De Vos Yeux Sur Moi.

Ce sont vos yeux qui comptent. Un regard. Anonyme, inconnu, un regard que je ne croise pas, un regard qui me brûle et pique ma peau de le savoir sur moi, me fait fondre.
Vos gestes, après, les miens, peu importe, sont parfois attendus, parfois inutiles, superflus. Vos yeux sur moi suffisent.

Vous dire plus ? Je vais vous dire la découverte du pouvoir d’un regard. Un peu l’après.
Regardez-moi.

Je n’ai pas fait exprès.
Pas la première fois.

J’étais une fille sage. Très sage. 16 ans et quelques flirts sans lendemain.
Je connaissais le plaisir qui vient aux filles à découvrir leur corps et je n’y goûtais pas si souvent. Je savais à quoi ressemblent les garçons, ce qu’on fait et comment avec eux, sans aucune hâte à expérimenter, sans envie ou désir de plus loin que des baisers et des frôlements qui venaient avec.

Un samedi de mars.
Je croyais que c’était ma mère qui revenait, parfois elle oublie ses clés, alors en entendant le carillon de la porte d’entrée, je suis allée ouvrir.
Je ne peux même pas dire que je n’étais pas au courant, parce que je me souviens avoir croisé mon reflet dans le grand miroir en pied de l’entrée, d’avoir redressé le crayon que j’avais planté dans mes cheveux pour les retenir. Alors oui, je savais …

La grande fille brune croisée dans le miroir de l’entrée, en courte nuisette de satin blanc à fine bretelles gentiment soulevée par les seins nus, juste assez courte pour laisser bien visible le petit triangle blanc entre les jambes obscurci de boucles noires, c’était moi, pas de doute, encore en tenue de nuit bien qu’il soir 10 heures passées … j’ai ouvert la porte … c’était Maxime !

D’abord j’étais surprise que ce soit lui et pas ma mère, j’ai vu ensuite son regard qui de mon visage descendait vers mes seins et mes cuisses, remontait très vite et sans arrêt redescendait.
Il ne disait rien, moi non plus, mes joues sans doute aussi rouges que les siennes, lui qui dansait d’un pied sur l’autre, moi qui crispais la main sur la poignée de la porte.

Un instant j’ai pensé la claquer, me cacher, et puis il s’est gratté la gorge pour murmurer un vague bonjour, ne me regardait plus du tout en faisant un pas vers moi en se penchant pour les trois bises habituelles qui suivaient le bonjour.
Il n’osait pas trop s’approcher, se penchait vers moi et moi vers lui. C’était volontaire de sa part ? Je ne crois pas. Mais il a dû avoir une excellente vision sur mes seins dans l’échancrure de la nuisette ! Il était encore plus rouge et bégayant en se redressant !

Il regardait en l’air, regardait ses chaussures, le décor de l’entrée, continuait à danser d’un pied sur l’autre en serrant dans ses mains un cahier, faisait visiblement des efforts pour ne plus poser les yeux sur moi.
Maxime, c’est un copain de classe. Un petit blond plutôt timide avec qui je faisais souvent à pied le trajet jusqu’au lycée depuis qu’il habitait juste en face de chez moi, de l’autre côté de la rue, lui au troisième, moi au second.

De ses mots bredouillés j’ai compris qu’il n’avait pas noté quels exercices il fallait faire pour le devoir de maths à rendre le lundi, qu’il n’avait rien compris de toute façon aux dernières leçons.
Le devoir de maths … c’était justement parce que je m’y étais attelée toute de suite après le petit déjeuner pris avec ma mère que j’étais encore en tenue de nuit.

Ce qui me passait par la tête exactement à ce moment-là, je ne m’en souviens pas très exactement, mais la honte immédiate que j’avais ressentie au début avait disparue, remplacée par une sensation bizarre. Je sentais mes seins pointer sous la nuisette et une douce chaleur envahir mon ventre. A un autre peut-être j’aurais claqué la porte au nez,
Maxime, je l’ai invité à me suivre et j’ai refermé la porte derrière lui. Non seulement je n’avais aucune crainte, mais la surprise passée, je me sentais … excitée, sexuellement excitée comme jamais auparavant. Du désir brut. Pas de lui, il n’était que prétexte. Le désir qui venait à montrer, être vue.
J’étais excitée par son regard sur moi et je savais intuitivement ne rien risquer de ce garçon timide.
Dès l’instant où j’ai fermé la porte derrière lui, je savais très précisément ce que je faisais, en toute conscience. En le précédant jusqu’à ma chambre je savais parfaitement la vision qu’il avait de mes fesses à moitié découvertes par la nuisette, je savais les élastiques qui mordaient une fesse, je savais le mince empiècement blanc sur mon ventre et ma toison visible en transparence dans l’aine, la transparence sur mes fesses de la culotte en fine maille de tulle.

