Le Masque
Je soumets humblement à vos yeux ce témoignage auquel j'ai tâché de donner des formes littéraires. J'espère qu'il vous plaira et j'attends avec impatience d'éventuels retours et remarques sur la forme ou le contenu de cette petite aventure...
Cest un mélange dexcitation et dappréhension qui menvahit lorsque je fus témoin du premier moment où ma femme fit tomber son masque.
Jaime prendre limage du masque, je trouve que cela correspond bien à comment je perçois la chose. Notre société, notre éducation nous oriente dans notre comportement, avec des garde-fous sur ce qui peut ou ne peut pas être fait. Nous sommes sensés être évolués, cultivés et suivre des préceptes qui ont été jugé acceptables par le plus grand nombre. Tout ce bagage est ce que jappelle le masque.
Sous le masque, le visage. Logique, mais quest-ce que le visage dans cette métaphore enchaînée ? Il sagit de tout ce qui nous compose naturellement, ce qui fait de nous des êtres vivants à la base. Nos nécessités primaires, notre instinct. Nos pulsions. Et lorsque le masque de notre société est mis, nous devons justement réfréner certaines pulsions, les cacher sous le masque, car certaines sont perçues comme allant à lencontre de ce que la société juge correcte.
Mais il ne sagit pas de faire la critique du système, loin de là dailleurs car cest ce qui rend cet instant si particulier. Ce moment où la pulsion est trop forte et quelle balaye cet enseignement culturel. Cest à cet instant que tombe le masque. Et cela est souvent un événement marquant car plein de sensations fortes et parfois contradictoires. Le cur est battant, le corps tremblant, lesprit semballe mais nous sommes nourris dune sorte dénergie nous poussant à vivre cet instant comme aucun autre.
Nous avons de tous temps bravés linterdit pour ressentir ce frisson, cette sensation de se jeter dans le vide, le noir total, pour découvrir quelque chose de nouveau.
Mais je vais arrêter là mes réflexions pour vous prodiguer un contexte.
Tout est parti dun imprévu. Le Covid. Ou la Covid comme disent certains. Bref le premier confinement de 2020. Tout le monde en parlait, sauf nous, car nous revenions de vacances. Laure et moi étions sur le chemin du retour, la veille de lannonce du confinement, et bien loin de nous soucier de tout ça. On était en train de discuter de Thomas, qui squattait chez nous car il était entre deux appartements. On lui avait filé notre appartement le temps de nos vacances, car il avait déjà rendu les clés du précédent et devait juste attendre deux petites semaines que le locataire du suivant ne libère les lieux. On sentendait bien avec lui, alors on lui avait confié les clés avant notre départ. À notre retour, il ne devait plus patienter que cinq petits jours avant de prendre possession des nouveaux lieux. Cinq petits jours, ça cest juste joué à ça.
Quand on est arrivé chez nous, on a été ravi de voir quil avait tenu impeccablement les lieux. On sest bu une bière, on a raconté nos vacances, et puis on a ment parlé de cette pandémie et on a commencé à comprendre pourquoi Thomas semblait stressé lorsquil a parlé du confinement. On sest dit quon verrait, que cinq jours ça allait passer vite
Lorsquon est allé se coucher avec Laure, dans la discrétion de la chambre à coucher, elle ma partagé son inquiétude également, car au pire des cas, cela signifiait un confinement avec quelquun à la maison. On ne se plaignait pas davoir Thomas avec nous pour quelques jours encore, mais imaginer passer trois semaines de plus dans un logement composé uniquement dune chambre à coucher, dune cuisine et dun salon avec une troisième personne, bref : être chez nous mais ne pouvoir prendre toutes nos aises, cest vrai quon ignorait comment ça pourrait se passer.
Et on a vu.
Mais par miracle, ou plutôt grâce à nos caractères respectifs, lexistence fut agréable ! Avec le recul, ce qui nous a aidé fut notre capacité découte. Il a fallu faire des compromis, mais au bout dune semaine cela semblait déjà extrêmement naturel. Il faut dire que le comportement de Thomas facilitait grandement les choses : il avait lastuce dêtre très communicatif, astucieux pour se faire oublier mais toujours dexcellente compagnie. Thomas était la définition du type sympathique et vivant, il avait cette manière chaleureuse et simple qui plaisait aux gens, et cest ce qui nous avait justement plu chez lui.
