Ô Paravent
En arrivant, il s'installe sur une langue de sable au bord d'un petit bras calme de la rivière. Il ôte tous ses vêtements et s'allonge. Les mains croisées derrière sa nuque, il observe son parasol de verdure qui danse. L'assoupissement le gagne. Il s'endort même.
Lorsqu'il se réveille, il s'étire, en imprimant des mouvements avec sa colonne dans le sol moelleux. Il se cale sur ses coudes et observe son tableau, puis son sexe qui se tend et oscille au rythme poussé par le cur. Au bout du gland découvert apparaît une perle et avant qu'elle ne touche son ventre, il se lève, puis se fige. À quelques pas, derrière un buisson, un jeune homme s'est installé pendant son sommeil.
Lui aussi est surpris, un peu plus encore en constatant que ce membre semble durcir encore, par mouvements saccadés, agitant le fil argenté qui pend au bout. Maintenant debout, il remarque le regard de l'homme nu rivé à son maillot de bain, qui se déforme. Un dialogue silencieux s'installe, qui va et qui vient, d'un entre-jambe à l'autre.
Paul sent quelque chose qui glisse dans son dos et rend plus délectable encore la légère douleur qui entretient à présent sa raideur. En baissant les yeux, il constate qu'une petite guirlande étincelante décore sa cuisse. Chez l'autre, un étonnant médaillon apparaît au milieu du voile boursouflé. Quelque chose d'insaisissable sature l'air, jusqu'au tournis.
Sans se concerter, ils entament un timide ballet de crabes qui se termine assis dans le bain frais où la quiétude revient.
- C'est la première fois que je viens ici. J'ignorai que c'est naturiste !
- Mixte
je dirais
avec des zones plutôt
textile et d'autres
moins, et entre les deux, quelques illuminés
avec leur part d'ombre, rajouta Paul en souriant.
- J'en ai justement vu un en arrivant
qui m'a dévoré du regard.
- C'est le lieu qui veut ça, ça leur met facilement l'estomac dans les talons !
- Qu'il a pourtant fini par tourner !
- Comme ça, on peut mariner tranquillement !
- Comme des poissons dans l'eau, rajoute Marc en faisant quelques brassées.
Après une pause et avant de s'en retourner à ses affaires, Paul demande malicieusement si justement il n'est pas en train de le noyer. Le jeune homme le suit tout en lui demandant de préciser sa pensée.
- Peut-on vraiment appeler
"tenue de bain" ce que vous portez ?
- C'était vendu comme tel. Y'aurait-il eu tromperie sur la marchandise ?
- Tout dépend s'il y a eu mise en garde sur la relativité de son opacité une fois humide.
- Non
rien vu sur l'emballage, soupire-t-il.
- A part, j'imagine, le traditionnel Apollon à la pause langoureuse ?
- Effectivement, mais j'étais sur mes gardes. Je pensai bien en l'achetant qu'il ne me rendrait pas plus charismatique, mais je m'attendais quand-même à ce qu'il fasse son effet !
- Mais c'est bien le cas. L'impression est bonne. Même si elle est un peu
floue !
- Et en clair ?
- Est-ce que ce tissu mouillé qui laisse tant à voir vous sert à cacher ce que vous avez à montrer ou montrer ce que vous avez à cacher ?
- Et votre nudité ?
L'instant d'après, chacun scrute sa portion de paysage et hume l'air pour y chercher quelque chose. Aucun ne peut dire ce qu'il y trouve finalement. Qu'importe, c'est apaisant.
Paul rompt le silence en se présentant. À son tour, Marc donne son prénom et rapproche ses affaires, comme ça lui a été proposé. Paul lui fait remarquer son air contrarié.
- Déconcerté est plus exact !
- A quel propos ?
- Votre démonstration
le costume d'Adam
qui ne fait pas plus le moine que l'habit !
Paul demande s'il faut pour autant en faire une généralité.
- Si ça peut me rendre quelques repères !
- Sur ?
- Ma vérité
et où elle se situe !
- En tout cas, vous n'avez pas l'air de l'avoir trouver dans votre maillot de bain, rétorque le naturiste en souriant.
- Je pensai pourtant être à l'aise, ainsi.
- Et ce n'est pas le cas ?!
- Non. Et je ne le serais pas plus si je l'enlevai !
- Est-ce que mon attitude vous gêne ?
- Non
au contraire
et je ne vois pas en quoi vous pourriez être responsable de ce qui se passe dans mon caleçon !
Paul lui dit qu'il est content de ne pas avoir à se rhabiller, ça l'aurait contrarié.
- Vous pouvez me dire pourquoi ?
- Dans le plus simple appareil, je n'ai pas de col qui m'oppresse ni d'élastique qui me marque. Je sens mon énergie qui circule et débarrassé de tout signe d'appartenance, qui peut dire qui je suis et dans quelles cases on peut me mettre ?
- Vous avez l'air de si bien savoir et assumer qui vous êtes !
Paul explique que ça n'a pas toujours été le cas. Un jour, il s'est aperçu que certaines impressions qu'il croyait être les siennes ne lui appartenaient pas. Elles le tourmentaient, même. Alors, pour ne pas devenir son pire ennemi, il a osé se révolter.
