La Baleine Rose (1/2)
Première partie.
Il faisait chaud en ce mois de juin sur le Vieux-Port de Marseille. Le quai des Belges était noir de monde et il aurait fallu se lever de bon matin pour trouver une terrasse de café qui ne fût pas bondée. À lune de celles-ci, près du départ de la navette pour lile du Frioul, se désaltéraient à une table ronde métallique et au dessus de marbre blanc dItalie deux belles femmes dune trentaine dannées. Lune delles était placée dos au bar et pouvait admirer les bateaux aller et venir sur le port. Elle observait sans se priver les gens qui passaient et repassaient devant elle et ne manquait pas de détailler les hommes qui lui paraissaient à son goût. Élancée, brune, élégante, une poitrine généreuse sans être trop lourde dans un soutien-gorge ajouré, Martine avait conscience de son fort pouvoir de séduction. Dans sa mini-jupe, ses jambes croisées sous la table exhibaient le haut de sa cuisse jusquà la naissance de la fesse, car en dehors des strings, elle nutilisait pas dautres sous-vêtements. Son amie lui faisait face en veillant, avec plus ou moins de bonheur, à rester sous lombre relative dun parasol fatigué. Élisabeth était jolie, brune également, mais aux cheveux plus courts. Ce quelle portait était moins recherché, juste un short moulant bleu ciel et un chemisier blanc translucide qui laissait deviner son soutien-gorge. Ses jambes fines, longues et surtout bronzées, lui donnaient lair dune estivante. Après avoir aspiré une interminable gorgée de son diabolo menthe, elle déclara à brûle-pourpoint :
Tu sais que ça fait plus dun an que je nai pas eu un mec dans mon lit ?
Non ! Un an ? Mais tu fais comment alors ? répondit Martine, les yeux arrondis par la stupeur.
À ton avis ?... Mon petit doigt bien sûr ou plutôt celui du milieu, souffla Élisabeth en tendant le médius et en sassurant dun coup dil circulaire que personne ne pouvait entendre ce quelle disait.
Martine pouffa et mit la main sur sa bouche.
Tu ne vas pas en boîte pour draguer ? questionna-t-elle finalement en se rapprochant de son amie.
En boîte ?
Élisabeth se força dun rire sonore et continua, un ton plus bas.
Il y a trois sortes de types dans les discothèques Tine, déclara Élisabeth solennellement. Les plus jeunes qui voient en moi une initiatrice sexuelle ou bien un substitut de leur mère, les vieux qui ont des yeux salaces et des mains partout quand ils dansent et ceux de notre âge qui ne jurent que par leur femme et qui veulent rester fidèles et tout le toutim. Lorsquils viennent tinviter à un slow, cest ment un de ceux-là, conclut-elle, fataliste.
Et alors, tu nessaies pas de forcer le destin ? De tapprocher dun homme que tu nas jamais vu ? Tu nas pas envie de faire des trucs que tu nas jamais faits auparavant ? De te provoquer des poussées dadrénaline ?
Quest-ce que tu veux dire Tine ? répondit Élisabeth, intriguée.
Cest difficile à expliquer, Zabeth, commenta Martine en se repoussant contre le dossier de sa chaise. Pour tout te dire, jadhère à un groupe un peu spécial qui sest constitué sur internet et où tout tourne autour du sexe. Alors on aime ou on naime pas, mais moi, cela fait deux ans que jen fais partie et je ne me suis jamais sentie aussi libérée tout en ayant des orgasmes fabuleux.
Cest un site de rencontres libertines ? Cest ça ? répondit Élisabeth esquissant un geste désabusé de la main.
Pas vraiment, mais cest trop dur à expliquer comme ça, tu risques de te braquer. Je préfère te laisser découvrir par toi-même. Écoute, je vais tenvoyer un mail où jaurai inclus une adresse internet. Clique sur ce lien, visite le site et on se retrouve dans une semaine pour me dire ce que tu en penses. Si tu décides de tinscrire toi aussi, je te donnerais le code nécessaire, sinon, tu supprimes mon message. OK ?
Daccord, je peux toujours aller voir, déclara Élisabeth.
Je te demande la plus grande discrétion en ce qui me concerne
Bien sûr, ma chérie.
La conversation sorienta ensuite sur dautres sujets ; une heure plus tard, les deux femmes se levèrent et partirent dans la même direction. Martine habitait vers la place Castellane et, après une bise sonore, Élisabeth remonta le boulevard Baille pour la rue François Arago où elle résidait. Cette promenade lui libérait lesprit et lui permettait de réfléchir à la proposition de Martine quelle avait du mal à imaginer.
