Chloe, À Paris Et Avant - 1/3
1ère partie
Jai fêté mes vingt trois ans le mois dernier. Toute seule. Mon père ma envoyé une carte de bon anniversaire. Je nai aucune illusion, cest sa secrétaire qui la achetée et la mise dans son parapheur ; lui sest contenté de signer. Jai lhabitude.
Toute seule, parce que jai dû déménager. Fini Bergerac ! Me voilà parisienne !
Ne croyez surtout pas que ça me plaise. Je nai pas eu le choix !
Je nai connu mon affectation au Lycée Sainte-Marie que fin août : alors vous imaginez ! Trouver un appart, le meubler un minimum, préparer des cours pour des sections que je navais jamais eues avant, tout ça laisse peu de temps : ma vie sociale était un néant absolu !
Oh ! bien sûr, je croise mes nouveaux collègues
mais cest justement le problème : je les croise ! Pas plus. Lambiance ici est très différente de celle que je connaissais à Bergerac. Plus froide.
Je ne pense pas que les profs dici soient au courant des motifs de ma mutation. Le proviseur si ! Bien sûr ! Sa secrétaire aussi. Jespère quils sont restés discrets, quoi que ! Finalement, je men fiche un peu
elle, me regarde dun air curieux, étonnée ; lui, dès le premier jour, ma fait un sermon : grosso-modo, ça voulait dire « pas de ça chez nous, ma petite ! ».
Jai bien dit « mutation » ! Si javais eu le choix, je serais restée à Bergerac un an ou deux ! Cest petit, très provincial, mais jy ai toujours vécu et finalement je ne my trouvais pas si mal.
Je mappelle Chloe. sans rien sur le « e », jy tiens. Jai 23 ans. Prof de maths. Depuis un an. Cest jeune, je sais, jai sauté quelques étapes ; jai toujours eu deux ans davance à lécole.
Que vous dire dautre ? A quoi je ressemble ? Pas facile de se décrire soi-même
Brune, cheveux mi-longs, aux épaules, qui bouclent un peu naturellement. Je les attache souvent, comme aujourdhui avec une pince, dautre fois un chouchou. Je suis
1m68 et 52 kg
Voilà
Encore ? Bon ! je mhabille en 38 et 90D.
Donc Bergerac
Je vous lai dit, je my trouvais bien, mais un peu à létroit malgré tout. Jai des goûts qui compliquent un peu la vie : me promener au bras dun garçon, ça va, personne ny faisait attention ! mais voilà, de temps en temps cétait une fille qui me donnait le bras
et à Bergerac, se promener au bras dune fille, passe encore, mais échanger des baisers, cest plus compliqué ! Il faut se cacher ; moi je ne sais pas très bien faire. Pas envie.
Cest à cause de ça que je suis à Paris.
En sortant de fac, après mon master, jai été embauchée par le diocèse, dans lécole privée où javais été pensionnaire de la 6ème à la terminale. Une des profs de gym du lycée était bien jolie, et
on a oublié dêtre assez discrètes. Elle, ils lont carrément licenciée ; pour moi, une mutation, à Paris.
Je me souviens très bien du petit sourire entendu du directeur au premier trimestre en me conseillant la discrétion, quand il mavait croisé en ville au bras de lun des deux CPE du lycée, un joli garçon, pas compliqué, qui avait surtout le mérite dêtre là et daimer mes seins ; ça, mon directeur, ça ne lavait pas gêné.
Je me souviens aussi de son air pincé, très différent, en fin dannée : il mavait convoquée pour me signifier ma mutation quand il a su pour Lydie et moi. On aurait dit quil était en train de manger un truc dégueulasse en mexpliquant quil était « inconcevable de donner un tel exemple de dépravation à nos chères petites
mais que par égard pour mon père, un homme si respectable
» ! Tu parles ! Mon père siège au conseil dadministration et fait partie des plus « généreux donateurs » : doù les égards !