Les premières fois, c'était déroutant, jusqu'à l'angoisse parfois. Il y a même eu une période où la tendance s'est inversée : de réservé, il est devenu exhibitionniste
à sa façon. Qu'importe ce qui était vu pourvu qu'on le voit, qu'on voit qu'il existait, lui, tout entier, vivant. Même si certains ont réduit cela à quelques centimètres carrés de sa peau ou de sa personnalité, le plus important était que le dau de sa liberté flottait sur ses barrières maintenant tombées.
- Les miennes sont bien là, répond Marc en esquissant quelque chose dans le sable.
- Si elle protège ce que vous avez de plus précieux
- Quoi donc ?
- Votre jardin ! Et la façon dont vous y cultivez votre liberté reste votre affaire !
- Ma liberté
j'ai l'impression d'en être aussi éloigné que ma vérité !
- Peut-être n'êtes-vous qu'à un seul geste de la voir se révéler ?
- Un geste ??? Lequel, demande Marc avec empressement.
- Enlever votre maillot !
Marc se crispe un peu et demande à Paul si c'est ainsi que ça s'est passé pour lui.
- D'une certaine façon. Mon expérience m'a apporté le changement
et la sérénité. Elle m'a aussi aidé à devenir le corps que je suis, non celui que j'ai, et surtout plus celui que j'aurai aimé avoir.
Le jeune homme l'observe, ce corps, allongé à côté du sien. La respiration le soulève doucement et fait briller quelques gouttelettes d'eau égarées, comme des paillettes.
Paul se met à lui parler doucement de ce qu'il sent chez lui, de son regard qu'il connait si bien. Il a eu le même, pendant le long temps, où il était plus attentif aux attentes et besoins des autres qu'aux siens.
- Ce serait donc là mon problème ?
- Je me trompe peut-être !?
- Non, vous avez vu juste. Souvent, je sens que ma colère est plus forte encore. Je vois les complexes chez moi
et la facilité chez vous. J'aimerai vous ressembler !
- Vous gagneriez avant tout à être vous-même !
- Un homme qui rougit et se crispe si facilement ? Il y a mieux comme image !
- Justement, n'êtes-vous pas trop attaché à ce que vous croyez que les autres pensent de vous !
- L'opinion des autres ?
- Celle que vous croyez qu'ils ont de vous !
Marc ne tente même pas de répondre à la question. Paul a fait mouche, une fois de plus.
Après un long silence, voilà Marc tout-à-coup debout. Il inspire un grand coup et fait glisser son bandeau de tissu. Son sexe en bondit et se dresse aussi vite qu'il grossit. Quand Paul s'aperçoit de la tension extrême qui paralyse son compagnon, il se redresse à son tour et lui propose à voix basse d'aller se rafraîchir. Comme il ne réagit pas, il pose délicatement sa main sur son épaule et le pousse doucement en direction de leur baignoire.
- Voilà qui est fait, dit Marc en retrouvant ses esprits.
- Vous verrez qu'en renouvelant l'expérience, ce sera de plus en plus naturel.
- J'ai l'impression que le genre humain n'a pas de secret pour vous !
- Je trouve les gens assez prévisibles. Il suffit que je me concentre sur ce que je ressens, que j'observe les circonstances, l'environnement, les interactions
Quand en plus on remarque à quel point ils parlent si bien d'eux-mêmes en croyant parler des autres, ça laisse peu de place à la surprise !
- Vous êtes vraiment déroutant.
- Certaines choses
mais vous avez su me surprendre et me toucher !
- Moi, demande Marc timidement, impressionné qu'on lui reconnaisse spontanément ces capacités.
- Votre maillot, par exemple. Je pensai que vous alliez vous y accrocher. Ça m'a surpris
et attendri !
- Je
je
- Par contre, il y a une chose que je désapprouve !
- Quoi donc, demande Marc un peu refroidi.
- Vous avez la peau claire et je ne vous ai pas vu une fois mettre de crème !
- Je l'ai oubliée à la maison !
- Tenez, lui dit-il en lui tendant son tube d'écran total. Et si vous avez besoin d'aide pour
- Je vous en prie, lui répond Marc en lui tournant le dos.
Paul commence par la nuque. Puis les oreilles roulent délicatement entre les doigts. Il arpente ensuite les épaules et de tout le plat de la main remonte dans le cou. Il dépasse maintenant le menton et la barbe naissante se met à crépiter. Les yeux dansent sous les paupières closes. Un léger soupire se fait entendre au milieu des lèvres qui s'offrent un peu plus sitôt effleurées. Le voilà maintenant le long des pommettes, puis de l'arête du nez. Il pince légèrement les sourcils, lisse le front. Le visage se détend. Paul décore maintenant les bras de Marc avec de petites noisettes de crème blanche qui disparaissent sous les caresses. Le jeune s'abandonne un peu plus et sa tête vient se lover entre les genoux de son masseur. Les mains courent maintenant sur sa poitrine, au rythme de la respiration. Les doigts glissent sous les côtes puis dans la toison ambrée, quand les paumes massent le nombril. Elles se perdent ensuite dans les plis de l'aine. Les testicules roulent sous son sexe, qui bat la chamade. Comme son cur. Celui d'un homme heureux.
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