Un Été À Seignosse

Au cœur de la nuit, appuyée du ventre au lavabo, Brigitte observe dans le miroir les petites lignes blanches qui soulignent les rides d’expression au coin de ses yeux. Derrière le mur de briques de verre Sven chantonne en prenant sa douche et répond de sa voix gutturale en anglais mêlé de rares mots d’un français hésitant à Joëlle assise sur l’abattant des toilettes les coudes plantés sur ses genoux et le visage dans ses mains.
Brigitte regarde la silhouette en ombre déformée de Sven, sourit à Joëlle et reprend son observation dans le miroir : pas de doute, c’est bien elle, la même et si différente, elle nue dans cette salle de bains avec une fille rencontrée sur la plage deux jours plus tôt, et ce grand hollandais qui s’est installé à leur table hier soir.
Quelle soirée !
Elle s’était promis de profiter de ses vacances, mais jamais elle n’avait imaginé une chose pareille … ce grand blond qui lui faisait l’amour en murmurant des mots qu’elle ne comprenait pas, cette fille aux yeux lumineux qui caressait sa joue et ses seins en attendant son tour, qui étouffait sa plainte d’un baiser, et elle après qui n’osait pas la toucher, retenait ses gestes, les regardait faire l’amour en lui tenant la main.

Elle s’était décidée en avril. Le premier anniversaire depuis longtemps qu’elle passait seule. Plus de mari, pas d’. 34 ans.
Tous les ans, du 1er au 15 août, avant, c’était La Baule avec son mari, cette année ce serait Seignosse Les Bourdaines, seule, un appartement front de mer qu’elle avait réservé sur internet : son cadeau d’anniversaire.

Jérôme était parti depuis plus de trois mois. Il avait dit … c’était méchant et injuste.
Il avait dit pour blesser, il avait dit pour partir, pour rejeter la responsabilité de sa fuite sur elle seule : il avait dit qu’elle se laissait aller, qu’elle ne baisait plus et qu’elle baisait mal, qu’elle était molle, ennuyeuse, et que la vie avec elle était triste, insupportable, qu’il voulait vivre, le méritait.


Il a dit qu’il partait.
Ce qu’il n’avait pas dit, c’est que l’autre avait 23 ans, que l’autre était mince et blonde.

Il y avait eu les larmes. Il y avait eu la colère. Il y avait eu l’envie stupide de vengeance, des temps de dépression et d’apitoiement.
Passée la colère, passées les larmes, Brigitte a repris le cours de sa vie, sans lui. Quelques amies, une seule à vrai dire, Josée. La seule avec qui parler sans se cacher ou tricher, la seule mais mariée, qui a sa vie à elle, qu’elle ne voit finalement pas si souvent.
Le temps n’a plus la même valeur quand on est seule. Avant, elle croyait la voir souvent, parce qu’il fallait organiser et prévoir. Elle est libre aujourd’hui, tous les soirs, tous les samedis, et les semaines qui étaient trop courtes deviennent interminables.
Josée lui a dit « t’es jeune », « t’es belle », « tu vas vite refaire ta vie ».
Sa mère lui a dit « t’es jeune », tu t’es laissée aller », « les hommes faut savoir les garder ».
Son frère a dit « profite, ma grande, tu devrais t’habiller … plus… enfin tu vois ! ».

Mais elle ne voyait pas. Ou voyait trop bien. Elle en voyait trop dans sa glace. Trop sur les hanches, trop sur les cuisses, elle se voulait différente.
Profiter mais comment et de quoi ? Refaire sa vie, oui, mais comment on s’y prend ?
Jeune, plus vraiment, et pour se qui est d’être belle … elle avait été jolie, il y a … toutes ces années passées, déjà …

Elle s’est mise au sport, des footing matinaux, un peu d’aérobic dans une salle, elle s’est mise aux yaourts allégés, n’achète plus de gâteaux en sortant du travail, elle a changé de coupe de cheveux, plus court et plus flou, elle achète des crèmes pour l’éclat de sa peau et se vernit les ongles, se maquille les yeux et les lèvres, elle s’est abonnée à Elle et Femme actuelle, elle s’ennuie devant la télé tous soirs, traîne un caddy dans les galeries commerciales, ses seules sorties, et ceux qu’elle rencontre au travail la connaissent depuis longtemps, la connaissent un peu coincée, pas de celles qu’on invite pour un verre le soir.