*
Quelques jours plus tard, Martine, un vin rosé de Cassis à la main, sonnait à la porte dÉlisabeth. Cette dernière ouvrit, un large sourire aux lèvres.
Ah, ça tombe bien, avoua-t-elle en prenant la bouteille, je navais plus dapéro.
Après la bise rituelle, les deux femmes se retrouvèrent assises sur le canapé. Sur la table basse devant elles trônait un ordinateur portable entre les deux verres de vin que la maîtresse de maison avait remplis. Martine désigna le PC en ajoutant :
Alors ? Tu as été voir mon site ? Quest-ce que tu en penses ?
Écoute, je suis assez mitigée. Je nai pas trop compris le but de laffaire, et encore moins pourquoi cela sappelle la « Baleine Rose ». Je ne suis pas allée plus loin et javoue que je préfèrerais que tu mexpliques.
Martine séclaircit la voix et prit une gorgée de rosé.
Comme tu veux. Dabord, est-ce que les noms de « défi de la baleine bleue » ou « bluewhale challenge » te disent quelque chose ?
Sur un signe négatif de son amie, Martine continua.
Le « bluewhale challenge » est un jeu, si on peut appeler ça un jeu, qui a vu le jour en Russie. Celui qui sinscrit sengage à réaliser cinquante défis successifs particulièrement dangereux qui lui sont imposés par le site. Le cinquantième et dernier doit être la mise en scène de son propre suicide.
Mais cest affreux ! sécria Élisabeth.
Oui Zabeth, tu as mille fois raison, cest horrible.
Mais Tine, quel rapport avec la « Baleine Rose » alors ?
Dabord, le nom a été calqué sur le sinistre « bluewhale challenge ».
Si je minscris, je pourrais aussi être la tutrice de quelquun dautre ?
Oui, mais seulement quand tu auras accompli les six premières épreuves.
Ah ? Et tu as combien de points toi ?
Un peu plus de treize mille
Mais en quoi consistent ces défis ?
Le mieux est que tu tinscrives. Tu choisis ton challenge, tu as un mois pour réfléchir si tu le réalises ou non. Si tu ne fais rien, tu seras radiée doffice et on en parlera plus, mais je te jure que si tu le fais, ta vie sexuelle en sera transcendée.
Mais je pourrais dire que jai terminé lépreuve sans que ce soit vrai ?
Bien sûr, répondit Martine. Mais cela naurait aucun intérêt. Cest un jeu, un véritable jeu. Ce nest pas le résultat qui est amusant, cest le jeu lui-même.
Oui
Bon daccord, je minscris, mais je te préviens, si ça ne me plait pas, jarrête, fit Élisabeth.
Martine sourit en plissant les yeux.
Cest drôle, cest exactement ce que jai dit à mon tuteur le jour de mon inscription.
Parce quil y a des hommes aussi ? sétonna Élisabeth.
Nous ne sommes pas seules à vouloir nous amuser. Les défis sont naturellement adaptés.
Les formalités dadhésion furent rapides et Martine donna un code à Élisabeth pour justifier de sa référente. Un écran apparut composé de six boutons : 50 100 250 500 1000 2500 points, plus un bouton « Annuler ».
Tu nes pas obligée de choisir tout de suite, fit Martine, mais si tu ne le fais pas, tu ne sauras pas en quoi consistent les épreuves.
Daccord, jy vais.
Élisabeth positionna le curseur de la souris sur le bouton marqué « 50 points », ferma les yeux et cliqua. Elle rouvrit les yeux, lécran était balayé par des motifs psychédéliques puis un son se fit entendre. Le texte suivant apparut sur un fond rose en même temps quune voix synthétique lisait :
« Vous devrez vous rendre dans un cinéma. Vous porterez soit une jupe courte soit un short, mais pas de collant. Au cours de la séance, vous baisserez short et culotte sur les chevilles, ou vous remonterez la jupe, la culotte toujours sur les chevilles. Vous vous masturberez jusquà lorgasme. Quand ce sera fini, vous ne vous rhabillerez quà la fin de la séance. Ensuite, vous pourrez partir. »
Mais cest complètement dingue ! sindigna Élisabeth.
Oui, je sais, fit son amie. Ça fait toujours ça au début. Mais réfléchis, tu veux un peu de piment dans ta vie sexuelle oui ou non ?
Oui
Bien sûr
mais là
Raisonnons un peu. On te propose de te caresser en public dans un cinéma. Si tu vas voir un film dart et essai, ça fera tache, jen conviens ; en revanche, si tu vas dans un ciné porno, ça passe et je suis certaine que sil y a des spectateurs, ils ne seront pas du genre à appeler la police des murs !
