Confession... Intime (1Ère Partie)
Sur Isabelle a le cur qui bat la chamade. Elle marche seule dans les couloirs du couvent. Elle a besoin de l'être, seule. Elle n'aura l'âme libérée et le cur léger que lorsqu'elle se sera confiée. Il n'y a qu'une personne en particulier à qui elle peut parler. Personne d'autre ne la comprendrait. Elle en est sûre. Pire encore
Si on l'écoutait, on la jugerait. Ce n'est pas une certitude, certes. Mais connaissant les autres surs
Certaines d'entre elles n'en ayant la langue dans la poche
Il valait effectivement mieux qu'elle prenne rendez-vous avec le père Antoine pour une confession
Et là, le moment approche
Sur Isabelle s'efforce de garder la tête haute, le port altier. Elle a conscience que c'est un poids lourd qu'elle a envie de s'ôter de la poitrine en allant à confesse. Elle ne peut pas s'empêcher de penser
et de repenser à ce qu'elle va dire au père Antoine, comment elle va agencer sa confession
Elle ne peut pas s'empêcher d'anticiper ce qu'elle va ressentir sur le moment après coup
Elle est confuse, en réalité, sur Isabelle. Ce qu'il va se passer à l'issue de l'heure qui va venir aura probablement des incidences, des conséquences sur la suite de sa vie de religieuse au couvent. Et pourtant
Elle est pragmatique. Elle sait qu'il faut qu'elle parle, qu'elle exorcise son âme. Ce qui va être
compliqué, ce n'est pas tant d'avouer ses pensées
charnelles. Non
Le plus dur dans tout ça
C'est que l'objet de ses lubies
sera
de l'autre côté du confessionnal. Cependant, dans tout ça, il y a une donnée qui rentre en ligne de compte inconnue
et non des moindres. Quid du père Antoine?
Sur Isabelle est ce que l'on appelle aujourd'hui une «femme mûre». Elle a une quarantaine d'années. Pour être tout à fait honnête, elle se rapproche lentement
mais sûrement de ses cinquante ans. Elle n'en reste pas moins une jolie femme, pourtant. Elle a les cheveux longs, d'un noir de jais ténébreux. De par le fait qu'elle soit devenue religieuse, elle porte une coiffe blanche et ça fait que l'on ne voit que très peu sa chevelure.
Sur Isabelle a décidé de devenir religieuse après que son mari soit décédé dun cancer généralisé foudroyant, alors quil avait lui aussi la quarantaine. Ils navaient pas d et Pascal représentait é-nor-mé-ment pour elle. La perte soudaine de son mari a causé à Isabelle un chagrin inconsolable. Elle navait pas perdu uniquement son mari dun seul coup. Pascal avait été à la fois son meilleur ami, son confident, son époux, son amant. Sa mort avait eu des conséquences inimaginables sur la vie de Isabelle. Ça lavait détruite. Toute gaieté, toute flamme, toute espièglerie avait disparu. Tout ça, ça avait laissé la place à un cur vide, une vie désormais dénuée de toute saveur. Sans Pascal, Isabelle ne se reconnaissait plus. Elle navait plus été que lombre delle-même. Elle savait cependant quelle serait incapable doffrir à un autre homme le même amour passionné quelle avait donné à son feu mari. Cest pourquoi elle a décidé de devenir religieuse et doffrir son temps et son énergie à la communauté, de se découvrir à Dieu, après un certain temps et grandes réflexions.
