Matins Gris

C’est un matin gris de ville froide, de trottoirs humides d’un petit crachin de fin d’automne, que je l’ai croisée. J’ai retenu ouverte pour elle, que je rencontrais parfois dans le hall ou entre deux paliers, la lourde porte d’entrée de l’immeuble barrée d’une mauvaise ferronnerie écaillée de beige salie du gris de la rue. Je rentrais d’un footing aux premières lueurs du jour dans le parc, elle sortait, un sac de toile écossaise bleue et noire sur un bras.
Elle souriait en me trouvant « …bien matinale et bien mouillée ! ».
Elle calait la porte d’un pied, les yeux levés vers le ciel, pour refermer sur elle les pans de son ciré blanc et assurer sur ses boucles blondes son bonnet rayé de bleu et blanc. Après un coup d’œil rapide vers le ciel chargé de gros nuages, elle a relâché la porte pour partir sous la pluie fine sur un dernier signe de la main et un conseil « Allez vite vous sécher ! »

Je l’avais croisée dès la première visite. La précédente locataire m’avait dit ne pas beaucoup l’apprécier « Elle a un drôle de genre, vous trouvez pas ? et puis cette façon de vous regarder … enfin, vous verrez bien ! Moi je ne lui parle pas trop … ».
Je comprenais que le body moulant et le large pantalon bariolé que sa voisine portait ce jour-là ne correspondait pas à l’idée de ce qu’est une tenue correcte pour cette vieille dame guindée au chignon retenu d’un petit filet qui me guidait dans la visite au milieu de ses bibelots.

Je me félicitais de porter ce jour-là, par accident, une petite jupe et une veste sur un caraco blanc, une tenue très sage apte à rassurer la propriétaire, parce que l’appartement m’avait tout de suite plu, dès cette première visite. Il avait été refait à neuf récemment et n’avait été occupé qu’un an.

J’avais emménagé deux mois plus tôt, début septembre.
Malgré mon insistance, la locataire avait récupéré en le quittant les meubles de rangement installés dans la cuisine américaine où ne restait que le comptoir qui masquait une table de cuisson et un évier, séparant la cuisine du grand salon ; j’avais passé ces deux premiers mois en campant au milieu de quelques cartons, n’ayant pour tout mobilier, qu’un plateau sur tréteaux dans le salon et un matelas posé à même le sol dans ma chambre.


Elle avait aussi fait démonter dans la salle de bains le porte-serviette qui en était la seule source de chauffage, et c’est en grelottant que je me suis glissée sous la douche.

J’avais profité des vacances de Toussaint pour choisir et commander meubles de cuisine et tabourets de bars, canapé et bureau, une table de salon, un lit et une armoire de rangement, quelques lampes, et le porte-serviette chauffant qui me manquait tant ce matin-là. Toutes mes économies y étaient passées.
Je m’essuyais et me frictionnais énergiquement pour faire disparaître les grains de chair de poule sur mes jambes et mes bras quand le carillon de l’interphone a retenti : les livreurs étaient en avance d’une heure !
J’ai enfilé très vite à même la peau encore humide un pantalon de jogging et un pull pour les attendre sur le palier.
En une demi-heure à peine, un nombre impressionnant de cartons encombraient mon salon et le palier.

Les livreurs venaient de partir et j’étais en train de rentrer les deux derniers cartons déposés contre un mur sur le palier quand j’ai vu arriver ma voisine en ciré blanc croisée le matin qui rentrait visiblement de ses courses, une baguette de pain dépassant de son sac. Elle avait coincé sous son bras son bonnet et une grande boîte carrée :
— Ils avaient calé la porte avec ça, c’est sans doute à vous …
Elle m’a suivie dans l’entrée, attendant que j’aie les mains libres pour la débarrasser.
Elle souriait en haussant les sourcils à la vue de l’impressionnant empilage qui encombrait l’espace.
— Laissez-moi vous débarrasser ! merci beaucoup ! Je n’aurais pas pensé à descendre pour vérifier ! Heureusement que vous étiez là !
— Quelqu’un va vous aider ? Vous êtes bricoleuse ?
Elle a éclaté de rire en voyant ma grimace.
— Eh bien … bon courage ! Si vous avez besoin … n’hésitez surtout pas s’il y a des choses lourdes … Bon courage !
Sa proposition tombait bien. Je ne voyais pas très bien comment je pourrais toute seule fixer au mur les meubles de cuisine et mon frère que j’avais sollicité, ne pourrait se libérer qu’à Noël.
Que ma voisine me propose son aide m’arrangeait.