Ah, oui, je navais pas pensé à ça.
Il y a un cinéma de ce genre près de chez moi, dans une impasse de lavenue de Toulon. Si tu le souhaites, je taccompagne, mais je resterai loin de toi.
Je veux bien. Ta présence, même lointaine me rassurera.
Martine sempara de lordinateur et regarda le programme du Rexor, puis se tourna vers son amie.
Nous sommes dimanche. Il y a une séance mardi à 16 h. Mardi, dans laprès-midi, il ny a pas trop de monde, daccord comme ça ?
Mooui
fit timidement Élisabeth.
Alors, trinquons à la nouvelle recrue ! conclut Martine en levant son verre.
*
Le mardi en question arriva un peu trop vite pour Élisabeth. À partir de midi, elle navait plus dyeux que pour la pendulette du salon qui marquait les heures et les demies dun son cristallin. Plus tard, elle passa un mini-short qui laissait voir la naissance de la fesse et sortit retrouver son amie avenue de Toulon. Elles prirent leur billet en même temps à la caisse du cinéma ; le titre du film était « Partouze chez les nudistes » ce qui fit rire Élisabeth et la destressa un peu. La salle était presque vide et, comme convenu, les deux femmes se dirigèrent chacune dun côté de lallée centrale. Élisabeth choisit une rangée entièrement libre et sassit sur lavant-dernier siège avant le mur. Le film, qui nétait interrompu par aucune publicité ni aucun entracte, débuta sur le gros plan dun pénis en érection quune main féminine caressait doucement. Au loin, on devinait le sable et la mer. Ceci capta lattention de la jeune femme malgré elle et machinalement, elle glissa ses doigts entre ses cuisses serrées. Au fur et à mesure que lhistoire avançait, Élisabeth sentait son sexe se détremper et la cyprine sinfiltrer désagréablement entre ses fesses. Elle se souvint soudain pourquoi elle était là. Décidée, elle examina les alentours, la salle était restée pratiquement déserte. Elle tenta dapercevoir Martine, mais ne put la repérer. Elle dégrafa sa ceinture, baissa la fermeture éclair de sa braguette et dun seul geste, descendit short et culotte sur ses chevilles. Elle se redressa le cur battant, les cuisses écartées, les poils pubiens plus ou moins éclairés selon les scènes qui se déroulaient devant ses yeux. Elle glissa le majeur entre ses lèvres mouillées, le fit pénétrer au maximum et le ressortit passablement visqueux. Elle recommença en y ajoutant lannulaire et poussa un petit cri de bien-être. Quelques mouvements de va-et-vient plus tard, elle sollicita à nouveau le médius et titilla son clitoris avec vigueur. Sans sen apercevoir, Élisabeth ahanait en cadence. Elle distingua soudain une ombre qui sapprochait et qui sassit à trois sièges delle dans la même rangée. Cétait un homme et, affolée, elle dissimula son sexe de ses deux mains. Voyant que celui-ci ne faisait apparemment pas attention à elle, Élisabeth reprit de plus belle sa masturbation et se remit à souffler comme une forge. Arriva ce qui devait arriver, un orgasme violent envahit la jeune femme et elle couina tant et si bien que quelques regards se tournèrent vers elle, à commencer par celui de son nouveau voisin. Elle termina son spasme voluptueux en se mordant le poing pour ne pas crier plus fort tout en observant lhomme assis dans sa rangée. Essoufflée, Élisabeth garda les jambes écartées sans remettre ses vêtements et savoura cet exhibitionnisme dont elle ignorait jusquà présent le bonheur. Soudain, elle aperçut son voisin fourrager dans sa braguette et en sortir une verge raidie. Amusée, elle le regarda faire et il commença à se masturber. Élisabeth recommença à suinter de la cyprine, mais elle ny fit pas attention ; son regard était vissé sur le pénis de belle taille secoué par une main énergique. Elle ne vit pas le sperme jaillir, mais entendit nettement les soupirs étouffés de lhomme qui éjaculait. Délaissant momentanément le grand écran, un spectateur de la rangée de devant se tournait régulièrement avec avidité pour se régaler du spectacle de la vulve largement exposée de la jeune femme. Il nhésitait pas non plus à lorgner verge et testicules qui lui étaient également présentés. Sans doute se tripotait-il en même temps. Élisabeth et linconnu laissèrent tous deux leur sexe à lair et le gardèrent ainsi jusquà la fin de la séance. Quand la lumière revint, ils se rhabillèrent précipitamment et sortirent. Sur le trottoir, ils sentreregardèrent et se sourirent puis lhomme, la cinquantaine grisonnante, sen alla. Martine rejoignit son amie peu après et linvita à venir chez elle.
