Joggeuses

. T'as fait exprès de tâcher ma robe ? Pour que je reste ?
. Non, non ! mais elle était sèche, t'aurais pu partir !
. Je le savais.
Ses lèvres étaient douces, sa langue avait un goût de menthe.


Je ne me souvenais pas d'elle. Ni son visage, ni son allure. Elle est jolie, pourtant, mais je ne fais pas attention aux filles. Aux hommes pas beaucoup non plus, à vrai dire.
Habiter Paris me va bien, anonyme au milieu d'anonymes.

Je travaille pour un Cabinet d'assurances depuis 5 ans, au service contentieux. A Paris depuis seulement 3 mois.
Je n'avais plus d'attache à Rennes depuis le décès de ma mère, et surtout de bonnes raisons d'en partir : côtoyer tous les jours au travail l'homme avec qui j'avais vécu 2 ans, et celle qui partage maintenant son lit, c'était au-dessus de mes forces ! elle n'est même pas belle ' vulgaire ' il a dit qu'il s'ennuyait avec moi .

C'était un mardi soir. Les rencontres sont souvent le fait du hasard : la nôtre tient à la pluie d'un soir au sortir du bureau et à une branche de mes lunettes cassée dans l'après-midi, un soir d'humeur maussade après une journée difficile.
La vendeuse debout à l'entrée de la boutique s'amusait de ceux qui s'arrêtaient pour échapper à l'averse à l'entrée du magasin et déclenchaient en permanence l'ouverture de la porte automatique. Elle n'avait visiblement aucune illusion sur le fait qu'il s'agisse d'un afflux de clients, et avait l'air contente que j'aie réellement besoin de ses services.
J'étais un peu surprise et décontenancée de son accueil plus convivial que ce à quoi on peut s'attendre.
.
Elle avait l'air désolée en me rendant mes lunettes :
. Je ne peux pas faire mieux, et j'ai peur que ça ne tienne pas très longtemps !
. Je m'en doutais un peu alors voyons pour une autre paire !
Elle était un peu trop empressée, un peu trop souriante et je m'agaçais de ses remarques et de ses conseils.


Je ne suis pas bêcheuse, ne croyez pas cela, simplement réservée par nature, même timide, et tenir les gens à distance est un moyen de défense, pour protéger ma bulle.
Je m'agaçais de son insistance à vouloir me convaincre qu'une monture rouge à grand verre m'allait vraiment bien. Elle s'en est aperçue et a eu l'air gênée, elle rougissait :
. Vous avez pourtant l'habitude de couleurs flashy !
Je portais ce jour-là un tailleur gris sur un pull de laine écru .
. Pardon .
. Quand vous faites votre jogging ! Je vous vois partir et revenir de ma fenêtre, j'habite en face de chez vous !
. Oh !
. Je crois bien qu'on s'est déjà croisées à la superette ou à la boulangerie .
Et pour le coup, c'est moi qui ai rougi de mon impolitesse à ne pas l'avoir reconnue.
J'ai pris la monture rouge.

Pendant qu'elle remplissait un dossier, je regardais la pluie battante à travers la vitrine :
. Si vous attendez quelques minutes, vous pourrez profiter de mon parapluie !
J'ai hésité . mais il pleuvait vraiment très fort !
. Je n'avais pas prévu ce temps-là en partant ce matin.
. Moi non plus ! Mais des clients oublient parfois leur parapluie et ne reviennent pas le récupérer ! ça nous rend service !

Elle portait une jupe pied-de-poule qui la couvrait à peine à mi-cuisses et des collants noirs opaques, un sous-pull à col montant noir sous un blouson de cuir.
. On se lance .
Elle a ouvert le parapluie et m'a offert son bras, m'a entraînée avec elle en riant à ceux qui nous disaient au revoir depuis l'auvent.
Elle poussait de petits cris à chaque fois que la pluie qui rebondissait sur le trottoir mouillait ses jambes, les miennes aussi, et elle riait de mes grimaces.

