La Bagarre
Jpj, Andernos, juillet 1964
Allez JP, à toi, elle n'attend que ça...
Sur la Place de la Forêt, au Mauret, nous étions une bande
On avait des vélos, les vélos nous donnaient une sacrée liberté
Si nos parents avaient su ça, jamais ils ne nous les auraient donnés, ces vélos
Devant le transfo EDF qui marquait l'est de la place, sous le couvert d'arbres dont je n'ai pas souvenir de quelle essence ils étaient, dans le sable noir qui marquait une zone de jeux de sable en dehors des herbes drues du terrain de foot où nous jouions au ballon, il y avait bagarre.
De toujours ce lieu sableux était affecté à la bagarre.
Depuis mes plus anciennes jeunes années j'avais vu, été après été, mes ainés se foutre sur la gueule allègrement sur ces cendres de sable sale, noir d'aiguilles de pin et autres sédiments.
On en sortait noirs de peau comme des Kroumirs
On s'en foutait, on trouvait ça normal que le sable d'ici soit ainsi, noir et salissant.
Elle n'attend que ça
J'avais quoi, douze ans, guère plus
Les autres n'étaient pas bien plus vieux
Le combattant précédent avait été laminé
C'était pourtant un grand gaillard costaud
Qui d'ordinaire gagnait toutes nos compétitions de gamins, courses à vélo ou grimpage aux cimes des pins sans branches, corde en ceinture sous les fesses autour du tronc, les jambes pliées sous le menton, les mains couvertes de résine.
Petit garçon on n'a peur de rien, en tous cas pas du ridicule ni de l'échec. On sait très bien que ce que l'on n'a pas su faire cet été là on le réussira en riant l'été prochain.
Et en plus en toute facilité...
On sait, gamin, que le temps joue pour nous
Toujours
Que tout ce qui est impossible aujourd'hui sera brindille demain
La fille, l'été dernier, était très exactement comme moi
On explorait avec les autres la forêt profonde hostile peuplée de bêtes et d'hommes
Nos armes étaient fronde et aumônière de pierres rondes, petits galets
Et poignard dans sa gaine de cuir en ceinture.
Mais cet été là les choses avaient changé
La fille avait subitement grandi
Nous, que les copains grandissent, on y était habitués
Quand on ne se voit que l'été, comme c'était le cas pour tous ces s de la ville qui se retrouvaient seulement aux grandes vacances
Alors chaque fois on se reconnait à peine d'une année sur l'autre
Tant la mémoire est fluide et surtout tant on a "grandi"
La fille avait rudement changé
Elle était grande cet été là, bien plus que nous tous
Mais pas que
Elle était pas pareille
Pas comme une Grande, non
Pas même comme une ébauche de grande, non
Elle était encore comme nous, comme avant
Juste son corps, son extérieur, avait passé la barrière
Elle était étrangère à son nouveau corps
Elle était encore avec nous comme nous
Toute étonnée de la nouvelle enveloppe que son être avait capturée
Dans le sable chaud devant tous les copains on roulait tous deux
On roulait dans le sable noir chaud
Ses seins écrasaient mon buste
Mais mes mains n'osaient pas y aller
Longtemps mon temps d'adolescence j'ai vécu revécu ces moments où ses seins
Ecrasaient mon buste
Ecrasaient mon buste
Mais mes mains paralysées n'osaient pas les effleurer
Souvenir charmants du gamin une femme une vraie femme dans les bras et qui ne peut pas
Petit j'avais connu ces courses de cauchemar où les pas que l'on fait impuissant n'avancent pas
Là c'était pareil
Pire
Avoir de vrais seins de femme gros mous pleins dans ses bras et ne pas savoir y mettre les mains les triturer les palper s'y noyer
Jp, Jp, va aime-la, elle est à toi, profite mon gars elle n'attend que ça
Les copains les copines aussi filles garçons toute la bande m'encourageaient
Mais tout de même c'était bagarre
Allait falloir un vainqueur et une vaincue
Ou une vainqueresse et un pauvre con, moi, à terre
Probablement.
Mes cheveux dans ses yeux et mon nez entre ses deux seins
Mes mains sur ses fesses
Ma bite étonnamment raide, nouvelle sensation, contre son ventre
J'étais sur elle d'instinct de mâle
Bien plutôt que de gladiateur
Les copains ne s'y étaient pas trompé qui sonnaient le gong
La fille souriait riait de mon trouble
Et moi la bagarre de longues années je l'ai rêvée dans mon lit en hiver
En attente du prochain été
La fille je l'ai retrouvée bien plus tard
A la ville
A la fac
Je l'ai eue dans mes bras dans un lit de vrais draps
On a parlé du sable noir et chaud
On a parlé des gars et des filles qui faisaient public
Mon trouble d'alors est revenu et l'homme que j'étais devenu a retrouvé dans ses bras aimants l'enfance troublée de cette bagarre...
La bagarre
Bagarre, je l'ai voulu recommencer
Mais le coeur de l'enfance n'y était plus
Mon émoi dans son ventre pourtant accueillant était tari
La bagarre n'était plus cet inconnu à conquérir.
Sexe pour nostalgie sans vrai sentiment que souvenir ne suffit pas
Oh, on y a trouvé les réflexes habituels
Et la tendresse de nos jeunes années
Son ventre a happé mes lancées d'amour
Et moi je l'ai serrée dans mes bras maintenant robustes
On a pas parlé
On n'avait rien à dire
Rien à construire
La bagarre
C'était bien, l'été de la bagarre
Qu'est-ce que c'était bien...
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