Ce samedi de mars, par accident, j’ai découvert un plaisir trouble, finalement ma première véritable aventure sexuelle.

J’ai joué la comédie, faisant semblant d’être naturelle, comme si ma tenue n’avait rien de particulier entre deux ados. Pas un instant je n’ai imaginé le laisser seul pour aller me vêtir « correctement », cacher ce qu’en général on ne montre pas à ses camarades de classe. Au contraire, je voulais que ça dure, je voulais que dure mon trouble, sans penser au sien.

Comédie encore, dans ma chambre, j’ai libéré pour qu’il puisse s’asseoir avec moi devant le bureau la chaise où étaient empilées mes affaires de la veille. Je les ai suspendues à la patère fixée au mur, levant haut les bras pour sentir la nuisette remonter bien au-dessus de la taille de ma petite culotte, consciente de mes fesses quasiment nues, et ensuite encore, je me suis agenouillée sur mon lit pour tirer la couette jusqu’en haut, comme si les draps froissés de ma nuit démontrait trop d’intimité.
Je sentais ses yeux sur moi, je brûlais.
Quand je me suis enfin assise à côté de lui devant le bureau, lui aussi brûlait ! Il n’osait pas me regarder, se tenait les mains nouées devant lui coincées entre ses genoux, ses joues cramoisies.

Les signes d’excitation des garçons, je savais les reconnaître, pour avoir vu le slip de bain d’un petit ami se déformer après un baiser sur la plage, et entendu au lycée les garçons, quelques filles aussi, en plaisanter en mots suffisamment crus, et l’érection de Maxime ne m’a pas échappée.
Je jugeais son excitation naturelle, presque un dû, juste retour de la mienne. J’ignorais à cette époque comme une érection contenue est parfois douloureuse aux garçons.
Pauvre Maxime ! Ce jour-là il a dû être au supplice, et je comprends mieux maintenant que j’ai un peu plus d’expérience pourquoi il a disparu aux toilettes un petit peu plus longtemps qu’il n’aurait dû pour un simple besoin naturel.
Ce jour-là, je n’y ai pas vraiment fait attention. Je me souviens que j’étais seulement préoccupée de moi, de mes seins qui pointaient sous la nuisette et de la chaleur dans mon ventre, mesurée en son absence d’une main glissée entre mes cuisses pour y sentir combien j’étais mouillée d’excitation. Je venais de retirer ma main quand il est revenu, et tout le temps où nous avons travaillé j’ai gardé sur mes doigts mon odeur de fille sans les essuyer.
La trace humide sur ma culotte, je crois qu’il ne l’a remarquée qu’en partant, avant que je me lève de ma chaise pivotante.

Je ne sais pas s’il avait tout compris à mes explications, s’il avait réussi à se concentrer sur le devoir, mais il m’a remerciée plusieurs fois en quittant la maison, et il était tout content quand je lui ai dit qu’il pouvait compter sur moi une autre fois s’il voulait.

Après son départ … rarement mes caresses n’avaient abouties aussi vite …
Vous n’imaginez pas combien de scénarios j’ai construit dans les jours qui ont suivi pour que se reproduise ce qui n’était qu’un heureux, très heureux, accident.

De ce premier samedi, il n’a jamais rien dit pendant longtemps, restait toujours aussi timide, presque distant, tous les matins où nous partions ensemble au lycée, jusqu’à un dimanche, deux semaines plus tard où je l’ai vu accoudé à sa fenêtre.

