Etudiantes -5/6
5ème partie (5/6)
« « Agnès et Marion
vous devez commencer à les connaître ! En tout cas vous devriez parce que le chiffre 55 saffiche en bas de cette page sur mon PC !
Alors, vous dire lavant ? Non ! Ceux qui naiment nont pas ouvert, ceux qui aiment savent déjà ! Alors rien de lavant ! » »
Agnès
Je me suis calmée. Sans bien men apercevoir, dailleurs. Cest Marion un jour qui me la dit. Je ne rentrais plus aussi vite à lappartement après les cours pressée de me déshabiller pour lattendre, moins exigeante envers elle. Je crois que mon état dexcitation permanente venait de la nouveauté, denvies trop longtemps refoulées, mais aussi de mon inquiétude, inquiétude de mes formes que je naimais pas, inquiétude de continuer à lui plaire. Jexagérais, jétais excessive par peur de la perdre.
Calmée. Comment, pourquoi
je ne sais pas trop. Sans doute parce que je me suis un peu réconciliée avec moi-même : le regard de Marion, le quotidien avec elle, le regard des autres, Jérémy, ce garçon de la fac qui le premier mavait draguée.
Lui était timide et moi je ne savais pas trop quoi faire de ses attentions. Et en fait il ne me plaisait pas vraiment. Oh, il était gentil ! pas de problème, mais il ne réveillait rien en moi. Pas denvie. Il a fini par sapercevoir quil narriverait à rien, sans quon nen ait jamais parlé franchement, et les autres garçons et filles de notre petit groupe sen sont aperçus aussi. Ça les amusait de le voir séver de mille manières à me plaire et de me voir le tenir à distance. Mais quun dentre eux sintéresse à moi a eu un côté positif : lintérêt des autres sest réveillé. Je nétais plus celle qui ne parlait que très peu, restait à distance et qui les abandonnait dès la fin des cours, celle qui sisolait. Je les accompagnais au café après les cours, une ou deux fois au cinéma, un anniversaire. Bien sûr, il y avait des réflexions, parfois amusantes et dautres fois moins, mais ce qui avant maurait vexé et maurait fait fuir jarrivais à en rire avec eux et même à répondre à quelques sarcasmes qui auparavant mauraient fait pleurer.
Et puis, cest un peu bête, mais je me suis mise à regarder à quoi ressemblaient les autres filles, et finalement, je ne me trouvais pas si mal ! Bien sûr javais quelques kilos à perdre
mais ça allait plutôt bien.
Que Marion me le dise avait son importance, mais les coups dil que quelques garçons me jetaient, que je naurais pas vus quelques semaines plus tôt, faisaient aussi leur effet.
Autre chose aussi avait changé le regard des autres sur moi : le baiser sur mes lèvres que quelques-uns ont surpris un jour où Marion est venue me rejoindre au restau universitaire. Cest juste après ça que Jérémy a arrêté de me poursuivre de ses assiduités, mais après ça aussi que les autres garçons, curieusement, me regardaient dun il plus gourmand, et les filles dun regard entendu.
Ce baiser quelle ma donné en public, chose très rare pour elle, ma finalement conféré un statut très particulier dans notre petit groupe.
Marion ne ma jamais dit si elle avait fait exprès, mais le petit sourire en coin quelle avait quand je lui ai posé la question était assez clair.
Marion
Cétait un peu pénible. Ça va mieux. Agnès sest calmée. Certains jours ça mamusait, et dautres ça magaçait au point de ne pas avoir envie de rentrer. Quelle se promène en permanence les fesses à lair dans lappartement, ma foi, je suis un peu pareille, alors pas de souci. Mais moi, cest parce que je me trouve mieux en petite tenue ! Elle, cétait pour se montrer ! Pas de lexhib, non : un appel, une attente, montrer quelle était prête, quelle attendait mes caresses.
Voir ses fesses, ça me plaisait assez, mais ses regards, ses joues rouges, ses yeux noyés, ses soupirs, ses mains tremblantes sur ses cuisses quelle serrait fort pour se retenir de se toucher, cétait insupportable ! Une obsédée ! Pendant un temps elle tournait carrément nymphomane ! Et puis, en peu de temps, fini.
