Troublée (Épisode 4)

Tu es partie à la fac. Dans ton sac, bien rangé les écrits de Vincent. Tu n'as pas pu en lire plus. Tu es toujours assise face à lui, en train de te masturber. Tu espérais pouvoir lire quelques lignes entre deux cours. Voire même pendant un cours. Tu n'as pas osé les sortir. Risquer de les exposer aux regards des autres. Tu as suivi les cours d'une oreille distraite. Tu as pris des notes que tu n'arriveras pas à relire. Tu penses à cette chambre d'hôtel imaginaire. À ces heures d'amour. De sexe passionné. À toutes ces images nées dans l'esprit de Vincent et qui te semblent si vraies. Si puissantes.

À midi, au lieu de suivre tes amies pour la pause déjeuner, prétextant un mal de ventre, tu es allée t'enfermer dans les toilettes et tu as repris enfin ta lecture. Comme en amour l'attente a amplifié les sensations, le plaisir. Tu as dévoré les pages restantes. La seconde journée d'amour entre lui et toi. Entre lui et cet autre toi. Cette version fantasmé de toi. Tu as lu les descriptions de leurs ébats. Vos ébats. À nouveau tu as senti monter le feu en toi. Le désir. L'envie la plus primaire. Celle du sexe de cet homme. Tu n'as pas osé te masturber de peur de te faire remarquer. Quand tu as rangé bien au chaud les feuillets dans ton sac, tu as senti ta culotte toute mouillée. Tu as eu peur que cela se remarque.

L'après-midi fut à l'image du matin. Tu n'arrivais pas à penser à autre chose qu'aux mots de Vincent. Et tes mains de jeune fille, car tu es encore une jeune fille, à peine une jeune femme, tes mains douces et délicates, tes doigts fins, tes mains blanches, se sont posées sur mon sexe endormi après notre dernière étreinte. Elles se sont posées en corolle sur lui. Puis tu t'en es saisi. Sans le brusquer. Avec tendresse. Comme on prendrait la main d'un . Tu n'as pas serré tes doigts autour de ce membre mou, flasque. Tu l'as tenu, et tu as attendu. Lentement tu l'as caressé. Lentement tu l'as fait grossir, grandir, durcir.

En experte tu as de tes simples doigts réveiller cette bitte épuisée par nos multiples ébats. Tu m'as fait bander. Et, abandonnant toute délicatesse, tu es venu t'asseoir dessus. Tu m'as regardé droit dans les yeux. Tes yeux verts brillants de désir. J'ai encore envie de jouir de toi, par toi, sur toi, m'as-tu dit sans effronterie, sans honte, sans pudeur. Une évidence. Ton envie. Je n'en peux plus de jouir. Je n'en ai pas assez de jouir, as-tu ajouté, avant de me chevaucher. Je t'ai laissé faire. J'étais fatigué. Il était tard, mais je savais que c'était une des dernières fois. Bientôt toi aussi tu tomberais de fatigue. Bientôt nous allions nous endormir l'un à côté de l'autre dans ce lit aux draps froissés et tachés par nos sécrétions intimes. Bientôt. Et viendrait le matin. L'heure de nos adieux. La fin de cette parenthèse de deux jours. Nous en avions décidé ainsi. Deux jours. Pas plus. Deux jours dans une chambre d'hôtel. Deux jours de sexe. Rien de plus. Tu t'agites. Tu transpires. Ta respiration se fait plus rapide. Tu jouis. Tu hurles comme à chaque fois que tu as eu l'orgasme depuis ce matin. Un cri de délivrance, de plaisir, de soulagement, d'accomplissement. Tu tombes sur moi. Je lèche les gouttes de sueur dans ton cou.

Tu rentres chez toi. Frederic n'est pas là. Il rentrera tard, comme tous les mardis soir. Après le boulot, il va jouer au squash avec des amis à lui. Tu ne l'attends pas ces soirs-là. En général tu dines, tu regardes la télé et tu vas te coucher sans lui. Ce soir après avoir avalé un morceau, tu t'installes à l'ordinateur et tu commences à écrire.

Vincent,

J'ai lu vos mots. Dire qu'ils ne m'ont pas troublé serait mentir. Chaque phrase a éveillé en moi des tonnes d'envie, des tonnes de désirs, des tonnes d'émotion. Comment avez-vous pu écrire ces phrases ? Comment avez-vous pu imaginer ces situations ? Comment avez-vous pu faire vivre ces deux personnages ? Si l'un est vous, l'autre n'est pas vraiment moi.
Pourtant, après avoir lu et relu vos écrits, je peux dire, ce soir, que je veux être elle. Je veux être cette jeune femme qui arrive à éveiller de telles choses en vous. Je veux, et je sais que c'est prétentieux, être cet objet de fantasme, cet objet de désir. J'ai été troublé par ce que vous m'avez fait vivre, dire, même si cette jeune femme n'est pas moi, en l'écrivant, vous pensiez à moi. J'ai été troublée et excitée. J'ai aimé ce que vous m'avez fait dire et fait vivre. Je me suis même branlée en vous lisant. Oui, vos mots m'ont, pour la première fois depuis longtemps, donné l'envie de me caresser. Et de me faire jouir. J'ai joui de vos mots.

Je veux jouir de vous. Je sais à quel point cette déclaration est cavalière. Je sais que nous ne nous connaissons pas. Vous m'avez vu nue. C'est déjà un début. Je sais aussi le trouble que j'ai éveillé en vous. Et l'envie. Vous ne pouvez pas la nier. Je vous ai lu. J'ai lu ce que vous voulez faire avec moi, de moi. Cette envie, ce soir, après voussoir lu, et relu, je la partage. Ce n'est qu'un désir sexuel, à la limite du désir animal. Je l'assume. Si après avoir lu ma lettre vous me contactez, si vous me proposez une aventure d'un soir, d'une heure, ou même de vivre ces deux jours dans une chambre d'hôtel à faire l'amour jusqu'à en tomber de fatigue, je dirais oui. Sans hésiter.

J'attendrais de vos nouvelles. J'attendrais vos propositions.

Je vous désire.

Juliette


Tu n'as pris la peine de te relire. Tu as imprimé cette lettre, écris à la main ton numéro de téléphone. A efface le fichier de l'ordinateur. Glisse la feuille dans une enveloppe. Écris l'adresse. Colle un timbre. Tu la posteras le lendemain. Et attendras

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