Bon, on naurait peut-être pas dû fricoter dans la salle de musculation, daccord, mais je ne savais pas non plus que les personnels de service intervenaient si tard le soir et que la dame qui nous avaient surprises en pleine action sempresserait daller en informer : ses collègues, son chef de service, les secrétaires et le directeur ! En plus, elle en a rajouté.
Je reconnais que cétait pas très intelligent de notre part ! Et surtout très bête de nous faire surprendre
Quant à nos chères petites
Jai passé sept ans, dans ce pensionnat, alors je sais tout de ce quil sy passe : cest là que jai découvert mon penchant pour les filles !
Mais ça, notre cher directeur fait semblant de ne pas savoir, du moment que les parents paient !
Le pensionnat
jai grandi vite !
Jétais plus jeune que les filles de ma classe, deux ans davance, alors côté sexe, je nétais pas vraiment en phase avec elles; mais je ne vais pas vous raconter dhistoires, je ne me suis jamais e pour suivre le mouvement ! Au contraire, le fait de vivre en permanence avec des filles plus âgées ma permis de brûler les étapes.
Quand des filles de mon âge étaient toutes fières de leurs premières règles et en étaient à échanger leurs premiers baisers avec des garçons boutonneux en train de muer, moi je séchais les cours avec mes copines de classe pour rejoindre leurs copains encore plus âgés quelles.
A treize ans, en 3ème , javais autant de poitrine que mes amies de quinze ans et jétais très fière de la toison de brune qui couvrait mon ventre.
Jaccompagnais le plus souvent Romane, qui minvitait le soir à la rejoindre dans son lit à linternat pour me chuchoter ses secrets. Grâce à elle, je savais déjà comment donner du plaisir à un garçon avant même den avoir seulement embrassé un seul. Cest aussi dans son lit que jai eu mon premier orgasme, en me caressant dune main, lautre posée sur la sienne pendant quelle aussi se caressait.
Romane, cétait un peu mon professeur de sexe
Un mercredi après-midi, après un match de rugby où je lavais accompagnée, je me suis retrouvée derrière une haie de cyprès en bordure du stade avec elle et deux garçons.
Ils nous embrassaient et ils avaient les mains baladeuses. Romane mencourageait du regard en me faisant de petits signes. Je lai imitée quand elle a ouvert la braguette du garçon qui fouillait son chemisier et jai tenu un garçon dans ma main pour la première fois. Elle mavait montré le geste et le garçon na pas pu deviner quil était le premier, dautant que je nai pas hésité une seconde à le prendre dans ma bouche quand il ma attirée vers lui dune main dans mon cou.
Il avait dû le raconter à ses copains, parce que je suis vite devenue très populaire ! Romane ne ma prévenue que plus tard que ce genre de caresse, peu de filles laccordaient.
Je me souviens quon passait très vite des bras de lun aux bras dun autre, je me souviens aussi de concours avec Romane à celle qui ferait jouir le flirt du moment le plus vite !
Queux ne maient jamais donné de plaisir nétait pas si important, je me rattrapais le soir dans son lit. Je me souviens aussi que les garçons faisaient des paris sur celui qui me ferait lamour le premier : parce que je ne couchais pas !
La première fois que jai fait lamour, jétais en première ; cétait à la fin de lannée, je navais même pas 15 ans.
Javais accompagné une copine au cinéma, puis chez elle après le film. Elle était dans sa chambre avec son petit copain et moi avec son frère, dans la chambre dà côté, à guetter par la fenêtre léventuel retour de ses parents pour les prévenir. Je ne sais plus très bien comment on sest retrouvés en train de sembrasser. Il avait mon âge. Il était tellement timide ! Pourquoi lui, et pourquoi ce jour-là ? Je crois que cest justement parce quil était si timide
ça me rassurait !
Quand on sembrassait, les garçons avec qui jétais déjà sortie me pelotaient les seins et glissaient très vite une main sous mes jupes. Lui se contentait de membrasser, de me regarder avec ses yeux mouillés.
