Convenances

Ce que l’on dit, ce que l’on ne dit pas. Parce qu’on n’ose pas ?
Ce que l’on fait, ce que l’on ne fait pas. Parce que ça ne se fait pas ?

Vous n’avez jamais cette envie d’oublier ces fichues convenances ? Tous ces interdits ?
Ne plus s’en tenir, tenir comme on se tient à deux mains à une barrière, aux codes, à la morale dictée, à tout ce qui fait que la vie est étroite, tout ce qui fait indécence du naturel ?
Je n’aime pas les interdits, les retenues, les non-dits. Et pourtant je m’y plie, moi aussi, et ce que j’y perds vaut-il ce que j’y gagne ?
Ah ! Si on disait ce que vraiment on pense ! Beaucoup de nos journées seraient un sacré foutoir ! Mais il y aurait aussi de vrais bons moments, non ?

Par le tout petit bout de ma petite lorgnette, pour être légère, très légère, j’ai regardé, les yeux toujours un peu trop baissés … pas sérieuse ? Ben non !

Il y a ces situations un peu embarrassantes, qui font qu’on se détourne , qu’on s’isole un instant pour y apporter remède, pour lesquels les mots viennent à l’esprit des témoins involontaires et qu’ils gardent au secret parce qu’ils sont de ceux qu’on s’interdit de prononcer, en détournant les yeux, en souriant, en les évacuant d’un geste de la main.
Vous ne voyez pas ? Mais si … ces petits émois passagers …

Des exemples ? Bien sûr. J’y viens …

Les démangeaisons …
Les messieurs, pas tous, ont parfois en public des gestes assez inélégants qui nous font détourner les yeux et pincer le nez.
Un monsieur bien élevé reste discret, souffre son inconfort sans geste inconsidéré et s’absente un instant sous un prétexte futile un peu bafouillé … Surtout pas en disant « deux secondes, je reviens, il faut que je me gratte les couilles » !
Non non. Il vaut mieux éviter. Les mots sont parfois pires que les gestes. On sait bien ce qui se passe : mais il ne faut pas le dire.
D’ailleurs aucun vocabulaire n’est vraiment adapté.


Je suis bien persuadée que c’est ce mot-là qui vient en premier à l’esprit, et pas ‘testicules’, lorsque les messieurs pensent à leurs petites choses pendantes qui les grattent. Le mot, sinon les choses, vient rarement à la bouche d’une femme, et sans doute préférez-vous qu’il en soit ainsi, en tout cas pour les mots. Mais dans notre tête, messieurs, ces mots nous viennent parfois.
Ces choses-là font d’ailleurs partie de celles que l’on nomme rarement en société ou au cours d’un dîner, à part peut-être chez quelques médecins spécialisés ou dans une stricte intimité.
Avez-vous d’autres mots ? Je connais les valseuses et les deux orphelines, les jumelles, les olives …
Et puis imaginez, qu’une dame s’intéresse au problème et s’inquiète : « Auriez-vous cher ami les gonades enflammées ? ».

Nous aussi parfois ça nous gratte, je vous assure, mais nous sommes je crois plus discrètes à nous soulager.
Que diriez-vous d’une dame qui en vous parlant se gratterait énergiquement l’entrejambe ? Non, nous nous cachons pour remédier à la démangeaison. Et Dieu que ça fait du bien ! D’autant qu’en général nous gardons nos ongles plus longs que les vôtres. Avez-vous déjà entendu une femme vous dire en s’accompagnant du geste : « Je ne sais pas pourquoi, j’ai la chatte en feu, aujourd’hui ! ». Jamais, n’est-ce pas ?
Même remettre discrètement en place une culotte sur nos fesses, nous évitons, alors il hors de question de soulever nos jupes et de vous informer que l’élastique d’un slip nous irrite, qu’un récent rafraîchissement de foufoune au rasoir à fait venir là plein de petits boutons, ou que décidément ce string si mignon est bien trop étroit et se glisse où l’on ne veut pas : « C’est chiant ce truc, ça me scie la foufoune en deux ! ». Jamais non plus, hein ?
Non, les dames bien élevées n’en parlent pas et vont aux toilettes pour ça, et si les gestes sont moins retenus dans les toilettes de dames, c’est qu’on est entre nous et ça ne vous regarde pas, ni ce qu’on y fait, ni ce qu’on se dit !