Des résolutions ? Des envies, certaines sages et d’autres moins, des rêves. Après tout, pourquoi pas ! Cet été, au bord de la mer, toute seule en vacances, elle … des envies et des rêves.

A quoi a-t-elle pensé pendant ces trois mois ?
Qu’elle s’était laissée aller mais était encore jeune et belle ?
Pas vraiment. Elle a pensé aux hommes qui s’en vont, parce qu’on ne sait pas les garder, pensé bien souvent à ce qu’avait dit celui qui était parti : qu’elle baisait mal. Mais c’est quoi bien baiser ?

Ses magazines ne l’ont pas aidée. Ils parlaient d’elle et pas d’eux. Pas de ce qu’elle devait faire, mais de ce qu’elle était en droit d’attendre d’eux. Le plaisir des femmes à l’honneur à la une, la revendication de l’orgasme auquel, ils le disent, elle a droit. Il serait resté si elle avait joui plus souvent ?
Lui au moins prenait son pied quand … c’est vrai, moins souvent les derniers temps.
Enlever sa culotte, repousser la couette et ouvrir les jambes, écouter son souffle dans son cou qui s’accélérait, et se laver après.
Moins souvent, c’est vrai.
Au début ? Au début c’était la nouveauté de la chose. Parfois ces bouffées de chaleur qui lui venaient, cette brûlure à son ventre, et parfois plus, un peu. Un peu comme quand, pas souvent, elle posait sa main sur son ventre toute seule dans son lit, et qu’elle s’arrêtait quand la honte la prenait, parce que « se toucher » ça ne se fait pas.

Brigitte s’est occupée d’elle, de l’apparence, du dehors. Pour redevenir présentable, attirante, perdre les kilos de confort qui l’encombraient, pour changer, être une autre. Le footing et la salle de gym, elle n’y prenait aucun plaisir, s’y livrait comme on fait ses devoirs. Les soins esthétiques ? Les UV ? Elle trouvait ça ridicule et vain. Mais elle voulait ressembler à ce qu’elle était dix ans plus tôt, ressembler un peu aux images glacées de ses magazines, puisque ce sont ces femmes-là qu’aiment les hommes.

Elle a retrouvé sa ligne d’avant et une nouvelle énergie, elle s’est même plusieurs fois accordé des plaisirs solitaires, puisqu’elle y a droit, c’est écrit dans ses magazines. C’était un peu raté, décevant, au début, et puis … beaucoup mieux. Elle en a un peu honte encore, un peu moins chaque fois, elle trouve ça très bon, pense même qu’elle aurait dû avant.

Et Seignosse. 15 jours devant elle.

Depuis 2 jours, le matin, elle court sur l’avenue qui longe les plages, brassière flashy et petit short blanc moulant qui découvre le pli des fesses derrière et est un peu indécent devant, elle le sait, elle s’en moque, c’est l’été et personne ici ne la connaît, toute fière de voir ceux qui se retourne sur elle.
A midi, lunettes noires sur les yeux et tenue soignée, elle vient sur le parvis commerçant qui mène à la mer, fait quelques courses, prend un verre à la terrasse du Hapchot, grignote un peu avant de partir à la mer. Depuis 2 jours il fait beau.

Aujourd’hui elle marche au bord de la mer, son sac à l’épaule, fouille des yeux la plage et les dunes en ramassant des cailloux et des coquillages qu’elle jette ensuite. Elle a décidé : aujourd’hui pas de maillot, cherche des naturistes déjà installés, s’installe à distance d’un couple, pas très loin d’une jeune femme.
Cachée derrière ses lunettes noires, elle regarde, compare, les messieurs nus et les femmes, se dit au souvenir de l’image renvoyée par son miroir que tout va bien, plutôt fière d’elle, et que son mari n’était finalement pas très bien loti.
Elle lit allongée à plat ventre toute brillante d’huile solaire, se retourne et regarde les surfeurs, s’amuse de les voir en grappe allongés sur leurs planches sans jamais en bouger, s’allonge à nouveau et s’endort.
Elle est réveillée par des cris, un groupe de surfeurs qui s’installe entre elle et la mer, les garçons en combinaison noire rabattue sur les hanches, les filles en maillot, les planches plantées droit dans le sable.