Parce que c’était avec Maxime que j’avais découvert ce plaisir, le soir, je guettais la lumière dans sa chambre de l’autre côté de la rue, regrettant qu’elle soit plus haute et un peu sur la droite, parce qu’à mes scénarios où je m’exposais en intimité il fallait un témoin, il fallait des yeux sur moi, et pour témoin j’avais choisi Maxime …

… j’ai oublié de vous dire … peut-être pensez-vous à des immeubles, des distances où les choses seraient devinées de loin ? Ce n’est pas ça du tout ! J’habite Aix-en Provence, et notre appartement est dans une de ces rues très étroites du centre-ville, des maisons hautes aux murs ocre clair et aux volets verts.
Souvent les volets sont fermés l’été, ou les rideaux tirés, parce qu’il faut se protéger de la chaleur, parce qu’aussi de nombreuses fenêtres en vis-à-vis créent le besoin de protéger son intimité …

… lui à sa fenêtre. L’un de mes scénarios. J’avais passé des heures dans le noir de ma chambre à guetter la lumière dans sa chambre, espérant voir son ombre se découper derrière les voilages des rideaux.
Je guettais la fenêtre de Maxime, oubliant toutes les autres fenêtres.

Dans la pénombre de ma chambre je m’étais déshabillée pour la nuit dos tourné à la fenêtre devant les rideaux qui volaient dans la brise, et j’avais vu les volets de Maxime se fermer.
Au moment où moi aussi j’allais fermer mes volets, la lumière s’est allumée dans l’appartement en face du mien. Au milieu de ce qui semblait être un salon, une jeune femme, un homme à ses côtés, m’a envoyé un baiser de la main, et s’est retournée pour éteindre la lumière dans la pièce : sa manière, franche, ouverte, de me faire comprendre qu’ils m’avaient vue, épiée peut-être. J’en ai ri d’abord en me cachant derrière mes rideaux, puis je me suis, un peu tard, inquiétée des autres fenêtres, tout en ressentant une pointe d’excitation à m’être offerte à eux en spectacle et peut-être à d’autres. Inquiétée … mais comme c’était bon d’imaginer d’autres témoins de mon intimité !

Malsain ? Un peu sans doute. La honte ressentie, après, ne m’empêchait pas de recommencer souvent. J’entrebâillais les rideaux, la chambre éclairée de ma lampe de bureau, et je travaillais, parfois en nuisette, parfois en sous-vêtements, de temps en temps les seins nus. Vue ou pas, par qui, impossible de savoir, et je n’essayais surtout pas de savoir. Imaginer quelqu’un, en face ou dans un appartement au-dessus, caché derrière un rideau me suffisait.
Une fois ou deux, en entrant dans ma chambre ma mère s’est étonnée que je travaille dans cette tenue, et toujours elle tirait les rideaux, en riant parce que je risquais affoler nos voisins.
Qu’aurait-elle pensé si elle avait su ? Les mots associés à ma nouvelle manie, les mots les plus durs, venaient de ceux que j’imaginais dans la bouche de ma mère.

Maxime n’a jamais fait la moindre allusion à sa première visite. Première, parce qu’il y en a eu d’autres. Jamais je n’aurais cru au début de l’année attendre avec autant d’impatience les devoirs de maths à faire à la maison ! C’était le prétexte qu’il avait trouvé à ses visites du samedi matin, mon prétexte aussi. J’y étais toujours prête, comme à un rendez-vous, souvent dans la même tenue que la toute première fois.
J’ai fini par comprendre pourquoi il s’attardait aux toilettes à chaque visite, à la fois attendrie et amusée qu’il ne soit pas « seulement victime » de mon jeu alors que je ne pensais que peu à lui.

Avant les vacances de printemps, il est venu un samedi matin avec un cahier de dessin, qu’il a posé sur mon bureau sans rien expliquer, et on s’est mis au travail. Si je n’avais pas été curieuse pendant qu’il peinait à faire l’exercice que je venais de terminer, je crois qu’il serait reparti avec son cahier de dessin sans rien dire.

Il retenait son souffle, je voyais son crayon trembler dans sa main pendant que je feuilletais le cahier. Sur toutes les pages, moi ! Des dessins me représentant moi !
… tenant ouverte la porte d’entrée le premier jour où il était venu … penchée sur mon lit … debout à la fenêtre, habillée comme je me présentais à lui.
Sur la dernière page, en traits à peine esquissés, il m’avait représentée allongée de dos dans ma tenue habituelle quand il venait, une jambe repliée, la culotte dévoilant en partie mes fesses, le fond de la culotte entre mes jambes étirée, un doigt dépassant de l’élastique de la culotte sur la cuisse. Il m’avait représentée en train de me caresser, ce que bien sûr je n’avais jamais fait devant lui !