J’ai mis deux heures à trier, classer et déplacer, ouvrir les cartons. Il y en avait partout ! Des panneaux, des sachets de visserie, des notices … je n’avais encore rien fait et j’avais les bras lourds de toute cette manutention ; et j’avais faim, n’ayant rien avalé depuis mon footing du matin !

Quand je suis remontée du sous-sol, troisième et dernier voyage pour débarrasser le salon des emballages vides, ma voisine me guettait depuis le pas de la porte de son appartement :
— Avec tout ce bazar chez vous … je peux vous offrir un café ? ou un jus de fruit ?
— C’est gentil, merci, mais je pensais aller me chercher une pizza au coin du boulevard …
Je savais que j’aurais besoin d’aide, j’avais vu son petit haussement d’épaule et son air déçu après mon refus :
— Mais après tout, je crois qu’un petit café me ferait du bien !
Elle a hoché la tête en souriant et m’a précédée en me faisant signe de la suivre.
— Ça avance, vos travaux ?
— J’ai trié, c’est tout. J’ai encore rien monté. J’ai pas d’illusions : j’aurai pas assez du week-end …
Elle montrait de la tête ses meubles de cuisine :
— J’ai mis trois jours … je connais !
— Vous ? ou …
— Toute seule ! Je me débrouille pas trop mal, et il faut bien, quand on vit seule ! Et vous ? Personne pour vous aider ?
— Et non ! Je pourrais faire appel à vous, si j’ai besoin ?
Je m’étais un peu e à lui poser la question. J’ai toujours du mal à demander un service, même à mes proches. Elle était adossée à la porte de son réfrigérateur, les mains sous les fesses et regardait ses pieds avec une petite mou, les yeux cachés sous ses mèches de cheveux . Quelques secondes ? sans doute pas plus. Mais déjà je regrettais de lui avoir demandé de l’aide. Un peu gênée, un peu vexée. J’allais me lever et je l’ai entendue rire. Elle a levé la tête, l’ secouée de droite à gauche en se mordant la lèvre inférieure.

— J’attends que ça … Embauche-moi ! Je n’ai rien de prévu ce week-end … et en plus j’aime bien !
Elle était passée au tutoiement et me regardait avec un grand sourire mordu à pleines dents qui creusait ses joues. Elle s’est redressée et retournée pour ouvrir le frigo :
— Des pâtes et des œufs, ça te va ? Et t’auras ton café après ! Autant faire les choses dans l’ordre.
— Ça me gêne …
— Pas grave … t’es mignonne quand tu rougis !
En passant derrière moi, sa boîte d’œuf dans une main, elle a posé un bras sur mon épaule et s’est penchée pour me faire une bise sur la joue.

La première de beaucoup d’autres.

Elle m’a dit après qu’elle avait deviné très vite, sans pourtant me dire comment ; elle a dit « une impression, quelque chose dans le regard ». Moi je n’avais pas fait attention.
Il faut dire que j’étais bien occupée depuis la rentrée. Très franchement, moi je n’ai rien vu venir. Elle était sympa, plutôt jolie, mais j’étais à cent lieues d’imaginer quoi que soit, trop préoccupée de mon quotidien pour lui avoir prêté attention les quelques fois où on s’étaient croisées, et ce jour-là complètement dépassée par ce que j’avais entrepris.

— J’enfile une tenue plus adaptée, deux minutes !
En y repensant, je sais que ce n’était pas par hasard qu’elle était passée de sa chambre à la salle de bains en petite culotte pendant que je l’attendais dans le couloir en regardant les photos punaisées sur un tableau de liège : un couple, sans doute ses parents, des filles au soleil sur une plage de galets …
— Il y a deux ans, en Ardèche, avec des copines. Moi je suis là. J’avais les cheveux courts.
— Je t’avais reconnue.
En fait, j’avais surtout remarqué sur la cuisse d’une fille le tatouage d’un serpent comme celui aperçu quelques instants plus tôt dans le couloir.
— On y va ? Tiens, prends ça ! Comme je sais pas comment t’es équipée, je prends mes outils !
Elle tenait une grosse caisse rouge à bout de bras et me tendait une perceuse.