Dans les couloirs du métro, c'est elle qui tenait mon bras et me traînait à sa suite. Je suivais, tout étonnée, et ravie, que son chemin soit le mien. Dans le wagon où nous étions installées en vis-à-vis, elle a essuyé ses jambes avec un mouchoir en papier, a essuyé les miennes ensuite malgré mes protestations, s'est adressée à la dame assise à côté de nous qui s'amusait de la voir faire :
.
Des mollets de coureuse, ça, madame ! il faut les entretenir !
Elle s'est penchée vers moi en jetant un regard vers notre voisine, a ajouté en aparté :
. Ce week-end, je me suis acheté la même tenue que vous. D'habitude je cours en survêtement, mais votre fuseau corsaire et votre petit top fluo vous allaient tellement bien que je voulais les mêmes ! J'ai pas pris la même couleur que vous. On pourrait courir ensemble, si vous voulez ! Vous allez à Vincennes, vous aussi .
Ça faisait beaucoup pour moi en si peu de temps. Voilà 3 mois que je n'avais pratiquement adressé la parole à personne en dehors du travail, et je me retrouvais avec une voisine opticienne qui copiait mes tenues et voulait courir avec moi !
. Oui, pourquoi pas .
. J'avoue que ce qui m'arrangerait, c'est que vous changiez vos habitudes ! Moi le dimanche matin, j'aime bien traîner . un soir, peut-être . Allez, dites oui !
. Peut-être .

Je n'y pensais plus vraiment le lendemain soir en rentrant chez moi. Elle m'attendait devant l'entrée de mon immeuble, en collant corsaire noir et un petit top bleu fluo. Elle secouait dans sa main un étui de lunettes :
. J'ai accéléré les choses ! Elles sont prêtes ! Les autres ont tenues .
. Non . j'ai mis du scotch .
. Il faut peut-être les régler un peu.
J'avais les bras chargés des courses que j'avais faites en passant à la superette. J'ai hésité, un peu gênée, et je l'ai invitée à monter.

Elle m'a fait asseoir sur une de mes chaises du salon et a posé les lunettes sur mon nez, a écarté mes cheveux de mon front. Elle a ajusté les branches sur mes oreilles, a pris le livre de cuisine qui traînait sur la table pour me faire lire.
Elle se tenait penchée vers moi, les mains sur ses genoux, observait mes yeux :
. Attendez ... un petit réglage sur le nez ... essayez encore .
J'ai lu à nouveau, sans avoir besoin de soulever la tête comme avant :
. C'est bon.
.
Oui, ça à l'air vachement bon... la recette ! Les lunettes aussi. Si vous avez la moindre gêne au travail, passez demain en boutique.
Elle s'était reculée et jetait un regard autour d'elle :
. Il est bien cet appart ! Mon salon est plus petit. Tu as... oh ! pardon ! Vous avez combien de pièces ?
. C'est rien, le tutoiement me va... 3 pièces, mais l'une des chambres est petite.
. Chez moi, j'ai qu'une chambre, pas très grande non plus ! Mais bon, j'ai pas besoin de plus ! . t'as vu ? Moi j'ai pris un top bleu. Le orange était plus joli mais ils n'avaient la brassière qu'en bleu . tant pis ! Et moi, je peux pas m'en passer ! J.ai même pris le string assorti ! Quand j'ai essayé, on voyait les marques, là, c'était pas très beau ! Je sais bien que c'est pas un concours de mode, mais quand même ! J'avais bien vu que c'était moulant, mais pas à ce point-là !

Elle parlait, parlait, me noyait sous des flots de parole. Je me suis mise à rire.
. Quoi . Ah ! Je parle trop, c'est ça . Pardonne-moi ! Tu sais, même toute seule chez moi, faut que je parle ! Je vais pas t'embêter plus longtemps . Tu... T'as pas envie . ce soir... Tu préfères le dimanche, toi ! ça fait rien... une autre fois .
. Attends . je veux bien !

Depuis un mois, je cours avec Aurélie deux soirs par semaine, et j'ai abandonné mes sorties solitaires du dimanche. On s'accordait mal au début. Pas le même rythme, pas les mêmes distances. Elle avait des parcours plus courts que les miens, une course plus dynamique. Chacune s'est adaptée à l'autre, on alterne, tantôt mes distances et tantôt les siennes.
Un samedi, on est allées au cinéma ensemble, et on a mangé à République avant de rentrer. Souvent en semaine, je passe chez l'opticien pour qui elle travaille et on rentre ensemble. Elle me bouscule un peu, me sort de ma réserve et j'aime bien.

