Faux Semblant_Partie 4 (Fin)
Cette histoire est une pure fiction. Toute ressemblance avec des personnes, des lieux et des phénomènes existants ne peut être que fortuite
Partie 4
Lété fut consacré au passage du permis de conduire et à quelques régates en catamaran. Ils empruntèrent chacun de quoi soffrir une première voiture, après avoir consacré le produit de la vente de leurs scooters comme apport. Lisa opta pour une e-208 vert menthe, Dylan préférant une e-Golf bicolore turquoise et noire. La rentrée arriva vite et ils sinstallèrent rapidement dans leur chambre de pensionnat au Lycée Naval de Brest. La vie brestoise fut assez rapidement adoptée par les deux tourtereaux et le rythme scolaire également. Trente heures dont vingt de Maths et Physique-Chimie sur quatre jours, leur laissaient le mercredi et le samedi pour rejoindre Navale Composite et superviser lavancement des travaux de construction des cinq voiliers. Le lycée avait validé les stages avec lentreprise qui se réjouissait davoir ses deux futurs architectes aussi disponibles. Les vacances dété entre la première et la seconde année de prépa furent consacrées aux révisions et à quelques régates qui leur permirent de consolider leur réputation de navigateurs redoutables.
La seconde année fut un peu plus chargée en horaires, puisque les trente-cinq heures de cours se répartissaient en trois jours de neuf heures et le vendredi de huit. Ils découvraient la vie de couple, et, avec elle, apprenaient à se connaitre un peu plus chaque jour. Elle saperçut quil simpliquait totalement dans tout ce quil entreprenait, que ce soit les tâches ménagères, comme le travail lié au cours ou bien encore dans le suivi de la construction des voiliers. Elle décela chez lui un souci de lachèvement de tout ce quil entreprenait. Il ne lâchait jamais rien en cours de route, il allait au bout des choses. Elle aimait quil soit précis, méticuleux, attentif aux moindres détails. De son côté Dylan compris rapidement à quel point elle était mûre pour la vie à deux, combien elle savait déjà gérer son quotidien, son « chez-nous » comme elle disait.
Permanent. Tout était « calendé », organisé, méticuleusement préparé. Pas de place pour le contretemps, limprévisible, lincertain. Même le temps libre avait sa place dans lorganisation de son temps. Rien ne devait être dû au hasard, tout devait être programmé.
Elle admirait son sens de la répartie et son petit air de « je ne suis surpris en aucune façon » ; sa façon de rester maître de lui-même et des évènements en toutes circonstances. Elle aimait son aplomb, même quand elle savait à quel point il était en défaut. Elle adorait plus que tous les jeux de mots interminables dans lesquels il lembarquait parfois quand il lui prenait lenvie de tourner les choses en dérision. Elle était aux anges quand il la taquinait et lagaçait pour la ranger à son avis, quelle partageait déjà, mais dont elle soutenait le contraire juste pour le faire enrager.
De son côté, il avait vite compris quelle fonctionnait à laffect, et que chaque situation conflictuelle la mettait dans tous ses états. Aussi, leurs différents se réglaient toujours après un petit instant de réflexion et de longs moments de réconciliation, souvent ponctués de séances de baisers plus enflammés les uns que les autres. Elle ne restait jamais longtemps fâchée, détestait bouder, et savait reconnaître ses torts. Les différences de point de vue devaient faire lobjet dun débat, argumenté, passionnel, mais toujours loyal et honnête. Il appréciait quelle le consulte sur les vêtements quelle devait porter en telle ou telle occasion, et adorait les séances dessayage, juste pour la voir évoluer tel un mannequin devant lui. Elle guettait, chaque matin, le moment où, rasé de près, il viendrait frotter sa joue contre la sienne, pour lui faire sentir leau de toilette quil avait choisi de porter. Elle adorait plus que tout le voir évoluer nu, juste après la douche, cherchant quels habits il allait prendre, et ne résistait pas au plaisir de lui claquer amoureusement les fesses à chaque fois quil passait à sa portée.