La jeune femme à côté regarde elle aussi et se tourne vers elle, lui sourit et fait une grimace :
— On voit même plus la mer !
— Non, ils ont dressés leurs menhirs !
— Je vous ai croisée ce matin, vous partiez courir … on est voisines d’immeuble !
Les jeunes commencent à jouer au volley, et comme par hasard le ballon vient très souvent rouler à leurs pieds. Brigitte rit de l’ air excédé de sa voisine qui se fâche :
— C’est fou ! Comme si la plage était pas assez grande ! Ils font exprès !
Elle ramasse son sac et son drap, s’installe à côté de Brigitte :
— Je leur laisse la place, ça vous dérange pas ?

Elle l’avait discrètement observée en arrivant et la regarde s’installer. Plus jeune qu’elle, aucun doute, de jolis seins, un peu lourds, des hanches arrondies et sur son ventre une toison fournie. Elle l’avait trouvée un peu ronde et jolie, et peut détailler ce qu’elle avait seulement deviné, une dentelle tatouée qui enserre un biceps, un dessin maori qui finit en triangle sur ses fesses.

Elles discutent, échangent leurs magazines, renfilent leurs maillots pour aller se baigner, s’assoient au bord de l’eau pour regarder les surfeurs qui jouent dans les vagues, elles aussi jouent dans l’écume qui éclate et se tiennent la main pour ne pas tomber.
Elles se racontent, un peu, allongées au pied de la dune, des banalités emmêlées, d’un ton enjoué …
— T’es bronzée, toi ! moi je rougis.
— Dans le dos ? oui, d’accord … euh, je m’arrête là … tu finis …
— Comme tu veux, mais ça me gêne pas, tu sais !
— … c’est la première fois seule … avant … c’était avec mon mari !
— Moi, c’était une ... Elle a changé d’avis … elle est partie en Espagne …
— Tu veux un gâteau ?
— Tout ce que je mange, ça se met là …
— Moi je cours, depuis quelques mois.
— Je sais, je t’ai vu. T’es divorcée ?
— C’est en cours.
— C’est plus simple pour moi …
— Tu …
— Pas vraiment, on se consolait entre deux mecs. Choquée ?
Joëlle lui tient le bras en marchant vers la mer, elles n’ont pas remis leurs maillots cette fois. Brigitte sourit, amusée … une fille sympathique et nature, qui se console des garçons avec une copine ? Brigitte pense qu’en fait il doit y avoir plus de filles que de garçons dans la vie de Joëlle …

Elles mangent ensemble le soir au Rayon vert puis empruntent la passerelle pour descendre vers l’esplanade couverte, longent la piste de skate pour aller vers la mer, prennent un cocktail avant de rentrer.

Elles partent ensemble le lendemain à la plage, après avoir grignoté leurs achats du marché le matin où Joëlle lui prenait le bras, l’attirait de la main vers un étal de chaussures, lui essayait un chapeau en riant. Brigitte s’amusait « je plais à une femme ! quoi faire avec ça ? », s’amusait de cette fille aux courbes féminines et aux allures de garçon, de ses petits gestes soulignés d’un sourire, qui la surprenait d’une bise sur la joue et lui glissait à l’oreille « t’es belle, te fâche pas ». Plusieurs fois elle a regardé autour d’elle un peu gênée de ces démonstrations et fronçait les sourcils, et puis haussait les épaules en voyant Joëlle se moquer.

L’après-midi sur la plage elle se fâche gentiment quand Joëlle laisse traîner la main sur ses fesses au prétexte d’y passer de la crème solaire et secoue la tête en riant quand Joëlle lui dit :
— C’est quand même pas ma faute si t’as un beau cul !
Brigitte pourrait lui dire d’arrêter, comme elle aurait pu le faire le matin au marché, mais elle se tait, surprise d’être flattée de ces attentions et surtout elle ne veut pas la vexer.

