Quelle Salope ! 1

Nous marchons depuis une heure environ et nous entrons dans la forêt à l'heure où le soleil de juillet devient ardent. Sur le chemin de terre nous apprécions l'ombre. Je devise avec Georges et Gabriel, deux bons amis. Où sont Ginette, Odile ou Marie nos femmes ? Devant nous, derrière nous ? Nous nous réunirons à la halte prévue pour une collation dans une heure. L'allure est bonne, le point fait sur la carte indique que nous sommes à mi-chemin du premier point de regroupement, dans les temps.

Je referme le plan, mon pied droit se tord dans une ornière, je pousse un juron. Mes compagnons me regardent. Je boîte bas, ils me conseillent de m'arrêter et de me reposer. La forme ellipsoïdale du circuit fait que nous sommes très proches de nos habitations. Georges et Gabriel sont prêts à me ramener à la maison par des raccourcis que nous connaissons parfaitement:

-Ta cheville enfle, il ne serait pas raisonnable de continuer, l'arrivée est loin. Appuie-toi sur nous et va chez toi t'allonger.

-Non, merci. La journée sera trop belle, je ne gâcherai pas votre promenade. Continuez, je trouverai facilement mon chemin, j'arriverai chez moi, ne vous inquiétez pas.

-Nous ne pouvons pas t'abandonner dans cet état. Que faire?

-Soyez gentils. Allez avertir Marie, dites-lui de ne pas s'en faire et de bien profiter de cette sortie. Marchez, je m'assieds un peu puis j'emprunterai le sentier jaune qui passe à proximité de mon atelier de menuiserie. Si vous avez soif ce soir, venez boire un coup avec moi, j'ai de quoi vous désaltérer et je vous montrerai mon chef d'œuvre de marqueterie.

-Enfin, tu avances ? Tu es sûr de pouvoir te débrouiller seul ?

-Allez, vous dis-je et amusez vous bien. Je collerai des lamelles sur la commode pour passer le temps. C'est mon loisir préféré.

Ils s'éloignent comme à regret, se retournent à plusieurs reprises. Là, à quelques pas du chemin sur la droite, un tronc de chêne a été abattu.

Je boitille jusqu'à ce siège providentiel, je m'installe à l'ombre.

Un rire de femme éveille ma curiosité. Nous n'étions pas les derniers. Des retardataires bien joyeux s'approchent. Je ne tiens pas à avoir me défendre de leur bonté. Ils n'auront pas à me proposer de me ramener, je recule sur mon tronc, je me mets à l'abri des regards. Mais ce rire en grelot, je le connais, je le reconnaîtrais entre cent, c'est le rire de ma chère Marie. Je la croyais devant, elle est parmi les retardataires.

-Rends-moi ça, Hubert. Allez, ne fais pas le fou. On pourrait te voir et se demander ce que tu fais avec ma culotte. Hubert, je vais me fâcher. Donne, tout de suite.

-A condition de pouvoir la remettre en place moi-même.

-Espèce de fou. Je l'avais enlevée parce qu'elle m'irritait le pli de l'aine.

-Il fallait la cacher au lieu de la laisser dépasser de ton sac. C'est de la provocation. Je voudrais bien voir cette irritation. N'est-ce pas plutôt un prétexte pour courir cul nu, pour sentir la fraîcheur du sous-bois ou qui sait pour exhiber ton joli petit cul. Mais pour qui ? Jean le connaît, le voit autant qu'il veut. Alors pour qui as-tu dévoilé ton ventre? Serais-je l'heureux homme qui aura le privilège de découvrir tes trésors?

-Tu dis des bêtises. Rends-moi ma culotte et avançons, Jean n'appréciera pas de me voir seule avec toi à la traîne.

-Pourquoi ? Qu'ai-je fait de mal?