Samedi dernier, elle m'a invitée chez elle. J.ai un peu hésité quand elle m'a dit que nous serions cinq, deux filles et le copain d'une des filles en plus de nous deux.
Elle a insisté et j'ai fini par accepter.
C'était une bonne soirée, ses amis sont sympathiques. Ils voulaient aller en club ensuite mais je n'avais pas envie, Aurélie n'y est pas allée non plus. Je l'ai aidée à ranger et à faire la vaisselle quand ils sont partis. On a ensuite regagné le salon, je me préparais à rentrer chez moi, mais elle a réglé plus fort le son de sa chaîne :
. Pas besoin d'aller en boîte pour danser, allez Caro ! viens !
On a dansé un peu et Aurélie s'est servi un Jet27, m'en a servi un aussi que je buvais dans le canapé quand elle s'est laissée tomber à côté de moi et m'a bousculée : j'ai renversé mon verre sur ma robe qui était toute collante sur mes cuisses.
Elle a insisté pour que je me change, elle voulait la laver tout de suite pour éviter que la tâche reste. Elle m'a donné une veste peignoir accrochée au dos de la porte de la salle de bain en attendant. Sa veste couvrait à peine mes fesses et je n'ai trouvé nulle part la ceinture dans la salle de bain.
Elle a lavé le devant de ma robe et l'a mise à sécher sur son porte-serviette.
. Heureusement qu'ils étaient partis ! S'il t'avait vu comme ça, c'est pas avec sa copine que Patrick serait parti ! Super mignon, ton petit ensemble ! Viens danser !

Je me sentais un peu bête en chaussures à talons avec cette veste que je devais retenir d'une main pour la tenir fermée, qui s'ouvrait grand sur mes dessous quand elle prenait mes mains pour me faire tourner. Ce n'était pas la première fois qu'elle me voyait en dessous, je m'étais changée pour aller courir un soir où elle était passée me chercher. J'avais dû la mettre dehors de la salle de bain pour finir de me déshabiller. Moi, je ne porte rien sous le collant et le top quand je cours. Avec les talons et sa veste en satin, ça faisait tout de même un peu bizarre, je n'étais pas très à l'aise.
. Dis, t'as pas un t-shirt un peu long à me prêter, parce que...
. Bah, on est que toutes les deux, et puis t'es belle, comme ça !
. Quand même .
. Attends !
Elle a enlevé sa jupe et a déboutonné son chemisier.
. Comme ça, on est à égalité ! Tu te sens moins seule, ça va mieux .
Elle nous a resservi un verre, et cette fois je ne l'ai pas renversé.
Et puis un slow. Elle est allée vers la chaîne pour changer de titre, et puis s'est retournée, ayant changé d'avis. Elle a éteint la lumière du salon et s'est approchée de moi. On a dansé le slow ensemble en chantant, faux, nos mains sur nos épaules, et quand il s'est terminé, elle est allée remettre le même titre.
. T'as un mec, en ce moment ?
. Tu sais bien que non .
. Moi non plus, ça fait un moment ! ça te manque pas ?
. E toi .
. Un peu. Le dernier, il était marié. On se voyait pas souvent, c'était compliqué.

C'était bizarre, un peu gênant . et c'était bien.
Bizarre de sentir ses seins contre les miens, la chaleur de ses cuisses contre les miennes. Gênant de sentir mes tétons durcir des frottements de ses dentelles. Bizarre et gênant parce que j'étais bien, que j'étais en même temps soulagée et déçue quand le slow s'est terminé.
Elle nous a encore resservies, a bu son verre cul-sec. Je ne m'en suis pas vraiment rendu compte tout de suite, mais elle évitait mon regard avec autant d'application que j'évitais le sien.
Elle est revenue de la salle de bain :
. Pas tout à fait sèche .
Elle avait un petit sourire un peu crispé. Je savais qu'elle mentait, j'avais vérifié peu de temps avant en allant aux toilettes. Et je ne savais pas quoi faire de ça. Je savais que ma robe était quasiment sèche, et je n'avais rien dit, sans trop savoir pourquoi, juste pour que la soirée dure un peu. Elle trichait et moi aussi.