Le soir elles mangent à la pizzéria Lou Sourey en attendant le spectacle musical du soir sous le chapiteau où un groupe de musiciens s’installe et Joëlle lui prend la main pour la tirer entre les tables à la suite du serveur, caresse son épaule et ses cheveux quand elle s’assoit. Brigitte rougit en voyant les regards amusés des jeunes gens à la table d’à côté et la gronde :
— Arrête un peu, je t’ai dit, moi, les filles … c’est pas mon truc, on se fait remarquer !
— Tu dis ça parce que t’as pas essayé ! Mais t’inquiète pas, je vais pas te sauter dessus ! Et puis, regarde, ça les fait saliver ! Je croyais que tu voulais t’éclater ! Allez, choisis ! Lequel te plairait ? je fais le reste !

Des sourires, une serviette qui tombe, quelques mots échangés en anglais, un geste pour le retenir quand ses amis s’en vont, et le grand blond s’attable et prend un café avec elles. Il est hollandais, s’appelle Sven, il a 27 ans. Brigitte est embarrassée mais s’amuse.
Joëlle en partant passe un bras sur la taille de Sven et l’autre sur les hanches de Brigitte qui n’a pas suivi leur conversation : elle ne comprend pas bien l’anglais et le jeune homme ne parle pas français :
— On va chez toi, ou chez moi ? Comme tu veux !
Au regard perdu de Brigitte, elle abandonne Sven un instant et prend Brigitte dans ses bras pour un baiser sur sa bouche qui laisse Brigitte figée :
— Laisse-moi faire, allez … c’est les vacances, profite !

Profiter ? Pourquoi pas ! Avec un homme qu’elle ne connaît pas ?
Brigitte marche, et ne voit rien autour d’elle. Trop de questions se bousculent dans sa tête.
C’est dans son studio qu’ils vont. Elle préfère. Et regrette très vite « …chez Joëlle, j’aurais pu partir, si … si quoi ? Il est beau, il est grand, il est blond … il a dit ‘tu baises mal’ … » elle se sent bête, ridicule, comme une ado à son premier flirt, peur de mal faire « … et Joëlle, qu’est-ce qu’elle va penser de moi ? et lui, il veut quoi ? c’est Joëlle qui l’a dragué ! je sais même pas ce qu’ils se sont dits … et à trois, ça se passe comment ? j’ai vraiment envie de ça ? … pourvu qu’elle reste ! toute seule avec lui je saurais pas quoi faire … j’irai dans la chambre en leur laissant le salon … mais qu’est-ce que je fous là ? c’est pas vrai c’est pas moi … je vais pas me dégonfler … ».

Joëlle se déchausse en entrant et jette son sac sur le canapé, s’approche de Sven et l’embrasse. Brigitte se détourne, ouvre grand la porte fenêtre qui donne sur le balcon, sent sur son bras la main de Joëlle qui l’attire, se retrouve dans les bras du garçon qui se penche sur elle et cherche ses lèvres. Elle l’aurait repoussé … mais Joëlle est là dans son dos et serre ses deux bras autour d’elle … alors, orgueil plus qu’envie, elle accepte le baiser, et finalement le goût Curaçao du cocktail qu’il a sur les lèvres et la langue lui plaît bien, comme lui plaît la chaleur de la peau sous sa main sur ses pectoraux.
Elle jette un bras derrière elle en sentant Joëlle dégrafer sa jupe dans son dos et ne peux l’empêcher de la faire glisser sur ses hanches. Partagée entre l’excitation qui la gagne à se trouver presque nue dans les bras du garçon et la gêne à cette situation inconnue pour elle, Brigitte hésite à s’abandonner. Une main de Sven a trouvé entre eux le chemin de ses seins et les mains de Joëlle sont chaudes sur ses hanches et viennent sur son ventre, la frôle et s’affairent, viennent chercher son bras sur le torse de Sven et l’entraîne vers le sexe du garçon qui se dresse au-dessus du bermuda abaissé sur les cuisses.

Profiter … ce qu’elle avait imaginé ? C’était vague, mais plus romantique, un homme qui lui ferait la cour, qui la tiendrait dans ses bras et murmurerait des mots doux … mais jamais elle n’avait pensé au poids d’un homme sur elle dans le noir d’une chambre.