Si nous étions déjà bien proche avant ce confinement, le fait de vivre ensemble a fait encore plus tomber les barrières : entre mes pitreries et ses traits dhumour, nos discussions endiablées jusquà tard dans la nuit sur tout et rien, une vraie complicité sétait tissé. Cest dailleurs de là que tout a dû partir, avec une phrase innocente lâchée un soir par Laure, tandis que nous finissions nos verres, à propos du beau couple à trois que nous formions. Je répondais sans réfléchir à ma femme que nous étions effectivement un trouple
Mais sans le sexe en commun. Jeus le droit à un énième regard de Laure, se demandant sans doute où partait mon cerveau lorsque je sortais des bêtises pareilles.
Mais tout naturellement Thomas renchérit dans un sourire quil était content quau moins deux tiers du couple puisse avoir des relations sexuelles, mais que le dernier tiers commençait à avoir mal au poignet. Il y eut un silence en réponse à cette pique, puis Thomas et moi eûmes un fou rire.
Lair contrit de Thomas la fit rougir. Et jeus un instant peur dêtre privé de câlins jusquà la fin du confinement ! Entre deux rires, je cherchais à relativiser auprès de Laure, lui expliquant que cétait normal, que cétait la vie. Je pensais quelle était gênée, mais ma femme étant pleine de surprises, javais mal-jaugée la base de sa réflexion.
Cette soirée se termina sans encombre, et je ne fus pas privé de sexe : à peine trois jours après cette discussion, jeus le droit à une petite session nocturne fort agréable. Pour Laure, cela sembla être très profitable aussi, et elle le fit bien entendre, plus que dhabitude dailleurs.
En reprenant mon souffle sur loreiller, je lui fis dailleurs remarquer. Je noublierais alors jamais son regard espiègle lorsquelle mavoua sêtre un peu donnée en spectacle pour offrir un lot de consolation à Thomas. Je fus soufflé, littéralement. Comme la plupart des gens, jenvisageais la relation sexuelle comme un acte privé, discret. Javais certes des fantasmes, mais entendre ma moitié confesser quelle avait voulu se faire entendre par un autre
Cela memplit dune curieuse excitation.
Le lendemain Thomas ne fit aucune remarque, pas plus que Laure dailleurs, cependant, javais encore cette réflexion en tête, elle me hantait et me faisait voir les choses sous une autre lumière : je ne parvenais plus à prendre en toute innocence la proximité entre Laure et Thomas, et je remarquais ici et là quelle le complimentait assez souvent. Ma jalousie séveilla, bousculant ma curiosité au passage quant à ce que cela éveillait en moi. Je pense quà ce moment-là, si nous navions pas été si proche avec Laure, jaurais pu mal réagir et me renfermer sur une mauvaise attitude.
Et je me rappelle encore son visage alors quelle mannonça cela, tandis quil était parti se dégourdir les jambes, cependant elle appréciait beaucoup Thomas et avait pris à cur sa réflexion sur son abstinence e. Le confinement avait déjà été rallongé et il est vrai quon peut vivre sans ce genre de chose, mais pour le pauvre bougre, cela devait tout de même faire office de petite . Elle le trouvait attendrissant et regrettait que cela puisse lui peser, alors elle avait décidé de lui offrir ce quelle pouvait : des choses à entendre, que ce soit des compliments pour booster son ego ou ses propres gémissements au travers du mur.
Je vis dans ses yeux quelle attendait de savoir ce que jen pensais, et je compris quelle ressentait ce tiraillement entre deux sentiments. Une certaine culpabilité de se livrer ainsi, alors que la société nous apprenait la pudeur et la discrétion. Elle craignait que je la juge, que je trouve révoltant quelle ne sen tienne pas au carcan de la bienséance
Et dans le fond cette réflexion était faussée par notre masque, notre vision de la société, car en vérité il ny avait quune volonté de sympathie qui lavait poussé à se comporter ainsi
Voire une certaine curiosité pour ce que cela pouvait éveiller en elle.