. Même s'il n'y a qu.une rue à traverser, tu peux pas le faire dans cette tenue... tu... tu pourrais dormir ici . Pour me faire pardonner, je ferai pas de grasse matinée, j'irai courir avec toi demain matin .
. Je veux pas t'encombrer.
. T'es bête ! je t'aurais pas proposé... allez reste... je ... ça fait longtemps que j'ai pas discuté toute la nuit avec une copine .

Moi, je n'avais jamais discuté la nuit avec une copine. Je n'avais pas envie de partir. Je ne savais pas très bien de quoi j'avais envie, juste d'un peu de chaleur, l'écouter raconter ses histoires, ses confidences, je ne pensais à rien de précis. L'alcool . Sans doute... Je ne buvais pratiquement jamais. Ce soir, d'abord le rosé à table, deux verres, deux verres d'alcool ensuite ... penser que c'était l'alcool me rassurait et je sentais intuitivement qu'elle était comme moi : elle avait menti pour ma robe pour me retenir. Me retenir pour quoi . Ces raisons à elle, je ne savais pas, pas plus que les miennes . je ne pensais à rien de particulier, juste à faire durer la soirée au lieu de me retrouver seule chez moi avec la tête qui tournait un peu, garder ce sentiment d'insouciance qui me rajeunissait, vivre une de ces soirées-filles dont mes amies de fac parlaient et auxquelles je ne participais jamais.

. Quel côté du lit tu préfères .
. Et toi .
. Tu sais, comme je dors toute seule, je dors au milieu, alors c'est comme tu veux.

Elle a éteint la lumière. Je l'ai sentie se redresser et dans la petite clarté de l'entrebâillement des rideaux, j'ai vu qu'elle enlevait son chemisier et dégrafait son soutien-gorge.
. Tu devrais l'enlever aussi pour dormir... comme tu veux .
Moi aussi j'ai enlevé la veste de satin et mon soutien-gorge avant de me blottir sous la couette. Elle s'est approchée de moi, me cherchant de la main et a posé une bise sur ma joue :
. Merci d'être restée... j'avais pas envie d'être seule... t.as froid ? tu trembles !
. Un peu.
Elle a frotté mon bras de sa main, a glissé l'autre bras sous mon oreiller pour être plus près de moi :
. On va se tenir chaud . viens .
Elle a raconté son ex, qu'elle ne voyait qu'en semaine, je lui ai dit pourquoi j'étais à Paris, à cause d'une blonde décolorée avec de grosses lèvres qui m'avait piqué celui qui dormait avec moi depuis deux ans. Son copain, elle riait, disait qu'il était plutôt doué au lit, moi je n'en disais rien, seulement que c'était moins bien qu'au début.
. Ça te manque . Les câlins du soir, avoir quelqu'un à qui penser ? avoir des projets... moi oui .
. Moi aussi .
Son bras sur ma taille, juste posé, à hauteur du poignet, pas sa main, en retenue, ma main sur son bras, l'autre bras replié entre nous deux, son genou entre mes genoux quand je me suis tournée vers elle pour caler mon épaule sous l'oreiller, et le silence, juste son souffle et le mien. Elle ne dormait pas. Je ne dormais pas.
Elle a bougé aussi pour trouver une meilleure position, un prétexte... peut-être, j'étais contente de sentir sa main légère, le contact du bout de ses doigts sur ma taille.
. Pardon .
. Non, reste, ça me réchauffe .
J'avais repris sa main qu'elle retirait pour la reposer sur ma taille, et j'avais glissé ma main sous son bras pour la tenir à la taille moi aussi, je serrais plus fort sa jambe entre les miennes. Juste pour sa chaleur . Le silence encore.

