Ô Toulouse
La gare Matabiau, le sombre Canal du Midi sous le soleil empesé dun été indien, halte imprévue sur le chemin des vacances. Lhabitude mentraîne chaque année en septembre à Argelès-sur-mer. Pourquoi ne pas avoir pris un train direct ? Pourquoi ne pas avoir fait halte à Perpignan ? Si les vacances se résumaient à une litanie de « pourquoi », on resterait au boulot.
Avant toute chose, il me faut trouver un hôtel ; pas question de trimballer mon sac toute la soirée, et une douche simpose après ces heures passées dans un train. Je délaisse la rue Bayard, trop bruyante, trop fréquentée. Jai envie de calme après onze mois de parisianisme, dune plage déserte et de silence, du bruissement autoritaire dune brise dans les arbres, dune terrasse vide dédiée à mon seul bien-être. Mes pas saventurent à gauche après le pont, le long du canal.
Chambre n° 5 au 1er étage, chante laubergiste dune trentaine dannées de sa voix marquée dun accent nord-africain.
Je le remercie dun signe de tête, lenvie me presse de passer sous le jet tiède de la douche.
Le long comptoir de zinc minspire davantage quune table, une impression de démesure se dégage de la salle vide de toute clientèle. Le patron en terrasse discute avec deux hommes dun certain âge devant un café.
Bonsoir, vous désirez boire quelque chose ?
Jeune fille ou jeune femme ? Elle peut avoir 18 ans, ou 25, impossible à définir. Sa beauté typée, ce mot me paraît fade, reste lunique certitude. Doit-on parler de beauté face à cette superbe créature ? Le nom de lhôtel mamène à penser quelle est dorigine marocaine. Par assemblage didées, il sagit peut-être de lépouse de laubergiste.
La courte chevelure sombre met en valeur lovale du visage. Le nez fin se profile entre deux pommettes hautes, dadorables fossettes mettent sa bouche aux lèvres légèrement ourlées en valeur. Le regard franc brille dune étrange fierté dénuée darrogance, subtile marque de noblesse.
Mes yeux ségarent sur la robe mauve dété boutonnée jusquau col. Une poitrine orgueilleuse tend le tissu serré à la taille fine par une ceinture de coton. Je ne sais plus si le vêtement se veut sage, ou sil désire concentrer les attentions sur ces seins magnifiques.
Un whisky sil vous plait.
Son sourire se fige un bref instant, sans doute entendre une femme commander un tel alcool la surprend.
Avec glace ? se reprend-elle aussitôt.
Oui, merci.
La démarche souple, la belle sactive, moffrant la vision densemble dune silhouette longiligne. Outre la poitrine plantureuse, la robe tombant aux genoux met en valeur de longues jambes, la lumière du jour en transparence laisse voir les cuisses fuselées.
Oui, tout delle inspire lamour. Jen oublie mon envie de sortir, de trouver un bar lesbien afin de chercher laventure dun soir. Je veux me saouler de son parfum, jouir de son image.
On bavarde un moment, de Toulouse que je connais trop peu, de Paris quelle ne connaît pas du tout. Détendue, belle à renier un vu de chasteté, Chadia accepte un jus de fruit. Lambiance berbère me ravit pour une fois : les femmes seules à lintérieur, les hommes à lextérieur. Personne pour rompre la magie de linstant.
Il est possible de dîner ? Cette journée ma usée.
Les yeux noirs de la serveuse roulent, comme pour chercher une présence, sans doute celle du patron installé en terrasse.
Le restaurant nest pas ouvert le lundi soir, le bar va bientôt fermer.
Dommage.
Mon air déconcerté na rien de en cet instant. Peut-être même attendrit-il mon interlocutrice qui abandonne son comptoir. Elle moffre un sourire sincère, une sorte dinvite.
Je vais demander à mon frère sil est possible de sarranger.
Son frère ? Le crash dun avion naurait pas été plus retentissant. La silhouette séloigne, poursuivie par mon regard lourd. Les anciens, sans doute vexés dêtre interrompus par une femme, détournent la tête quand elle se penche à loreille du patron.
Le retour de Chadia est une source de joie contenue ; je devine à son regard pétillant que jai gagné, jignore encore la valeur du prix.