Leur couple devint la coqueluche du lycée et le point de mire de la quasi-totalité des élèves. Chaque trimestre faisait lobjet dun classement des élèves de prépa qui était affiché sous le préau du bâtiment principal. Dès le premier trimestre, deux élèves se détachèrent, quant à leur moyenne, frisant les dix-huit sur vingt, alors que le gros du peloton flirtait plutôt avec les dix-douze. Lisa lemporta en décembre la première année et Dylan lui offrit une paire de boucles doreilles celtiques arbre de vie argent. Le trimestre suivant, cest lui qui trôna et elle lui offrit une coque de mobile personnalisée. Les trimestres se succédèrent et le classement vit une alternance régulière, sans que cela contrarie limpressionnant écart de moyenne avec le reste des élèves du Lycée. Le passage en seconde année, en Prépa MP, fut une formalité pour le couple tant leurs résultats dépassaient, et de loin, les meilleurs moyennes de lhistoire de létablissement. A la mi-février, ils constituèrent leur dossier de candidature pour lENSTA Brest, pour la formation des ingénieurs architectes Navale et Offshore en alternance. Une fois complété des documents nécessaires, ils prirent rendez-vous avec le directeur du Lycée pour lui remettre leur demande davis de poursuites détudes. Le CV et les résultats déjà obtenus lui permirent de valider la dernière pièce des dossiers et cest, fiers et heureux, quils consolidèrent leur inscription en ligne. A la fin des vacances davril, ils reçurent leur avis de sélection pour la prestigieuse école. Ils savaient quils partaient pour trois ans de cours à luniversité et de travail au bureau détudes de Naval Composites à létude dun projet de création et de construction dun trimaran de compétition et de plaisance.
La seconde année de prépa se termina comme dans un rêve pour nos deux futurs élèves ingénieurs. Corenthin qui avait suivi un DUT de gestion partait rejoindre lentreprise familial et cest le cur gros quil dit au-revoir à ses deux amis, leur jurant de garder le contact et de se revoir le plus souvent possible.
Les travaux de leur voilier avançaient et Hervé, le patron de lentreprise leur annonça une bonne nouvelle. Le calendrier était respecté et la première mise à leau pourrait avoir lieu avant la fin de lété. Ils passèrent celui-ci à cheval entre les sorties en mer, les cours au cercle nautique et latelier de construction.
Comme convenu, cest sous les regards de toute une région quils baptisèrent tous les deux leur voilier. Ils dévoilèrent son nom, « Unaniezh » (Union en breton), au public venu nombreux assister à cet événement et frappèrent sa coque avec une bouteille de champagne selon la tradition. Le bateau dévala la rampe et plongea bruyamment à leau. Ils prirent le zodiac dHervé et le rejoignirent rapidement, grimpèrent à léchelle et prirent enfin les commandes. Lisa hissa les voiles pendant que Dylan les tendait. Ils posèrent chacun une main sur le gouvernail et saluèrent la foule amassée sur le port. Leur première virée les vit prendre le navire en main et partir joyeusement dans la direction de Belle Île en Mer. Ils atteignirent progressivement cinq nuds et stabilisèrent la vitesse pour faire toutes les vérifications dusage avant de pousser un peu le voilier pour voir ce quil avait dans le ventre. Une fois au large, Lisa prit seule les commandes et lamena rapidement à la vitesse de dix nuds. La journée avait été bien choisie car le vent soufflait à cinq Bf (échelle de Beaufort) et même à six par moments.
« Tu peux le laisser aller, on est en vent arrière, il va donner.
Elle lui fit tendre les voiles et lallure augmenta rapidement pour atteindre trente-cinq nuds.
« Étarque les aubans au vent et borde la grand-voile Dylan. »
Il embraqua lécoute à lui et la fixa. Lallure grimpa encore et atteignit quarante nuds.