Sans elle ? Je crois que j’aurais attendu la venue de mon frère à Noël …
Les quatre placards de cuisine étaient montés et posés dans l’après-midi ! Elle semblait en pleine forme, moi j’avais toujours le jogging et le pull enfilés à la va-vite quand les livreurs étaient arrivés et j’étais en nage.
Je changeais mon pull pour un t-shirt dans la salle de bains quand elle est arrivée avec le seiche-serviette dans les mains.
— Si tu veux avoir du chauffage ce soir, faut le poser tant qu’il fait encore jour, on va devoir couper le courant ! Et puis maintenant que j’ai vu tes seins, tu peux peut-être me dire ton prénom, tu crois pas ?
— Sophie …
Elle riait en posant le porte-serviette contre un mur et m’a pris par les épaules pour m’embrasser sur les deux joues, comme deux copines qui se croisent :
— Bonjour Sophie, moi c’est Aline. On le met où, ton truc ?

On s’est arrêtées de travailler vers sept heures. La salle de bains et la cuisine était terminées, on venait de ranger le salon avec le canapé et la table basse. Ne restait que le bureau et ma chambre à monter.
J’étais vannée ! Affalée dans le canapé, je la laissais disposer les tabourets devant le comptoir, et j’avais enlevé mes baskets pour profiter pieds nus du tapis de laine installé sous la table basse. Les mains sur les hanches, elle regardait autour d’elle :
— Ça commence à ressembler à quelque chose ! Reste à décorer les murs, tout ce blanc, c’est un peu froid.
Elle est venue s’asseoir à côté de moi et j’ai passé mon bras sur ses épaules pour lui faire une bise :
— J’y serais jamais arrivée sans ton aide !

Elle dit que c’est moi. Parce que j’avais mis mon bras sur ses épaules. C’est pas vrai. Moi je voulais juste la remercier ! C’est elle qui m’a embrassée sur les lèvres ! Qui appuyait son front contre le mien et me chatouillait le nez avec le sien ! Et elle riait. Je me souviens …
— C’est terrible, les baskets … tu pues des pieds, ma chérie !
… et c’est elle qui a étouffé mes protestations sous son baiser !
Après, je veux bien. D’accord, c’était moi.
Son t-shirt bouchonnait dans son dos sous les bretelles de sa salopette, juste la place pour y glisser ma main, la glisser sur sa peau dans son dos, très haut, jusque sur son épaule pour la retenir contre moi et goûter plus longtemps sa bouche.

Ça compte, le premier baiser. Est-ce qu’il dit ce que sera le futur ? Si oui, alors le futur aura le souffle court et des picotements partout sur la peau, les joues rougies de désir et les yeux étonnés, il sera plein de questions ; le futur, ça rend inquiet d’y penser.
C’est un peu magique, un premier baiser.
Et on est tout bête après, à se demander si ça arrive vraiment, si c’est en train d’arriver.

Moi j’étais inquiète juste après :
— C’est vrai que je pue des pieds ? … et puis tu sais, si tu m’appelles encore chérie, je vais fondre en un petit tas de riens qui vont te coller à la peau s’accrocher partout et t’en auras marre de moi … dis-le encore si t’as pas peur, allez … dis …
Sur le moment je sais plus, mais après, oui, elle m’a encore appelée chérie ; sur le moment j’avais chaud et je me blottissais tout contre elle en frissonnant des mots soufflés à mon oreille, des mots que j’entendais pas, des mots en chaleur et en fièvre. Mes mains sur sa peau, sa peau sous mes mains, tout était brûlant, hors du temps.
Il y a des gens qui se posent la question : comment on arrête le temps ? Moi je sais. Un baiser. Un baiser qui vient comme ça, un baiser auquel on s’attend pas.

On a parlé ? Presque pas. Des mots qui comptent pas.

