Marielle

C’est un fait établi, Marielle Leblanc est heureuse. Ce n’est pas elle qui l’affirme ; cependant, jamais Mademoiselle Leblanc n’oserait démentir son entourage. Depuis sa naissance vingt-trois ans plus tôt au sein d’une famille riche et réputée à la tête d’un empire commercial, Marielle a appris à ne pas contredire les affirmations de ses parents. Alors s’ils la disent heureuse, sans doute l’est-elle.

Son enfance a été celle de tous les s de la famille depuis des génération, sans éclats ni souvenirs marquants. Car, dans le monde de Marielle, les parents n’élèvent pas vraiment les s ; ils les aiment bien sûr, mais vivent en parallèle. L’éducation est confiée à une troupe de serviteurs et de précepteurs ayant autorité. Les Leblanc signent le carnet de note mais n’aident pas aux devoirs. Les Leblanc paient la pension, pourtant ils n’accompagnent jamais leur progéniture à l’école. Les Leblanc tolèrent à leur table les adolescents capables d’écoute et de silence, pas les garnements en bas âge bruyants.
Marielle ne s’en offusque pas, on ne s’étonne jamais d’une tradition éprouvée par des siècles de réussite sociale. Elle a donc traversé une enfance sans éclats, recevant un baiser de papa et de maman au lever comme au coucher. Deux baisers par jour pendant toutes ces années, excepté le jour de son anniversaire et à Noël, quand la générosité des parents les pousse à lui en faire un troisième.
Puis, comme les Leblanc savent vivre avec leur temps, on demanda à Marielle quel domaine d’étude l’intéressait. La bienheureuse eut le choix, fait rarissime dans sa famille. Vous avez bien lu, elle eut le choix, car Marielle est une fille. Les garçons chez les Leblanc sont destinés à poursuivre la tradition à la tête de l’empire familial. On demanda donc à Marielle de choisir son domaine d’étude favori après le bac.
La littérature ? Non ! Les Leblanc ne perdent pas leur temps à ces foutaises. Les arts ? Et puis quoi encore ! Comme si l’art quel qu’il soit représentait une matière convenable à étudier.

La politique ? Pas davantage, c’est un domaine réservé aux hommes, et seulement au fumoir après les repas. Les Leblanc s’enrichissent à travers les âges sans se préoccuper des partis politiques au pouvoir. Marielle eut donc le choix entre la médecine et le droit. Ne supportant pas la vue , elle opta pour le droit.
Les études, c’est pour les Leblanc une manière saine d’occuper les jeunes filles en attendant de les marier. Ainsi, Marielle ramène de très bonnes notes indispensables à la réputation familiale, mais ne sera jamais avocate. D’ailleurs, elle ne passera pas son diplôme de fin d’études, puisque Marielle doit épouser au mois de juillet Adrien Lucas, le séduisant fils d’une excellente famille de banquiers. Marielle, de par sa condition féminine, ne saurait être placée à la tête des affaires familiales, mais son union servira ces mêmes affaires.

Adrien lui téléphone tous les mercredis et lui rend visite tous les dimanches. Alors les fiancés se promènent dans le jardin tandis que les familles suivent à bonne distance. Il est gentil Adrien, et attentionné, éduqué à la perfection. D’ailleurs, les parents de Marielle acceptent de les laisser seuls car ils savent leur honneur à l’abri. La virginité de Marielle est un trésor familial. La vieille servante chargée de sa toilette – les jeunes filles de bonne famille ne se lavent pas seules – surveille l’hymen de sa protégée comme l’huile sur le feu.
La virginité de la jeune fille n’est pas en danger dans cet univers aseptisé que les Leblanc ont choisi pour leur . Celle-ci, tenue à l’écart de toute tentation, a appris à aimer ses parents autant qu’à respecter Dieu. Jamais elle ne trahira par une attitude irrévérencieuse la famille ni la religion imposée. Bien sûr Marielle est humaine, il lui arrive de ressentir quelques bouffées de chaleur, d’étranges sensations émanant de son bas-ventre. La jeune fille se réveille parfois en sueur, l’esprit troublé par des rêves licencieux.
Alors une douche permet à Marielle de remettre ses idées en place.
Les parents savent, car la servante chargée d’accompagner ses nuits les renseigne, mais ils ne lui en tiennent pas rigueur. Les Leblanc sont honnêtes, ils comprennent que leur fille ne saurait être tenue responsable de ses rêves. C’est le diable qui fait tentation. La mère de Marielle a connu de semblables déboires dans sa jeunesse, alors la douche et la prière remédient au problème.
Je vous l’ai dit, les Leblanc sont des gens honnêtes et sincères qui vivent avec leur temps en ce début de XXIème siècle. Ils ont embauché une préceptrice chargée d’éduquer leur fille sur les contingences de la sexualité. Alors celle-ci explique à Marielle la normalité de ses pulsions. La métamorphose du corps, la menstruation, la reproduction, l’idée même du devoir conjugal, la préceptrice explique tout à Marielle. Ainsi, elle comprend que l’immoralité ne réside pas dans le désir, mais dans l’assouvissement de ce désir hors mariage.
Et le temps passe, la préceptrice rassure sa protégée. « Vous êtes fiancée, vous connaîtrez bientôt tout cela. » lui dit-elle avec bonhomie.
Marielle, dans ses rares moments de tranquillité, laisse parfois son esprit divaguer. Ces instants de paix relative, la jeune femme – car Marielle n’est plus tout à fait une jeune fille à 23 ans – les trouve sur les bancs de l’amphi à la fac de droit, le seul endroit dans lequel ses parents n’ont pu placer un chaperon. Son esprit lui joue parfois des tours, l’amenant à des pensées pas très sages, alors le corps de Marielle réagit. Comment en serait-il autrement ? Elle se surprend même de temps en temps à guetter ces pensées interdites. Or la demoiselle ne saurait quitter l’amphi pour aller prendre une douche ou s’isoler afin de prier.
Ne cherchez aucune licence à ce comportement somme toute banal. La préceptrice a prévenu sa protégée des inconvénients relatifs à une certaine sensibilité hormonale, le principal étant de ne pas céder à ses pulsions et de se confesser régulièrement. Ainsi elle ne risque pas la damnation éternelle.


