Hypnose ? Pas Moi !
« « Jai tout piqué à JPJ ! Tout ! Le thème, les éléments de son histoire, les situations, tout ! je vous dis !
Son histoire : "Hypnose ? Psychose ? Grandiose !"
La même histoire ? Pas tout à fait
Il est Cigale, je suis Fourmi. Alors à loccasion retournez écouter chanter son histoire, et puis vous verrez : je nai rien inventé, juste regardé de plus près celle qui fait lhistoire : qui elle est avant, ce qu'il lui arrive, qui elle est après.
De son rêve, jai voulu faire une histoire plausible. Possible ?
Et autant vous le dire tout de suite, encore une fois, j'ai pris mon temps : une histoire en deux parties.» »
1ère Partie.
Marie-Ange se préparait. La boule serrée contre son ventre, une main dessous, les doigts glissés dans les trous, l'autre devant pour en porter le poids. Jambes jointes, légèrement penchée, elle se concentrait. Une seule quille, la quille du fond à droite, proche de la rigole.
Elle avait noué son grand tshirt sur sa hanche gauche pour ne pas être gênée en lançant la boule.
J'ai vu le sourire de Jonathan assis face à moi. Il ma adressé un clin d'il puis haussé les sourcils en pinçant les lèvres, en connivence, parce qu'il savait que j'avais surpris son sourire et son regard sur les fesses qui se contractaient sous le collant stretch qui la moulait, dessinait nettement les contours de la petite culotte qu'elle portait dessous.
Jacques s'impatientait, tapait du crayon sur la feuille de marque.
Bon, tu joues ?
Marie-Ange s'est retournée, oeil noir.
Qu'est-ce qu'il y a ? Il est pressé, le comptable ?
Elle et mon mari ne se sont jamais très bien entendus.
Lui la trouve trop. Trop quoi? La liste serait longue. Trop tout. Il se montre poli, parce que c'est ma meilleure amie, ma seule amie à vrai dire, mais s'en tient à une politesse froide.
Il n'apprécie pas beaucoup plus d'ailleurs Jonathan, l'ami de Marie-Ange depuis deux ans.
Marie-Ange a lancé sa boule. Rigole.
Ça va? Content ? Pas trop dur de faire le total ?
Les garçons sont partis renouveler les consommations. Marie-Ange fulminait :
Toujours aussi aimable, ton mec ! Il m'énerve ! Il m'énerve ! Je sais pas comment tu le supportes ! Et vous qui rigoliez ! C'est pour ça que je l'ai manquée cette quille ! Un qui me houspille et vous qui vous fichez de moi !
On se moquait pas ! Pas vraiment ...
Pas vraiment ! ça veut dire quoi ? Explique, j'aimerai rigoler moi aussi !
Tu vas pas te fâcher ? T'es bien énervée, ce soir ...
Bon, accouche !
Avec ton truc moulant, on voit toutes les coutures de ta petite culotte.
Ah d'accord ! Vous matez mes fesses et vous vous foutez de moi ! Elle se voit tant que ça ?
Ben ... avec ce truc, tu devrais mettre un string, ou rien du tout !
Et c'est toi qui dis ça ? J'y crois pas ! Enfin, tu sais que ça existe, c'est déjà ça ! Je vais l'enlever, vous rigolerez moins !
Elle s'est levée pour partir vers les toilettes.
Attends-moi, j'y vais aussi !
Tu vas enlever ta culotte ? Là, tu m'épates, Julie !
T'es bête ! C'est toujours bon, demain ?
Oui, je passerai te prendre chez toi. Pour une fois que tu t'achètes des fringues, je veux pas rater ça ! Et je veux surveiller, que tu prennes pas n'importe quoi !
A la sortie du bowling, Marie-Ange et Jonathan sont partis de leur côté, Jacques et moi sommes rentrés chez nous.
Tu pars trois jours, c'est ça?
Quatre. Je resterai un jour de plus après le colloque. Tant qu'à être à Paris, autant en profiter pour me balader ... les grands magasins, un musée ...
Magasins ? Tu fais pas des courses demain ?
Si, avec Marie-Ange, je voudrais m'acheter quelque chose pour la sortie cabaret le deuxième soir ... c'est juste pour me balader !
Le lendemain, j'avais déjà essayé deux ensembles et une robe, et je commençais à m'agacer quand Marie-Ange à ouvert le rideau de la cabine d'essayage.
J'étais en petits dessous et j'ai vite tiré la robe que je venais denlever devant moi.
Eh ! ça va ! C'est que moi ! Je regarde pas, t'en fais pas ! ça va pas te si je te vois en culotte, quand même !
Bon ... qu'est-ce que tu veux?
C'est celle-là ! J'ai trouvé ! Passe-la ! C'est exactement celle qu'il te faut !