Notre vie commune à lappartement est devenue plus agréable.
Au bureau cétait un petit peu plus compliqué, parce que jétais en terrain inconnu. Depuis lâge de quinze ans, javais lhabitude déchanger ce dont javais besoin contre mes faveurs : avec les pions au lycée, parfois avec un employé de magasin, avec les employeurs que je trouvais pour de petits boulots. Depuis que je travaillais au Cabinet davocats , bien sûr il y avait eu la première soirée avec Maitre D. et Laurence, et javais cru que ce serait là comme partout avant, que je ne garderais mon travail quà condition de participer à leurs soirées spéciales et de donner de ma personne, mais en fait pas du tout.
Le jour où je suis allé le voir dans son bureau pour le remercier des vêtements que Laurence avait payés avec la carte du Cabinet, Maître D. a remarqué que je nétais pas très à laise. Je ne me souviens pas des termes exacts quil a employés, mais il a dit que cette soirée était très exceptionnelle «
le Champagne a parfois des effets curieux ! Je nen rais plus en votre présence, promis ! ». Il nétait pas vraiment gêné, il en riait, mais à son attitude et son ton, jai compris quil sexcusait pour cet épisode. Il sest inquiété du travail que je faisais, de mes cours à la fac en me proposant son aide pour le droit pénal.
Tout à la fin, avant que je ne quitte son bureau, avec un drôle de petit sourire, il ma aussi demandé si je mentendais bien avec Laurence «
vous avez sans doute compris que ses manières abruptes cachent sa fragilité, elle vous apprécie beaucoup
». Il savait.
Ce quil a ajouté après était beaucoup plus surprenant «
tout le monde ici est tombé sous votre charme
», juste avant de minviter, avec un regard appuyé et un sourire, à solliciter son associé, Jean-François, spécialiste de droit commercial que justement jétudiais à ce moment-là.
Je pourrais taider, tu sais. Alors nhésite pas. Il faut bien que travailler chez nous ait un avantage. Le travail que tu fais pour nous est utile, mais à toi ça ne tapporte rien !
Mon loyer, ce que je mange, les habits que je porte
Oui.
Cest Maître D. qui vous la demandé ?
Non. Non, jy ai pensé tout seul. A vrai dire, cest moi qui lui en ai parlé. Tu travailles chez nous, il me semblait quil était naturel de te le proposer.
Naturel
vraiment
Marion, allons ! Je nai rien à voir avec
Avec ? De quoi parlez-vous ?
Bon, désolé. Je te propose de travailler tes cours. Tu prends ou pas. Je ninsiste pas.
Jy penserai !
Mon problème, cest que je le trouvais plutôt sympa. Et quil me plaisait bien. Les types sympas, jai pas lhabitude. Si je lavais croisé dans un bar où jallais de temps en temps quand la compagnie dun homme me manquait, peut-être
un peu jeune
Marion mavait avoué que plusieurs fois elle mavait suivie, pour savoir, par curiosité. Javais cru deviner plus quelle navait dit : un peu de jalousie, sans doute parce quelle mavait suivie plusieurs fois. Pour de la simple curiosité, une seule fois aurait suffit, non ? Elle voulait savoir pourquoi cétait toujours des hommes mûrs, dans la quarantaine. Bonne question. Dont je nai pas la réponse, si ce nest que cest eux que jattire le plus facilement avec mon air de gamine. Ce nest pas très net de leur part dêtre attirée par une fille qui a cet air-là, et après une soirée, ils me fichent la paix, disparaissent, un peu honteux. Lui na même pas trente ans. Jai vérifié dans les dossiers de Laurence.
Jean-François ne correspond pas à cette catégorie des dragueurs de gamines pour un soir, jen suis sûre, mais je ne sais pas à quelle catégorie il appartient. Je ne sais pas où je mets les pieds, avec lui. Maider pour mes cours
peut-être que ce nest que ça.
Jai été un peu sèche avec lui, je sais bien. Il avait lair déçu, et en colère ? Et puis ça mavait énervée quil ait dit « je nai rien à voir avec
». Pour le coup, quil soit au courant, ou quil ait deviné, pour la soirée avec Maître D., Laurence, ça membêtait.