Ils ne me voient pas, je les vois déboucher sur le chemin. Hubert brandit à bout de bras l'objet du litige. Marie tourne autour de lui, tend la main pour attr le léger voile, sautille à droite, à gauche. La culotte passe de droite à gauche, Hubert se déplace en tournant sur lui-même. Marie virevolte autour de cet axe, sur la pointe des pieds, bras tendus comme une danseuse de ballet, sautille, prend un élan. Parfois elle rouspète, parfois elle rit lorsqu'elle a failli attr l'objet, semblable à une gamine qui veut saisir le pompon sur un manège.


Le spectacle inattendu me stupéfie. Je tire mon appareil numérique de mon sac et m'empresse de photographier la scène. Je me pose comme Hubert la question :

-Pourquoi donc, ma jeune femme a-t-elle ressenti le besoin de baisser culotte pendant la randonnée? Comment croire qu'un string aussi léger et aussi étroit puisse blesser le pli de l'aine? Comment Hubert, l'un de mes clients, a-t-il eu l'audace de s'emparer de ce string? Et comment se permet-il, lorsque Marie s'écarte un peu, comment cet étranger se permet-il de porter la boule de tissu sous son nez et de humer ou de faire semblant de humer son odeur particulière? C'est plus qu'étrange. Ce jeu me chauffe le sang, mais pour avoir réponse à mes questions je dois m'armer de patience; je photographie à tout va pour calmer mes nerfs.

Voilà une première indication. Un poing en l'air, quand Marie lui fait face, arrêtée contre lui, bras tendus, ventre à ventre, jambes contre jambes, en contact des pieds aux torses, Hubert rabat un bras dans le dos de ma femme, la maintient collée contre lui et baisse son regard vers le visage rieur. La photo sera claire, le couple immobile prend la pose. Alors les bras minces renoncent, tombent sur les épaules masculines. Les acteurs se regardent intensément, le visage de Marie se fige, celui de son compagnon de route se penche. Les mains de Marie descendent sous les clavicules de l'homme et repoussent l'évidente tentative, elle dit la voix sèche, angoissée :

-Non, Hubert, ne recommence pas. Je ne veux plus. Tu sais très bien comment ça finit toujours, non, ne m'embrasse plus. Pense à ta femme et à tes s.

-Marie, pourquoi ? Ni ma femme ni mes s ne sont présents. L'autre fois, il y a un mois, tu avais apprécié. Oui ou non ? Et oui, tu le reconnais. Tu semblais si heureuse. Allez, donne-moi tes lèvres et cesse de te trémousser sur mon ventre, tu me fais bander. Embrasse-moi et je te rends tes senteurs enivrantes.

J'en apprends de belles.
Il y a eu " une autre fois" ! "Comment ça finit toujours." a dit Marie. Toujours ? Il y a eu plusieurs autres fois ? Mais encore, je suis curieux de savoir "comment ça finit". Oh ! Je ne manque pas d'imagination, croyez-moi. Se serait-elle contentée d'un baiser il y a un mois ? Etait-ce pendant la précédente randonnée ? Voilà ce que c'est de ne pas marcher ensemble, en couple. Il ne faut pas exagérer, le fait de se donner un peu d’air, de liberté, n’est pas une obligation de se tromper. Mais je tiens à avoir des certitudes. Au bout de sept ans de mariage un couple, paraît-il, passe un cap. Aujourd'hui je vérifie que cette idée répandue contient une part de vérité. La révélation subite me foudroie, mes yeux se remplissent de larmes.

L'enlacement tourne à l'étreinte amoureuse. Sous mes yeux, ils se bouffent le museau, bataillent pour prendre possession de la bouche de l'autre, lèvres grandes ouvertes cherchant le contact le plus étroit. Je zoome sur les têtes. Ils tournent sur place, lentement, sans se soucier de l'environnement, se dévorent férocement, unis dans un corps à corps furieux. J'appuie trop vite sur le déclencheur. Je dois dominer ma fureur. Un nouveau degré est franchi. La main d'Hubert quitte la hanche, descend, flatte la fesse, saisit le bas de la fine robe à fleurs, remonte le tissu et offre à mon objectif une vue complète des cuisses et des fesses de Marie. J’offrirai cette vue à un peintre. Mais la main a coincé l'ourlet dans la ceinture et redescend se poser sur la raie des fesses, le majeur plonge dans le pli, au plus loin, avant de remonter la ligne de séparation de la croupe exposée à l'air. Marie a un sursaut, le majeur a taquiné sa rose. C’est un endroit très sensible

-Non, Hubert, arrête. Tu m'excites trop et je vais encore une fois perdre la tête.