. Caro . tu dors .
. Non.
. Dis ? tu... t.as déjà dormi avec une fille ?
. Non, jamais.
. Moi non plus.
. T'as dit que si, tout à l'heure...
. Quand j'étais gamine, avec ma sœur, elle a deux ans de plus que moi. Je la rejoignais des fois quand j'avais envie de câliner. T'as pas fait ça, toi .
. Je suis fille unique. J'aurai pu me glisser dans le lit de ma mère, mais mon beau-père n'aurait pas apprécié . on s'entendait pas très bien.
. Même pas des cousines ? en vacances ?
. Non . Je dois être faite pour dormir seule .
. Pauv'tit.nana ! Tu peux venir chez moi quand t'as pas le moral... juste une rue à traverser et je te ferai un gros câlin ! ça marche .
Je n'ai rien répondu, juste poussé un gros soupir, elle s'était rapprochée de moi, sa main caressait mon dos, pas comme on réchauffe, plus doucement, plus loin dans mon dos quand elle a senti que moi aussi je caressais sa peau sur ses hanches.
. Vraiment jamais .
. Non .
Sa main sous l'oreiller a emprisonné mon épaule, son front contre le mien, son souffle sur mes lèvres, un baiser du bout des lèvres sur ma joue, un baiser timide, elle, je ne voulais pas qu'elle s'arrête là, c'était trop ou trop peu, trop tard pour réfléchir à ce que je faisais là dans son lit, à mon tour j'ai avancé mes lèvres vers sa joue, tout doucement, tremblante de ce que je faisais là dans les bras d'une amie, une chose que je ne voulais pas nommer, inédite, à laquelle je n'avais jamais pensé.

. Caro . j'y ai déjà pensé, un peu, et je sais pas quoi faire, c'est... je sais pas. C'est un peu bête .
. Pensé à quoi .
. A toi.
. A moi .
. Mmm .
. Quand ça .
. Je sais pas . quand on court . Tu te souviens des mecs qui ont couru avec nous ?
. Oui, ils causaient trop, un peu lourds.
. Et ils mataient.
. Ouais, j'ai vu.
. J'étais jalouse parce que tu rigolais avec eux.
. Ils disaient des conneries.
. Mais j'étais jalouse parce qu'ils te mataient, ton cul, et je me suis aperçue que moi aussi.
. T'es partie devant, j'arrivais pas à te rattr.
. J'avais honte, mater les fesses d.une copine ! ça se fait pas !
. Et puis t'as dit que t'avais mal à une cheville, tu venais plus courir... Aurélie... t'as fait exprès de tâcher ma robe . Pour que je reste .
. Non, non . mais elle était sèche, j'ai triché.
. Je sais.

Son front contre le mien, sa main sur ma joue brûlante, qui peignait mes cheveux et glissait sur mon bras, mes cuisses fermées sur sa jambe... c'était beaucoup et trop peu, je voulais qu'elle ose ce que je n'osais pas, qui me faisait envie et peur en même temps.
Je ne me souviens plus de toutes les pensées qui se mélangeait dans ma tête... qu'on ne fait pas ça entre filles, que je n'oserai plus la regarder en face, que c'était idiot de perdre une amie pour... pour quoi .
Des soupirs, elle et moi, des rires retenus, gênés, le dos creusé sous la main qui effleure, qui encourage, demande, attend, une jambe qui bouge, peau à peau, chaude, un doigt qui caresse la joue, frôle la bouche, un baiser posé sur le doigt, le doigt pris entre les dents, mordu, un rire tout doucement, la main sous les cheveux sur la nuque, le souffle chaud, si près, si près, parfum de menthe partagé, lèvres effleurées de lèvres qui se tendent, le frisson, les yeux écarquillés sur le noir de la chambre, que des ombres, à peine.

C'est très long d'accepter son désir, d'accepter ce qu'on n'a jamais imaginé, d'accepter de montrer ce que pourtant on attend si fort. Je voulais son baiser, je voulais ses bras serrés, je voulais son corps sur le mien et serrer le sein qui effleurait le mien, et j'attendais, j'attendais qu'elle la première me montre son désir de moi, je voulais céder sans rien montrer la première, lâcheté à me dire « je lui ai cédé », honte à reconnaître cette lâcheté, honte à avouer un désir qui gonflait mes seins à vouloir les presser de mes mains pour apaiser la tension, honte à transgresser ce que sans y réfléchir je nommais interdit, déraison, transgression d'un ordre naturel, et tout ce temps je brûlais de désir de la serrer contre moi, pour un soir, une nuit, et tant pis, tant pis si demain je m'en cache, si demain je mens en accusant l'alcool, une faiblesse coupable, sa provocation . sa jupe enlevée et son chemisier ouvert, ce slow qu'elle remettait, qu'elle soit jolie, un détail, un joli détail quand même, mais qu'importe, sa chaleur, me blottir...