Alors Zabeth, tu as trouvé ça comment ?
Élisabeth remua pensivement le sucre de son café un petit sourire en coin, puis déclara.
Cétait amusant et jai pris un bon pied. Entre mon voisin qui sest branlé à côté de moi et le type de devant qui na pas arrêté de se retourner pour mater ma foufoune, je dois dire que cétait très excitant. Ça me donnerait presque envie dy revenir, moi qui ne me croyais pas capable daccomplir une telle chose.
Martine applaudit doucement.
Bravo, je suis contente que ça tait plu. Rendez-vous le mois prochain ?
Sûrement, mais je me demande ce quon va me proposer pour cent points. Et toi, tu nas pas de défi en cours ? questionna Élisabeth, curieuse. Quest-ce que tu dois faire ?
Si, mais ce sont des challenges de cinq cents points minimum que je choisis. Je ne ten parle pas parce que tu nen es pas encore là et je ne veux pas brusquer les choses.
Alors viens me voir le mois prochain, Tine. Nous mangerons ensemble puis je demanderai une épreuve de cent points. Je préfère que tu sois là.
Cest entendu, mais ce soir, je te garde pour diner.
*
Début juillet, comme convenu, Martine se présenta chez son amie. Lordinateur portable était à la même place que la fois précédente, accompagné de quelques bouteilles dapéritif et de coupelles dolives et de rondelles de saucisson sec. Toutes deux optèrent pour un verre de porto blanc et sassirent confortablement dans le canapé.
Tu sais Tine, quand je repense à ce que jai fait le mois dernier, je ne suis pas très à laise.
Oui, je me doute ma Zabeth. Quand le temps passe, le souvenir séloigne et on a de plus en plus limpression davoir rêvé. Mais nabandonne pas tout de suite, sil te plait. Je te jure que lorsque tu auras assimilé ces épreuves à ta vie de tous les jours, tu verras les choses autrement.
Soit, répondit Élisabeth en tendant la main vers son portable, mais je sens que je vais avoir encore besoin de toi pour cette fois-ci.
Naie crainte, Zabeth. Je serai là pour toi, fit Martine.
Élisabeth sempara de son ordinateur et sidentifia sur le site de la « Baleine Rose ». Elle dut écrire un compte-rendu succinct de son expérience du mois passé avant de pouvoir choisir un autre défi. Un nud dans lestomac, elle cliqua sur le bouton « 100 points » et attendit. Des motifs multicolores traversèrent lécran puis un son retentit. Un texte apparut sur fond rose et une voix monocorde lut :
« Vous devrez prendre un moyen de transport public très fréquenté tels un train, un bus ou un tramway aux heures de pointe. Vous vous approcherez dun inconnu en profitant de la promiscuité et vous lui caresserez le sexe. Quand vous vous serez assurée de son accord tacite ou verbal, vous ouvrirez sa braguette et sortirez sa verge pour la masturber. Vous ne vous laisserez vous-même pas toucher. Lhomme devra éjaculer, sinon lépreuve sera à recommencer dans le mois. »
Bon, je laisse tomber, affirma Élisabeth désappointée en refermant lordinateur. Tu te rends compte de ce quon me demande ?
Jai eu pire
confia Martine à voix basse.
Puis elle continua.
Comme la dernière fois, réfléchissons. Nous sommes en juillet, cest-à-dire que le quatorze, cest la fête nationale. Comme tous les ans à Marseille, il y a un feu dartifice sur le Vieux-Port qui commence vers 23 h. À minuit, cest fini et la moitié des spectateurs se ruent dans le métro. Cest à ce moment que tu dois intervenir, dautant plus quà cette heure-ci la plupart des hommes sont un peu éméchés. Habille-toi sexy et je te garantis que tu nessuieras pas de refus.
Soit, mais on pourra me voir !
Cest bien ce quil y a dexcitant, déclara Martine en riant. Peut-être que juste à côté, cest une bigote qui tobservera !
Et si cest une religieuse ou un curé ? souffla Élisabeth.
Martine usa dun ton faussement grave :
Dans ce cas, tu seras sans doute damnée pour toujours
Élisabeth haussa les épaules.
Daccord, mais je choisis la ligne 2, ce nest pas celle que je prends habituellement.