Une salade composée et du fromage, ça vous ira ? chante sa voix inimitable. Le cuisinier et le veilleur de nuit sont de repos le lundi, mon frère va fermer le bar et je reste seule pour la nuit.
Ainsi la belle me le confirma plus tard une certaine rigidité sest invitée dans ce coin de France. Les mâles absents pour la soirée souhaitent protéger la femme de toute tentation, mais ne pas la laisser dans le désoeuvrement. La salle doit être nettoyée, et lhôtel ne peut rester sans surveillance.
Je ne représente pas une menace aux yeux du patron. Le pauvre ignore quil a permis à la louve dinvestir la bergerie.
Il mest aisé de convaincre Chadia, on sinstalle à une table pour dîner en tête à tête, certaines de nêtre pas dérangées. Limage vaut le détour de deux jeunes femmes seules dans une grande salle de restaurant.
Le vin rosé donne dabord à mon interlocutrice la volonté de sépancher sur sa vie. Née à Toulouse, elle doit obéissance à se deux frères comme à son père, elle fait de fausses prières et de véritables rêves démancipation. On lui permet de se vêtir à loccidentale, mais pas de se comporter comme telle. Alors, elle saisit la moindre occasion de saffranchir du carcan de la tradition. Et je représente loccasion ce soir.
Bien vite pourtant, la féminité de Chadia se réveille, la rendant plus belle encore, craquante, envoûtante. Effet de quelques verres de vin ou sensation de liberté ? Elle se révèle curieuse de mon existence.
Tu as un copain, ou un fiancé ?
Non, à dire vrai je naime pas la compagnie des hommes, osais-je dans un élan. Jespère que je ne te choque pas.
Un ample mouvement de tête massure du contraire. Mon interlocutrice se lance alors dans un monologue effréné fait de grandes déclarations recueillies sur Internet. Le lesbianisme existe aussi au Maroc.
Puis, sans prévenir, un moment de calme plénitude succède à la période dénervement. Le timbre de Chadia devient rauque.
Tu as une copine en ce moment ?
Oups ! je ne mattendais pas à une question directe. Que veux-t-elle dire par là, sagit-il dun message subliminal ?
Non, je nai personne.
Une jolie femme comme toi dois avoir du succès, minaude ma proie.
La discussion est un mélange de généralités sur mon identité sexuelle et de particularités de ma vie privé, comme un flou artistique sur une ligne de démarcation que la belle hésite à franchir. Jignore encore si une histoire va naître entre nous, mais son comportement devient équivoque. Quoiquen disent les sourires et les blagues, la brillance de son regard mapparaît comme un total manque dassurance, une perte de ses repères habituels aussi.
Tu crois que je pourrais plaire à une femme, minaude-t-elle dune voix inaudible comme si on risquait de nous entendre.
Ma main ségare sur sa joue, la chaleur de sa peau ne me surprend pas.
Tu me plais, cela ne te suffit pas pour ce soir ?
Le dîner terminé, Chadia mentraîne dans une grande pièce, à la fois bureau et lieu de repos pour le veilleur de nuit. Adossée au chambranle de la porte, je lobserve sans détour. Le vin la rend plus queuphorique, presque allumeuse. Une de mes mains senroule autour de sa taille fine, lattire à moi. De lautre je soulève son menton. Le souffle court, la belle se ramollit sous mon étreinte, ses seins tendus sécrasent contre ma poitrine. Jeffleure ses lèvres, incapable de me contenir, son parfum menivre. Ses grands yeux surpris me dévisagent, comme si je venais de commettre lirréparable.
Je suis désolée, lui dis-je sincèrement.
Ce baiser, qui na duré quune seconde, a chassé les miasmes de lalcool. Elle mobserve, son regard traduit la gravité de linstant. Sans doute mon geste aura brisé la magie, elle va ma demander de me retirer dans ma chambre.
Alors, sans prévenir, Chadia pose ses lèvres humides sur les miennes. Sa langue fouille ma bouche avec douceur, puis avec conviction, avec passion. Ce nest pas la résistance qui la fait se raidir dans mes bras, cest le désir que son corps exprime ainsi.
Quand on reprend notre souffle, son regard sur moi est toujours aussi grand, aussi surpris, sans doute un peu plus brillant.
Alors ? me dit-elle.