Ne pas savoir, ne pas maîtriser
embêtant !
Jai mis un mois à me décider, après beaucoup dhésitations. Trop dorgueil ? La trouille ? De quoi ? Je suis allé le voir un soir, mon cours sous le bras, le cours que javais dans mon sac depuis plus dune semaine. Comme une imbécile, je serrais mon classeur dans mes bras et pas un mot ne sortait.
Il ma pris le classeur des mains, a feuilleté mes cours, longtemps, avant de me les rendre. Il a fouillé des yeux la masse de dossiers qui sempilaient le long du mur, en a choisi un.
Il a décrit laffaire, la manière dont il lavait traitée, ses conseils à notre client, le jugement rendu.
Laurence est venue vers 19heures nous dire quelle partait et nous souhaiter bonsoir.
Il parlait. Moi, tantôt jécoutais, tantôt je regardais ses mains. Il a de belles mains, des doigts fins, longs, soignés. Le rapport avec mes cours ? Sur le moment, je voyais pas vraiment.
Marion ? Tu mécoutes ?
Oui ! Oui, bien sûr
Bien. Tu travailles ici demain, je crois ? Je parlerai à Laurence, quelle te libère un peu. Tu tinstalleras dans la salle de réunion : tu rédiges un résumé de laffaire, et tu notes en marge tous les éléments de cours qui éclairent les décisions. Daccord ? On verra le résultat demain soir.
Daccord, mais, vous savez, je suis quen deuxième année
Et alors ?
Euh
rien. Je ferais.
Bon sang ! 20h30 ! Ta copine doit tattendre ! Désolé !
Je crois quelle sortait ce soir, un ciné ou un truc comme ça, je sais plus, jai pas fait attention.
Pourquoi jai inventé ça ? Aucune idée ! Cest sorti comme ça. Quest-ce quil savait de ma copine, dabord ? Jétais bien sûre den avoir jamais parlé avec lui
ou au restau, peut-être, javais parlé delle ? Il sen souvenait ?
On peut manger à la brasserie du coin
Je tinvite, ten fais pas.
parce que javais haussé les sourcils ? Eu lair embêtée ? Il a cru que cétait pour le fric du repas. Il avait lair gêné
Il est tard, cest
mais
comme tu veux !
Ça va, ok. Mais vous ?
Personne ne mattend, et
ça me fait plaisir.
Pas lhabitude, mais quand même
il avait un drôle dair. Un sourire brusque quand javais dit oui, son air emprunté, comme timide
il se passe quoi, là ? En sortant, la porte quil me tenait, sa main, je lai vu hésiter à poser sa main sur mon épaule, et son retrait, mon sac quil a pris pour le porter avant que je le prenne et quil portait dans la rue sur son épaule, la porte quil ouvrait devant moi en arrivant à la brasserie
Cétait gentil, mais cétait
bizarre ? Oui, un peu gênant
et bien agréable.
Quand jy repense maintenant, quelques mois plus tard, je crois bien que cest la première fois de ma vie que je me suis sentie femme.
Cest con, hein ? Pourtant cest ça.
Je me sentais toute drôle, et toute fière de ces petites attentions, de son sourire.
Il y a eu des silences. Des questions, discrètes, effleurées. Et il faisait des efforts, il était amusant. Et puis ses regards ! Jétais un peu
troublée ? oui, troublée, mais jai bien fini par mapercevoir des regards quil me jetait quand il croyait que je regardais ailleurs. Il me draguait pas vraiment, non, pas comme jen avais lhabitude, mais ça marchait ! Je me sentais bien, je me sentais
flattée, agréablement flattée, importante ! Il mécoutait, me parlait.
Oui, je me sentais femme. De son regard et du regard de ceux qui mangeaient aux tables à côté.
Je me souviens aussi de mêtre plusieurs fois traitée didiote au cours de la soirée, « remets les pieds sur terre, tes conne, te raconte pas dhistoires » et puis le plaisir dêtre là avec lui reprenait le dessus.
Il a tenu à me raccompagner jusquau pied de limmeuble. Il hésitait à comment me dire au revoir. Moi jai pas hésité.