Je me rendais bien compte que son pantalon commençait à se déformer et quil respirait plus vite, alors contrairement à ce qui se passait avec les autres garçons, jai pris linitiative : cest le premier pour qui je me suis mise toute nue, et quand jai ouvert son pantalon, il avait déjà sali son slip qui sauréolait dune grosse tâche mouillée.
Jétais allongée sur lui quand sa sur est entrée dans la chambre. Cest finalement elle qui nous a prévenus que ses parents rentraient.
Et bien sûr, elle na pu sempêcher de raconter à une des ses amies
en quelques jours, tout le monde était au courant : je couchais !
Curieusement, le fait davoir fait lamour avec un garçon me valait aussi un certain succès auprès des filles au dortoir ! Je faisais partie du club ! On se retrouvait pour « discuter » ; cétait un truc cool quon faisait entre filles, un truc sans importance, dont on rigolait, en échangeant nos petits secrets de filles ; on se frottait un peu les unes aux autres, « pour rire » ; on parlait de nos flirts, ce quils faisaient et comment, ce quon faisait et comment ; on se frôlait sous les draps ; on se serrait pour échanger nos petits secrets de plus près, et parfois les explications séchangeaient sans paroles. Nos secrets nétaient bien souvent que prétextes. Cest en pension que jai pris goût aux filles. Pour la plupart, ce nétait quun jeu, pour moi un peu plus.
A la fac, à Bordeaux, ça sest compliqué avec les filles parce que cétait rarement celles qui me plaisaient qui sintéressaient à moi !
Peut-être parce que javais lair fragile ? Je ne sais pas : jattirais « les catcheuses » ! Les tatouées sur leurs gros bras ! Et moi, ces filles-là : pas vraiment. Enfin si
mais pas souvent.
Ce nest pas quune histoire de peau ou de sexe, cest surtout que je ne les comprends pas ! La différence entre elles et les hommes nest pas si grande, sauf quelles, celles que jai rencontrées en tout cas, elles rêvaient davoir entre les jambes ce quils ont eux ! Les mêmes, la frustration en plus ! Je trouve ça triste !
Moi je suis bien dans ma peau, jai jamais regretté dêtre fille, ni eu honte de me glisser dans le lit dune fille !
Et donc à la fac, un garçon de temps en temps
une fille de temps en temps
une fois, même, un garçon partagé avec une copine ! Rien qui durait bien longtemps, sans doute de ma faute, dailleurs.
Mes goûts éclectiques, jétais en terminale quand jen ai parlé à mon père, parce quil sétonnait que jaie invité une fille à la maison et quon partage la même chambre. Cest une des rares fois je crois où il ma prise dans ses bras. Il rigolait en haussant les épaules et on nen a plus vraiment reparlé : que je ramène un garçon ou une fille le week-end, ça ne lui faisait ni chaud ni froid et ne suscitait aucun commentaire de sa part.
Sauf une fois ! Je vous raconte cette fois-là ! Moi ça me fait rire. Enfin
maintenant, jen ris ! Quand cest arrivé, jai pas trouvé ça drôle du tout !
Avec les mecs, cest clair, pas dembrouille, très facile de savoir si je leur plais ! Avec les filles, cest plus subtil, et il mest arrivé de penser quil y avait un truc dans lair
de le croire, et de me ridiculiser ! Cette fois-là surtout ! La honte de ma vie !
Cétait à une soirée organisée par mon père. Il avait invité des clients : repas, hôtel, la totale ! Je devais avoir dix-sept ans, à la fin de ma première année de fac. Pendant le repas, jétais à côté dune jeune femme seule que je navais jamais vue avant. On discutait, elle posait la main sur mon bras, tripotait mes cheveux ; si vous saviez comme jaime ça ! A un passage aux toilettes pendant le repas, elle avait arrangé ma robe sur mes hanches, elle la lissait de ses mains, et elle avait posé un petit baiser sur mon épaule.
Vous auriez pensé quoi, vous ? Moi, en tout cas, jy croyais bien ! Elle était mignonne en plus, et plus âgée que moi, la trentaine : jétais flattée. Je me voyais déjà dans ses bras !