Les émois …
Vous, messieurs, avez aussi parfois un autre genre de problème : vos envies ont du mal à se cacher et demandent un aménagement de l’espace.


Nous aussi ? Vous n’en verrez rien !
Les émois d’une femme sont cachés, et souvent nous dirons qu’il s’agit d’autre chose. Pour peu qu’un chemisier soit un peu moulant, cet émoi supposé vous le verrez d’un téton durci qui pointe et vous dit « eh oh ! t’as vu ? je bande des seins ! ». La dame, bien sûr, croisera les bras et souvent mimera un frisson « j’ai froid, pas vous ? ». D’autres signes diraient mieux combien et comment nous pensons à vous, mais ils sont dissimulés et inaccessibles à vos yeux, là encore un passage aux toilettes qui n’étonne personne puisque nous sommes des pisseuses, nous permettra d’effacer, d’essuyer entre nos lèvres, certes gonflées mais pas au point d’attirer le regard, un peu de cette humidité qui rosit nos joues et voile le regard, trahison de muqueuses, discrète, « chéri, on ne rentre pas trop tard … ».

Quant à vous messieurs, c’est bien plus délicat !
Ça arrive n’est-ce pas, qu’un monsieur se mette à bander ? Qu’il soit brusquement tout gêné de sentir son sexe en pâmoison déformer son pantalon ? Qu’il se redresse lentement, se sente à l’étroit dans les plis d’un caleçon ou le coton d’un slip qui se tâche peu à peu, et qu’il faut étirer d’une main discrète ? Diable, c’est qu’il faut de l’espace à un émoi comme celui-là ! D’autant que la gêne est plus prégnante si le monsieur si ému à l’habitude de coucher sa verge molle tout droit pendante. Il glissera certainement la main dans sa poche pour y remédier et masquer son embarras. Comment mesdames reprocher à ces messieurs l’inélégance d’un geste quand il s’agit simplement de réparer un inconfort dû à l’intérêt qu’ils nous portent ? Avez-vous jamais souri et dit : « Vous me plaisez bien vous aussi … » en baissant les yeux sur l’expression de l’attrait de vos charmes ? Non sans doute pas, il faut faire semblant de n’avoir rien vu.
Sans doute d’ailleurs un monsieur serait-il gêné si une dame pas très gentille éclatait de rire et prenait à témoin ceux qui sont là : « Eh ! Venez voir ! Il bande ! C’est pour moi, monsieur ? J’en suis flattée ! Mais là, tout de suite … Non !».

Messieurs, messieurs, il nous faut des formes, des regards et des mots, douceur et tendresse, c’est trop demander ? Après, oh après, oui, vous pourrez nous baiser, nous bousculer, on aime ça vous savez ! Même une main sur nos fesses, parfois, on aime ça, je vous assure, mais il faut jouer d’abord, juste un peu, s’il vous plaît, et puis en public, évitez !
Ah ! les convenances … on y tient !

Il y a bien d’autres mots qu’on ne prononce pas, ou alors en des lieux où ils n’ont rien à faire et ne servent pas, sauf à faire rire, de ces rires un peu gras que l’on cache derrière une main, pour éviter de dire « oh ! qu’est-ce qu’elle est vulgaire ».
Si vous saviez messieurs tout ce qui se dit, sous la douche dans les vestiaires des filles, dans la cuisine pendant que vous attendez le gigôt, ou dans ces repas entre filles où vous n’êtes pas invités ! Sans doute à peu près ce qu’on entend dans les vestiaires des garçons … eh oui …

Imaginez …
… ils se sont rencontrés il y a peu, ont échangé sans doute dans cet ordre une poignée de mains quelques mots des coups d’œil une bise un numéro de téléphone, un baiser, et vient le grand jour, une invitation, une soirée dans un bon restaurant à l’ambiance feutrée, nappes blanches et costume, les cheveux bien peignés, il a mis une cravate un slip propre, elle a choisi de jolies dentelles pour dessous, s’est même parfumée avant de les enfiler, au cas où, s’est épilé les jambes, a mis une jolie robe. C’est le grand soir, c’est sérieux.
Ce qu’ils pensent ? On sait pas. Ce qu’ils disent ? Quelques banalités sans doute. Mais imaginez, ces discussions de vestiaires … ça y est, imaginez qu’ils oublient les convenances …