Elle est comme extérieure, spectatrice, se laisse faire, attentive étonnée à la tension de ses seins, à l’humidité qui lui vient au creux du ventre. Elle ne proteste pas aux bises sur ses fesses et aux mains qui font glisser sa culotte sur ses cuisses. Elle embrasse Sven et n’échappe au baiser que pour demander à Joëlle « Eteins la lumière, s’il te plaît … » et en serrant dans sa main le sexe dressé vers lequel elle baisse les yeux en s’appuyant du front à l’épaule du garçon. Ce n’est pas si souvent qu’elle a tenu ainsi un homme dans sa main ! Elle sent sa chaleur et les petites pulsations, la main de Joëlle qui rejoint la sienne, entame avec elle un lent mouvement sur la longueur de la verge qui se tend et durcit.

Sven chante toujours sous la douche. Joëlle se lève et colle son ventre à son dos, le menton sur son épaule :
— On le rejoint ou on le laisse finir ?
Elle fait une grimace nez plissé aux yeux dans le miroir :
— Vas-y si tu veux …
— Avec toi …
Brigitte fait non de la tête et fronce les sourcils en sentant les mains de Joëlle sur ses seins, regarde dans le miroir les doigts effleurer ses tétons qui se dressent :
— Arrête … s’il te plaît …
Joëlle n’obéit pas plus que la veille à ce « s’il te plaît » quand elle lui avait demandé d’éteindre la lumière.

Elle les avait poussés vers le canapé, elle tenant toujours le sexe bandé dans sa main, et elle s’était retrouvée à genoux entre les jambes de Sven. Joëlle avait pris le sexe dans sa bouche en tenant la main de Brigitte sous la sienne pour qu’elle continue à le caresser, l’avait poussée dans le dos pour qu’elle prenne sa place.
Elle avait résisté, faisant signe que non à Joëlle, puis avait cédé, par peur de paraître idiote.
« … tu baises mal … ». Elle pensait aux mots blessants de son mari, elle pensait « c’est pas moi, je suis pas comme ça », elle pensait « je vais pas me dégonfler », et elle avait honte de l’excitation qui brûlait son ventre.
Elle avait plié le sexe vers sa bouche, en effleurant le bout si lisse et très rouge du bout de la langue, puis l’avait pris entre ses lèvres, offrant à cet inconnu une caresse qu’elle avait toujours refusé à son mari après cette première fois où il avait maintenu sa tête à deux mains jusqu’à ce qu’il inonde sa bouche.
Elle l’avait sucé tout doucement et Joëlle l’avait écartée, avait enfilé un préservatif sur la verge :
— … viens sur lui …

A genoux au-dessus du garçon qui riait et se laissait faire, elle l’avait guidé dans son ventre d’une main entre ses jambes.
Jamais elle n’avait avant fait l’amour comme ça, elle à cheval sur son partenaire, en pleine lumière, et Joëlle … qui était là, à qui elle obéissait, pour être à la hauteur, parce qu’elle était inquiète de se montrer telle qu’elle était vraiment devant elle, Joëlle qui embrassait Sven pendant qu’elle le chevauchait, qui caressait ses seins et ses reins, qui riait du bruit humide de ses va-et vient et redressait le sexe d’une main pour le remettre en place quand il était sorti de son ventre.
Elle n’avait pas pris de plaisir bien que la situation ait éveillé en elle un désir évident qui la faisait mouiller comme rarement, s’était relevée et Joëlle avait changé la capote, pris sa place sur un Sven dont les yeux brillaient de plaisir à voir les filles échanger leurs places. Assise à côté d’eux, elle avait regardé Joëlle onduler du bassin et se déchaîner appuyée d’une main derrière elle sur un genou du garçon et se caresser de l’autre, se mordre les lèvres et fermer fort les yeux avant de basculer sur le torse de Sven le bassin agité de soubresauts et chercher la main de Brigitte pour la serrer très fort. Elle s’était relevée et avait branlé le sexe jusqu’à ce que Sven soulève ses reins du canapé en poussant un râle de plaisir, le préservatif se remplissant par saccade de son sperme.