Je ne le compris que trop bien, car je ressentais exactement la même chose en cet instant. Et pour toute réponse, je lembrassais avec une passion ravivée par ce que javais lu dans ses yeux. Elle me rendit mon baiser avec autant dentrain, me confirmant que nous étions sur la même longueur dondes
Le confinement se poursuivit sous un jour nouveau pour nous. Laure avait maintenant ma compréhension et mon accord tacite. Elle ne manquait pas une occasion de mettre Thomas à laise. Suite à son aveu, une barrière sétait brisée, petit à petit, je sentais quelle allait de plus en plus loin dans son comportement, établissant une proximité plus importante et étant plus chaleureuse, tandis que dans lintimité du lit, elle mavouait toute excitée quelle avait dautant plus dempathie pour lui quelle le trouvait craquant. Elle et moi jouions du piment que cela mettait dans notre vie sexuelle, de cette sensation nouvelle de frôler avec lindécence. Javais rarement vu Laure avoir autant dentrain sur un sujet tabou.
Avec le recul, je pense quelle savait déjà où elle menait cette histoire, mais que cela ne paraissait pas une option formulable dans le monde où nous vivons. De plus, elle savait que cela méveillait de nouveaux sentiments, de lentendre parler de la sorte, de dire des phrases qui auraient choqué la bonne société, de révéler son côté démone sous ses airs de gentille fille. Son visage sous son masque
Au bout de quelques jours, lorsque nous avions fait lamour la veille, de moins en moins discrètement, elle se mit à demander ouvertement à Thomas sil nous avait entendu et si cela lui avait plu. La première fois, il ne sut quoi répondre, devenant rouge comme une tomate, cherchant à voir ma réaction. Nous le rassurâmes sur le fait que cétait normal, et Laure lui expliqua quelle essayait simplement de rendre son séjour moins solitaire sur le plan affectif. Jeus peur que cela soit mal interprété, ou quil prenneur peur devant létrangeté de la situation, mais notre trio ne sen retrouva pas brisé. Nos discussions se poursuivirent et ce nouveau pallier de proximité sintégra petit à petit dans notre quotidien. Nous commencions à en rire à demi-mot, Thomas se mit à plaisanter sur ses « voisins bruyants », et nous eûmes le plaisir de pouvoir à nouveau ne plus nous retenir pendant nos ébats, dêtre nous-même, voire même de jouer un peu plus avec nos cordes vocales. Cela avait un côté libérateur, grisant.
Tout était en place et conduisait logiquement à cette dernière partie de mon récit, pourtant, je dois avouer que sur le moment, je ne pensais pas que cela irait aussi loin. Ce fut déclenché par lun de ces matins post-câlins. Laure avait fait fort, prévenant Thomas le soir-même quil risquait de ne pas dormir tout de suite. Nous en étions arrivés à ce stade car lexcitation ne cessait de grimper pour elle et moi, et nous voulions aller plus loin, franchir les interdits, sans pour autant oser nous lavouer, de peur que lautre ait atteint sa limite. Cétait un jeu dangereux et terriblement addictif.
À la grande surprise de Laure, ce matin-là, Thomas joua le jeu et lui répondit naturellement quil avait en effet apprécié nous entendre, et quil se demandait même comment nous lavions fait, car il mavait plutôt entendu moi.
Dun sourire gêné, je regardais Laure, haussant les épaules pour lui signifier quelle lavait cherché après tout. Elle ne se démonta quun court instant, et linforma avec ce même ton faussement naturelle quelle mavait offert une petite gâterie buccale.
Thomas ne sortit pas de son jeu et conclut en honorant les talents de Laure, se basant sur mes réactions étouffées par le mur, et en se désespérant à haute voix depuis combien de temps il navait pas eu le droit à pareil traitement.
Jeus le réflexe qui déverrouilla tout. Alors quil prononçait cette dernière phrase, mon regard alla croiser celui de Laure. En cet instant, je pensais fortement quelque chose, mais je nosais le dire, et je crois quelle le pensait aussi
La journée se passa, et je ne songeais plus à cela lorsque jallais me coucher le soir. Laure vint sallonger à côté de moi et membrassa longuement, avec amour. Elle me sourit et me chuchota que ce pauvre Thomas lui faisait définitivement de la peine et quelle espérait pouvoir faire plus. Pensant quelle cherchait à provoquer en moi ces nouvelles sensations tabou, à jouer avec nos nouveaux fantasmes, et repensant au regard du matin, je lui répondis quil était difficile de faire plus de notre côté uniquement. Je mattendais à ce quelle enchaîne, mais elle me fixa avec un sourire espiègle, membrassa encore, éteignit la lumière et sembla sendormir. Cela avait des airs de fin de chapitre. Et pourtant...