Un de ces moments où je me traitais pas didiote comme souvent au cours de la soirée et où jétais sur mon petit nuage, comme souvent aussi ce soir-là.
Presque comme un réflexe je me suis avancée pour lui faire la bise
il serrait mon bras dans sa main, une hésitation
On a vu ça cent fois au cinéma ! et cent fois on a souri en regardant, cent fois on sest dit « cest du ciné, cest pas comme ça dans la vie ! », eh ben, la vie cest aussi con que le ciné, des fois ! Un baiser tout léger tout timide, et on devait tous les deux avoir lair vraiment bête après !
Muets, surpris, scotchés, ravis
cest dans ces moments-là quon a des étoiles dans les yeux ? Moi je sais pas, et lui non plus je sais pas
déconnectée !
Ce que je sais, cest quil embrasse bien. Ça veut rien dire, daccord, bien embrasser ! Juste pour dire que cétait vachement bon ! Vous savez aussi, non ? comme si on avait pleins de petites aiguilles plantées partout qui font frissonner, le corps tout chaud et les pieds qui touchent plus par terre
vous savez bien !
Et puis sa main sur ma joue après et son sourire et ses yeux tout grands.
Il est parti, sa main qui glissait sur ma joue, à reculons quelques pas
et ma tourné le dos. Il souriait grand et moi aussi
Eh ! Tu me rends mon sac ?
Il est revenu, vers moi, ma mis le sac dans la main et a pris mon visage dans ses mains pour un baiser très vite sur mes lèvres avant de partir.
Moi je suis restée sur le trottoir à le regarder partir, mon sac serré à deux bras contre moi. Le faire monter ? Jy ai même pas pensé, et cétait trop bien comme ça ! Et puis Agnès était pas au ciné ! Et ça, jy pensais pas non plus.
Agnès
Je me souviens quelle est rentrée tard ce soir-là, parce que justement cétait le soir où javais tellement de choses à lui raconter !
De ce qui était en train de lui arriver, je nai rien vu ni ce jour-là ni les suivants.
Jétais trop occupée de moi-même à cette période pour relever les petits signes qui pourtant saccumulaient. Elle était plus distante et plus tendre en même temps, encore amante, mais moins souvent, plus amie, dun quotidien apaisé.
Jai cru que ce nouveau climat entre nous venait de moi, et je nai pas fait attention à elle, à ce qui lui arrivait. Je nai vraiment compris que quand elle a décidé de men parler, deux mois après cette soirée.
A cette époque, cétait en février, deux mois avant les premiers partiels, il marrivait trop de choses pour que je sois attentive à elle, et pour être honnête, je ne crois pas lavoir jamais été : une sale égoïste ! Avoir refoulé tant de choses si longtemps et découvrir avec elle la liberté du sexe mavait entièrement occupée.
Ce soir-là, il était tard et je lattendais. Pas inquiète delle, juste embêtée quelle ne soit pas là pour mécouter ! Idiote !
Tu devineras jamais ! Jonathan ! Il me drague ! Moi !
Un autre ? Quel succès !
Te moques pas
Dis
comment je fais ?
Comment tu fais quoi ? Je comprends pas !
Ben
sil veut le faire
avec moi
Et toi ? Ten as envie ? Ça serait naturel, tu sais, quand deux personnes se plaisent, quelles saiment
Tu vas me dire que tu les aimais tous ?
Euh, non
mais cest mieux, non ? Et puis les choses changent !
Bon, mais quand on en a envie
et puis après
toute seule, sans toi
Tu mas déjà demandé Agnès ! Et je tai dit ?
tas dit non
mais
Tes une grande fille ! Tas envie dun mec, tarriveras bien à lui faire comprendre !
Mais jai jamais fait, moi
Il y a toujours une première fois ! Et puis ton Jonathan, il saura quoi faire, ten fais pas !
Je voudrais pas avoir lair dune cruche
Parce que tu crois que si je te tenais la main ça serait mieux ? Agnès !
Ça lui plairait peut-être
et puis il est pas mal, tu
Eh ! Arrête ! Tu te fais un film, là !
Je me doutais bien quelle dirait non. Pourtant, après ce quil sétait passé avec Laurence, toutes les deux avec elle, javais imaginé la même chose avec un mec. Ça maurait rassurée. On en avait un peu parlé avant, enfin, moi, jen avais parlé.
