Tentation
« La tentation fait-elle de nous des coupables ? » Où la prof avait-elle pu dénicher un sujet aussi chiant, se demanda Chloé en mordillant le capuchon de son stylo. Une monstrueuse pile douvrages sur la mythologie et la religion encombrait la table à côté de la feuille à en-tête du devoir, une page vierge à remplir sous peine de se faire remarquer encore, et de sattirer les quolibets encore. Chloé nétait même plus certaine davoir fait le bon choix en intégrant cette faculté de Théologie. Le renom de luniversité et le fait que les cours soient ouverts aux laïques lavaient incitée à rejoindre Toronto après le bac. Et puis ses parents pouvaient frimer lors des réunions de famille. Une étudiant au Québec pour devenir prof dhistoire médiévale, ça en jette à Noël. La jeune fille tenta de ses concentrer.
« La tentation est lattrait pour un interdit moral dont limage remonte à la pomme dEve. » rumina-t-elle, « ou au supplice de Tantale peut-être. » Chloé, en cette fin de journée pluvieuse, nétait plus certaine de rien, sauf de perdre son temps à un devoir qui serait bâclé de toute façon.
Limpression dêtre observée tira soudain la jeune fille de sa réflexion, ou dun état contemplatif comme certains auraient aimé le faire remarquer, tant la science en ce lieu symbolique sétalait comme de la confiture sur une tartine. Elle délaissa les bouquins un instant pour répondre au sourire par un autre, en silence, afin de ne pas troubler le sacro-saint silence de la bibliothèque. La prof de philosophie installée à quelques pas feuilletait un encombrant ouvrage.
Cette femme dune trentaine dannées eut paru éminemment sympathique à Chloé en dautres circonstances. Helen Davis avait le don de rendre vivant ce qui ne létait plus depuis longtemps, animant ses cours avec une certaine fougue, de la passion. Oui, la passion semblait à même de définir la prof en un mot. Dommage que celle-ci sévertuait à trouver des sujets tordus pour les devoirs.
La jeune fille ressentit soudain le besoin de lobserver mieux, tant miss Davis lui sembla différente. Les fines lunettes derrière lesquelles souvraient de grands yeux bleus, lovale du visage à la peau claire, le nez fin, les adorables fossettes qui semblaient mettre sa petite bouche entre parenthèses, rien de ce visage côtoyé chaque jour depuis six mois ne lui semblait inconnu, pourtant
« Elle a défait ses cheveux, et ça lui va à merveille. » constata Chloé focalisée sur le blond naturel des cheveux mi-longs couvrant les épaules droites de lenseignante. Létudiante replongea dans son travail, du moins telle fut son intention. Mais bientôt la gardienne interrompit Helen Davis dans sa lecture, lui tendant un trousseau de clés. « Tenez, Miss. Il ny a plus que vous deux, vous fermerez et laisserez les clés à la conciergerie. Bonne soirée. »
La prof guetta le bruit caractéristique de la porte se refermant sur lemployée avant de sourire à Chloé de nouveau, puis de retourner à son occupation première. Helen des U.S.A., comme son élève française, restaient en pension le week-end, tandis que létablissement se vidait des Québécois.
Lesprit de la jeune fille sévada un instant du devoir, lenvie soudaine de fuir la bibliothèque traversa son esprit avec la fulgurance dun éclair. Puis, comme léclair ne zébrant le ciel quune seconde, elle rejeta sa pensée dun rire intérieur. En quoi cette promiscuité devait-elle la mettre mal à laise ? Son regard, comme mû par une volonté dindépendance, abandonna les livres avec une régularité de métronome afin daccrocher la silhouette posée avec délicatesse sur une chaise à quelques pas. Et bientôt le visage naccapara plus seul lattention de Chloé qui se rebella contre cet état de fait.
« Cest quoi ce délire ! Voila que je mate une femme, ma prof de philo qui plus est. Quest-ce quelle est belle ! »
La différence entre vouloir et pouvoir lui apparut rapidement, mettant un terme à toute velléité de travail.
Le chemisier blanc transparent sous la lumière crue laissait apparaître deux seins ronds que Chloé imagina libérer de lemprise du soutien-gorge ; une poitrine à peine plus grosse que la sienne mais qui devait refléter la femme accomplie. Le ventre plat sans se montrer trop musculeux prouvait la pratique régulière dactivités sportives. Un pan du chemisier fatigué de sa journée dévoilait la peau laiteuse dune hanche à peine marquée des femmes qui nont pas encore é. La jupe droite bleu marine, tombant juste en dessous du genou, se relevait en position assise. Les cuisses à moitié dénudées étaient pleines, fermes sans aucun doute.
