Marie-Jo
Toute blonde, toute fraîche, un sourire qui met des fossettes à ses joues, Marie-Jo ce matin se sent bien.
Hugo était en forme ce week-end, comme elle aime, gentil et câlin, amoureux. Ce n'est pas si souvent, deux fois, samedi soir d'abord, et puis dimanche en fin d'après-midi, avant que ses parents ne ramènent Lucie. Elle aime l'amour l'après-midi, en pleine lumière. Parce que c'est rare, déjà, et puis moins conventionnel, aussi. Parce qu'elle aime son regard sur elle, qu'elle aime sa nudité à lui. Pour le frisson, malgré leurs huit ans de mariage, un petit goût de jeunesse, d'insouciance, presque, et c'est bête, d'interdit, être nue en lumière pour lui, malgré le temps et les nuits, et prendre leur temps, sans penser au bruit qui réveillerait Lucie, sans penser à rien qu'à lui, à elle, pour de longues caresses et des baisers, s'ouvrir à sa main, à sa bouche, le goûter de ses lèvres et jouer de ses doigts en se regardant faire, l'amour de l'après-midi en pleine lumière.
En huit ans jamais elle n'a seulement pensé à un autre que lui, son mari, n'a jamais eu envie d'être avec un autre en intimité comme elle l'est avec lui.
Ce n'est pas le mariage et les vux échangés, ce n'est pas leur jolie petite fille leur maison leurs vacances et leurs projets, c'est naturel, évident, c'est tout ça et plus, ils sont ensemble, elle pour lui et lui pour elle, voilà tout,
Marie-Jo a trente quatre ans, femme épanouie, bien dans sa peau, bien dans sa vie. Elle n'est plus la jeune-fille qu'il a épousée, elle le sait, voit dans son miroir que son corps a changé, les années, la maternité, fait attention à elle pour lui plaire encore, surveille son corps pour voir ses yeux briller à la lumière d'un dimanche après-midi, choisit de jolis dessous qui lui donnent l'envie de les enlever, se fait belle pour lui.
D'autres, elle le sait, elle voit leurs yeux aussi, bien sûr, la trouve jolie. Elle en est flattée, bien sûr, s'en amuse, mais jamais il ne lui viendrait à l'idée de flirter, de jouer de séduction pour un autre que lui.
Elle dirige le service commercial d'une entreprise de transport, un milieu masculin, rencontre les clients de la société, les chauffeurs, ses collègues de travail au quotidien. Certains font des compliments, d'autres des propositions, certains sont discrets, d'autres insistants, certains suggèrent et d'autres proposent. A tous elle sourit, à tous elle dit "Je suis mariée", pas pour dire "C'est compliqué", juste pour dire "Je vais bien sans vous".
Bien sûr elle est fière de ces attentions et de l'intérêt qu'elle éveille chez ces hommes, rassurée, pour elle, pour lui, pour son couple.
Elle n'a pas de rêve pour elle seule. Ses rêves, son mari, sa fille, sa famille , y sont toujours associés.
Lundi dans l'après-midi, elle s'est rendue chez un nouveau client pour finaliser un contrat.
Deux hommes, dont celui qu'elle avait eu plusieurs fois au téléphone, avec qui elle avait négocié. L'autre, le brun qui était assis en face d'elle n'avait pas participé à la discussion et elle n'a compris qu'à la fin de la réunion que c'était lui le décideur. Une erreur de sa part. Elle aurait dû se renseigner sur la fonction de chacun. Elle s'est sentie mal à l'aise, perturbée par cette erreur quand ils sont restés seuls.
Il ne disait pas un mot, a signé le devis et s'est levé. Fin. Au moins le contrat était signé.
Il s'est levé pendant qu'elle rangeait le dossier dans son attaché-case, a ouvert la porte du bureau, et l'a raccompagnée vers la sortie.
Elle s'est arrêtée dans le hall devant les portes automatiques et lui a tendu la main. Elle n'a rien dit, ne savait pas quelle attitude adopter avec ce type muet qui la dominait d'une bonne tête, imposant et impressionnant.
Marie-Jo était déstabilisée. Il a pris son bras et l'a entraînée à l'extérieur, l'a guidée jusqu'au parking, la laissant se diriger vers sa voiture en gardant sa main sous son bras, ne le lâchant que pour lui permettre d'ouvrir sa portière.
Elle s'est retournée pour lui tendre une nouvelle fois la main.
Il a passé un bras autour de sa taille, sous la veste de son tailleur, sa grande main au creux de son dos pour la plaquer contre lui et l'a embrassée, l'autre main plongée dans ses cheveux sur sa nuque.
Marie-Jo n'était plus Marie-Jo. Le repousser, se fâcher, le gifler, voilà ce que Marie-Jo aurait fait, celle qu'elle était depuis toujours, qu'elle était quelques minutes plus tôt. Qu'elle n'était plus. Elle s'est laissée porter par la main dans son dos qui la soutenait, a ouvert la bouche au baiser et accueillie la langue de l'homme dans sa bouche, l'a goûtée de la sienne en fermant les yeux, s'accrochant des deux mains au costume de l'homme.
