Troublée (Épisode 2)
Tu te réveilles. Il n'est pas là. Lundi matin. Un soleil pâle perce au travers des rideaux. Tu te lèves. Tu ne travailles pas aujourd'hui. Comme tous les lundis. Une chance. Un petit luxe. Frederic est parti tôt. Tu ne l'as pas entendu. Tu as encore dans la tête, sur le corps le souvenir de vos ébats. Tu retardes au maximum l'heure de la douche pour garder l'odeur de sa peau sur la tienne. Tu traines. Un bol de thé chaud à la main tu arpentes votre appartement. Tu ramasses les vêtements que vous avez éparpillés sur le sol. Tu regardes par la fenêtre dans la rue. Tu laisses le temps passer.
Habillées enfin, tu te décides à ranger. Défaire les valises. Lancer une machine. Tache banale de la vie. Au milieu des chaussettes et des culottes sales, tu trouves une enveloppe. Cette enveloppe que Vincent, l'oncle de Frederic, t'a donnée. Comment a-t-il dit ? Des mots pour toi, inspiré par toi. Tu l'ouvres. Plusieurs feuillets imprimés. Tu comptes. 5 pages. Tu te ressers une tasse de thé. Tu vas dans le salon. T'assois et commence à lire. Elle n'ose pas. Elle a peur de mon regard. C'est la première fois qu'elle va se mettre nue devant moi. Je ne lui dis rien. Je me lève et me mets nu en premier.
Regarde mon corps de plus vieux de dix ans. Déjà, marque par le temps. Regarde mon ventre qui commence à pointer. Ces quelques poils blancs qui s'installent. Pourquoi as-tu peur de me montrer ta jeunesse ? Je suis sur que ton ventre est plat. Tes seins fermes. Tes fesses rondes. Tu n'as rien à craindre de mon regard. Mais, si tu y tiens, si cela peut te rassurer, je peux éteindre. Je peux te découvrir dans l'obscurité. D'abord, te voir avec mes doigts. D'abord, sentir ta peau, tes seins, tes fesses, avant que tu me les offres en spectacle." Tu dis oui. Je coupe la lumière. Notre chambre est plongée dans la pénombre. Tu n'es désormais qu'une silhouette. Une ombre chinoise devant la fenêtre. Tu laisses tomber tes vêtements au sol. Tu t'allonges sur le lit.
Tu poses les feuilles. Tu as chaud. Ces quelques lignes te troublent. Il t'a bien dit que c'était toi dans ces pages. Ou du moins que c'était toi qui les avais inspirées. Tu cherches. Tu essaies de te souvenir de Vincent. De son regard. De son attitude pendant le week-end. Tu ne te souviens de l'avoir vu te fixer, de dévisager. Il n'a pas eu un geste équivoque. Une parole déplacée. Un sous-entendu. En dehors de la scène de la salle de bain. Et de ces mots, de ces souvenirs de son amour de jeunesse. Mais jamais tu n'aurais cru que tu puisses inspirer de tels mots.
Tu regardes l'heure. Tu n'as pas vu le temps passer. Tu avais dit à Frederic que tu le rejoindrais pour le déjeuner. Tu l'appelles. Lui dit que tu vas sans doute avoir du retard. Il râle. Il râle toujours. Mais au bout du compte, il ne dit rien.
Il fait froid. Tu serres ton gros manteau tu enfonces un peu plus ton bonnet. Le vent de février te pique les joues. Tu te demandes si Frederic a remarqué quelque chose. S'il a vu le trouble que tu as provoqué chez son oncle. Et les autres ? Ont-ils vu ce que toi tu n'as pas remarqué ? Tu passes devant les vitrines des boutiques. Tu te regardes. Tu ne te trouves pas si belle. Tu n'as jamais aimé ton nez, ni ta bouche. Ta peau trop blanche. Tu vois Frederic au loin devant le petit restaurant qui vous sert de cantine.
Vous discutez de tout et de rien. Il te parle de sa matinée. Il te tient la main en attendant vos plats. Il reparle de vos étreintes de la veille. Ses yeux brillent quand il évoque ton corps, tes mains, ta bouche. Tu as envie de lui. Tu voudrais sauter par-dessus la table. Lui arracher ses vêtements, te planter sur lui. T'empaler sur lui. Tu frissonnes. Ce n'est pas le froid. Tu te rends compte que tu emploies les mots que tu as lus. Dans ta tête tu refais la scène couchée sur le papier par Vincent. Tu es heureuse de voir arriver vos assiettes. Tu te jettes sur ton filet de poisson comme si tu n'avais pas mangé depuis des jours.
Vous vous quittez sur le trottoir. Frederic retourne au bureau. Tu rentres chez vous. Un autre jour tu aurais trainé un peu, à faire les boutiques. Aujourd'hui tu n'es pas d'humeur. Il fait trop froid. Surtout tu veux reprendre ta lecture. Tu veux savoir quels autres mots, quels autres fantasmes tu as fait naitre dans la tête de Vincent.
Les pages sont toujours là où tu les as posées avant de partir. Le contraire t'aurais surpris, mais tu devras pensera les mettre en lieu sur. Tu ne veux pas que Frederic puisse les lire. Tu te prépares un thé et tu reprends ta lecture.
À suivre...
Comments:
No comments!
Please sign up or log in to post a comment!