La jeune fille se caressa lentrejambes, sans y penser, sans même sapercevoir de lincongruité de la situation, et se surprit de lémoi trempant sa culotte sous sa jupe plissée. Un véritable désir charnel lhabitait maintenant, impossible à ignorer. La tentation était grande de demander à lenseignante un cours pratique appliqué.
Car un désir censé, sain si ladjectif pouvait semployer au sujet de senvoyer en lair, laurait amenée à rechercher la compagnie dun des garçons de son âge qui lui tournaient autour. Mais là ! Il sagissait dune impérieuse envie de lui faire lamour à elle en particulier, Helen, une femme et sa prof qui plus était. Alors linterdit moral montrait la limite entre le désir et la tentation.
Vous souhaitez me demander quelque chose, Mademoiselle Lavigne ? sollicita Helen amusée du regard lourd dans sa direction.
Euh
non Miss, balbutia Chloé surprise que son manège ne passât point inaperçu. Je réfléchis au devoir que vous nous avez donné.
Et vous imaginez trouver la réponse en me dévisageant ainsi ? Je nai rien dune muse inspiratrice, vous savez.
Le principe premier dune muse est dêtre agréable au regard, répondit la jeune fille sans se méfier de la portée de ses mots. Vous êtes en beauté ce soir, plus jolie. Vous devez sortir ?
Non, je reste ici. Et pourquoi vous paraîtrai-je plus jolie ? demanda Helen retenant avec peine un fou rire. Cela signifie-t-il que je sois moche dhabitude ?
Non bien sûr ! Cest juste que
et zut ! se défendit Chloé agacée par le fait de passer pour une idiote à chercher ses mots. Je veux dire, ça vous va mieux davoir les cheveux défaits. Donc oui, vous êtes plus jolie ainsi, même si vous êtes belle le reste du temps.
Stupéfaite, miss Davis devina dans le regard noisette de la jeune fille une raison de mettre un terme à la discussion. Pourtant elle nen fit rien, désireuse de ramener son élève à la raison par une argumention élaborée, non par une réprimande.
Jignorais que vous regardiez les femmes ainsi, Mademoiselle Lavigne. Si à titre tout à fait personnel je ny vois aucune malice, lendroit ne se prête guère à ce genre de démonstration affective.
Oh non, Miss ! Cest juste vous, maintenant
Comprenant quelle ne pouvait que se perdre en ce terrain inconnu, Chloé baissa des yeux larmoyants sur son devoir et senferma dans le silence.
« Esquiver un problème ne signifie pas le régler. » pensa Helen, rejetant une fois encore lidée de clore lhistoire par une simple fin de non-recevoir. Elle abandonna sa chaise, sapprocha de la jeune fille tétanisée, puis caressa sa joue avec une douceur quelle espéra sans équivoque. La peau sous la longue crinière châtain lui parut brûlante de fièvre.
Allons, Chloé. Il ne sest rien passé dont vous ayez à vous rendre malade. Lesprit divague parfois contre notre gré, et pas seulement chez les jeunes filles de vingt ans. Nest-ce pas ce qui fait la différence entre un rapport humain et un rapport animal ?
Troublée dentendre son prénom prononcé pour la première fois à la place du sempiternel et austère Mademoiselle, létudiante ravala ses sanglots.
Helen, dans une attitude amicale, se pencha en avant afin de déposer un baiser sur le front de la jeune fille. Sans doute auraient-elles ri ensemble de la méprise. Ce fut le moment choisi par Chloé pour relever la tête dans lintention de mettre fin au malaise, de sexcuser de son attitude.
Le hasard dans sa roublardise en décida autrement, les bouches se pressèrent lune contre lautre.
Les yeux béants, incapables du moindre geste, la prof et lélève restèrent ainsi une part déternité égrenée par le tic-tac lancinant de la pendule. Aucune ne lavait désiré en son âme et conscience, pourtant ce contact délicat ouvrait aux deux la vision dun univers parallèle.