Quand on a pendant longtemps couru après quelqu’un, qu’on y a pensé, réfléchi … comment je m’y prends ? comment attirer son attention ? si elle dit ça je fais quoi ? comment je m’habille ? et ce parfum, elle va aimer ? … on a beaucoup de choses à dire, à se raconter, tout le temps d’avant, avant le moment ; mais quand les choses arrivent comme par accident, on dit quoi ? On dit rien. On pense à rien. On est bien. On reste au chaud des baisers et des bras qui enserrent. On dit rien.

Elle m’a dit qu’elle, elle m’avait trouvée jolie le premier jour où j’avais visité, où on s’était croisées sur le palier, que j’avais une jupe d’été verte qui flottait sur mes jambes et un caraco blanc, qu’il faisait beau ce jour-là, qu’elle avait aimé mon regard clair et la pique de bois qui retenait mes cheveux, que plusieurs fois plus tard elle m’avait croisée mais que je j’avais l’air pressée, occupée, à peine le temps d’échanger un bonjour.
Mon prénom ? elle savait avant de me demander, elle l’avait lu dans le hall sur ma boîte aux lettres. De ses regards, je n’avais rien vu pendant ces deux mois.

On a passé la soirée sur mon canapé, en baisers et câlins, en gestes retenus, en excuses et lèvres mordues quand une main frôlait un sein. Il fallait attendre, se respirer tout doucement, laisser le temps venir et apprendre la douceur de la peau et des lèvres qui se cherchaient.
Un peu ado, un peu fleur bleue … juste deux filles qui se tenaient chaud.

Le festin du soir, c’était des raviolis chauffés au micro-ondes, mangés tard sur le comptoir côte à côte. On a parlé bricolage parce que ça ne nous touchait pas de trop près, que les mots qu’on voulait ne venaient pas et que les regards suffisaient à nous dire plus et mieux.
Epaule contre épaule sur nos tabourets nos doigts se parlaient et jouaient.
Elle est partie sur un baiser sur mes lèvres, mon front sur son épaule un instant et ses mains qui frottaient mes bras nus.

J’ai croisé après la douche une fille au sourire idiot dans ma salle de bain sur le miroir embué. Elle m’a tiré la langue.

Eclat de rire le lendemain en ouvrant la porte aux deux petits coups qu’elle a frappés. Son rire et le mien. Elle s’était habillée en bal et ses lèvres brillaient de rose pâle. J’avais une petite jupe et un pull de laine, j’avais souligné mes yeux de bleu et longuement peigné mes boucles brunes pendant que la même fille que la veille me faisait des grimaces
— C’est pas des tenues de travail …
— Et il y a une armoire à monter …
— Un bureau …
— Et un lit …

A la lumière du matin, après la nuit où le sommeil avait découché des deux côtés du palier soulignant nos yeux de brun, aucune n’a franchi la distance du pas qui nous séparait. Deux imbéciles. Deux nanas gorge nouée empruntées à se dire au grand jour tous les mots préparés dans la nuit.

On a monté l’armoire et le bureau dans nos tenues de ville, on a grignoté un peu sur un coin de comptoir avant de s’attaquer au lit.

J’ai ouvert un carton, et j’ai choisi des draps blancs avec des motifs japonais.

C’était fini.

J’ai fermé la porte. Elle arrangeait un pli imaginaire sur les draps.
J’ai tiré les rideaux sur le gris mouillé du dehors. Elle faisait un drôle de petit bruit sec avec ses ongles, les doigts noués sur son ventre.

Elle est plus grande que moi. Pas beaucoup, mais un peu. Plus forte aussi : elle fait du rameur quand je cours. Elle a des bagues presque à tous les doigts et moi de petits brillants aux oreilles. Elle est blonde, très claire de peau, je suis brune.
J’étais dressée sur la pointe des pieds pour goûter la douceur de ses lèvres, cette douceur attendue le ventre serrée toute la journée. Elle tenait mes joues dans ses mains et dans mon dos je dégrafais ma jupe qui tombait à mes pieds. Elle s’est écartée de moi quand j’ai soulevé mon pull de laine et a pris dans ses mains mes petits seins tout pointus.
J’étais nue pour elle comme toute la journée je l’avais voulu.
C’était bête d’attendre le lit ?
J’étais comme je m’étais rêvée cette nuit à l’attendre et ses yeux riaient.

