Fille Des Cévennes
Monia, sur chemin de traverse
Jpj, Anduze, juin 2014
Drôle de Pays
Dans ce pays il nexiste que deux sortes de chemins
Les routes de crêtes
Les chemins de traverse
Monia, cest sur chemin de traverse que je lai rencontrée
Croisée, plutôt, devrais-je dire
Si je veux être honnête.
Mais est-on sincèrement honnête quand on raconte une histoire qui concerne une fille dont on a été très très amoureux
Et quon lest encore un petit peu
amoureux, sans oser se lavouer à soi-même non plus quaux autres.
Elle portait des chaussures de rando genre le Trappeur Décathlon. Cest surtout de cela dont je me souviens. Des chaussures vert clair vert foncé avec tige haute et lacets en quinconces depuis lextrémité jusquau coup de pied. Et puis ensuite deux fois des lanières à scratch pour maintenir la cheville.
Je me souviens bien de tout ce qui concerne Monia, en particulier de ses godasses. Cest fou ce que les godasses prennent comme importance quand on fait effort de mémoire au sujet dune gonzesse quon a aimée.
Longuement fortement puissamment aimée.
Monia portait des chaussures qui sont restées profondément ancrées dans ma mémoire. Encore aujourdhui.
Alors que, je peux bien vous le dire maintenant, cest pas du tout mais alors pas du tout à ses chaussures que sont allées mes pensées quand je lai rencontrée, enfin croisée si lon veut être rigoureux.
Quand jai rencontré Monia.
Sur un chemin de crête gardois entre Anduze et Saint-Jean-du-Gard.
A moins que cait été un chemin de traverse
Oui je crois bien que cest ça, un chemin de traverse.
Enfin, que cétait ça.
Elle marchait devant nous avec quelques copains copines
La chanson de Peter Holm dansait dans nos têtes en matant ses fesses dans le short noir sous le sac à dos.
Nous avions entendu quelle sappelait ainsi car un gars lavait hélée, Monia
Moi, j'avais trouvé ce prénom charmant et jen rêvais en regardant ses fesses qui gonflaient létoffe tendue du short noir.
Sous mon nez.
Et nous tous on fredonnait Moniiiiiia
Mais cétait surtout rien que moi qui étais troublé.
La montagne avait le goût de celles de Jean Ferrat et je voyais courir les vignes abandonnées entre les chataigners
Et moi je buvais la piquette, l'horrible piquette et mon coeur chantait Mooooniiiiia
Monia était fille fine et sa chevelure sombre dansait dune épaule à lautre et nous marchions dans ses pas en suivant sa trace sur le GR. Et moi, je jouais à mettre chaque fois mon pied dans ses pas, en rythme
Mon pied très exactement sur la pierre quelle venait de fouler
et mon coeur était alors en partage, et elle lignorait, probablement totalement.
Nallez pas croire cela.
Personne ne croyait cela
Moi en tous cas pas
Les filles savent tout. Les filles ont des antennes qui leur font voir dans leur dos les yeux brûlants damour des garçons qui regardent
leur fesses danser et les filles sont alors à lunisson, elles sont, les filles, en totale connivence
Ca se voit, ça se sent à voir la façon dont leurs fesses dansent dans le short noir, là sous mon nez.
Ces quatre mille marches, fabuleux escalier qui grimpe depuis Valleraugue jusqu'à l'Aigoual sommet de Cévennes, sont en cette après-midi de printemps chaud de soleil haut sur horizon de sommet, ces marches hautes font lever haut les cuisses et faire à chaque pas effort pour monter monter monter encore.
Monia montait vite
Monia était izard des Pyrénées rude sèche et montait les marches du chemin dans rien exprimer de lassitude de fatigue. Elle grimpait allègre et moi derrière je ressentais exactement cela, allégrité à monter les marches derrière elle, pas fatigué, pas las non, vif avec elle, vif à vouloir être en concordance de son rythme.
Déjà rien que vous raconter cela je comprends que jai tout dit tout dévoilé tout avoué.
Jétais amoureux de cette fille fine et sportive qui montait le GR devant moi et même je vous dirais, son petit cul qui occupait alors totalement mes pensées nétait pas si important que ça !
Ma tête, cest vrai, décortiquait très exactement les deux cotylédons et le tissu happé entre, profondément.
Mes yeux comprenaient la couture du short qui senfouissait dans les fentes moites et restait là collée par les viscosités.
Ligne de symétrie et tyrannie de morphologie féminine.
Et je marchais comme absent ailleurs dans ma tête.
Je marchais attentif à mon effort à ma respiration les yeux rivés aux pierres du chemin et l'esprit égaré dans mes propres labyrinthes, perdu.
Je savais mais n'y pensais pas
Pas encore.
Je savais qu'il nous faudrait encore toute l'après midi pour atteindre l'Aigoual tard en soirée
Que le soleil alors serait prêt d'être couché et la montagne sombre noire dans l'ubac.
Je savais que nous serions ce soir l'un et l'autre assis serrés près de l'âtre de pierres froides à regarder danser les flammes sur les buches de châtaignier .
Je savais déjà qu'elle serait mienne malgré ces copains protecteurs que je comprenais être ses amis ses grands frères chaperons. Je savais tout car mon cur me disait, en voyant ses fesses danser, cette grande fille est celle qui te cherche depuis nuit des temps, juste tu viens de le comprendre.
Et que moi aussi je cherchais.
De longtemps itou.
C'est ainsi que ce fut, à l'Aigoual, ce soir-là.
Dans froidure et silence sifflant de bise cévenole.
Engourdissement tendre entre bras câlins.
*
Quarante ans plus tard en Tus, avec mes copains du Club, je suis revenu là dans cette bâtisse gothique battue des vents juste au dessus du gîte où nous avons passé notre nuit.
Mon souvenir était fort.
Mes yeux brouillés ont-ils troublé ému l'une ou l'autre de mes camarades ?
Je ne sais.
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