Ferme ce rideau ...
Pfff, qu'est-ce que t'es coincée, quand même!
Jolie ! C'est vrai que cette petite robe en lamé était super. Un peu courte ... une bonne main au-dessus du genou, devant un joli drapé-foulard qui dégageait le cou, le même dans le dos ... profond, vraiment très profond !
Alors, je peux voir maintenant ? ... Waouh ! Génial ! Mais tu devrais enlever ton soutien-gorge !
Moi ? Les seins nus ? Jamais ! Mais elle était vraiment belle, cette robe ...
Quelques semaines plus tard ...
Marie-Ange m'écoutait, écarquillait les yeux. Elle souriait aussi, se mordait la lèvre d'étonnement, les joues un peu rouges, les yeux brillants :
Eh bien ! Une histoire ... extraordinaire ! J'en ai la chair de poule ! Et en même temps, je me sens toute bizarre ...
Je la regardais poser sa tasse sur la table du salon. Sa main tremblait un peu. Toute bizarre ? Oui, elle était 'toute bizarre', et je me doutais de ce qu'elle éprouvait. Rien qu'en lui racontant, moi-même, je retrouvais les mêmes sensations physiques de ces quelques heures folles, vraiment folles ... et je regardais ses fesses pendant quelle posait sa tasse
sans honte !
Peut-on autant changer en si peu de temps ? J'y ai beaucoup pensé depuis mon retour de ce colloque à Paris, beaucoup réfléchi. Rien de ce que j'ai vécu ces quelques heures ne me ressemble. Rien. Ou plutôt ne ressemble à ce que j'étais, depuis toujours. Combien de fois Marie-Ange, depuis nos années fac me l'a répété : coincée ! Moi je disais pudique, peut-être trop !
J'étais ... Le plus étonnant est que je ne me sens coupable de rien ! Ni de ce qui c'est passé, ni du plaisir que j'y ai pris, ni du plaisir que je prends à m'en souvenir .
Marie-Ange avait trouvé le mot exact.
Pourquoi lui raconter ? C'est ma meilleure amie.
Jacques ... Jacques n'aurait rien compris, comme il n'a rien compris à mon désir, que j'exprime, dont je vois bien qu'il s'en inquiète. Hier soir il m'a repoussée, excédé ... et cet air qu'il avait ! entre peur et dégoût ... j'exagère à peine ! Que je veuille faire l'amour tous les jours était tellement loin de nos habitudes !
Marie-Ange me trouvait coincée ? Je maperçois maintenant que lui lest tout autant !
A Marie-Ange, j'ai tout dit. Tout. Sans rien cacher.
Qu'est-ce qu'il y a ? Pourquoi tu ris ?
Ta culotte ... t'as encore mis une culotte sous ton collant, comme l'autre jour au bowling ...
Tu mates mes fesses ! J'y crois pas !
Elles sont pas mal tes fesses ! Plutôt bien, même ! Mais elles seraient plus jolies sans ces marques de couture ! Fais-moi plaisir ... enlève-la ...
Je te reconnais pas, c'est pas la Julie que je connais !
Elle était devant moi ... Les mains sur les hanches ... Un air de fausse colère sur le visage ... Sourcils froncés et lèvres pincées ... Les pommettes bien rouges, malgré tout ! Ce que je venais de lui raconter, bien sûr, l'écho de ce que ça réveillait en elle ? Et moi, moi, qui la provoquais ... Je l'avais toujours trouvée jolie, mais aujourd'hui je la regardais autrement ... à cause d'une autre ... si différente ... Mistigri, si frêle, si mince, et elle, tellement plus féminine ... Jamais, jamais avant depuis plus de dix ans que je la connaissais je ne l'avais regardée comme ça ...
Je me suis penchée vers elle, j'ai posé les mains sur ses hanches. Surprise ? C'est peu dire ! Elle, bien sûr ! et moi aussi ! Mon geste était totalement irréfléchi, sans réelle intention, et quand elle a fait un pas vers moi, qu'elle a posé ces mains sur mes épaules, je suis persuadée qu'elle non plus n'y a pas réfléchi un instant.
Tu vas m'enlever ma culotte ?
Son sourire tremblait ...
Ce qui était arrivé, elle y avait eu sa part, une petite part : la robe qu'elle avait choisie pour moi.
A cause de cette robe ? Non, oui, un peu. Parce que j'étais loin de chez moi, parce que je me sentais femme, plus femme que depuis bien longtemps ... et bien sûr, lui ... à cause de lui, ou grâce à lui ! Lusor ...
A vous aussi je vais raconter ce qui mest arrivé, vous comprendrez pourquoi je ne suis plus la même
Paris, le troisième soir.
Il parlait, il parlait
je nentendais que lui, sa voix sans les mots qui allaient avec, comme un bourdonnement qui masquait tous les bruits tous les sons toutes les conversations autour. Je nentendais que sa voix.
