Concours

CONCOURS

C'est sûr que ce n'était pas pour plaire à mes parents que j'ai fait ce concours. Nous venions toujours en cette station pour les vacances d'été et je connaissais à bien la connaître et je pouvais enfin aller dans une boîte de nuit seule. Je n'avais pas pensé qu'il allait y avoir ce concours et même ça avait été annoncé par le présentateur après un suspens : "Bon, qu'est-ce que nous allons faire ce soir, avait-il demandé? Qu'est-ce qui mérite de gagner une bouteille de champagne ?" Les cris avaient fusé dans la salle. Après avoir demandé le calme, il avait annoncé que les invités — c'est comme ça qu'il nous avait appelés, nous les clients —, désiraient un concours de Miss Nu. Des voix ont alors remarqué que c'était toujours la même chose.

- Bon, on va changer spécialement pour ce soir, a-t-il continué ! Ce sera Miss Petits Seins ! Miss Moyen Seins ?

- Miss Gros Seins ont hurlé les gens dans la salle !

- Va pour Miss Gros Seins, a répondu le présentateur ! Mais j'y mets une restriction : aucun silicone ! Rien que du naturel !

Avec mes 85F, j'avais de la chance, mais je n'avais pas envie de m'exhiber. Des femmes de tous âges ont commencé à s'inscrire. Je regardais de loin et j'essayais même de me cacher. Toutes n'étaient pas acceptées, ce qui ne me semblait pas équitable. Ils avaient mis une musique de fond. On entendait des critiques.

- Cinq seulement, a fait le type en reprenant son micro ! Je vais être obligé d'aller choisir d'autres candidates !

Il s'est avancé vers les tables puis il a désigné une femme.

- Non, je ne veux pas, lui a-t-elle dit ! Dit-lui que je ne veux pas, a-t-elle ajouté en se tournant vers son mari !

- Oh, moi, je ne veux pas m'en mêler, a répondu le mari !

Le présentateur à pris la main de la femme qui a fini par accepter de monter sur la scène puis il est allé en chercher d'autres et il s'est enfin présenté devant moi :

- Vous faites du combien, m'a-t-il demandé ?

- 85F !

- C'est bon, m'a-t-il répondu ! Aller, avec les autres !

J'étais rouge tomate en montant sur la scène.

Le présentateur a continué son baratin en disant qu'il y aurait douze candidates. On a dû dire notre prénom et ce qu'on faisait comme métier puis ils nous ont emmenées dans les coulisses pendant que la musique de danse reprenait sa place. Ça n'avait rien de nouveau pour cette boîte. On nous a fait déshabiller entièrement pour ne garder que notre petite culotte et une des femmes n'en avait pas. Ils lui en ont prêté une, en ajoutant que si elle n'était pas neuve, elle était propre. Le type a même ajouté qu'il arrivait qu'on en trouve sous les tables en faisant le ménage dans la salle, puis on a rangé nos vêtements dans des cases avant de nous faire enfiler une robe qui avait plus l'air d'un sac et qu'ils ne nous mettent un bandeau tricolore avec des étoiles en travers du corps puis on nous a peint un numéro sur les bras.

- Miss Gros Seins ! Miss Gros Seins !

La rumeur enflait dans la salle. Une par une, nous avons marché sur la scène puis fait un tour de long en large sous les applaudissements et les cris de la foule. On nous a ensuite posé des question sans doute pour voir si on n'était pas analphabètes sans doute, puis nous sommes retournées dans les coulisses où on nous a fait retirer la robe et ils nous ont fait à nouveau aller sur la scène, une par une, pour défiler presque nue.

- Ne prenez pas de photos, rugissait le présentateur !

Tu parles. Pas besoin d'être expert pour comprendre que plus il l'interdisait et plus les gens se servaient de leur iPhones. Ça mitraillait de partout.

- La poitrine en avant, nous a-t-on encore recommandé avant notre dernier tour. Avec les éclairages, je n'avais pas vu qu'un jury avait été installé au premier rang au bas de la scène. Quand la dernière a été rentrée dans les coulisses, ils nous ont encore fait sortir pour un dernier passage puis nous nous sommes allignées en fond de scène.

- Est-ce que le jury s'est mis d'accord, a demandé le présentateur ? Vous étiez notées deux fois de 1 à 10 !

Le premier jury a tendu un papier que le type a saisi.

- Bien ! Numéro 5, Juliette, 57 points, 3e prix !

La pauvre Juliette s'est avancée sur le devant de la scène.

- Numéro 9, Hélène ! 69 points, second prix !

Vous avez compris que c'était moi.

- Numéro 2, Jeanne ! 71 points, premier prix !