Il les avait embrassées l’une après l’autre après s’être débarrassé du préservatif et s’être essuyé de mouchoirs en papier que lui tendait Brigitte et était parti vers la salle de bains.

Il se rhabille et quitte l’appartement très vite après sa douche avec un sourire ravi et un dernier baiser.
— Au moins lui, il s’éternise pas ! Il aurait pu rester, t’as même pas pris ton pied !
— … bof … pas grave …
— T’avais pas envie ?
— … ça m’arrive pas souvent …
— Quoi ? De prendre ton pied ? C’est vrai que c’était un peu court ! Il aurait pu rester un peu ! Allez viens, une douche nous fera du bien !

Joëlle tire Brigitte par la main dans l’espace de douche sans lui laisser le temps de protester. Brigitte se tient sur ses gardes et guette un geste, qui ne vient pas. Elle s’apprêtait à la repousser une nouvelle fois et parce que Joëlle ne tente rien, que cette intimité et ce qui vient de se passer la trouble plus qu’elle n’aurait cru, elle est presque déçue, s’en rend compte, et en rit en secouant la tête.

Enveloppées dans des draps de bains, le salon éclairé de la seule lueur des lumières de la rue trois étages plus bas, elles s’installent dans le canapé, où Joëlle s’allonge, la tête sur les genoux de Brigitte :
— Il te plaisait pas vraiment ? C’est ça ?
— … un peu … mais, j’ai pas l’habitude … comme ça …
Le visage de Joëlle a glissé plus près de son ventre et la serviette comme par hasard a glissé sous sa joue, Brigitte sent son souffle sur sa cuisse découverte. Elle soupire et pense, « allez, elle recommence, elle insiste … » et pose une main sur ses cheveux, prête à la repousser. Mais Joëlle ne bouge pas.
— Tu baisais qu’avec ton mari ?
— Oui, bien sûr !
— Bien sûr ? Comme si c’était évident ! Tu devais pourtant avoir des occasions … les mecs te regardent ! Déjà hier, et ce soir aussi, c’est pas moi qui fait la différence, c’est toi ! … T’aimes pas faire l’amour ? C’est parce que j’étais là ?
— Non, c’est pas toi … je suis comme ça, c’est tout …
— La prochaine fois, on drague un brun, un latin, d’acc ? Celui-là m’a laissée sur ma faim !
Elles rient et se taisent, profitant de la fraîcheur qui entre par la baie grande ouverte sur la nuit. Brigitte sent le souffle chaud sur sa cuisse et interrompt la caresse machinale de sa main sur les mèches de cheveux bouclés en voyant le mouvement du muscle du biceps de Joëlle qui se tend et se relâche, lentement, suit des yeux dans la pénombre le bras jusqu’à la main cachée entre les jambes de Joëlle.
Elle écarquille les yeux et se mord les lèvres, les joues brûlantes de surprendre ce geste si intime qu’elle a redécouvert récemment sans pouvoir s’empêcher d’en ressentir chaque fois une pointe de honte.
Sa main se crispe dans les cheveux sans qu’elle en ait conscience :
— Joëlle, qu’est-ce que tu fais ! Arrête …
— … fais pas attention …
… elle cherche d’une main la main de Brigitte dans ses cheveux, la trouve et la serre, s’allonge sur le dos jambes ouvertes et continue sa caresse de son autre main. Le feu aux joues, Brigitte ne quitte pas des yeux le spectacle et ne résiste pas à la main qui attire la sienne sur les seins :
— … bouge pas, reste là, juste comme ça … bouge pas …
Brigitte ferme les yeux, détourne la tête, et sans arrêt revient, crispe inconsciemment la main sur le sein si chaud et si doux quand les jambes se tendent et qu’elle la sent trembler.
Elle ne dit rien quand Joëlle se redresse et s’assoit à cheval sur ses genoux, qu’elle se blottit contre elle le visage au creux de son cou où elle pose de petits baisers qui la font frissonner. Elle garde les bras écartés poings serrés un moment puis referment les bras dans le dos de Joëlle.