« Ça y est, il vole. »
Il la rejoignit à la barre, se pencha et lembrassa sous le vent. Elle le regarda dans les yeux.
« Cest notre baiser le plus rapide mon chéri. »
Les trois années de formation dingénieur affermirent leurs connaissances, leur savoir-faire professionnel et leur amour. Au début du mois de mars de leur troisième année Ils commencèrent à compléter leur dossier dinscription pour le Master Spécialisé Ingénierie Marine et Offshore. Ils sétaient préinscrits en ligne en octobre de lannée précédente. LENSTA était jumelée avec onze autres écoles dans le monde. Deux aux USA, Seattle et Providence, deux en Australie, Adélaïde et Brisbane, deux en Nouvelle Zélande, Auckland et Christchurch, deux au Royaume Uni, Aberdeen et Brighton, une en Suède à Göteborg, une en Norvège à Bergen, une en Finlande à Turku, une au Danemark à Malmö, et une aux Pays Bas à La Haye. Les dossiers dinscription et les cursus étaient communs et un élève devait pour être admis, avoir priorisé trois sites. Le jury sélectionnait une première moitié délèves parmi les autochtones et une seconde moitié parmi les candidats du monde entier, suivant un classement très stricte des dossiers basés sur un barème de points complexe. Fin mai, chaque élève admis connais son lieu de destination et a deux mois pour faire appel et proposer une autre école.
A la mi-juin, les résultats de lannée tombèrent en même temps que le relevé davis du jury. Ex-aequo avec dix-huit virgule cinq de moyenne, ils étaient admis en Master 2 à Brest, mais étaient également pressentis admissibles pour leurs deux autres choix, Auckland et Adélaïde. Ils décidèrent dorganiser eux-mêmes leurs enterrements séparés de vie de célibataire, le trente juin au soir, et réservèrent pour cela la salle de fitness pour elle et le grand hall de lhôtel Center de Brest pour lui.
La sur de Lisa, Anaïs « babysitterait » Dylan et le grand frère de Corenthin, Ronan, petit copain dAnaïs, « babysitterait » Lisa. Lobjet du babysitting était de sassurer que chacun des deux serait frais et dispo pour leur mariage le lendemain.
La plupart des copains et copines de classe et denfance participèrent aux réjouissances. Laprès-midi fut consacré à des jeux potaches, au Capucin en premier, où quelques énigmes avec gages leur furent proposées, puis sur le sentier de randonnée menant à la Pointe du Petit Minou où ils participèrent à une course aux trésors et, enfin, à une course dorientation aux cabanes de pêcheurs de Maison Blanche.
Le soir arriva très vite. Les deux salles avaient été aménagées avec une scène et un coin buffet. Les deux futurs mariés furent mis sur la sellette avec radio crochet, devinettes, mimes et autres jeux plus amusants les uns que les autres. Vers vingt-trois heures trente, Dylan se rendit compte que la plupart de ses invités avait sur la bouteille et que lambiance était tombée à plat de son côté. Sans demander la permission à sa baby-sitter, partie se rafraîchir aux toilettes, il se rendit discrètement dans la salle de fitness pour voir comment se déroulait la soirée dans lautre salle. Il pénétra à pas feutrés et se cacha derrière un petit monticule dappareil de musculation, recouverts par une bâche, doù il pouvait voir sans être vu. Il vit Lisa, debout derrière un pupitre, qui répondait aux questions de ses amies assises sur plusieurs rangs de chaises face à la scène. Tout le monde avait lair un peu éméché, particulièrement Lisa qui semblait plutôt bien imprégnée par lalcool. Il découvrit Corenthin, se promenant entre les rangées, faisant passer le micro à qui levait la main. Éloane prit le micro et interpella Lisa.
« Donne-nous deux défis personnels que tu ne pourrais relever quaujourdhui. »
Elle prit appui de la main gauche sur le pupitre et leva sa main droite dans laquelle elle tenait une bouteille de Jack Daniels déjà bien entamée. Elle but une longue rasade, et sessuya la bouche du revers de la main.