Ses lèvres étaient douces, sa langue avait un goût de menthe. Tant de sensations en même temps ! une fine craquelure sur sa lèvre sous ma langue, une pointe sur ses dents, la douceur, son goût de menthe, et ses doigts crispés sur mon bras, elle tremble, ou moi, toutes les deux, son sein sur ma poitrine, si doux, qui couvre mon sein en entier, sa cuisse entre mes cuisses, son ventre collé à ma peau . et après et après ... j'ai osé le baiser, j'ai osé, à toi maintenant, moi je ne sais pas, je veux ton chaud et je l'ai, toi, toi que veux-tu de moi ... dis-moi, montre-moi, s'il te plaît montre-moi .

A quel moment on oublie ? on s'oublie... A quel moment la pudeur, la peur disparaît ?
Je voulais tellement ses mains sur moi, m'ouvrir à elle, m'abandonner au désir que j'ai relevé le bras coincé entre nous, frôlé du dos de la main le ventre qu'elle pressait sur ma cuisse, que ce geste que j'attendais d'elle c.est moi qui l'ai fait pour elle, ma main retournée, sur le haut de sa cuisse, et tout de suite sa langue plus dure dans ma bouche, elle s'est redressée, agenouillée dans le lit un genou entre mes jambes, sa main sur mon sein et un gémissement qui faisait trembler son baiser.

Sous mes doigts tendus entre ses jambes, pour la première fois je pressais un sexe de fille, ma main posée là immobile, retenant mon souffle au contact chaud, reconnaissant du majeur le pli profond qui monte entre ses fesses, sous ma paume les reliefs des petites fleurs brodées sur la culotte blanche dévoilée quand elle avait enlevé sa jupe, la couture du gousset creusé sous mes doigts entre ses jambes.
Les sensations se mêlaient, la douceur et de la chaleur humide au creux de ma main, la délicieuse douleur de mon sein pressé sous ses doigts, le gémissement qui faisait trembler ses lèvres à notre baiser, et les images sous mes paupières fermées, images de jours d'avant .

. ses yeux dans les miens, le jour où chez moi elle réglait mes nouvelles lunettes sur mon nez, la rougeur à ses joues quand je lui avais demandé de me laisser seule pour me changer avant notre jogging d'un soir, ses fesses moulées dans le collant que je regardais moi aussi comme les garçons qui nous avaient suivies un jour, ses tétons durcis de froid qui pointaient sous son maillot, son sourire quand je passais le soir à son travail... une amie, gentille, rieuse, qui bousculait ma vie trop calme . une fois, une fois un soir dans mon lit, très vite, très vite mais quand même, c'était ses yeux sur moi pour le plaisir d'un soir .

Ces gestes sont naturels, l'apprentissage est ancien, sur moi à l'entrée de l'adolescence, pour elle cette nuit par-dessus les broderies de la culotte d'abord, suivre la fente entre les lèvres, la creuser et monter, chercher son désir, le tester... sous les doigts tout en haut au milieu la tige dure gonflée, épaisse . sourire mêlé au baiser de la trouver prête, impatiente à la caresse, l'envelopper encore de la main, faire crisser sous le nylon l'épaisse toison, devinée, effleurée du regard déjà avant la danse dans le salon, amusée d'une vrille châtain qui perçait le nylon entre deux fleurs brodées.
Elle a interrompu le baiser, à genoux au-dessus de moi, son front appuyé contre mon front, reins creusés pour me faciliter la tâche quand j'ai glissé mes doigts sous la culotte, écarté les boucles et plongé, son rire mordu et le mien en soupir en la sentant tellement humide d'attente, collante à mon doigt tout du long, chairs fragiles ouvertes.