Les trois jours suivants, elles vont à la plage. Elles ne parlent pas de cette soirée. Elles plaisantent et se baignent, se promènent sur le sable en bordure des vagues. Brigitte surprend souvent le regard de Joëlle sur elle, qui se détourne très vite en se voyant surprise.
Plus de gestes équivoques sur la plage, elle ne prend plus sa main sous de petits prétextes quand le soir elles vont prendre un verre ou manger, et elles se quittent le soir sur deux bises rapides.

Joëlle lui désigne parfois des hommes seuls, plus jeunes, plus vieux :
— Tu veux essayer ? Je commence et je te laisse … tu veux ?
Chaque fois Brigitte fait la moue et dit non :
— Vas-y toi si tu veux …
— Non … pas envie !

Elles se tiennent à distance l’une de l’autre, et cette distance e décidée et voulue dans les gestes et les mots, rend d’autant plus présente Joëlle à Brigitte, et le souvenir de l’intimité d’un soir lui revient sans arrêt.

C’est elle qui un soir qu’elles mangent ensemble chez Joëlle ne supporte plus la tension entre elles et cède à une impulsion en la prenant dans ses bras alors qu’elle est accoudée au balcon et regarde les skate-board, les vélos et les patineurs se disputer le passage sur la piste cyclable qui borde l’avenue.
Elle devine le sourire au plissement de la joue contre la sienne, et Joëlle reste tournée vers le ballet de la rue :
— Regarde les deux furieux, ils freinent même pas pour traverser, c’est les gamins qui doivent s’arrêter !
C’est toujours le premier geste qui coûte, après c’est si simple ! Brigitte la retourne dans ses bras et pose un baiser timide sur sa joue.
Joëlle sourit du regard inquiet et pose un baiser sur la lèvre mordue de dents blanches et revient la piquer de plusieurs baisers rapides en riant, la prend dans ses bras à son tour et colle ses lèvres aux lèvres de Brigitte qui s’abandonne à un vrai baiser en serrant ses bras plus fort puis s’écarte en regardant vers la rue :
— On se donne en spectacle …
— On s’en fout, et c’est pas fini …
… aux sourcils froncés de Brigitte elle continue en riant :
— Un baiser c’est rien, c’est quand je vais mettre ma main dans ta culotte que ça va leur plaire !
— Oooh !
Et bien sûr elle l’a fait ! mais seulement après l’avoir entraîné jusqu’au lit en la tenant serrée dans ses bras, et Brigitte riait :
— Qui t’as dit que je me laisserai faire ?
— T’as pas le choix ! Je vais te montrer tout ce que sait faire une fille, tu pourras plus t’en passer !
Assise au pied du lit, Brigitte lève les bras pour laisser Joëlle soulever son teeshirt, s’allonge sous la poussée d’une main et soulève les jambes quand d’un seul mouvement Joëlle lui enlève en même temps et son short et son slip. Elle a les yeux embués et les joues rouges :
— Je voulais juste un baiser … qu’est-ce qu’elles font de spécial, les filles ?
— T’en fais pas, tu l’auras, ton baiser, et un baiser à ta chatte comme ton mari a jamais su faire !
— T’es vulgaire ! … il a jamais fait ça …

Des filles qui s’aiment, ce n’est pas toujours doux, pas toujours, elles font de leurs mains tant choses que des hommes n’osent pas assez, ou ne savent pas faire. Cette nuit, au début en tout cas, Joëlle est douce, et donne à Brigitte plusieurs fois du plaisir, de ses mains de sa bouche de sa langue.
Brigitte profite, ne se pose plus de questions. Elle jouit sans complexe sous la bouche de Joëlle.
Encore essoufflée, les yeux brillants et un sourire aux lèvres, Brigitte se lève et éteint la lumière de la chambre, avant d’à son tour déshabiller Joëlle.
— Tu veux pas me voir ?
Ses mains qui tremblent un peu, ses gestes hésitants, sa maladresse parfois, Joëlle ne s’en plaint pas, bien au contraire.

Le lendemain sur la plage, Brigitte met de la crème solaire dans le dos de Joëlle, hésite un peu et cette fois l’étale aussi sur ses fesses et s’attarde plus que nécessaire provoquant un rire :
— C’est toi qui nous donnes en spectacle ! Attends ce soir, je te montrerai ce qu’on peut faire de nos fesses !
— Alors on va rentrer de bonne heure !

Misa – 05/2013

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