Comme tu veux, les deux lignes sont bondées lune comme lautre ce jour-là. Je te propose cette fois-ci de monter avec toi et de rester pour empêcher les autres personnes de tapprocher de trop près. Daccord ?
Oui, mais dici là, je vais me faire du souci, conclut Élisabeth.
*
Le feu dartifice était si réussi, quil fit oublier à Élisabeth ce qui devait se passer après. Martine et elle ne cessaient de sexclamer et dapplaudir à chaque fusée multicolore qui éclatait dans le ciel dencre. Puis ce fut le bouquet final accompagné de détonations formidables amplifiées par la configuration des lieux. Toute la foule acclama les concepteurs du spectacle, puis les réverbères se rallumèrent.
Tu es prête Zabeth ? demanda Martine.
Puis, pour détendre latmosphère, elle ajouta :
Des milliers de bites nattendent que toi
Tu ne serais pas là, je rentrerais chez moi, fit Élisabeth.
Allons, tu verras comme tu te sentiras bien quand ce sera fini.
Espérons. Nous montons à « Jules Guesde », mais direction « Dromel ».
Comme tu veux, concéda Martine.
Emportées par la foule, les deux jeunes femmes se dirigèrent vers la bouche du métro. Comme prévu, le quai était bondé et, lorsque la rame arriva, une cohue fébrile sentassa précipitamment dans les wagons. Les deux amies firent de même, mais furent vite séparées malgré elles. Élisabeth se retrouva isolée et, ne pouvant pas parler à son amie, Martine lui envoya un SMS :
« Vas-y, cest le moment. Prends celui près de la porte qui donne sur la voie ».
Élisabeth regarda lendroit proposé et vit un homme tournant le dos à la foule. Il observait, indolent, à travers la vitre, les gens circulant sur le quai. Il ne bougea pas quand le métro démarra. Élisabeth se décida et se fraya un chemin dans sa direction pour se positionner derrière lui, légèrement sur sa droite.
Linconnu était vêtu dun imperméable fin avec de grandes poches sur les côtés. Élisabeth regarda à droite et à gauche et, comme personne ne faisait attention à elle, fourra discrètement sa main dans la poche du vêtement. Le rythme cardiaque semballant, elle resta immobile pendant quinze secondes avant davancer prudemment le bras. Par chance, la doublure était décousue dans le fond ce qui lui permit de plaquer sa paume nue à lendroit où elle savait se trouver la braguette. Linconnu eut un sursaut, se retourna brièvement, aperçut Élisabeth, sourit, puis sembla repartir dans ses rêveries en scrutant de nouveau à travers la vitre. Le cur de la jeune femme, prêt à se rompre, se calma. Apparemment, il nétait pas contre se faire peloter. Quant au reste, cétait une autre histoire.
Élisabeth caressa la bosse que formait le sexe sous le pantalon. Elle sentit la verge sallonger et se durcir, mais létroitesse du vêtement rendit lérection inconfortable pour linconnu. Elle accrocha la languette de la fermeture de la braguette entre le pouce et lindex, la descendit le plus loin possible, puis elle attrapa la ceinture du slip pour la passer sous les testicules. Le membre libéré jaillit tout droit du pantalon, Élisabeth sen saisit à pleine main. Le métro arrivait à la station « Saint-Charles ». Catastrophe. Tout le monde sur le quai allait voir le pénis de lhomme et elle qui le caressait. Élisabeth, le cur battant, ne sachant que faire, tourna la tête vers Martine qui lencouragea dun petit signe. En face, une bande de jeunes dune vingtaine dannées montraient du doigt le couple étrange en rigolant et en mimant des gestes obscènes. La jeune femme, rouge de honte, se dissimula comme elle put pour ne reprendre ses investigations que lorsque le métro repartit. Ouf ! Pas de problèmes. Juste quelques jeunes qui avaient remarqué le manège, mais elle sétait cachée derrière linconnu qui ne bronchait pas.
Élisabeth entama une masturbation dont elle voulait lissue rapide. Le membre à pleine main, elle allait et venait, faisant disparaitre et apparaitre le gland rose et rond. Intriguée par le mouvement, une femme se risqua à jeter un coup dil et ce quelle vit la cloua sur place. Elle sadressa à Élisabeth en bégayant un peu :
Mais
Madame
Vous navez pas honte ? ! Vous ne pouvez pas faire ça chez vous !
Sans se démonter, Élisabeth se surprit à répondre :
Vous voulez peut-être ma place ?
Oh ! Cest un scandale, un scandale, sindigna la femme en se frayant un chemin loin de ce « couple dépravé ».