Chloé écarta les lèvres dHelen de la pointe de la langue, puis chercha la profondeur dun véritable baiser. La bouche convoitée laccueillit avec une certaine réticence avant de souvrir, de se sentir fouillée, de participer. Leut-elle souhaité, la prof aurait été incapable de rompre le charme.
Les mains de la jeune fille partirent à laventure. Si rien ne se précipitait, le besoin de reprendre leur souffle romprait la charme. Alors, plus rien ne serait possible. Chloé le savait. Elle caressa un bras, puis une épaule, pour enfin se focaliser sur un sein dont la fermeté la ravit. Elle avait remarqué lors de ses jeux solitaires comme sa poitrine durcissait dans lexcitation. La réaction du téton sous sa paume à travers le tissu la conforta dans son désir.
Bien involontairement heureuse de laudace, Helen se pâma, poussant un léger soupir de contentement dans la bouche qui ne quittait pas la sienne. Leurs souffles se précipitaient, brûlants, le baiser devint passionné. La tentation fut trop grande, la prof se défit de sa chemise avec tant de hâte que deux boutons craquèrent, elle libéra sa poitrine de lemprise du soutien-gorge. Son corps ne lui appartenait plus, il réagissait aux sollicitations.
Chloé laissa libre cours à son imagination sans se poser de question. Les seins tendus sous ses doigts réclamaient dautres caresses. Elle les embrassa goulûment, heureuse de sentir les pointes durcir dans sa bouche. Ce faisant, elle dégrafa la jupe qui tomba au sol et pétrit les fesses à pleines mains. Elle désirait ce corps plus que tout, le toucher, lembrasser, le lécher, sans jamais cesser de le regarder.
Helen ne chercha même pas à résister pour la forme. Un véritable désir sexuel électrisait son corps maintenant, un désir incontrôlable quil nétait plus temps de rejeter. Désireuse de ressentir dautres émois, elle incita Chloé à abandonner ses seins couverts de salive, puis se tortilla de manière à se retrouver assise sur le bord de la table. Sa jupe pendue à un pied, elle écarta les cuisses.
La langue agaçant le nombril de son amante, la jeune fille consciente de linvite écarta dun doigt la culotte trempée puis plongea un autre dans la grotte moelleuse. Le soupir dHelen la combla. Chloé savoura de la caresser ainsi, de découvrir la moiteur de ce sexe offert. Leffluve de la cyprine la troubla dabord, la saoula bientôt. Lodeur particulière, loin de la ramener à la raison, lincita à pousser plus loin sa découverte. Les doigts crispés dans ses cheveux montraient limpatience de sa victime. Enfin, le nez dans la toison blonde semblable à un duvet, elle déposa un premier baiser sur le calice.
Helen rejeta lidée de contrôler son désir, laissant son amante mener le jeu au gré de ses fantaisies. Cette caresse buccale, des hommes la lui avaient déjà accordée, mais ils avaient à chaque fois glissé leur virilité dans son ventre avant que son plaisir ne vint, préoccupés par leur propre désir. Ce soir, elle savourait le bienheureux égoïsme dune langue dans son intimité.
Sans plus se retenir, Chloé lécha les nymphes délicates, attentive aux réactions de sa compagne. Comprenant que la douceur était de mise, elle sappliqua à ne rien brusquer. La vue de ce corps abandonné à ses soins la charmait, son odeur lentêtait, sa saveur particulière lenivrait. Rien ne lui manqua, ni le plaisir dHelen montant lentement, ni le bonheur dêtre à lorigine de ce plaisir. Le sexe ouvert vibrait sous sa langue et ses doigts, et cette vie que ce corps proclamait par des râles de plus en plus haletants la comblaient.
Helen ne chercha à précipiter ou à retarder linéluctable. Sa jouissance vint à son rythme, orgasme puissant et profond qui lentraîna loin de la réalité. Rien ne compta que cette chute vertigineuse quelle souhaita éternelle.
Son bonheur assouvi, la prof embrassa Chloé à pleine bouche. La saveur de son intimité sur la langue de son amante réveilla un désir jusque là inconnu, elle lui glissa à loreille : « viens dans ma chambre, je veux taimer et te faire jouir maintenant. »
Quand la jeune fille rendit son devoir trois jours plus tard, son regard investit celui de lenseignante avec orgueil. Lampleur de la réponse se fit jour dans lesprit encore malléable de ses vingt ans, la tentation avait fait delle une coupable. Cependant, à son grand soulagement, la culpabilité nentraînait aucun remords.
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