Ce soir-là, sur le coup, jétais vexée. Pas de sa réponse, plutôt de son ton détaché, un peu moqueur, et puis jaurais voulu quelle soit jalouse
Cest parce que jétais fâchée que pour lembêter, vengeance stupide :
Si cest pas toi
Oui ?
Cochonne comme elle est, Laurence serait peut-être daccord pour me tenir la main, elle !
Je lui en parlerai, si tu veux.
Ce nétait pas du tout la réponse que jattendais delle. Les larmes me sont montées aux yeux. Les mots avaient fusés, secs et en même temps indifférents. Je me suis sentie rejetée et
cest pire, je sais, je men souviens très bien, excitée ! Moi et Laurence, et Jonathan
les images venaient, je me souviens.
Je ne my attendais pas vraiment, mais elle la fait ! Elle lui a parlé.
Cétait une semaine plus tard. Mon père mavait envoyé un peu dargent pour macheter des fringues et Marion avait dit quelle viendrait faire les magasins avec moi. Je devais la retrouver à la sortie de son travail
Tu mattends depuis longtemps ? Taurais dû entrer ! Désolée, Agnès, je peux pas taccompagner, jai encore des trucs à faire ce soir. Mais jen ai parlé à Laurence, elle aimerait venir avec toi ! Et tu te souviens, elle est de bon conseil ! ça marche ?
Laurence attendait sur le pas de la porte. Aussi froide et distante daspect que la première fois où je lavais rencontrée au Cabinet, intimidante, et en même temps javais à lesprit, notre seconde rencontre, dans notre appartement le jour où Marion et elle avaient fait les magasins. Cest en pensant à elle dans son body ridicule et à ce qui sétait passé ensuite que je lai observée dun autre il
ses épaules crispées, les doigts blanchis sur les anses de son sac à main quelle tenait à bout de bras devant elle, le tic nerveux au coin de ses lèvres
je vous ai dit que je métais calmée à cette époque, moins obsédée que quelques mois plus tôt
mais là, sur ce trottoir devant le Cabinet, tout ce que Marion mavait raconté delle, tout ce que je lui avais dit moi sur ce que je soupçonnais du caractère de cette femme, les circonstances de notre dernière rencontre, tout mest revenu en une seconde
Je savais ? Non, bien sûr que non ! Je ne savais pas ce qui allait suivre. Mais je lattendais, je lespérais, jétais prête.
Et jai cru deviner au sourire bref et tremblant, vite effacé, quelle a eu quand jai glissé mon bras sous le sien, quon avait certainement les mêmes attentes.
Parce que Marion mavait raconté ses essayages avec elle, parce que javais en tête ce que javais imaginé de son caractère, déjà dans la voiture je métais fait tout un film.
Elle sest garée au parking sous la gare Montparnasse et on a traversé le parvis vers les Nouvelles Galeries.
Ce que Marion avait osé, se mettre nue pour essayer des dessous en gardant le rideau ouvert pour Laurence, moi, je nai pas osé, ni lui proposer des dessous coquins, mais jai essayé beaucoup de pantalons et de jupes, le plus souvent je laissais le rideau entrebâillé, et souvent nos regards se croisaient.
Tu as un peu de temps ? Je toffre un thé ?
Elle ne lavait pas dit, mais cest chez elle quelle ma emmenée.
Elle a posé un plateau chargé de nos tasses et dune théière fumante sur la table du salon et ma laissée seule un instant. Elle sétait changée. Plus de tailleur et de chemisier griffé, plus de petit foulard autour du cou. Elle avait revêtu un long peignoir de soie imprimé de fleurs de lotus et de dragons. Les traits figés et le regard perdu, elle se tenait immobile devant la table basse.
Quest-ce quil ma pris ? Je ne sais pas. Parce que jai vu cette tenue comme un signal, que jétais perdue dans mes fantasmes, jai parlé sans réfléchir, osant en quelques mots tout ce que je navais pas osé jusque-là, les joues brusquement cramoisies en me rendant compte de ce que je venais de dire et en la voyant figée un long moment bras croisés autour de sa taille
Défais ta ceinture.