Elle était une autre, elle était ailleurs, elle n'était que chaleur, chaleur de la langue qui la possédait, chaleur de la main dans son dos, chaleur de son ventre qui brûlait.
Il a pris les clé de sa voiture et l'a refermée, l'a prise par la main pour la conduire vers une autre voiture, lui a ouvert la portière passager et l'a refermée sur elle.
S'enfuir ? Elle n'y a pas pensé une seule seconde. Elle était tremblante, petite, perdue, incapable de la moindre réaction, spectatrice d'elle-même, extérieure, étrangère a ce qui se passait.
Elle regardait droit devant elle quand il se garait, lui ouvrait la portière et la guidait de sa main sous son bras.
Elle a vu l'enseigne, "Novotel", a attendu un pas derrière lui pendant qu'il retirait la clé au desk, l'a suivi dans le long couloir jusqu'à la chambre, est entrée quand il l'y a invitée d'une main dans son dos.
Elle a vu la salle de bains à sa droite dans l'entrée, le lit bas et le couvre-pied bleu rabattu sur le drap blanc et les deux oreillers, le rideau de velours et les fins rideaux blancs qui ondulaient sous la bris, la baie vitrée ouverte sur les champs.
Bien sûr elle s'est demandée ce qu'elle faisait là, bien sûr elle s'est dit "C'est pas moi", bien sûr elle s'est dit pendant qu'il ouvrait grand les rideaux sur les champs "Je devrais partir, je pourrais partir".
Elle n'en a rien fait, y a pensé, c'est vrai, à quoi d'autre ? Elle ne sait plus. Pas d'images, pas de mots, pas de gestes. Des sensations, de chaleur, chaleur du baiser d'avant et de la main dans son dos, chaleur dans son ventre. Juste des sensations, elle n'a pas bougé, est restée debout au pied du lit le regarder ouvrir les rideaux sur les champs.
Il lui a enlevé lentement la veste de son tailleur ses yeux plongés dans les siens, il a abaissé la fermeture éclair de sa jupe dans son dos et l'a laissée tomber à ses pieds, elle l'a enjambée, il a abaissé sur ses épaules les bretelles du body, l'a abaissé sous ses seins et s'est penché pour les embrasser, a pris les tétons entre ses dents, a aspiré le bout de ses seins dans sa bouche, en embrassait un en serrant l'autre fort de sa main, il l'a poussée sur le lit et l'a allongée d'un main sur ses seins pour faire glisser le body sur ses hanches, sous les fesses qu'elle soulevait, sur ses cuisses.
Elle était nue allongée sur le lit, a de chaque pied fait glisser ses chaussures sur la moquette, allongée immobile pour le regarder se déshabiller face à elle, a regardé le torse et la toison brune, le ventre et le sexe bandé et dressé.
Il restait immobile, la regardait, ses yeux dans les siens, les yeux sur ses seins, les yeux sur son ventre, les yeux sur ses cuisses; elle restait immobile et le regardait, ses yeux, ses épaules, son torse et son ventre, son sexe.
Bras le long du corps, les jambes pendant au pied du lit, elle a ouvert les cuisses les yeux fixés aux siens, a levé les mains vers lui pour prendre sa taille quand il s'est couché sur elle, a levé plus haut ses cuisses et fermé ses jambes autour de ses hanches pendant que le sexe brûlant ouvrait ses lèvres et pénétrait son ventre, son vagin brûlant.
Il n'a pas fermé les yeux, elle n'a pas fermé les yeux, même quand la première vague de plaisir l'a emportée, vite, très vite, dès que leurs ventres se sont collés, du corps tendu de l'homme et de ses reins levés vers lui.
Elle a joui avec un cri muet cette fois, a gémi encore après quand il suivait le rythme qu'elle imprimait de ses talons sur ses fesses, a crié encore en sentant les contractions de la verge dans son ventre et la chaude humidité qui l'envahissait.
Elle a joui aussi en se caressant, il avait guidé sa main pour la poser sur son sexe pour la regarder monter vers un nouvel orgasme, son cri étouffé de la verge où elle goûtait et buvait à pleine bouche leurs sucs mêlés.
La nuit tombe quand il la ramène à sa voiture. Elle ne connaît toujours pas le son de sa voix, leur baiser a le goût de son plaisir de femme.
Tout au long de la route, ensuite en ouvrant la porte de chez elle, en faisant signe de la main à son mari quand elle se déchausse et part vers la salle de bain, elle se répète sans arrêt "Il n'est rien arrivé. Il n'est rien arrivé.".
Il vient la rejoindre dans la salle de bain. Elle est sous la douche parce que même s'il n'est rien arrivé, il faut sur sa peau effacer le parfum de ce rien.
Dure journée ?
Où est Lucie?
Elle joue dans sa chambre.
Tu viens me frotter le dos ?
Il la rejoint sous l'eau qui efface la journée, il la trouve gourmande, dit après "J'aime bien quand tu as de dures journées".
Elle se dit "Il n'est rien arrivé.", et tout au fond, tout au fond, une petite voix dans sa tête dit "Peut-être qu'un autre jour il n'arrivera rien, c'est bien quand il n'arrive rien" et Marie-Jo se sent bien.
Misa - 03/2015
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