Il baissait la tête, sa jambe gigotait de nervosité. J’ai posé le cahier sur le bureau et je me suis levée. J’ai ouvert le lit en repoussant la couette au pied et je me suis allongée face au mur, à peu près dans la position où il m’avait dessinée. A peu près …

Jamais encore, sauf sa joue contre la mienne pour les trois bises pour nous dire bonjour le matin ou quand il venait à la maison, il ne m’avait touchée, ni même effleurée de ses mains. D’autres garçons en arrivant au lycée me prenaient par le cou où glissaient un bras sous le mien, lui jamais. Ce jour-là, si.
Il a déplacé l’élastique de la culotte sur une fesse et l’a abaissée un peu dans mon dos, à arrangé les plis de la nuisette soulevée, ramené sur mes épaules une mèche de cheveu et s’est arrêté là, n’osant pas, hésitant au dernier détail qui rougissait mes joues et faisait battre mon cœur plus vite.
J’ai glissé la main dans ma culotte, posé l’index sur le pli de la fesse entre mes jambes en soulevant l’élastique.

Je n’ai plus bougé, il n’a rien dit. J’entendais le léger grattement de son crayon sur le papier. Je sentais sous mes doigts la chaleur de mon sexe. Je crois qu’un orgasme m’aurait saisie si j’avais ne serait-ce qu’à peine bougé mes doigts, incapable cependant de rester totalement immobile, incapable de contrôler les petits spasmes qui contractaient mon ventre, répandant sur mes doigts des coulées chaudes dont le parfum montait jusqu’à moi.

Depuis sa première visite, je jouais à me montrer à lui, pour le plaisir de montrer, et cette longue séance de pose me comblait au-delà de mes jeux habituels. J’étais offerte à son regard, totalement, exposée, objet.

Il m’a enfin libérée, me disant d’une toute petite voix qu’il en avait terminé.
Je me suis redressée puis assise au bord du lit. Sans croiser mon regard, les joues cramoisies et le sourire tremblant.
Je crois bien que cette fois-là, j’étais aussi rouge que lui. Depuis quelques temps j’avais compris quel effet nos « rendez-vous » avaient sur lui, et je savais de ce jour qu’il n’était pas dupe lui non plus du plaisir physique que j’y trouvais.

Il a beaucoup dessiné pendant ces vacances. Et sur aucun des dessins de son cahier on ne voit mon visage, toujours il me cachait, sous un bras levé, sous mes cheveux, sous un pan de drap. Le seul portrait qu’il ait fait, il a découpé la page et me l’a donné.

Pour toutes ces séances de pose, c’est lui qui choisissait les positions que je devais prendre, me guidait de gestes timides et retenus, rarement de la voix. Je n’ai jamais posé entièrement nue pour lui. Je l’aurai fait sans doute, mais il ne me l’a jamais demandé.

Le dernier jour des vacances, en fin de matinée, j’ai feuilleté les deux cahiers de dessin, certains à l’encre de chine, la plupart au fusain, noir ou ocre. Il était devant le bureau, me tournait le dos, comme inquiet de ma réaction parce que toujours après la première fois j’avais refusé de regarder ses dessins.
Je n’avais rien prémédité, et je crois bien que je n’y avais jamais pensé avant : j’ai glissé mes bras sous les siens et j’ai posé les mains sur son pantalon, où souvent quand on travaillait ensemble je voyais sa réaction de garçon à mon exposition, cette érection dont j’avais deviné qu’il se soulageait discrètement aux toilettes en prétextant un besoin naturel.
J’ai ouvert son pantalon et j’ai écarté la taille de son slip pour le prendre dans ma main. Il était chaud, dur, et j’étais maladroite à tenir dans ma main pour la première fois un sexe de garçon. On est restés longtemps comme ça, moi appuyée contre son dos et lui les doigts crispés au bord du bureau, respiration tantôt bloquée tantôt relâchée en soupir quand je bougeais doucement mes mains sur sa verge et plus bas entre ses jambes.

Je l’ai entraîné vers le lit où je me suis allongée sur le dos en l’attirant sur moi. C’était la première fois pour moi, la première fois pour lui. A 16 ans j’ai perdu ma virginité sans regret, sans douleur, sans plaisir non plus cette première fois, et c’est la seule fois où Maxime et moi avons fait l’amour.