Laltercation attisa la curiosité de la foule qui navait encore rien vu. Les conversations allaient bon train. Élisabeth fatiguait, avait des crampes dans lavant-bras. Quil est long à jouir !...
Puis, le métro entra dans la station « Noailles ». De rares personnes attendaient sur le quai. Ce fut lorsque les portes souvrirent, quil ny avait plus un bruit alentour, que linconnu poussa un cri. Il éjacula sur la vitre sous les yeux ébaubis des gens en face de lui. Le sperme saccrocha au carreau puis coula doucement en laissant une traînée blanchâtre. Le soupir dorgasme avait été entendu par la moitié du wagon. Constatant ce quil sétait passé, quelques jeunes hommes applaudirent quand dautres détournaient le regard, indignés ou amusés.
Élisabeth prit peur, elle navait jamais eu une telle honte de sa vie. Sous les huées des uns et les vivats des autres, elle jaillit sur le quai suivie de linconnu quelle avait masturbé et qui venait, semblait-il, de réaliser lui aussi la loufoquerie de la situation dans laquelle il sétait fourré. Elle senfuit en courant dans une direction au hasard et une centaine de mètres plus loin, essoufflée, elle ralentit le rythme pour marcher. Enfin, les gens ne la regardaient plus, ne faisaient plus attention à elle, ne se moquaient plus, ne la montraient plus au doigt.
Élisabeth emprunta la première sortie pour la surface et se retrouva sous des arbres imposants dans la fraîcheur relative de cette inoubliable nuit du Quatorze Juillet. Elle rentra chez elle à pied et coupa son portable. Elle ne voulait plus entendre parler de Martine ni de sa « Baleine Rose ». Elle se déshabilla rapidement, se coucha nue, se rendit compte que ses cuisses étaient mouillées. Elle plongea deux doigts dans son vagin et se masturba longuement en revivant en pensées sa performance. Son orgasme fut hors du commun.
*
Trois jours sécoulèrent avant quÉlisabeth ne se décidât enfin à rallumer son téléphone. Naturellement, il y avait autant de SMS que de messages vocaux de la part de Martine. Elle répondit à lun deux et, sobrement, écrivit « Passe chez moi ce soir sil te plait ».
Martine nétait pas très à laise, elle avait bien deviné que ce défi avait mis le sang-froid de son amie à rude épreuve. Devant lapéritif rituel, elle tenait toutefois à la féliciter.
Tu tes sacrément bien débrouillée, dois-je admettre.
Ce nest pas toi qui as été rouge de honte devant tout le monde ! Tu sais que je ne sors presque plus de chez moi de peur de rencontrer quelquun qui maurait vue dans le métro
Martine posa son verre et sérieusement demanda.
Serais-tu capable de reconnaître lune de ces personnes ? Le type même que tu as branlé ? La femme qui ta invectivée ?
Silence dÉlisabeth.
Alors ?
Non, naturellement.
Tu penses que les gens sont différents et quils se souviendraient de toi ? Non, pas plus que toi.
Tu as raison, concéda Élisabeth. Mais là, franchement, je nai plus envie de continuer.
Moi aussi jai eu honte, Zabeth. Figure-toi que lépreuve à cent points que jai passée consistait à me masturber avec une courgette dans des latrines publiques, sans bien sûr, fermer le loquet. Des femmes venaient et repartaient en me voyant. Certaines riaient, dautres étaient offusquées. Jai eu un orgasme juste avant quune femme flic, certainement prévenue par une bonne âme, nentrât dans les toilettes. Elle ma fait la morale et je suis partie tout de suite sous les quolibets des grenouilles de bénitier du coin
Élisabeth ne put sempêcher de sourire.
Une courgette ? Tiens, tu me donnes une idée
Les deux amies rirent aux éclats.
Tu vois que cest drôle, continua Martine.
Allez, choisis une autre épreuve.
Ragaillardie, Élisabeth se rendit sur le site de la « Baleine Rose » et sidentifia. Les sept boutons apparurent après enregistrement du compte-rendu, puis la jeune femme cliqua en soupirant sur « 250 points ». Lécran adopta les couleurs de larc-en-ciel, vira au rose, et simmobilisa. Deux secondes plus tard, un bruit retentit et un texte sinscrivit.
Élisabeth lut en même temps que la voix électronique :
« Vous prendrez un taxi à une station fréquentée. Le chauffeur devra être un homme. Vous lemmènerez dans un lieu désert et pratiquerez une fellation complète en avalant le sperme. Vous vous ferez reconduire à la station, sans répondre aux questions éventuelles du chauffeur. »
Élisabeth sourit, sous les yeux ravis de son amie.