La tension à son comble, je me décale de la porte et bloque Chadia contre le mur. Je la veux maintenant, ici, debout à lentrée de ce bureau. Mes mains partent à laventure tandis que nous échangeons un nouveau baiser furieux. Mes doigts sont partout à la fois, pourtant cest elle qui se déshabille avec un enthousiasme non feint. Chemisier déboutonné, jupe sur les mollets, soutien-gorge dégrafé, elle arrache son slip sans ménagement.
Ses seins tremblent contre ma poitrine, joublie notre baiser pour les embrasser. Ils sont superbes, larges et pleins. Les pointes durcissent dans ma bouche, Chadia gémit de volupté. Subtil mélange de douceur et de force, je caresse les globes avec tendresse tandis que je dévore les pointes avec avidité.
Puis je reprends mon chemin pour arriver à son nombril. Je le titille de la langue en cherchant le regard de ma belle. Chadia, par complicité, baisse la tête et observe chacun de mes gestes. La brillance de ses yeux mencourage.
Mes mains abandonnent ses seins pour ses fesses, petites, musclées. Jadmire son mont de Vénus fournit dun duvet noir, sa fragrance me trouble. Ses chairs luisent de désir. Je magenouille et passe mes épaules entre ses cuisses. La vue de ce sexe neuf mélectrise.
Javance délicatement la bouche, glisse ma langue entre les nymphes délicates, et commence à savourer le trésor défendu. Son goût salé me saoule, Chadia rugit. Jexplore sa vulve avec douceur, dune lenteur exaspérante. Mais la belle simpatiente, ses doigts se perdent dans mes cheveux, enserrent ma tête, impriment le rythme, elle ne veut pas attendre.
Alors je remonte le long de la fente trempée et déniche le bouton dans son capuchon. La bouche ouverte sur sa vulve pour ne rien perdre de la cyprine, jagace le clitoris de subtils coups de langue. Chadia flageole sur ses jambes, elle halète bruyamment.
Je désire la prendre avec un doigt, elle interrompt mon geste.
Non ! Que avec ta bouche. On ma jamais fait
Lèche-moi, touche-moi là.
Obéissante, je titille son bouton dun doigt, ma langue fouille ses chairs. Les tremblements de la belle mannoncent que la délivrance est proche. Je la lèche sans retenue, je branle son clito sans ménagement. Sa voix rauque mannonce le plaisir, je ne vais rien en perdre. Et son orgasme explose, puissant, bouleversant, dans ma bouche. Elle jouit, je suis au comble du plaisir.
Le regard de Chadia a changé quand je me relève, les genoux meurtris, les lèvres brillantes de sa cyprine. Elle mobserve presque avec dureté.
Tu nes pas obligée, luis dis-je afin de la rassurer.
Obligée de quoi ?
De me faire
quoi que ce soit.
Jen ai envie, rugit-elle comme une bête blessée.
Chadia soulève ma robe et la fait passer par-dessus ma tête. Je nai pas mis de soutien-gorge pour une fois, mon 85 b pointe fièrement, je lui apparais en slip. Son regard est une caresse à lui seul, mais je jeu dobservation ne dure pas.
Une main de la belle investit ma culotte, je ne peux retenir un petit cri. Ses doigts perdus dans ma toison nhésitent pas longtemps, ils glissent sur ma fente trempée. Ses yeux cherchent les miens, sachant que je la guiderai ainsi. Son autre main caresse mes seins tour à tour. Cest prodigieux, je mouille comme une folle.
Chadia sactive, attentive à chacune de mes réactions, elle apprend vite. Son index fouille ma vulve tandis que son pouce déniche mon clitoris, elle lagace de son ongle. Le miroir de la pièce me renvoie limage de deux femmes enlacées dans une position évocatrice, lune au bord de lextase et lautre concentrée sur le plaisir quelle offre à une inconnue. Leurs traits sont dune tendresse infinie malgré la glauque de la situation. Latmosphère de la pièce salourdit de nos effluves.
Soudain, une explosion inattendue déchire mes entrailles. Je jouis sur ses doigts sans prévenir dun orgasme long. Chadia savoure mon plaisir comme si cétait le sien, elle me remercie dun baiser langoureux.
Maintenant, je vais lui apprendre quune femme peut jouir plusieurs fois de suite, on a toute la nuit.
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