L’histoire est finie ? Presque. Je vous ai dit comment les choses ont commencé, pourquoi ce sont vos yeux qui comptent, vos regards, anonymes, des regards que je ne croise pas, qui brûlent et piquent ma peau de les savoir sur moi.
Les gestes après, peu importe, sont parfois attendus, parfois inutiles, vos yeux sur moi suffisent.
Ils me suffisent à moi, suffisent à mes plaisirs solitaires. Maxime était un garçon très spécial, lui n’a jamais exprimé ouvertement de désir pour moi, ne m’a jamais demandé d’accompagner son assouvissement. Un garçon à part.


Maxime a quitté Aix au début de l’été. Avant de quitter Aix, il a voulu que je l’accompagne un soir de semaine à l’atelier où il prenait des cours de dessin.
Son professeur, une dame d’une quarantaine d’année, commentait, parfois critiquait, très souvent se tournait vers moi. Ma présence auprès de Maxime était explicite : jamais sur ses dessins on ne voyait mon visage, mais elle savait.

— Je dirige cet atelier, je m’appelle Marianne. Quel âge as-tu ?
— 18 ans.
J’ai menti sans hésitation. A son sourire et sa moue, j’ai compris qu’elle n’était pas dupe :
— Bien. Aimerais-tu poser pour moi ? pour notre atelier ?
A mon haussement d’épaules, elle a décrit les conditions financières, la difficulté, parfois les courbatures aux longues séances de poses :
— Et puis, tu dois bien te rendre compte que c’est très différent que de poser pour ton petit ami.
— C’est juste un copain de classe, c’est tout !
— Peu importe. Qu’en penses-tu ? Tu veux essayer ?


J’étais seule le lendemain en fin d’après-midi en me présentant à l’atelier, la peur au ventre depuis le rendez-vous pris la veille, mais j’étais venue, sans savoir à quoi m’attendre.

Marianne m’a conduite dans une sorte de bureau encombré de matériel en désordre et m’a demandé de me préparer. Elle attendait bras croisés adossée à une armoire, un peignoir en éponge sur les bras, à mon regard indécis, a précisé « nue ».
Ces mains sur mes épaules, elle me faisait tourner devant elle, comme on manipule un objet pour en apprécier l’aspect, la forme, examen impersonnel. Elle m’a sentie trembler, a vu sans doute m’a peau se piquer, s’est inquiétée que j’aie froid mais je savais à son sourire un peu moqueur qu’elle n’en croyait rien.
Elle m’a poussée dans le couloir d’une main dans le dos sans me donner le peignoir, échangeant quelques mots au passage dans l’entrée avec une secrétaire et deux jeunes qui ouvraient de grands yeux ébahis en me regardant, puis vers une salle où les discussions se sont tues à notre entrée.

Je n’ai regardé personne, je n’ai vu personne, je ne voulais rien voir.
Elle m’a installée sur l’estrade, de profil, assise à genoux les fesses sur mes talons, a appuyé sur mes épaules pour que je me penche et m’écrase sur mes cuisses bras tendus, elle a étalé mes cheveux autour de ma tête, appuyé encore plus fort sur mon dos pour que je creuse les reins, genoux ouverts autour de mon torse, les bras étirés loin devant moi, a relevé mes épaules et plié mon cou vers le sol, m’a dit de ne plus bouger.

Je suis restée une demi-heure immobile, le silence dans la salle n’étant troublé que de quelques conversations murmurées que je n’écoutais pas, de bruits de chaises, de grincements de la porte derrière moi et de craquements du plancher aux allers-venues dans la salle.
Maxime m’avait habitué à ces longues séances de poses et la position n’était pas très difficile à conserver. Après un brouhaha suivant l’annonce d’une pause, Marianne m’a dit de me redresser. La salle était vide.