Sur Isabelle arpente les couloirs de ce couvent quelle connaît à présent à la perfection. Il ny a plus une pièce, plus un couloir qui soient inconnus. Elle sy sent comme un poisson dans leau. Elle se sait désormais à sa place. Cest le seul endroit sur Terre où elle se sent bien, où elle juge être utile. Bien que Dieu soit aujourdhui son seul et unique amour, il lui arrive de temps en temps davoir des souvenirs de son passé, de ses années de mariage qui remontent à la surface. Le temps avance, bien sûr. La vie de sur Isabelle a également évolué, changé. Mais la mort de Pascal reste une cicatrice qui ne se refermera jamais. Cest comme ça. Elle le savait. Et, qui plus est, à lheure actuelle, personne au sein de la communauté des surs ne sait quelle sapprête à se confesser. Ça va être la toute première fois. Dautant plus que la raison pour laquelle elle va le faire
cest son grand secret. Malgré les souvenirs qui la lie encore à son mari décédé, son travail de deuil se fait petit à petit. Mais il se fait dans le plus grand secret. Personne na, ne doit savoir. Après tout, cest personnel. Cest sa blessure, sa cicatrice à ELLE. Il ny a quelle que ça regarde. Cependant, là, ce nest pas ce qui la turlupine. Si elle va se confesser, cest quil y a une bonne raison. Si elle avait eu lesprit léger, elle aurait fait autre chose, à commencer par continuer de participer à la vie quotidienne de la communauté des surs. Alors que là
Elle se rend au confessionnal parce que ça ne peut plus tout simplement continuer comme ça. Ce nest pas
bien! Le pire, cest quelle va parler
à lhomme
qui occupe désormais ses pensées, son cur
Depuis quelle a intégré le couvent, sur Isabelle nest pas non plus un modèle parfait dexemplarité, ce serait exagéré de la définir ainsi. Néanmoins, elle met son énergie, sa foi, son temps au service du couvent. Elle est ponctuelle pour la messe ainsi que pour les heures de prière.
Elle ne pensait pas qu'un autre homme lui ferait tourner la tête, perdre la raison. Pendant des années et des années, son mari avait été le seul homme qui comptait pour elle. Pascal avait été là chaque jour. Dans son corps. Dans son cur. Dans sa tête. La douleur avait été inimaginable quand elle avait appris que l'homme de sa vie avait fini par succomber au cancer dont il était atteint depuis quelques mois. Son état de santé s'était brusquement aggravé et il avait dû être hospitalisé. Malgré l'attention et les soins des aides-soignants, des internes et du cancérologue de l'unité, Pascal avait fermé les yeux pour toujours une nuit. Sur Isabelle s'en souviendra pour toujours, de cette maudite nuit.
Vêtue de sa tunique noire et de sa coiffe, elle a chaud. Et ce n'est pas dû uniquement au fait que les jours sont beaux ces temps-ci et que le soleil est au rendez-vous. Le cur de la religieuse bat à toute vitesse dans sa poitrine. Plus elle se rapproche de la pièce où le confessionnal a été disposé, plus elle appréhende. C'est un saut dans l'inconnu. Une sorte de saut de l'ange. Son cur pulse intensément. Sur Isabelle est comme une pile électrique. Elle sait que c'est bientôt l'heure et qu'elle n'a plus que quelques mètres à parcourir.
Un coup dil furtif à l'horloge située sur le mur, bien en évidence en hauteur
Là.
Sur Isabelle s'efforce de garder son calme, malgré tout. Elle sait que ce n'est pas un moment agréable qu'elle s'apprête à vivre. Mais
voilà
Elle doit passer par-là. D'ici une heure, son esprit sera plus léger.
Elle connaît le père Antoine
Comme elle, c'est quelqu'un qui veille à ce que les choses soient bien réalisées. De plus, l'homme n'est JA-MAIS en retard. Et là, il n'y a pas un bruit dans la salle. Elle a beau vouloir rester calme, sur Isabelle
Elle aurait quand même entendu du bruit, ne serait-ce qu'un son, histoire de lui signifier qu'il était là et que c'était l'heure de la confession
Là, pas un bruit. Ni une, ni deux, ponctuelle comme elle est, elle se résout à pénétrer dans le confessionnal. Elle rend la main droite vers la poignée de la porte du mobilier religieux. C'est
plus sombre, à l'intérieur. Là. Elle s'assied sur l'agenouilloir en bois en cèdre. 5
4
3
2
1
Ça va bientôt commencer
Sur Isabelle s'efforce à se détendre. Dans son esprit manichéen, il n'y aurait de pire si elle stressait, si elle bafouillait dès le début de sa confession. Or, il faut que son discours reste construit, fluide. Pour se changer les idées, elle observe le mobilier. La partie dans laquelle elle se trouve est exiguë. Avec un minimum d'imagination, le compartiment où le prêtre se placera a probablement les mêmes dimensions. Une fente, de petite taille et percée de petits trous, est sur la plaque qui sépare les deux côtés
Un bruit extérieur la sort de ses pensées. Elle entendu une porte que l'on ouvre. Il n'y a pas de doute possible. Le père Antoine vient d'entrer à son tour dans l'isoloir.
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