Mon épouse se connaît bien. "Encore une fois perdre la tête". Les mots font mal dans mon crâne. Marie a l'habitude des attouchements d'Hubert, Marie sait où il la conduit, ce qui va se produire.
Elle proteste un peu, mais reprend les lèvres tendues. Seuls au monde ils continuent le baiser, arrêtés au milieu du chemin, à quelques mètres de moi. Je suis bien de voir le baiser, le beau cul et les mains plaquées sur les rondeurs callipyges. Ma femme, ma femme ! Je suis effondré. Je boirai la coupe jusqu'à la lie.

Ils se détachent enfin. Marie réclame:

- Ma culotte maintenant, donne. Ah ! Non, tu as promis. On s’est embrassé, tu me la dois.

Hubert est passé dans le dos de Marie. En levant la tête il pourrait me voir. Il est occupé à plus intéressant. Sous les bras de Marie il pousse ses mains en direction du pubis. Ses doigts chiffonnent nerveusement le bas de la robe. Cette fois je photographie le pubis poilu de Marie, avant le travail des doigts dans sa toison. Sous la pression les cuisses se désunissent, la vulve reçoit la visite d’un index. Marie se raidit sous la caresse insistante de son clitoris. Elle gémit « Oh ! Non » mais ouvre davantage le passage. Déporté sur un côté l’homme caresse du plat de la main la chatte domptée, tend le cou et reprend la bouche consentante. Ils exécutent ces mouvements comme des habitués. Je suis cocu et ce n’est pas d’aujourd’hui.

-On ne peut pas prendre trop de risques, dit Hubert. Viens, par là il y a un tronc d’arbre. Ce sera parfait. Tu reconnais l’endroit. C’est notre coin habituel.

Alors là, si je ne comprends pas ! En effet de l’autre côté du chemin un arbre est couché comme le mien, de façon presque symétrique. Il n’est caché par aucun buisson. Les deux complices se trouvent à vingt cinq ou trente mètres de moi. J’entends le gloussement de Marie debout près du tronc, soumise à la double attaque des deux mains, l’une par devant mue par des mouvements de va et vient rapides, l’autre par une large caresse sur toute la surface des fesses. Dans une main elle tient la verge tirée du pantalon tombé sur les genoux d’Hubert et elle le branle. Plus de réticence, les sens l’ont emporté sur sa pudeur. Elle participe. Hubert la pousse, la fait asseoir sur le tronc, elle râle un peu, l’écorce écorche sa peau, mais la verge dure quoique ordinaire lui clôt le bec. Hubert ordonne en riant :

-Tais-toi et suce. C’est l’heure du casse-croûte.

A chaque petit déplacement je photographie la bite à l’air, les couilles collées au menton de ma femme, les seins tripotés distraitement. Elle s’applique, excite l’amant. Il se sent prêt, la fait lever et la conduit vers un charme :

-Tu dois reconnaître cet arbre, tu l’as utilisé il y a un mois. Mets-toi en position.

Marie ne pose pas de question, plaque ses bras contre le tronc vertical, les fait descendre, creuse ses reins, écarte ses jambes et offre sa croupe et son sexe. Elle a accompli ces gestes en souplesse, sans recevoir d’ordre ; elle est parfaitement au courant des désirs et des habitudes de son maître. La verge approche, cherche à peine son chemin et s’enfonce aussitôt dans le vagin, le vagin de ma femme, faut-il le répéter. Mon appareil ne manque pas un détail de cet accouplement forestier. Le grand cerf saute ma biche, ma biche fait entendre les grelots de sa voix claire, mon cœur se déchire. Je murmure : « Quelle salope »