« … dépêche d’avaler ton poisson, j’ai autre chose à te faire avaler, tu seras pas déçue, y aura même les pruneaux pour la digestion … et puis j’ai envie, tu sais quoi ? je vais te kârcheriser les amygdales, et après te la mettre bien profond, bien à fond ma salope, tu verras, te bourrer la chatte d’abord et puis juste après je te défoncerai l’oignon, je vais t’exploser la pastille, tu vas pleurer ta race et appeler ta mère … »

« des promesses, des promesses, quand je t’aurai bien pompé, tu mettras un moment à remettre le couvert, mais t’en fais pas, je saurai te faire bander, un doigt dans le cul, et plus si affinités, t’aimeras ça, et si ça suffit pas, tu la veux ma chatte ? et ben tu vas la bouffer, et je veux ta langue tout au fond, je vais pas la peigner, ta girafe, je vais la faire pleurer, et si t’es raide après ça, je ferai des castagnettes avec tes roubignolles … »

Non mais ! Quel langage ils ont ces deux-là !J’exagère un peu ? personne parle comme ça … et pourtant j’invente pas ! Tout ces trucs, je les ai entendus.
De mauvaises fréquentations, sans doute.

Jamais ces deux-là ne se seraient dit tout ça entre fromage et dessert.
Lui se demandait s’il prenait le risque de la ramener chez elle « … et si elle me dit pas de monter ? Chez moi direct, c’est gonflé … »
Il la regarde dans les yeux, attend qu’elle tourne la tête pour regarder ses seins.
Elle sait qu’elle lui plaît, guette ses yeux quand elle fait semblant de baisser les siens, « … au moins il a vu mes seins, mais pourquoi il dit rien ? … » elle veut des mots, le lit aussi, mais des mots avant « …il a pas compris quand je suis montée en voiture, il croit que c’est normal que ma jupe ait autant remonté ?... ».
Lui, il parle du vin en levant son verre, qui a une joli robe « … la tienne aussi est très belle … », elle sourit, se tortille sur sa chaise « …enfin il y vient, regarde pas que l’emballage, mon grand, c’est dedans que c’est bon … ». Elle regarde ses mains, grandes et fortes, son nez « … on dit qu’un grand nez, c’est un signe … » la première chose qui lui a plu, c’est ses fesses, mais bien sûr elle ne lui dira pas, pas ici « … chez moi, je préfère, je serai plus à l’aise, et j’ai changé les draps … ».
Elle est partie « se poudrer le nez », lui savait bien qu’elle allait faire pipi pendant qu’il payait l’addition. Il l’a ramenée chez elle, a oublié de couper le contact, il n’avait rien dit, elle n’a pas osé, un peu vexée « …c’est à lui de parler … ».
— Bon … ben … j’y vais.
Des fois, c’est con les garçons !
En rentrant chez lui, il tapait de la main sur le volant « Merde ! merde ! merde ! j’suis con ! ».
Des fois c’est lucide les garçons.
Ils auraient pas pu se le dire ? Simplement ? Pas besoin des grossièretés énoncées avant, mais quand même !
« Tu es belle ! Je voudrais cette nuit dans tes bras … », c’est vrai que « je voudrais passer ma vie près de toi » c’est mieux pour décider la dame, mais faut pas charrier non plus, des fois les promesses elles y croient.
« Et si tu montais ? Allez viens … » avec un gentil sourire, ça l’aurait fait, non ? Quoique parfois, ils comprennent pas. Mais ajouter « … dans mon lit » ça se fait pas, et pourtant ! Quand on oublie l’explicite, on y dort toute seule, dans son lit.

Je vous ai dit au début :
« Je n’aime pas les interdits, les retenues, les non-dits. Et pourtant je m’y plie, moi aussi, et ce que j’y perds vaut-il ce que j’y gagne ? »

Finalement, ma réponse est « oui ».

Assez de toute cette grossièreté ambiante ! Un peu de retenue, faites chier ! Merde alors !

Misa - ( 02/2013 )

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