« Hé les filles, vous savez que je hais lalcool et que je ne bois jamais. Aujourdhui est et sera sans doute la seule exception, car je vais me bourrer la gueule devant vous et, « hips », cest pas loin dêtre sur le point de saccomplir. »
La salle linterpella.
« Et le deuxième ? »
« Demain
Oh, doucement les filles
»
Elle but encore une longue rasade.
« Demain, vous sa..hips..vez, vous savez que jépouse Dylan, le seul homme de ma vie. Vous mavez demandé tout à lheure si je naurais jamais de regret de navoir connu, hips, intimement, quun seul garçon. Eh bien, ce soir, je vais faire la
Hips
mour avec un autre. »
Corenthin était monté sur la scène pendant quelle parlait et se tenait juste derrière elle.
« Et cet
»
Elle but encore une rasade de whiskey.
« Cet autre garçon
»
Corenthin la retourna soudainement et la porta dans ses bras, puis se pencha vers le micro.
« Cet homme, cest moi. »
Il colla sa bouche à celle de Lisa et fit demi-tour puis descendit de scène par larrière et lemporta vers les premières chambres. Tout le monde se leva si bien que Dylan fut obligé de sortir de sa cachette pour voir ce quil se passait. Il vit Corenthin de dos, ouvrir la porte de la première chambre et y pénétrer, tout en continuant dembrasser Lisa qui semblait ne pas se débattre. Il sentit une terrible chaleur lui monter au visage et ses jambes trembler. Il allait tomber lorsquAnaïs, qui venait de le rejoindre, le retint et laida à sassoir.
« Jai tout vu, jy vais, ne bouge pas, je reviens. »
Elle sélança en courant, slaloma entre les chaises et les filles qui semblaient pétrifiées sur place, gravit en deux sauts les six marches de lescalier, traversa lestrade, redescendit de lautre côté et emprunta le couloir. Elle arriva devant la porte de la chambre où elle les avait vus entrer. Celle-ci était verrouillée de lintérieur. Elle tambourina avec le poing.
« Lisa, Corenthin, ouvrez-moi. »
Elle entendit du remue-ménage à lintérieur. Elle frappa de nouveau à plusieurs reprises à la porte.
« Ouvrez-moi, je vous ai vus, je sais que vous êtes là. »
Le silence se fit dans la chambre et, après un temps qui lui parut très long, la porte souvrit sur une Lisa en pleure, le maquillage dégoulinant sur ses joues pleines de larmes noires.
« Je lai tué. »
Elle bouscula sa sur et entra. Elle découvrit Corenthin gisant face contre terre, larrière du crâne rouge de sang.
« Mais que sest-il passé ? »
« Jai crié pour quil me pose par terre. Il ne voulait plus me lâcher. Il disait quil tenait sa revanche et que jallais connaître ce que sétait un homme, un vrai. Il ma poussé sur le lit et sest retourné pour poser le micro sur la commode. Je me suis relevée et le lai frappé de toutes mes forces avec la bouteille. »
Anaïs se pencha vers la tête du garçon. Elle tata son crâne et senti une énorme bosse sous ses doigts.
« Tu crois quil est mort ? »
Elle posa son index sur sa carotide et senti le pouls battre.
« Non, tu las étendu pour le compte, mais il est bien vivant. »
Elle se releva et alla dans la salle de bain. Elle ouvrit leau et trempa une des serviettes mises à disposition. Elle revint dans la chambre et nettoya consciencieusement lentourage de la bosse. La serviette rougit rapidement et absorba tout le sang qui, heureusement ne sétait pas répandu sur la moquette. Elle fit plusieurs aller-retours vers la salle de bain pour remettre le jeune homme en état. Elle essaya de le réveiller mais ne réussit quà le mettre sur le dos.
Il se mit aussitôt à ronfler fortement.