Hubert est lent à la détente, il lime sans fin avant de se retirer pour envoyer quelques jets blanchâtres sur l’humus fécond. Hubert a un fusil à deux coups au moins. Il secoue son engin pour faire chuter une dernière goutte puis reprend position. Il pistonne vaillamment, veut entendre éclater un orgasme. Bon, j’en ai vu assez, j’ai bien compris comment cela se termine toujours. Caché derrière mon tronc, a l’abri du feuillage, je change ma voix et je réponds à une question que personne n’a prononcée et que personne n’a entendue :

-Ouais ! Ils étaient là il y a quelques minutes… doivent pas être bien loin, regardez donc là-bas, à gauche du chemin, ils ont dû aller se faire du bien. Z’étaient vachement excités. Vous les connaissez. .. Vot’ femme ? Mon pov’ monsieur !

Hubert se redresse, sort du nid douillet, remonte sa ceinture, tire Marie, ils plongent de l’autre côté du tronc, se cachent, sont invisibles. Je marche sur des branches mortes volontairement, je fais du bruit, le plus de bruit possible, je traverse le chemin et j’avance mais pas trop vite en direction du tronc, je ressens un plaisir sadique à imaginer leur peur d’être découverts, à faire durer cette crainte. Je remercie mon interlocuteur imaginaire pour ses renseignements. Cette fois je garde ma voix, un peu chevrotante à cause de la contrariété, ils doivent comprendre qui approchent, trembler :

-Merci encore. Mais je ne les vois pas. Où ont-ils pu passer, ce n’est pas la bonne direction ?

Je suis arrivé au tronc. Espèrent-ils échapper à mon regard. Hubert épouse le tronc de l’arbre, il n’a pas eu le temps de fermer le zip de sa braguette. La position de Marie lovée contre lui est plus compromettante, le bas de sa robe est resté pris dans sa ceinture. Sa chatte rougie par les frottements de la queue de son amant bâille à l’air. Elle cache ridiculement son visage derrière ses bras repliés, mais laisse voir son sexe ! Et le grand con ferme les yeux.

Je prends une première photo du ventre dénudé de ma femme. J’appelle :

-Ho ! Marie, Hubert.

Les figures se montrent. Je shoote, une fois, deux fois. Marie essaie de tirer la robe vers le bas. Je m’en vais en clopinant. Ma cheville est douloureuse. Mon cœur est plus mal en point. Le chemin jaune doit se trouver un peu plus loin sur la gauche. Derrière moi on s’accuse, on ne rit plus. Marie accourt, je la menace du bâton que j’utilise comme canne. Elle se jette à terre et pleure bruyamment. « Quelle salope ». Elle a entendu, elle ne me suivra pas.

A la menuiserie je lance mon ordinateur. Dans mon métier manuel il est devenu le compagnon indispensable. Je branche mon appareil photo, j’enregistre les prises du jour. J’essaie le diaporama, je revis avec rage la scène de mon cocuage. Pour oublier j’entreprends ma pièce d’ébénisterie. Il n’y a rien de tel pour me calmer. Cependant l’événement ne peut s’oublier, je rumine, je peste, je m’encolle bêtement les doigts à cause de ma "salope"

Ce soir j’aurai de la visite. Je vérifie que la bière est au frais. Gabriel et Georges viennent vérifier que je suis revenu sain et sauf. Derrière eux plusieurs membres curieux du club de randonnée me rendent une visite sympathique. Personne ne refuse une canette. Quoi, au milieu des amis s’est glissée Marie. Elle ose se montrer ici. Hubert a pris soin de ne pas se présenter. C’est heureux pour lui. Je m’approche du clavier de l’ordinateur, je lance le diaporama et m’éloigne.

Un murmure monte dans la salle. Je fixe ma femme, elle devient rouge, éclate en sanglots. Les amis grondent, commentent, insultent les amants. Marie prend la fuite sous les quolibets. "Quelle salope". On me couvre de condoléances. Braves amis.Lequel succédera à Hubert ?

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