Je commençais à sombrer dans la torpeur du demi-sommeil, lorsque je perçus quelle se levait. Dans cet état, je ny prêtais guère attention, me retournant simplement pour avoir la paix, pensant quelle allait aux toilettes ou chercher à boire. Jignore combien de temps se passa, mais je perçus des chuchotements, mon corps relaya linformation à mon esprit engourdi et il fallut que la mécanique se réactive avant que je ne tique et méveille un peu mieux. Laure nétait toujours pas revenue, et javais cette sensation que du temps avait passé. Je tournais la tête vers la porte de la chambre et la vit entrouverte.
Cest alors que jentendis ce bruit, un léger soupir, je reconnus Thomas et fut soudainement envahit dune dose dadrénaline alors que mon cerveau connectait finalement toutes les pièces du puzzle. Je dus me retenir de bondir hors du lit, alors que mon cur se mettait à battre à tout rompre. Je me glissais doucement en-dehors des draps tout en contrôlant ma respiration que je trouvais trop bruyante en cet instant. Jouvrais la porte lentement pour ne causer aucun bruit et passais dans le couloir menant au salon.
Un autre râle discret se fit entendre, provenant du salon, et je me mis à percevoir un autre son, régulier et caractéristique. Je tremblais de tout mon corps et le sang me battait aux oreilles. Javais la bouche sèche et jéprouvais de la curiosité et de la peur, de lappréhension et de lenvie. Je fis les quelques pas pour avoir une vision du canapé où Thomas couchait depuis des semaines. Ils furent lents et méthodiques, malgré tout le chamboulement dont jétais sujet.
Et je la vis. Je vis ma femme sans son masque. Mon cur manqua un battement alors quune décharge électrique parcourut ma colonne vertébrale. Je naurais jamais imaginé voir un jour pareil spectacle, et pourtant...
Thomas était allongé, tandis que ma femme, accroupie sur le bord du canapé, assise de biais, lui prodiguait une lente et particulièrement attentive fellation. Cette image brûla mes rétines et simprima à jamais dans ma mémoire, alors que mon corps tout entier bourdonnait dune chaleur soudaine. Tétanisé par un surplus de sensations et sentiments, je regardais sa tête montée et descendre, sa bouche souvrir pour laisser le membre gonflé de Thomas venir se glisser entre ses lèvres, goûter la chaleur de ses joues et les caresses de sa langue. Il laissa échapper un autre gémissement, et je la vis sourire alors que ses yeux quittaient son bas ventre pour observer son visage. Elle était radieuse, visiblement ravie de lui donner un plaisir quil lui avait cruellement manqué. Son regard alla ensuite vers le couloir, où je me tenais, immobile, à linsu de Thomas. Elle verrouilla son regard dans le mien alors quelle continuait de le sucer avec application et je restais bouche bée devant elle alors que je tâchais de comprendre ce qui était en train darriver, aussi bien sous mes yeux quen moi.
Car jétais envahi dune jalousie logique, mais celle-ci côtoyait une excitation insoupçonnée dobserver Laure dun point de vue extérieur. Il ny avait sur son visage aucune trace de honte. Elle irradiait dérotisme et de sensualité, et je ressentais même une pointe de danger alors que je revoyais à présent les limites de ce dont je la croyais capable. Sous mes yeux, ma douce femme sétait métamorphosée en chaude succube, à lécoute de son corps et de ses envies, et sans aucune considération pour ce que la société, ou même moi, pouvait trouver à redire de cette situation très osée.
Cela ne la rendait que plus désirable, imprévisible, féminine
Cest un mélange dexcitation et dappréhension qui menvahit lorsque je fus témoin de ce moment où ma femme fit tomber son masque. Et je me demandais déjà, alors quelle reportait son attention sur Thomas, me laissant spectateur avec mes vives émotions, si cette soirée nétait pas que le début dune exploration nouvelle, dun réveil des sens
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