« En fait, ce salopard dort, plus abruti par lalcool que par ton coup de bouteille. »
Elle lui donna quelques derniers coups dessuie-mains et jugea quil était redevenu présentable. Elle remis la serviette dans lautre pièce et aida sa petite sur à se lever du lit où elle sétait allongée. Elle lentraina à son tour dans la salle deau et lui mit le visage sous leau froide pour finir de la démaquiller et atténuer les effets de lalcool. Au bout dun bon quart dheure, elle se releva delle-même et pris un drap de bain pour sessuyer et finir denlever les restes de son maquillage. Anaïs laida quelques instants puis lui pris la serviette des mains.
« Viens, il est temps de rejoindre Dylan qui doit se faire un sang dencre. »
« Tu sais où il est ? »
« Oui, il est dans la salle. Tu dois savoir quil a tout vu et quil a failli tomber dans les pommes en te voyant dans les bras de Corenthin, la bouche collée à la sienne, entrer dans cette chambre. »
« Mon Dieu, mon Dieu, mais quest-ce que jai fait ? »
Elles revinrent dans la salle où les attendaient leurs amies. Lisa se précipita vers elles.
« Où est Dylan ? »
Éloane la prit dans ses bras.
« Je crois quil est parti. Il est resté pas mal de temps à pleurer sur sa chaise, puis on la vu se lever et partir en courant vers la sortie de lhôtel. »
Lisa attrapa la main de sa sur et elles commencèrent à courir.
« Mon dieu, mon Dieu, Dylan, mon amour. »
Elles arrivèrent sur le parking pour constater que sa voiture avait disparu. Lisa sorti son mobile et appela celui de son petit ami.
« Je tombe droit sur sa messagerie. Il ne veut plus me répondre. »
Anaïs prit les clés de la voiture de sa sur et la conduisit à lENSTA. La chambre était vide. Le garçon était passé et avait emporté toutes ses affaires.
« Rentrons. On va aller voir chez ses parents, il y sera surement. »
Elle prirent la route et, arrivèrent environs deux heures plus tard au domicile chez les Nédélec. Laccueil fut glacial.
« Mais quest-ce que tu as bien pu lui faire pour quil se mette dans cet état ? »
« Je vous en prie, dites-moi où il est, il faut absolument que je lui parle, que je lui explique tout.
« Nous ne savons absolument pas où il se trouve. Il est arrivé ici comme un fou. Il est monté dans sa chambre. Il en est redescendu avec deux valises et deux grands sacs et est parti quasiment sans un mot.
Anaïs pris la main de Lisa.
« A lentreprise, vite. »
Elles prirent la route pour Arzon et y arrivèrent une demi-heure plus tard. Lisa ouvrit le portail et elle se précipitèrent à lintérieur des deux ateliers vides de toute présence.
« Au quai ! »
Elles coururent jusquà lembarcadère et le découvrir vide. Le voilier avait disparu.
« Mon Dieu, il a pris le bateau ! »
De nouveau, Lisa appela le jeune homme et tomba sur sa messagerie une fois de plus.
Elle sassit à même le sol et éclata en sanglots ininterrompus.
Anaïs saccroupit auprès de sa sur.
« Écoute, ça ne sert à rien de rester ici. Il vaut mieux rentrer à la maison dormir un peu. Nous aurons les idées plus claires demain. »
Elles retournèrent à Lorient où elles se jetèrent dans leur lit.
Le lendemain elles se rendirent à la gendarmerie pour signaler la disparition du garçon. Elles apprirent quun voilier en difficulté avait été vu au large de Belle Île et avait disparu des radars aux alentours de cinq heures du matin. Lisa fit un malaise et fut transportée aux urgences du CHU du Groupe Hospitalier Bretagne Sud de Lorient. Elle rentra chez ses parents en fin de matinée pour apprendre que la disparition du jeune homme était devenue officielle.
Lisa passa son été à naviguer dans la zone de mer autour de Belle île, mais sans succès.