Il y a eu un tonnerre d'applaudissement. Je rageais d'avoir raté la première place de deux points, mais il fallait bien applaudir la gagnante. On lui a apporté sa bouteille de champagne. J'ai eu droit à dix euros et la troisième à cinq puis nous avons pu regagner les coulisses pour nous rhabiller. La soirée continuait. J'étais venue seule. Je me suis aussi dite que si j'avais eu un fanclub... Et puis, la première, elle avait des gros nichons et le jury avait sans doute voté au volume. Elle avait ouvert sa bouteille et elle buvait avec ses amis puis elle est venue me voir avec une flute de champagne à la main, pour m'inviter à les rejoindre à leur table. Elle m'a même dit que si j'avais eu les seins bien plus hauts, j'aurais sans doute gagné. Bien plus haut ? Qu'est-ce qu'elle entendait par là ? Mes seins avaient toujours tombé, dès le début et mon toubib m'avait dit que ce n'était pas en mettant des soutiens-gorges que je les
empêcherai de tomber. Au contraire, avait-il ajouté, dans un soutien-gorge, ils se ramollissent tandis que libres, ils font leur gymnastique sans problème.

Autour de la table, il y avait quatre femmes et deux hommes et avec moi, ça faisait cinq femmes. Après m'avoir dit quelques mots de félicitation, ils ont repris leur conversation et je me suis contenté de les écouter et j'ai vite compris que s'il y avait deux couples, les deux femmes en trop étaient un couple de gouines. D'ailleurs, elles n'ont pas tardé à me faire des avances en me proposant un trip à trois et pour me moquer d'elles, je leur ai répondu que j'avais déjà une petite amie, ce qui les a calmées pour un temps. Elles ont fini par se lever. Les autres leur ont demandé si elles partaient. Une des gouines leur a répondu qu'elles avaient besoin de baiser. Un fois les deux femmes parties, je suis retournée m'installer où j'avais été assise puis j'ai décidé de rentrer mais j'étais à peine sortie de la boîte que les deux femmes m'ont à nouveau assaillie.

- Ta copine ne va pas te reprocher d'avoir pris du plaisir, m'a dit l'une !

- Tu es trop jolie pour refuser de nous accompagner, m'a dit l'autre !

Elle m'a tirée contre elle et elle m'a embrassée sur la bouche. Je n'avais jamais eu un patin d'une telle intensité. Sa langue m'a semblée si longue que j'ai cru que j'embrassais un lézard puis la femme m'a relâchée.

- Tu viens avec nous, a-t-elle insisté ?

J'ai tout d'abord refusé mais j'ai fini par les suivre et je les ai suivies dans un hôtel cinq étoiles puis nous avons pris l'ascenseur. Elles avaient une chambre au dernier étage et donnant directement sur la plage et elles se sont déshabillées tout de suite et j'ai bien dû faire de même puis elles se sont occupées de moi si bien qu'elles avaient eu raison de me dire qu'elles allaient faire de moi une lesbienne. Je n'en pouvais plus. Sur les trois heures du matin, elles m'ont raccompagnée à mon hôtel. Heureusement, mes parents n'avaient pas verrouillé la porte et j'ai pu me coucher. Le lendemain matin, ils m'ont demandé si je m'étais bien amusée. Je leur ai répondu que j'avais dansé et j'ai oublié la boîte et les deux femmes puis les jours ont passé quand, le samedi suivant, alors que je passais devant un kiosque à journaux, j'ai vu la une de la Sardine, le canard du coin qui ne paraît qu'une fois par semaine. Il y avait la photo
du concours Miss Gros Seins dans la boîte de nuit et j'y étais photographiée avec les deux autres gagnantes avec le titre suivant : "Jeanne, Hélène et Juliette, les plus beaux seins de la station" et j'ai tremblé pendant tout le week-end que mes parents tombent dessus. Ce n'est pourtant qu'un fois rentrés chez nous à la fin des vacances que ma mère m'a montré ce journal en me disant qu'heureusement, mon père ne l'avait pas vu. J'ai plaisanté que j'aurai pu, à deux points près, gagner et ma mère m'a répondu qu'elle avait lu l'article en page trois où ils expliquaient tout.

- Je ne peux pas croire qu'ils ont dû te prêter une petite culotte, a ajouté ma mère, ce qui prouve bien la méchanceté des journalistes parce que ce n'était pas moi.

J'ai gardé le journal bien caché et je l'ai emmené avec moi quand je me suis installée dans mon studio en pensant que ça pourrait me servir de preuve quand quelqu'un mettrait en doute ma poitrine mais il n'a servi qu'à emballer des épluchures de légumes quand j'ai fait du rangement.

FIN
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