Le même sourire fugitif que plus tôt devant le Cabinet, le même tic nerveux qui pinçait un coin de ses lèvres
elle ne me quittait pas des yeux en décroisant ses bras pour dénouer sa ceinture.
Ta culotte.
Me lever ? Contourner la table du salon ? La rejoindre ? Je nétais pas assurée que mes jambes me portent
à la fois honteuse et excitée, grisée de son acceptation silencieuse, la gorge nouée.
Elle a écarté les pans de son peignoir de ses deux mains pour enlever la culotte haute bleu marine assortie à son soutien-gorge. Elle la déposée à côté du plateau où fumait la théière.
Tourne-toi. Enlève ton peignoir.
Je me suis déshabillée. Je me suis caressée. A aucun moment elle ne sest retournée, elle na pas fait le moindre geste. Longtemps ? Aucune idée. Je crois que jai joui assez vite.
Je lai rejointe.
Cest sur la moquette au milieu de son salon à côté de la table où refroidissait un thé que nous navons jamais bu que nous avons passé la soirée.
Jeux de rôles. Chacune notre tour. Je ne sais pas ce que Laurence préfère, moi jai pris plaisir aux deux, celui de celle qui impose, pourtant inconnu jusqualors, et celui de celle qui se soumet à la volonté de lautre, celui que moi je préfère.
Les mots échangés ? Très peu. Presque rien. Ses encouragements quand jhésitais, les miens quand elle retenait ses gestes, quelle craignait de me faire mal.
Ce quà Marion je navais pas osé demander, delle je le voulais. Parce que rien nexistait avant, que nous étions inconnues lune à lautre, sans quotidien partagé, cétait plus simple.
Elle se souvenait de notre première rencontre et de lavertissement de Marion pour protéger ma virginité dalors, et cest moi qui ai dû lui montrer ma nouvelle liberté, mon envie. Jamais Marion navait osé, ou voulu, pousser sa main en moi, cette caresse qui mavait époustouflée quand Laurence était venue chez nous. De Marion, peut-être que jy étais prête. Mais Laurence a des mains plus fortes. Quand jai serré ensemble les doigts de sa main et replié son pouce au creux de sa paume, elle a haussé les sourcils en me dévisageant, ses lèvres mordues.
Jai retenu mes cris, presque jusquau bout, pas mes larmes. Cest aiguillonnée par la question dans ses yeux au début, par la lueur de défi ensuite, puis son air quasi sauvage en marrachant à la fin un cri de douleur que je me suis cramponnée à son poignet pour quelle ne renonce pas, jusquà ce que je sente mon sexe se refermer autour de son poignet.
Je me souviens quaprès elle étouffait mes plaintes de son autre main en me donnant un plaisir encore inconnu, orgasme de violence et de douleur, indifférente à ma morsure sur sa main. Je crois que je laurai frappée si elle avait arrêté tant la sensation était forte.
Javais été surprise et un peu dégoûtée quand chez nous elle mavait tachée dun jet durine quand je lui avais prodigué cette même caresse, mais je nai éprouvé aucune honte en découvrant la moquette humide sous mes fesses quand elle a retiré sa main.
Il était 21h00 passées quand je suis partie. Elle mavait proposé de me reconduire chez moi, mais jai préféré prendre le métro. Elle ma tendu une carte de visite en me disant au revoir dune bise sur la joue :
appelle-moi
si tu veux
Marion
Je savais ce qui se passerait en les réunissant ? Oui et non. Un peu. Organiser cette rencontre était un peu égoïste : je voulais du temps pour moi, les détourner de moi, lune et lautre. Cest mal ?
Quand elle est rentrée ce soir-là, elle avait une tête à faire peur ! les traits tirés, les yeux cernés
et le plus surprenant, elle ne disait rien, ne racontait rien.
Plusieurs fois dans la soirée elle baissait les yeux pour éviter de croiser mon regard.
Une ambiance bizarre.
Elle a attendu quon soit couchées.
Je crois que jai fait une bêtise
tu vas men vouloir
Je vous dirai la prochaine fois. Vous serez là ?
A bientôt !
Misa 10/2014
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