Ecouter, pourtant je sais faire, cest même un peu mon métier ! Psy ! comme la plupart des autres autour de la table, réunion festive de collègues pour la fin dun colloque de trois jours à Paris, et puis lui qui parlait, parlait
On me la présenté quand je suis arrivée dans le brouhaha de laccueil, jai entendu « Spectacle Olympia - Magie », ces mots et son allure minterpelaient, bel homme, avec cet air dautorité naturelle et dempathie qui attire mon attention parfois, mon intérêt parfois.
Je tenais conversation avec mon voisin de table, mon voyage en Crète et sa croisière en méditerranée
mais je lécoutais lui, dissociée comme cela marrive pendant une consultation.
Je perdais le fil des mots de mon voisin, comme prise dans une bulle où il ny avait plus que moi, plus que lui et du flou tout autour, ses mains fortes et soignées, sa mâchoire volontaire et ses yeux attentifs, sa voix profonde. Il avait pris le relais de la conversation. Mon voisin sétait détourné, vantant les nuits en mer à sa voisine de droite, et lui, lui parlait, me regardait, mobservait, maccaparait.
Mon regard égaré, peut-être, le feu à mes joues sans doute, étiraient ses lèvres dun sourire esquissé.
Les nuits au large sont extraordinaires
chaudes
propices aux émois
je nen doute pas
ces émois évoqués trouvaient écho en moi, envie de les vivre en ressenti immédiat et troublant, envie de la chaleur dune nuit, offerte aux mains qui souvraient sur la table en promesse de caresses, manipulaient un couteau, un verre, qui jetaient des éclats lumineux qui m'étourdissaient
cest la conscience de mes tétons durcis sous ma robe légère, de la morsure des élastiques de ma culotte entre mes cuisses, qui un instant ma sortie de ma torpeur.
Une première ? Pas vraiment. Il marrive dêtre perturbée, distraite, troublée, excitée, de me sentir à létroit dans mes dessous, dune pensée qui sinstalle, dun rêve éveillé, le corps imprégné du rêve avant la conscience.
Le corps imprégné ? Installée au milieu de mes confrères, dans ma jolie robe en lamé, cest ma culotte qui simprégnait de lidée de ses mains, ses mains sur moi, ses mains qui me libéreraient de la prison de dessous brusquement trop serrés.
Ces choses-là ne viennent pas en un instant de trouble. Il faut du temps. Depuis combien de temps ? combien de minutes, perdue, subjuguée, à rêver ? Autour de moi un brouillard de lumières et de bruit, aucune autre réalité que lui et la réaction de mon corps.
Je soutenais, captivée, le regard qui me brûlait, certaine quil lisait en moi et savait tout de mon émoi, des manifestations intimes qui me faisaient gigoter sur ma chaise.
Je voulais quil memmène dans ces nuits chaudes en mer
ces chaleurs propices
je voulais
Légère ? Mais non ! Pas du tout ! Pourtant, là, dun mot de lui
me soulever de ma chaise et faire glisser sur mes fesses et mes cuisses la maille fine qui memprisonnait, elle était rouge ce soir-là, me pencher au-dessus de la table et la poser sur la main tendue, le petit gousset assombri de mon désir exposé en témoignage
doù me venait cette idée incongrue, folle ?
Légère parfois ? Rarement, et surtout pas avec un inconnu, pas attablée au milieu de mes pairs ! Honnêtement ? Légère avec personne ...
Linconfort et la gêne, limpudeur du geste imaginé, mont fait baisser les yeux ; échapper un instant à son emprise ? Je ne sais pas, je ne sais plus, réalité ou encore le rêve
en échappant à son regard jai vu ses mains bouger, souvrir, saisir au milieu de la table le petit carré rouge dune serviette de papier, le porter à son nez en me regardant sourcil arqué, comme il laurait fait de
Tous partaient. Je suis allée me repoudrer le nez
expression consacrée. Jai rangé la fine maille rouge source de trop dinconfort tout au fond de ma pochette, avec mon porte-carte et mon poudrier.
Une première pour moi. Inconcevable dans mon état normal ! Déjà la veille au cabaret, et ce soir encore, je métais fait violence : je ne portais pas de soutien-gorge sous ma robe ! Mais me promener les fesses nues ? sans culotte ! Folie !
Il était accoudé à lacajou du bar, aérait lentement un cognac ambré au creux dune main.
Il me tendait le verre, prenait ma pochette et la posait derrière lui sur le comptoir, effleurait mon bras qui saisissait le verre. Ses yeux. Je ne voyais que ses yeux, nétait consciente que de la chaleur de sa main sur mon bras, électrique, de sa voix qui minvitait à prendre le verre où lentement le liquide ambré tournait et captait les lumières du bar par éclairs.