Forte donc de ces certitudes, Marielle se surprend non seulement à guetter, mais à espérer ces pensées interdites, ne serait-ce que pour ressentir l’étrange émoi. La jeune femme ignore si le trouble particulier provoque ses réactions physiques ou si c’est l’inverse. Marielle apprécie la sensation de ses seins gonflés qu’elle effleure au moindre prétexte, elle aime ressentir la moiteur entre ses cuisses qu’elle resserre et frotte l’une contre l’autre. Parfois, une onde subite comme un choc électrique la traverse, ou un élan puissant comme une vague de l’océan l’entraîne loin de ses occupations du moment.
Qu’importe ! Chaque soir après s’être brossé les dents et avant de dormir, Marielle s’agenouille pour prier, confessant ses pêchers de la journée. Alors elle avoue à Dieu avoir eut quelques pensées interdites. Quelques attouchements aussi ? Certes non, Marielle n’oserait jamais toucher cet endroit de son anatomie. Elle se contente de frotter ses cuisses l’une contre l’autre afin de juguler l’irritation de son intimité. Est-ce sa faute si le résultat est une sorte de plaisir énigmatique qui la laisse détendue, heureuse ? Dieu n’a pas besoin d’être mis autant dans la confidence.

Aujourd’hui Marielle a essayé sa robe de mariée. La couturière, connue de sa mère, vient de noter les retouches à effec sur son calepin. Bien évidemment, Madame Leblanc a choisi pour sa fille une robe sur-mesure, non du vulgaire prêt-à-porter. Alors, tandis que Madame Leblanc s’entretient dans le salon devant un thé avec la couturière de ses amies au sujet du tissu et des robes qui seront portées par les demoiselles d’honneur, l’apprentie de cette même couturière aide dans la chambre Marielle à quitter sa robe sans l’abîmer. Les jeunes femmes du même âge se connaissent, s’apprécient.
« Il en a de la chance, ton fiancé, qu’est-ce que tu es jolie ! »
Peu habituée aux compliments, exceptés ceux d’Adrien, Marielle dissimule sa rougeur derrière un rire surfait.
Elle sait par le reflet dans la grande psyché que dans son dos Sandrine s’amuse de la mettre gentiment dans l’embarras, comme dans leurs jeux d’adolescentes attardées. Ce faisant, l’apprentie couturière défait la jeune femme de sa robe.
« Il embrasse bien ? »
Marielle ne saurait répondre, Adrien étant le seul à s’être vu autorisé cette marque d’affection. La jeune femme apprécie ces instants d’abandon, quand les langues se croisent, quand les salives se mêlent, quand… Dimanche dernier, Marielle a ressenti la bosse longue et dure dans le pantalon de son fiancé.
« Il t’embrasse comme ça ? » demande Sandrine en posant les lèvres dans le cou de la jeune femme, juste sous l’oreille.
Dans un mouvement ondulant, Marielle fait semblant de vouloir échapper à l’étreinte. La bouche sur sa peau lui arrache un soupir de volupté dans lequel se noie une pâle imitation d’opprobre qui ne trompe personne.
« Qu’est-ce que tu fais ? Tu es folle. » rit Marielle afin de masquer sa gêne. Sandrine a décidé de jouer. L’existence de son amie doit lui paraître bien terne, et sa cage, pour dorée qu’elle soit, n’en reste pas moins une prison.

