons en profiter après de la même façon.
- Vous êtes bien empressé, ma virginité vous fait tant envie que cela que vous vouliez tant me la prendre !
- Mais non, quallez-vous penser Antoinette !
- Nous nous marierons lannée prochaine, pas avant lété.
º°¨¨°º
Paris, avril 1924
Cher Charles,
Je vous ai parlé de ce jeune officier de cavalerie rencontré il y a quelques mois à cette réception. Chez Madame de Franqueville.
Je dois vous avouer quelque chose que je ne peux garder secret. Jen suis désolé, mais ce soir-là jai cédé à ses avances. Depuis, nous nous sommes vus plusieurs fois.
Ce qui nétait quune folie au départ et naurait pas dû avoir de suite, a évolué depuis. Je laime. Je pars avec lui dans les Mascareignes, un territoire appelé Madagascar, où il est affecté le mois prochain.
Il n'est jamais ni facile, ni anodin de renoncer à poursuivre une relation amoureuse.
Mais j'aimerais que nous gardions l'un pour l'autre un souvenir bienveillant. Nous avons vécu ensemble des moments forts, grands et beaux. Même si vous ressentez à mon égard de la colère, j'espère que bientôt vous retiendrez surtout les aspects positifs de notre histoire.
Je pense sincèrement que se séparer nenlève en rien lamour quon a partagé. Ces moments avec vous, je les ai aimés,
Alors à limage de notre histoire damour qui a tant compté pour moi, je vous dois, je me dois, je nous dois des adieux irréprochables, à la hauteur de notre amour, à la hauteur de nos souvenirs.
Je vous retourne la bague de fiançailles que vous mavez offerte, que je naurais pas dû accepter. Même si la veille au soir, pour moi il sagissait dun moment de folie sans conséquence. Vous nauriez jamais dû savoir ce qui sest passé ce soir-là.
Vous me voyez désolée, Charles du mal que je vous fais. Je ne cherche pas à mabsoudre, mais jamais mon intention naura été de vous blesser.
Je ne voulais pas vous mentir et nêtre pas moi-même avec vous. Perdre mon naturel et faire semblant. Jouer ce double jeu ne nous aurait menés nulle part.
Antoinette
º°¨¨°º
Charles de Hauteville entre dans la chambre. Héloïse lattend.
Quand Charles vient aux Nymphettes, il ne voit quHéloïse. La jeune fille est de petite taille, les cheveux dun noir de jais et la peau très pâle. Elle est coiffée comme cest la mode aujourdhui, un carré court coupé au niveau des oreilles et lui arrivant au-dessus des mâchoires. Un serre-tête ornementé de quelques perles et plumes relève sa beauté. Son visage aux formes arrondies est rehaussé par des traits très fins. Elle arbore un air mélancolique, un regard noir et vif, une bouche légèrement pincée mais sensuelle.
Comme dhabitude, Héloïse est assise dans le fauteuil près de la fenêtre. Quand Charles entre dans la pièce, Héloïse se tourne vers lui et un sourire illumine son visage.
Charles sapproche delle, et lui tend un écrin.
Héloïse louvre et découvre une bague sertie dun diamant monté en solitaire.
Elle sort, lobserve et le passe à son annulaire gauche. Elle lève sa main à hauteur de ses yeux pour mieux voir le bijou à son doigt:
- Elle est magnifique !
Héloïse caresse du bout de son index, sa main gauche et la bague que vient de lui offrir Charles :
- Rien nest trop beau pour vous Antoinette. Cette bague scellera nos fiançailles et notre promesse de mariage. Elle sera le symbole de notre engagement, de notre dévouement lun à lautre. Le symbole aussi de lamour et de la fidélité, de la perfection, votre perfection Antoinette, et de léternité.
- Vous me troublez Charles.
- Saviez-vous Antoinette que dans l'Antiquité, on pensait que lannulaire était directement relié au cur. C'est la raison pour laquelle la bague était portée sur la main gauche, côté cur, en signe d'amour infini et d'attachement éternel.
Héloïse se lève et sapproche de Charles. Celui-ci déboutonne le devant de sa robe et en fait glisser les bords sur ses épaules fines.
º°¨¨°º
Plus tard dans la soirée :
Charles de Hauteville tend cinq billets de 10 francs à Héloïse.
Héloïse retire la bague, la remet dans son écrin et la rend à Charles :
- Merci Héloïse, cétait parfait, comme dhabitude.
- Merci pour le petit plus Monsieur Charles. Un jour, vous me raconterez toute lhistoire ?
- Il ny a rien dautre à raconter, tu sais déjà à peu près tout.
- Mais pourquoi moi ?
- Tu lui ressembles tellement
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