A la fin du repas, chacun regagnait sa chambre. Comme elle ne disait rien, je lui ai demandé si elle voulait maccompagner ; elle a pris mon bras, elle avait lair ravie de me suivre jusquà ma chambre.
Jétais tellement sûre de moi que je lai laissée seule un moment et que je suis allée dans la salle de bains où jai enfilé une petite nuisette avant de la rejoindre. Elle était de dos devant la fenêtre. Je lai prise par la taille et je lai embrassée dans le cou.
Elle sest retournée, sest écartée de moi, elle souriait en me tenant les mains. Jai enlevé ma nuisette ! Elle a porté la main à sa bouche en reculant vers la porte, elle ouvrait de grands yeux, bredouillait en partant vers la porte, elle riait sous sa main.
Elle faisait « non » de la tête en séloignant de moi, elle disait « pardon, pardon », et elle riait. Elle a disparu dans le couloir en fermant la porte derrière elle. Je me souviens que sur le moment, jétais partagée entre surprise, honte et colère.
Banal ? attendez, ce nest pas fini ! le pire, cest après ! le lendemain matin ! Quand je suis descendue rejoindre mon père au petit déjeuner, elle était là, elle me souriait. Mon père, lui, riait carrément. Il a dit : « Je ne tai pas présenté ma nouvelle secrétaire ! Laetitia, tu connais ma fille depuis hier, je crois ? »
Il trouvait la situation très drôle. Moi beaucoup moins ! Je savais très bien et depuis longtemps ce que voulait dire « secrétaire » pour lui ! Il allait falloir que je croise cette Laetitia pendant quelques mois à la maison
Il a attendu quon soit seuls et ma dit « Tu vas quand même pas me piquer mes maîtresses, cest pas très loyal ! ».
Pour finir avec cette histoire, un jour, cest elle qui ma rejointe dans ma chambre. Elle est restée au pied de mon lit un long moment avant de venir se coucher à côté de moi. Une seule fois
dommage ! Cétait une belle nuit.
Je ne sais pas si cétait une première pour elle, mais ça y ressemblait beaucoup. Elle avait des timidités délicieuses. Il faut dire que je ne lai pas beaucoup aidée au début, petite vengeance un peu bête au souvenir de ce que javais ressenti lors de notre première rencontre.
Elle sétait couchée sur le dos, la tête sur loreiller tournée vers moi ; elle ne bougeait pas, ne disait rien. Juste son regard et son air inquiet. Jattendais sans rien faire. Cétait pas trop gentil, mais javais encore en tête la honte de notre première rencontre. Je sentais sa hanche contre la mienne. Je jubilais. La belle Laetitia dans mon lit ! Cest quelle était belle, Laetitia ! Mon père a toujours eu bon goût pour ses « secrétaires ». Une chute de reins fantastique, et des seins ! Jaurais préféré avoir des seins comme les siens ! Moi je suis plutôt mince mais jai des seins trop lourds. Quand jaurais son âge
enfin pour le moment, ils ne se tiennent pas si mal et ils plaisent plutôt ! Quand je mets un joli décolleté, tout le monde ne me regarde pas dans les yeux
Comme je vous ai dit, je crois bien que cétait la première fois pour elle. Elle était dune douceur
ses baisers, sa peau, ses caresses
une douceur !
Elle attendait, nosait aucun geste. Elle avait eu le courage, et lenvie, de venir jusquà ma chambre et de se glisser dans mon lit après avoir enlevé son peignoir en éponge en me tournant le dos. Peut-être quelle serait restée comme ça, immobile, les mains croisées sur son ventre et serait repartie dans la nuit si je navais pas bougé. Mais jétais trop heureuse de lavoir là tout contre moi pour résister bien longtemps. Je lai prise dans mes bras. Elle tremblait. Et jai cru deviner que cétait une petite larme quelle a effacée très vite dun doigt au coin de ses yeux avant delle aussi refermer ses bras sur moi. Elle ma rendu mon baiser, ma caressée tout doucement, mais seulement après que je laie caressée moi ; elle attendait toujours un geste de moi pour limiter, restait un peu empruntée, un peu maladroite aussi.