— Ça va ?
— Oui.
— Tiens, essuies-toi ! J’ai déjà vu des garçons réagir comme ça, c’est plus démonstratif, mais jamais encore de fille ! Eux vont s’isoler aux toilettes, c’est au fond du couloir, si tu veux !
Après un bref instant d’incompréhension, brusquement, j’ai compris ce qu’elle voulait dire. Tout le temps où j’avais posé, à chaque bruit de pas sur le plancher, à chaque claquement de la porte dans mon dos, j’étais parfaitement consciente de mes fesses et de mon sexe exposé, et comme parfois en posant pour Maxime, je sentais mon ventre se contracter et l’humidité venir entre mes cuisses.
— Les dames qu’on a aujourd’hui, ça les amuse plutôt, mais si tu mouilles comme ça devant mes étudiants, j’aurai du mal à les tenir ! Ce sont les dames qui te mettent dans un état pareil ?
Cette question-là, je ne me l’étais jamais posée, et elle n’avait pas grand sens pour moi. J’étais pétrifiée, incapable de prononcer le moindre mot, et je sentais mes yeux se remplir de larmes et mes mains trembler sur mes genoux
— Eh … pardon, je voulais pas me moquer ! Attends … calme-toi !
C’est elle qui a essuyé mon sexe d’une main entre mes jambes, une main sur mon épaule. Le geste n’avait rien d’équivoque, rien d’un attouchement, pourtant j’ai joui comme je jouissais du premier geste de mes mains sur moi dès que Maxime partait après une séance de pose.

Marianne était tellement surprise qu’elle s’est reculée très vite.
Du brusque orgasme qui pulsait, de la honte immédiate, je brûlais, me cachais le visage des mains, le buste plié en avant.
— … on arrête, si tu veux …
Elle a posé le peignoir sur mes épaules.
— Tiens, fais-le toi … et sur ta cuisse aussi …
J’ai eu un rire nerveux en la voyant me tendre un second mouchoir :
— Une demi-heure encore. Ça va aller ?
J’ai enlevé le peignoir de mes épaules et j’ai repris place sur l’estrade, essayant de retrouver la position. Marianne me corrigeait, d’une main ferme :
— C’est bon ? Je peux les appeler ?
Je les entendues revenir, entendu les chuchotements, quelques rires échangés, je savais leurs regards … la chaleur revenait.

Bien sûr j’y suis retournée. Le plus souvent je posais seule, parfois avec d’autres filles, d’autres fois, plus rarement, des garçons. Quelques-unes, et un garçon une fois, ont remarqué comme Marianne la première fois l’effet que produisaient ces séances sur moi.
A des garçons j’ai cédé, dans la pièce où on se déshabillait, dans les toilettes une fois, et jamais je n’ai voulu les rencontrer en dehors du cours, mon plaisir ne venait pas vraiment d’eux, ça n’aurait eu aucun sens. Seule Marianne l’avait compris.

Ce que j’aimais aussi, que j’aime encore, en plus du poids des regards, c’est avant, quand elle fixe la pose, du geste plus que de la voix, quand ses mains sur moi me plient à l’exigence d’une position, manipulent et forcent, comme un objet de cire qu’elle tordrait, forcerait, objet entre ses mains sous ses yeux, réduite aux sensations, toute pudeur abandonnée, juste un corps objet, offert pour des regards étrangers.

Certains soirs, Marianne me garde après le cours, cache mon visage sous mes cheveux, sous un coin de drap, sous un bandeau parfois. Elle me plie, elle m’ouvre, elle pince mes seins pour les faire durcir et se dresser les tétons, forcent mes doigts en moi. Je sais l‘indécence qu’elle m’offre. Elle dessine.
Ensuite, ensuite seulement je prends le plaisir qu’elle m’accorde, qu’elle veut de mes mains, qu’elle donne des siennes plus rarement, d’un garçon qui me fait l’amour quelques fois, ensuite seulement elle libère mes yeux. Amours anonymes, sexe sans amour, plaisir.

Elle n’a jamais dit. Ne dira jamais peut-être. Son regard quand j’arrive, son regard quand je pars. Elle, je sais, depuis un an que je pose pour elle.
J’ai 17 ans.

Ce sont les yeux qui comptent. Le regard. Anonyme, inconnu, un regard que je ne croise pas, un regard qui me brûle et pique ma peau de le savoir sur moi, me fait fondre.
Les gestes, après, les miens ou d’autres, peu importe, sont parfois attendus, parfois inutiles, superflus. Les yeux sur moi suffisent.

J’ai 17 ans. Et demain ? Et après ?
Je sais l’anormalité. Je sais la différence.
Je sais le plaisir, je sais la honte, je sais l’impudeur, je sais les corps, le mien, mais les autres ?
J’ai 17 ans et je sais les questions.
Je sais le début, accident, je sais le présent, voulu, aimé.

Et demain ? Et après ?

Misa – 02/2015

Comments:

No comments!

Please sign up or log in to post a comment!