Eh bien ! Jattends tes idées sur le sujet, dit-elle en riant.
*
Dun commun accord et deux semaines plus tard, cest la station de taxis de la gare Saint-Charles qui fut sélectionnée. Martine avait suggéré également de sy trouver à lheure du dernier TGV en provenance de Paris, cest-à-dire 23 h 45. Dans la file dattente, Élisabeth ne pouvait toutefois pas choisir le genre du chauffeur et lorsquelle vit une femme au volant, elle dut laisser sa place à une cliente qui attendait derrière elle. Le taxi suivant lui convenait. Conduit par un homme dune cinquantaine dannées, cheveux gris et rasé de près, il avait tout lair dun bon père de famille. Elle monta sur la banquette arrière sous les yeux amusés de Martine, assise plus loin sur un banc public. Le chauffeur lui demanda sa destination. Aussi naturellement que possible, Élisabeth répondit :
Au parking du col de la Gineste, sur la route de Cassis, sil vous plait.
Je sais bien où cest, dit le conducteur. Mais quallez-vous faire par là ? Cest désert à cette heure
Elle aurait pu répliquer que ça ne le regardait pas, mais préféra donner un peu de vraisemblance à sa demande incongrue.
Jai rendez-vous avec mon petit ami, il me ramènera après.
Après quoi ? demanda lhomme malicieusement.
Je vous fais un dessin ? continua Élisabeth sur le même ton.
Le chauffeur rit doucement, enclencha la première et le véhicule démarra.
Passé le quartier Mazargues, Élisabeth déclara :
Sil vous plait, Monsieur, je vais être malade à larrière avec tous ces lacets. Je voudrais monter à côté de vous.
Le taxi, considérant quil navait rien à craindre dune jeune et jolie femme et nayant pas envie de nettoyer sa voiture, se gara sur le bas-côté et laissa sa passagère sinstaller sur le fauteuil de devant. Il repartit aussitôt et ne sarrêta quà destination. Bien sûr il ny avait personne, sauf un véhicule gris quils ne virent pas, car soigneusement dissimulé derrière un gros rocher.
Il semblerait bien que votre petit ami vous ait fait faux bond ! remarqua le conducteur.
Élisabeth poussa un soupir de dépit.
Oui, javais tellement envie de lui faire une gâterie, fit Élisabeth, lair sincèrement désolé. Dites Monsieur, je peux vous sucer à la place ? Je ne dirai rien à personne.
Lhomme, dans un premier réflexe, refusa.
Vous ny pensez pas, Mademoiselle. Je suis marié et puis je dois rapporter le prix de ma course.
La course, je vous la paye bien entendu, mais pour le reste, ça me ferait vraiment plaisir, je my étais trop préparée
minauda Élisabeth.
Le chauffeur regarda une nouvelle fois dehors, sassura que sa passagère et lui étaient bien seuls et déclara en même temps quil enlevait son velours :
Daccord, mais cest bien parce que vous insistez.
Bien sûr, je comprends, reprit Élisabeth en souriant intérieurement.
Le pantalon et le slip kangourou blanc sur les chevilles, le conducteur du taxi exhiba une verge molle et de petite taille. Il ferma les yeux et attendit. Élisabeth, fidèle à son « contrat », approcha ses lèvres du pénis et enfourna la totalité du membre. Elle fit tourner sa langue rapidement à la base du gland et sentit très nettement, la verge se développer en longueur et en volume. Ses caresses portaient leurs fruits, car lhomme poussait des soupirs qui en disaient long sur la manière dont il appréciait la bouche dÉlisabeth. Il lui posa la main derrière le crâne et enfonça son dard très loin. Élisabeth stoppa son geste, resta ainsi un moment puis se retira doucement en masturbant de ses doigts souples le phallus raidi. Le conducteur du taxi ne put résister bien longtemps à la jeune femme et sécria, comme pour la prévenir :
Je vais jouir ! Je vais jouir !
Élisabeth nattendait que ça. Ensuite, elle rentrerait à la station de Saint-Charles puis chez elle avec Martine. Cette fois-ci, il ny aurait pas eu de surprise, cest du moins ce quelle croyait.
Le chauffeur poussa soudain un râle prolongé et simultanément, Élisabeth, qui avait repris sa succion, sentit une longue éjaculation lui remplir la bouche. Plusieurs petits cris sensuivirent, chacun accompagné dune bonne dose de sperme que la jeune femme gardait dans les joues. Lhomme se retira enfin, la main en conque autour de son sexe ; il ne voulait plus se laisser toucher. Élisabeth déglutit dun bruit de gorge appuyé.