La merveilleuse surprise, cest quelle ma réveillée dans la nuit : elle avait repoussé les draps à nos pieds et agenouillée près de moi, elle déposait de petits baisers sur mon ventre. Cest la chatouille de ses cheveux qui mavait réveillée. Elle a osé la seule caresse à laquelle elle avait renoncé avant de sendormir dans mes bras.
Jaurais aimé la garder dans mon lit le matin mais elle sest échappée très vite sans rien me dire.
Pendant les quelques mois quelle avait passés chez nous, elle navait rien montré. On se voyait tous les week-ends, pourtant, se montrait tantôt maternelle et tantôt grande sur, discrète. Elle croisait mes petits-amis, mes petites-amies, et ne faisait aucun commentaire, comme mon père, rougissait même un peu quand je la provoquais gentiment.
Elle était déjà partie quand je me suis levée. Elle nétait venue me retrouver que parce quelle quittait la maison, que cétait terminé avec mon père. Cétait une fidèle !
Il aurait dû la garder, celle-là ! La nuit avait été belle, mais je laurais sans réserve échangée contre le fait quelle reste chez nous
pour elle, pour moi et pour mon père. Mais cest plus fort que lui ! Il aime le changement.
On nen a jamais vraiment parlé, il na jamais voulu, mais ma mère nous a quittés quand javais trois ans. Depuis, je nai jamais vu une « secrétaire » passer plus de six mois chez nous.
Bon ! Je me suis laissée aller à vous parler de Laetitia
Vous savez que faire des gaffes, je suis apte ! Parfois je me trompe ! Bien sûr, jenvoie quelques signaux si une fille ou un type me plaît vraiment, mais je ne dois pas être très claire, ou je ne sais pas décoder les signaux en retour
je me lance et je prends des baffes, parfois !
Et puis Lucie
En commençant mon histoire, cest surtout de Lucie que je voulais vous parler, parce que Lucie, cest mon présent, et je nai parlé que de moi et du passé.
Lucie
Je vous ai dit au début que je navais pas de vie sociale
Cest fini. Maintenant il y a Lucie.
Cétait dans un bus, je partais au Lycée.
Avec Lucie, je nai pas osé, souvenirs derreurs. Elle si
La première chose que jai vu delle, ce sont ces cheveux. Bruns. Plus que ça, noirs. Noirs brillants. De grandes boucles brunes qui balayaient son pull de laine anthracite et laissaient entrevoir le col blanc relevé dun chemisier. Souples. Naturels.
Elle baissait la tête sur ses mains. Elle lisait, peut-être. Ou réfléchissait. Je guettais son reflet dans la vitre du bus, revenais à ses cheveux. Une envie déraisonnable de les toucher, den prendre un mèche, de lenrouler sur mon doigt. Je rêvais dune poussière, dune paillette dorée, dun confetti, dune plume ou dun fin duvet blanc. Je rêvais dune excuse pour les toucher
elle se retournerait, les sourcils levés dune interrogation muette, sourirait ? Je lui montrerais la plume sur mon doigt, jarrangerais la mèche dérangée
Mon arrêt viendrait bientôt. Jallais la perdre. Sans voir son visage. Sans la connaître. Jallais la perdre, et toujours ce picotement au bout de mes doigts, cette envie !
Doù vient que jaime autant toucher les cheveux ? Les enrouler autour de mon index, les lisser denroulements successifs, les caresser de mon pouce, les sentir bouger sous mon doigt, doucement crisser, les enrouler encore, faire glisser lenroulement, une seule mèche, éliminer lentement les cheveux qui méchappent et les enrouler encore, longtemps, en éprouver la souplesse, la douceur soyeuse quasi hypnotique, du plat dun doigt
Je rêvais éveillée, debout sur la plateforme au milieu du bus.