Son impatience je savais, de ses reins, la houle de ses hanches qui accompagnaient ma main pour mieux s'offrir, se genoux déplacés pour mieux s'ouvrir, et la patience qu.il faut je savais aussi, celle que je n'avais pas toujours pour moi, trop pressée pour maîtriser mes caresses, pour elle je pouvais, faire durer, attendre, résister aux « .s'il te plaît s'il te plaît s'il te plaît . » murmurés en prière et en plainte à mon oreille, plonger un doigt tout au creux tout au fond de son ventre et y prendre sa liqueur d'amour pour caresser le repli épais sur le bouton que j'évitais, évitais toujours, elle en tremblait, gémissais presque de sanglots parce que je me faisais légère, pour elle et pour moi, pour mon ventre que je sentais envahi, débordant de suc blanc épais, et le sien, comment était le sien . est-ce qu'on est toutes pareilles dans notre désir ?
Elle voulait m'échapper quand je l'ai faite jouir, basculer sur le côté, mais je la retenais d'un bras enroulé autour de sa taille, voulait serrer ses cuisses pour échapper à ma main, mais d'un genou levé je l'en empêchais, la libérais de ma caresse le temps que les contractions que je mesurais du bout du doigt sur le périnée s'espacent et s'apaisent, et à son relâchement reprendre la caresse tout droit sur son clito, plus vite et plus fort, pour encore frissonner du cri aigu de son plaisir à mon oreille et la sentir trembler.

Le lendemain après-midi, assise à cheval sur mes genoux dans le canapé, elle a dit que bien sûr elle me croyait quand je disais que jamais avant je n'avais aimé de fille, mais qu'un instant dans la nuit elle en avait douté. J'aurais pu en dire autant d'elle : le plaisir que j'ai eu entre ses bras dans la nuit n'avait jamais été aussi fort, ni venu d'un de mes compagnons ni de moi seule.
Elle riait et rougissait en m'avouant qu'une semaine plus tôt, pour la première fois de sa vie elle avait regardé des images pornos sur son ordinateur, qu'elle avait regardé des femmes s'aimer, jurant qu'elle n'avait aucune arrière-pensée sur moi, « ou alors juste un petit peu ! ».

Tard dans la nuit, plutôt très tôt le matin, le jour commençait à se lever et une petite clarté s'infiltrait par une fente des rideaux, je m'étais endormie la première, blottie dans ses bras, les jambes mêlées aux siennes, à la fois comblées et inquiète : inquiète du lendemain, de la gêne peut-être entre nous . Quoi faire d'une nuit comme celle-là . Inquiète d'une amitié malmenée, perdue pour la faiblesse du plaisir d'un soir.

Elle était réveillée avant moi, m'a tendu un verre de jus d'orange quand j.ai ouvert les yeux sur le jour du plein midi.
Elle avait le front barré d'un pli marqué, évitait mon regard comme j'évitais le sien.
Elle s'est allongée sous les draps tout contre moi, sa tête sur ma poitrine, s'est mise à rire quand mon téton s'est tendu, et l'a chatouillé du bout du doigt :
. Bonjour, toi . Caro . J.ai pas envie que tu partes... dis-moi que tu restes .
Elle avait posé la main sur mon ventre et j'ai retenu sa main :
. N'appuie pas, je vais inonder ton lit !
. M'en fous, tu m'aideras à changer les draps !
. T'es bête !
. Ouais, je suis sacrément bête . je savais même pas comme ça pouvait être, et puis c'est aussi bien que j'aie pas su .
. Pourquoi ?
. Peut-être que c'est bien seulement parce que c'est toi .
Elle avait les yeux rouges quand elle s'est redressée. On se regardait vraiment pour la première fois depuis mon réveil :
. Reste avec moi .

On s'est seulement levées un moment pour grignoter dans le canapé, on a passé tout le dimanche au lit. On ne se touchait pas pour des caresses, mais on restait collées l'une à l'autre tout le temps.
Je suis rentrée chez moi en fin de soirée, et arrivée dans mon appartement, je ressentais un grand vide.
De l'autre côté de la rue, j'ai vu les rideaux bouger. J'ai pris une feuille de papier et un gros feutre : « PIZZA . » et j'ai ouvert la fenêtre.
Elle a ouvert la sienne et m'a fait un grand signe. Elle riait.
Sur une autre feuille très vite, j'ai écrit « PYJAMA . ».
Elle avait un petit sac à la main quand je lui ai ouvert :
. C'est ton pyjama .
. Non.
Elle est partie vers la salle de bains et je l'ai suivie. De son sac elle a sorti une brosse à dents qu'elle a plantée dans mon verre à dents sur la tablette au-dessus du lavabo, une culotte propre qu'elle a posée sur le bord de la baignoire.

. Voilà, j'ai tout ce qu'il me faut pour demain ! Elle est chaude, ta pizza . On mange au lit ?
Elle était déjà toute nue avant que je réponde.

Misa . 02/2015

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