« Il te touche comme ça ? » demande l’ingénieuse en libérant la poitrine de l’ingénue du soutien-gorge blanc de dentelle. Le « Oh ! » de Marielle marque la surprise, non le dédain. Les mains de Sandrine caressent ses petits seins délicieusement galbés, les enfermant dans un cocon de douceur coquine. La nouveauté de la sensation ravit Marielle intérieurement, même si elle s’en défend.
« Arrête voyons, on pourrait nous surprendre. »
Si la jeune femme avait dit « Je ne veux pas », l’apprentie n’aurait pas insisté. Mais ce « On pourrait nous surprendre » signifie autre chose, comme les tétons qui grossissent sous ses doigts.
« Ne sois pas si prude, tu aimes quand je te caresse. Sens tes seins durcir, regarde dans la psyché comme c’est beau. » lui murmure Sandrine.
C’est bien ce qui trouble Marielle d’observer la réaction de son corps, de voir son image démentir ses paroles de sagesse.
« Tes seins sont doux et fermes, vois les pointes s’allonger. Tu aimes, hein. » continue l’apprentie.
Marielle aime évidemment, surtout quand son amie enduit ses doigts de salive avant de triturer les tétons sensibles. Une sorte de boule naît dans son ventre, ses narines palpitent.
« Oui, c’est bon. » avoue la jeune femme.
Encouragée par l’aveu, Sandrine délaisse la poitrine. Ses mains glissent le long des hanches à peine prononcées et libèrent la conque de sa prison de tissu. Marielle n’ose même plus se défendre. Au contraire, le plaisir de voir la scène dans la psyché s’ajoute au bonheur du ressenti.
« Montre-moi. » implore la jeune femme d’une voix sourde.
« Regarde, ton minou pleure mes caresses. » répond Sandrine en écartant doucement les grandes lèvres du sexe de son amie.
« Ma virginité ! » s’affole la jeune femme sans se dérober, tant est puissant son désir de connaître l’extase amoureuse.
« Ne crains rien, je fais attention. Laisse-moi te toucher. » la rassure l’employée
Tout en parlant, Sandrine effleure la vulve brillante de cyprine. Les nymphes acceptent l’hommage. Le corps de la jeune femme s’alanguit dans ses bras.
« Tu mouilles, c’est bon. »
Marielle aimerait garder les yeux ouverts, se repaître de l’image de son amie explorant son trésor intime, mais cela devient difficile. La boule dans son ventre ne cesse de grossir. Les doigts palpitent sur ses chairs, distillent les caresses, ouvrent son âme et son corps d’un même élan.
Sandrine sait, son amie sevrée d’amour ne résistera pas longtemps. Mais peu importe, elle se régale de la toucher ainsi, d’être la première à connaître ce sexe neuf, des soupirs de la belle alanguie dans ses bras. Elle porte un doigt à sa bouche et apprécie la liqueur doucereuse de son amie.
Marielle a vu le geste dans la psyché, elle l’imite. La jeune femme goûte, son jus l’enivre. Les émois connus dans l’amphi lui paraissent fades. Le sang martèle ses tempes, la boule grossit dans son ventre, sa vasque s’ouvre, quémande plus de caresses encore. Ses seins n’ont jamais été aussi durs.
Dans son dos, Sandrine ouvre de grands yeux. Excitée, sa propre mouille trempe sa culotte. Elle se plait à posséder ainsi son amie, à la faire venir du bout des doigts, à lui offrir l’indicible plaisir des sens. La jeune femme frissonne sous les mains qui n’en finissent plus de l’amener au point de non-retour.
« C’est… Oh ! »
Marielle se laisse aller. Elle se laisse aller en se mordant la lèvre pour ne pas hurler. Le plaisir explose dans tout son être, dévastateur. C’est le grand bouleversement qui déchire ses entrailles, l’orgasme démentiel, le tout premier.
Sandrine apprécie l’hommage, c’est beau une femme en train de jouir. L’image reste gravée dans sa mémoire, même quand son amie se détache de ses bras.

Marielle va en avoir des choses à confesser au Bon Dieu ce soir. Ce n’est pas l’important, dans sa grande bonté il lui pardonnera. Samedi prochain, Sandrine viendra avec la couturière pour un nouvel essayage. Alors elle lui rendra les caresses reçues aujourd’hui, ce sera au tour de son amie de connaître le frisson sous ses doigts. Puis elle demandera à Adrien la signification de la bosse dure et longue dans son pantalon.
Alors seulement, comme l’affirme ses parents, Marielle sera heureuse.

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