Plus le temps passait, plus elle sassombrissait et se muait dans une lypémanie sévère contre laquelle il ne semblait exister aucun remède.
Les recherches se poursuivirent jusquen début septembre puis furent définitivement abandonnées.
Lannée scolaire reprit et elle se réfugia dans le travail. Elle avait mis fin au contrat avec Naval Composite et partageait, sans enthousiasme, un projet de port à sec avec Éloane.
Elle croisa, un week-end où elle était chez ses parents à Lorient, un Corenthin à la mine défaite qui venait aux nouvelles. Elle se précipita sur lui.
« Tout ça cest de ta faute. Cest toi qui la mis dans cet état. Tu voulais te venger, je men souviens. Et bien réjouis-toi, cest fait. »
« Je ne suis pas venu pour me battre Lisa. Crois bien que je suis sincèrement désolé de ce quil vous est arrivé. Jétais saoul. Je mexcuse. »
« Tu texcuses, à la bonne heure. Tu sais que tes excuses arrivent six mois trop tard ? »
« Je sais. Je suis aussi venu te remettre cette clé. Elle contient tout ce que mon frère a filmé, dans la salle et dans la chambre. Elle montre bien que tu nas rien fait de mal. »
« A quoi ça sert maintenant ? »
Elle la prit tout de même.
« Pars Corenthin. Pars et ne croise plus jamais ma route. Je maudit le jour où je tai connu. »
Elle referma la porte et monta pleurer dans sa chambre.
Lannée scolaire sacheva ; Lisa termina brillamment première de sa promotion. Il était de tradition que la cérémonie de remise des diplômes darchitecte naval se déroule le même jour dans les douze écoles et que les douze directeurs affichent le montage des portraits du meilleur élève de chaque école.
« Nous attendons le résultat de lENSTA dAuckland pour afficher les douze premiers et annoncer qui est le meilleur élève de la promotion de cette année. Une secrétaire sapprocha du directeur de lécole de Brest et lui glissa un mot à loreille.
« Et bien je crois que nous avons un vainqueur inédit cette année. En effet, pour la première fois de lhistoire de nos écoles, cest la Nouvelle Zélande qui détient la meilleure moyenne et nous avons enfin pu ajouter le portrait de son champion au onze autres. Mais avant toute chose, jaimerais que Lisa Jaouen vienne au pupitre et nous dise quelques mots. »
La jeune fille savança. Elle allait arriver près du directeur lorsque quapparurent les douze portraits. Un murmure séleva de la salle et elle leva les yeux vers lécran. Elle se figea sur place, le regard rivé sur limage puis, soudainement, sécroula de tout son long sur le sol.
Lavion se posa tout en douceur sur lasphalte de la piste, puis simmobilisa. Lisa se précipita, valise en main, et couru vers la sortie de laéroport. Elle courtcircuita la file dattente aux taxis et monta dans le premier dentre eux. Elle demanda au chauffeur de prendre la direction de la péninsule de Te Atatu.
Le trajet ne pris que vingt cinq minutes. Elle régla la course et se rua vers lentrée de lentreprise de construction navale Alloy Yachts, probablement la plus célèbre fabrique de bateau de plaisance et de course du monde. Elle sadressa à lhôtesse daccueil qui lui indiqua où se rendre. Elle laperçut et eut un coup au cur. Elle sapprocha du bureau et il leva les yeux. Il avait maigri, sétait laissé pousser une petite barbe, mais son regard, bien que triste, était toujours aussi beau.