Elle sest levée, a gagné la porte à lavant en se faufilant entre les passagers debout dans lallée. Pantalon épais, blanc cassé, jolie silhouette, élégante, un éclat brillant à sa main sur la barre chromée, des doigts fins.
Je suis descendue aussi, trop tôt pour mon arrêt. La chanson de Bruel dans ma tête
«
elle part à gauche je la suivrai, elle part à droite
attendez-moi ! Attendez moi ».
Je lai suivie.
Elle est entrée dans une pharmacie. A travers la vitrine, je la guettais des yeux ; elle se retournait, se penchait sur un rayonnage. Visage sérieux, les traits fins, le teint doré.
Je savais. Je savais quelle serait belle.
Ses yeux, je voulais voir ses yeux
Je suis entrée dans la pharmacie. Une lotion pour le visage ? De laspirine ? Peu importait, attendre, juste attendre, croiser son regard.
Elle est partie vers une caisse libre, a posé un emballage sur le comptoir ; elle montrait son poignet. La vendeuse sest éloignée, elle sest retournée.
Face-à-face.
Clairs, lumineux, dorés, un cercle plus sombre autour. Pas de maquillage. Si, ses lèvres, brillantes
elle riait. Parce que jétais en travers de son chemin ? Parce que je la dévisageais ? Je devais avoir lair idiote ! Elle ma parlé, je nai pas compris. Figée !
Elle a posé sa main sur mon bras, ma contournée. Je me suis retournée pour la suivre des yeux, et une vendeuse ma appelée.
Jai tendu à lemployée qui mattendait derrière un deuxième comptoir la boîte que javais prise au hasard sur un rayon , jai payé et pris le petit sachet que la vendeuse me tendait, sans y faire attention.
Elle, était devant une caisse, fouillait son sac pour régler ses achats.
Jai ouvert le sachet pour regarder ce que javais acheté en me dirigeant vers la sortie, et je me suis arrêtée, un peu interloquée.
Mon souvenir sarrête là. Après je ne sais plus très bien. Quelques flashes, mais rien de précis, cest elle qui ma raconté.
Un trou noir
Votre chat est malade ? Le mien aussi se grattait les oreilles ! Cest pas très facile à appliquer !
Je nai pas de chat !
Elle était étonnée ; je la dévisageais encore. Elle ma pris par le bras :
Sortons, on bloque la porte
Sur le trottoir, elle riait de mon absence de réaction, sinquiétait un peu :
Ce nest pas ce que vous vouliez ?
Je voulais juste vous voir
Je lui ai dit : je voulais juste vous voir. Elle aurait pu me prendre pour une malade, une demeurée, une fille un peu dérangée
Elle ma dit que je tenais des propos décousus, que je la dévisageais, que javais un tel air égaré, là, au milieu du trottoir, que je ressemblais à son petit chat quand il avait peur, que pas une seconde elle navait pensé à mabandonner, parce que
parce quelle me trouvait jolie, voilà ! ne riez pas ! et quelle non plus elle ne voulait pas me perdre.
Je ne me souviens pas comment je me suis retrouvée en face delle à la terrasse dun café, à lécouter me raconter sa chute dans lescalier en partant de chez elle, son poignet douloureux. Je buvais un coca, elle tenait dun doigt lextrémité de la bande sur son poignet et attendait que je la fixe du bout de sparadrap collé sur le dos de ma main.
Je venais de perdre dix minutes de ma vie. Dix minutes de trou noir. Elle ma dit que cest moi qui lui avais massé le poignet douloureux et qui avais ensuite enroulé la bande sur son poignet ! Je ne men souviens pas du tout !
Elle ma raconté ces dix minutes, une semaine plus tard en entourant sur son doigt une mèche de mes cheveux
pendant que jessayais denrouler sur mon doigt une mèche trop courte, brune et brillante, aussi douce que ses cheveux qui mavaient irrésistiblement attirés vers elle.
Cétait la seconde fois quon se voyait, un vendredi après-midi.