Je l’ai poussée en travers du lit en calmant ses mains et je me suis allongée sur elle pour froisser de mes cuisses sa jupe à fleurs qui crissait sur ses jambes et sentir sous mes petits seins la douceur du cachemire étiré des siens. Je tenais ses bras ouverts au-dessus de sa tête pour l’embrasser, un baiser différent de celui de la veille, plus lent, plus profond, un baiser qui n’interroge plus sur un lendemain possible mais qui dit aujourd’hui, qui dit maintenant !
J’aimais qu’au contraire de moi ses seins soient prisonniers d’un fin nylon gris rehaussé d’une frise de dentelle où ma bouche jouait pour réveiller un téton emprisonné qui faisait tâche plus sombre et un petit renflement de désir, j’aimais le fin duvet blond sous mes lèvres sur sa cuisse ouverte et son parfum de désir de femme quand j’ai roulé sa jupe haut sur son ventre, le friselis deviné sous le nylon gris qui laissait échapper sur l’aine de fins poils blonds qui me chatouillaient le nez.
Elle m’a laissé le temps de l’apprendre longtemps, les bras relevés au-dessus de sa tête.
Je savais sa douceur, je savais son odeur, je savais sa patience à se donner et son envie de prendre avant de la déshabiller et de coller ma peau à la sienne.

Ça compte le premier plaisir. Est-ce qu’il dit ce que sera le futur ? Si oui, alors le futur aura le souffle court et des picotements partout sur la peau, les joues rougies de désir et les yeux étonnés, il sera plein de questions ; le futur, ça rend inquiet d’y penser.
C’est un peu magique, un premier plaisir.
Et on est tout bête après, à se demander si ça arrive vraiment, si c’est en train d’arriver.

Elle est belle comme un cœur, comme les trois petits cœurs qu’elle s’est faits tatouer au-dessus d’une fesse ; ils sont pour moi. Je lui tenais la main sans voir ceux qui allaient et venaient et regardaient ses fesses pendant qu’un gros barbu dessinait sur sa peau. Ils sont bleus tout autour et roses dedans, deviennent plus petits en descendant en virgule pour plonger au creux de son dos. Moi j’ai pour elle un petit brillant sur l’épais d’une lèvre qu’elle m’enlève parfois pour raser où elle garde ses blondeurs et me faire toute douce pour ses lèvres à mes lèvres.
Elle est douce et tendre et fondante sous ma bouche et mes mains, et c’est moi de nous deux qui souvent bouscule, qui offre et demande de nouveaux jeux pour les jeux dans le lit, où je ris de ses pudeurs de pucelle quand je suis son chemin de cœurs bleus et roses tout au bout tout au fond, où elle étouffe de sa bouche les cris du plaisir qu’elle me donne et sèche après mes larmes quand je pleure d’être si bien dans ses bras.

Nous n’avons plus qu’un seul lit à nous deux, et de nouveaux voisins de palier.
Eux aussi étaient invités, avec quelques amis, mon frère et les parents d’Aline. J’avais choisi pour elle une robe bleue cintrée et moulante et un foulard de soie pour nouer ses cheveux très bas sur son cou, des dessous blancs qui lui faisaient de biens jolis seins ; elle avait voulu pour moi une robe de voile mordoré et aucun dessous, elle a dit « comme le premier jour, pour nous faire un joli sourire rien qu’à nous» …

… C’est un matin gris de ville froide, de trottoirs humides d’un petit crachin de fin d’automne qu’ Aline m’a dit oui et que j’ai dit oui à Aline, pas devant monsieur le Maire dont on a rien à faire, devant ceux qu’on aime ; on l’a fait pour nous.
On a pleuré, c’était bien.

Ça compte le premier oui qu’on se dit. Est-ce qu’il dit ce que sera le futur ? Si oui, alors le futur aura le souffle court et des picotements partout sur la peau, les joues rougies de désir et les yeux étonnés, il sera plein de questions ; le futur, ça rend inquiet d’y penser.
C’est un peu magique, un premier oui qu’on se dit.
Et on est tout bête après, à se demander si ça arrive vraiment, si c’est en train d’arriver.

Misa – 11/2013

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