« Bonjour Dylan. »
« Mais quest-ce que tu fais là ? »
« Ça fait un an que je te cherche. Je tai cherché partout et tai cru mort. »
« Je suis mort Lisa. Je suis mort depuis le jour où tu as couché avec Corenthin. Tu mas brisé le cur. Je ne pouvais plus vivre là-bas ; Il fallait que je parte. »
« Je nai jamais eu lintention de te blesser. Quand Corenthin ma embrassée, jai compris que ce nétait pas cela que je voulais. Quil ne sagissait que dun fantasme né de ma peur de mengager et dune bravade pour faire la courageuse devant mes copines. Que je doutais de moi-même. Que je doutais être capable de me faire aimer toute une vie par un homme tel que toi. Mais tout ça nétait quun faux-semblant. »
Elle posa son PC portable devant lui. « Je suis venue depuis notre chère Bretagne pour te faire voir cette vidéo. En souvenir de tout ce que nous avons vécu ensemble, regarde-la. Après, tu décideras de ce que tu veux faire vis à vis de moi. »
Il lui demanda de sortir et dattendre en bas au salon de réception des clients.
Il regarda la vidéo en silence. Quand il eut terminé, il se mis à réfléchir quelques instants. Il se leva et alla voir son patron. Quand lentretien fut terminé, il donna un coup de téléphone et alla sur le balcon de létage. Il appela Lisa et lui dit de rester dans le salon de réception et quelle lattende car il devait sabsenter une petite heure.
Le temps parut interminable pour la jeune femme.
Une heure trente plus tard, elle le vit enfin revenir. Il nétait plus en jeans, mais en costume, cravaté, rasé de près et beau comme un dieu.
Il entra, lui fit signe de se lever de le suivre. Ils traversèrent la cour, franchir le portail. Elle vit leur voilier arrimé au quai. Il grimpa sur le pont, se retourna et lui tendit la main. Il lui fit face jusquà la toucher.
« Jai vraiment cru tavoir perdue. Pire même, jai cru que cétait toi qui mavais perdu. Je suis persuadé avoir pris les bonnes décisions en fuyant la Bretagne, en fuyant cette vision dhorreur, toi embrassée par Corenthin et te laissant entrainer dans sa chambre et, pour finir, en venant minstaller ici, à lautre bout du monde. Si jai pris les bonnes décisions, les raisons qui mont fait les prendre nétaient pas bonnes. Cette vidéo men a apporté la preuve et je béni celui ou celle qui la prise. »
Elle pleurait sans interruption. Lui aussi avait les yeux noyés de larmes. Il sortit deux mouchoirs de sa poche, lui en donna un et sessuya avec lautre.
« Tu sais, Je nai jamais cru un instant quune vie sans toi puisse avoir le moindre intérêt. Je nai jamais cru que je puisse être heureux une seconde loin de là où tu vis. Je nai jamais cru un instant que je pourrais refaire ma vie et oublier ce que nous avons été lun pour lautre. »
Il lui prit les mains.
« Je veux oublier ces mois passés sans toi. Je veux que tu oublies ces mois de séparation, ou plutôt non ! Je veux quils nous servent à comprendre le bonheur que nous avons de nous connaître et à quel point nous avons besoin lun de lautre.
Elle le regardait intensément et tremblait de tout son corps.
« Lisa, tu es ma meilleure amie, ma confidente, mon âme sur. Grandir et devenir un homme près de toi a été la plus belle expérience que jai eu à vivre. Chaque jour a été un bonheur de te savoir avec moi. »
Il sorti un document plié en quatre de sa poche révolver.
« Voici un contrat dengagement que vient de me remettre Lance Williamson, pour travailler à mes côtés afin que nous puissions construire les plus beaux bateaux que nous allons imaginer ensemble. Il sagenouilla, fouilla dans la poche de sa veste et en sorti un écrin en cuir bleu marine quil ouvrit pour laisser apparaître une bague de fiançailles sertie dun superbe saphir taillé.
« Tu es la première personne que jaime voir le matin et la dernière à qui jai envie de sourire le soir. Je veux grandir et vieillir auprès de toi, jusquà ce que la mer ou la mort nous sépare. Lisa, veux-tu mépouser ? »
Lisa se mit à genou et noua ses mains derrière sa nuque.
« Cest ce que je veux de tout mon cur. »
Ils sembrassèrent et scellèrent, de nouveau, mais pour toujours cette fois, leur destin.
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