Ce dont je me souviens, cest quen sortant du café, elle avait passé sa main sous mon bras, quelle sest arrêtée devant le « Salon de beauté » où javais acheté un vernis à ongles quelques jours plus tôt. Sur la grande vitrine en lettres blanches étaient écrits « Epilation, Soins du corps, Onglerie, UV ».
Moi je suis arrivée. Je travaille ici. Ton Lycée est tout près. Promets-moi de venir me voir.
Jai haussé les épaules, lesprit encore perturbé.
Allez, promets !
Elle me tenait toujours le bras, a posé une bise sur ma joue, une autre encore avant de me laisser partir, une petite lumière dans ses yeux ? Mais je métais si souvent trompée !
Plusieurs matins je suis descendue du bus un arrêt plus tôt que nécessaire, je regardais à travers la vitrine et je poursuivais mon chemin, incapable de franchir la porte du Salon. Très souvent je pensais à elle et à notre rencontre, à elle debout sur le trottoir qui me guettait et souriait quand je métais retournée avant de traverser la rue en la quittant.
Je nai eu le courage dentrer que le vendredi de la semaine suivante après mes cours.
Je me disais
elle maura oubliée, elle ne me reconnaitra même pas.
Elle discutait avec une cliente et la abandonnée très vite quand je suis arrivée :
Je tattendais !
Ah
javais pas prévu de marrêter
Je tattendais quand même !
Elle me tenait les mains et souriait, elle sest penchée vers moi et ma embrassée sur la joue en restant un long moment sa joue contre la mienne en serrant mes mains avant de sécarter, a ri de voir mes joues toutes rouges pendant que je regardais autour de moi pour voir si quelquun faisait attention à nous :
Tu as encore des cours, aujourdhui ?
Non
je rentrais chez moi
Pas question que tu téchappes ! Je te garde ! Viens !
Elle a échangé quelques mots avec une vendeuse et ma prise par la main pour mentraîner vers lescalier au fond de la boutique.
Et elle ma raccompagnée chez moi
elle me tenait le bras dans la rue et dans le bus, croisait ses doigts aux miens dans lascenseur.
Elle a enlevé son manteau quand jenlevais le mien et sest déchaussée comme moi. Elle riait, la tête penchée sur son épaule et sourcils levés :
Tu continues ?
Elle riait en se mordant la lèvre, les doigts sur les boutons de son gilet de laine.
Ma veste de tailleur et son gilet.
Encore ?
Elle tapait du bout dun doigt le bouton de son chemisier entre ses seins en mordant son rire à pleines dents.
Son chemisier et le mien. Elle attendait en riant
Ma jupe et son pantalon. Elle riait encore quand jai enlevé mon collant.
Moi aussi je riais, en culotte et soutif au milieu du salon, une fille aussi peu habillée que moi à deux mètres devant moi dont je ne connaissais même pas le prénom. Elle était sublime dans ses petits dessous blancs, presque intimidante, fine liane à la peau dorée.
Cest elle qui a petits pas sest approchée de moi et a pris mes mains, ses petits seins contre les miens quelle jouait à bousculer et chatouiller de ses dentelles. Je vous ai dit ses cheveux et ses yeux. Elle a un grand sourire souvent qui étire ses lèvres brunes et soulève ses pommettes, les traits fins hérités dune mère vietnamienne comme sans doute le soyeux de ses cheveux si noirs.
Encore ? Que je vous en dise plus ? Pour ça il faudrait que vous dise après, quand jai jeté ses dentelles et les miennes au pied du lit
non mais ! Espèces de voyeurs !
Bon, daccord ! Mais une autre fois
je vous ai retenus assez longtemps aujourdhui !
Et puis vous savez pas ? Vous vous mettez un CD dAdèle, vous cherchez « Someone like you »
Lucie, elle est belle comme ça
et cétait beau comme ça
« « Je vous dirai la suite
la prochaine fois !
Souvenez-vous, tout au début : 1ère partie
cest donc quil y en a une seconde ! » »
Misa 08/2014
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