Vous ne lésinez pas sur la quantité, sacré nom, déclara-t-elle en se suçant les doigts.
Je sais, jai une verge plus courte que la moyenne, mais jéjacule trois fois plus.
Quand le chauffeur remit son pantalon, deux hommes, précédemment descendus de la voiture dissimulée, sapprochèrent du taxi.
Dis voir taxi, je tai pris en photo pendant que la dame soccupait de ton cas. Je me demande ce que dirait ton employeur sil savait que tu tenvoies des putes pendant le boulot.
Mais, mais
Madame nest pas une pute !
Cest ça et moi je suis le père Noël. Alors toi la gonzesse, tu sors et tu nous fais la même chose, gratuitement bien sûr, à mon copain et à moi et on sera quitte. Si tu refuses, ton taxi se retrouve au chômage et même divorcé.
Élisabeth réfléchissait à cent à lheure. Cest elle qui avait emmené ce pauvre type dans cette histoire. Il est marié, il a un boulot stable, elle ne pouvait pas tout gâcher ainsi
Elle se dit également quavaler le sperme dun seul homme ou de trois, ça ne changera pas le cours de sa vie. Elle sentit une poussée de cyprine dans sa culotte à lidée de sucer deux autres bites et admit finalement quelle en avait furieusement envie.
OK, je sors.
Les deux inconnus sallongèrent côte à côte sur le capot de la voiture et regardèrent le ciel en attendant. Élisabeth dégrafa les ceintures puis abaissa pantalons et sous-vêtements. Engloutissant lune des verges, elle masturba savamment lautre. Quelques instants plus tard, elle inversa les rôles et ainsi et de suite. Quand lun des deux hommes se tendit, elle comprit que lorgasme nétait pas loin et se prépara à recevoir la giclée de sperme qui arriva peu après. Elle avala rapidement et se précipita sur lautre pénis qui lui déchargea dans la bouche comme le premier. Elle déglutit à nouveau et sessuya les lèvres dun revers de main.
Voilà, Messieurs, jespère que ça vous a plu. Donnez-moi vos téléphones maintenant sil vous plait.
Les deux individus, un peu groggy et gênés, sexécutèrent et Élisabeth effaça les photos compromettantes. Enfin, elle regagna le taxi et le véhicule démarra pendant que les deux hommes remontaient leur pantalon, seuls et penauds sur le parking désert du col de la Gineste.
Je vous remercie pour tout ce que vous avez fait pour moi ce soir, fit le conducteur sincèrement ému.
Je vous en prie et ce nest pas fini, soupira Élisabeth.
Devant lair dincompréhension du chauffeur, elle retroussa sa robe, baissa sa culotte et glissa ses doigts dans sa vulve. Lorgasme eut lieu juste avant dentrer dans le quartier Mazargues, là où la rue est éclairée.
À la station Saint-Charles, Élisabeth régla la course. Avant quelle ne quittât le véhicule, le conducteur lui déclara :
Vous mavez encore fait sacrément bander dans la descente. Jenvie votre petit copain.
Pourboire ! répondit-elle, joyeuse.
Comme il était tard, elle rentra directement à son appartement après avoir envoyé un bref SMS à Martine pour linviter chez elle le jour suivant.
Martine ne sétait pas fait prier et, le lendemain, elle ne manqua pas de venir chez son amie. Élisabeth lui raconta avec force détails son aventure avec le chauffeur de taxi, les deux inconnus et lorgasme quelle sétait procuré en redescendant sur Marseille. Elle en riait et Martine était ravie de la tournure des évènements. Élisabeth allait continuer, cela seul comptait. Rendez-vous fut donc donné chez Martine dans dix jours pour parler du défi suivant.
*
Le jour venu, la télévision murale qui, chez Martine, servait aussi à loccasion de moniteur dordinateur affichait les sept boutons habituels. Élisabeth sourit :
Jai déjà renseigné le compte-rendu. Voyons ce quon me propose pour cinq cents points, fit-elle en cliquant joyeusement sur le bouton correspondant.
Lécran passa par toutes les couleurs, un bruit retentit, puis un texte apparut. Les deux femmes écoutèrent la voix synthétique, puis relurent ce qui était écrit. Martine jeta furtivement un il sur son amie immobile, la bouche béante et qui fixait lécran, comme hypnotisée.
Enfin, elles échangèrent un regard, puis ensemble éclatèrent de rire.
Fin de la première partie
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