Vous ne portez plus votre bracelet.
Entendre est une chose, comprendre une autre.
Mon bracelet ? Jai baissé les yeux, échappant à son regard, posé le verre sur le comptoir pour chercher à mon bras de ma main libre.
Je me souvenais, magie.
Il plongeait la main dans la poche de sa veste, me tendait mon porte-cartes, sérieux devant mon air ébahi en le reconnaissant, sérieux en me voyant plisser les yeux et mes joues se colorer au souvenir de ma pochette, amusé en plongeant encore sa main dans sa poche.
Son poing fermé sest ouvert.
Un bien bel écrin
De lautre main lentement il dépliait la fine maille rouge de ma culotte pour libérer mon bracelet.
Il la refermé sur mon poignet.
Il me tendait à nouveau le verre de Cognac, je fixais la culotte dans sa main
Vous feriez une excellente partenaire.
Partenaire ? Quelle drôle de façon de dire les choses !
Partenaire ?
Vous êtes-vous déjà produite sur une scène ? Les projecteurs, la musique, je suis sûr que vous aimeriez. Voulez-vous maccompagner ?
Une scène ? mais que faire sur
non ! Et toujours il froissait entre ses doigts ma petite culotte, caressait du pouce le gousset de coton qui portait mon parfum de femme
Me ressaisir !
Je ne comprends pas
La scène, le public, vous méritez un public.
Le Cognac ma brûlé la gorge.
Demain, acceptez, vous monterez sur scène avec moi, je vois en vous de belles dispositions, vous êtes réceptive. Acceptez ! Ce sera une expérience inoubliable !
Sa voix menveloppait, grave et sourde, et les images venaient
sur une scène, le public silencieux, concentré sur moi sous les projecteurs, à sa merci
Partenaire
Les images qui envahissait mon esprit, association didée entre « partenaire, scène, public » étaient pour le moins perturbantes !
Il tenait mon bras dans la rue en attendant mon taxi, rangeait la serviette de papier crépon où javais noté mon numéro de portable, il passerait me prendre avait-il dit adossé à sa voiture, une mini-moke dont il caressait la capote de toile rouge, me tendait ma culotte si bien assortie
Quelle harmonie, nest-ce pas ? Croyez-vous au hasard ?
Dans le taxi ses yeux étaient toujours là, sa voix maccompagnait.
Je métais attendue à ce quil me raccompagne, quil memmène, effrayée et
consentante ? Je crois je laurais suivi, incapable de lui résister, privée de libre arbitre.
Arrivée à lhôtel où je logeais pendant le colloque, cette passivité, cette quasi soumission à un désir brut meffrayait.
Jai fait des rêves étranges, une nuit agitée, jai revécue maintes fois la soirée, troublée aux larmes de ne pas comprendre ce qui métait arrivé.
Allo ? Dis-moi, le type, hier soir, à côté de toi, cétait qui ?
Un artiste, pourquoi ? Magicien, hypnotiseur, il se produit à lOlympia, je crois.
Hypnotiseur
un collègue a essayé, une fois, ça na pas marché. Tout le monde nest pas
pas moi, il me lavait assuré ! Pourtant, comment expliquer, sinon ! Cet illusionniste ? Une compétence que la faculté ne saurait exercer ? Impossible. Il y avait autre chose, quelque chose chez moi qui dérapait.
Jai appelé Jacques le lendemain, en début daprès-midi, pour prendre de ses nouvelles et donner des miennes, confirmer que je prolongeais dun jour mon séjour à Paris, pour faire quelques courses et me promener, les Grands magasins, le musée dOrsay peut-être. De mon trouble et de ma soirée je nai rien dit, rien dit non plus de la réservation que javais faite dès le matin pour le spectacle du soir à lOlympia.
Une nuit horrible, le matin ensuite, passés à analyser, à tenter de rationnaliser ce qui cétait passé la veille.
il était bel homme, avait du charme, un petit fantasme bien naturel avait déclenché la manifestation de mon désir, fantasme de linconnu, parce que jétais loin de chez moi, sans repère, javais rêvé éveillée, voilà tout.
au comptoir ? un simple tour de passe-passe.
Quelle bêtise davoir enlevé ma culotte ! Il a dû être le premier surpris de la trouver là en fouillant ma pochette pour mépater ! Goujat de sa part, dailleurs, de sen être servi pour envelopper le bracelet enlevé de mon bras !
hypnotisée ? Mais non ! Mon imagination ! On ne peut pas forcer quelquun à agir à lencontre de ce quil est !
Moi, en plein repas avec des collègues enlever mes dessous et les lui donner ? Jamais je ne ferais une chose pareille, voyons ! Cette serviette rouge comme mes dessous dans sa main ensuite ? Javais dû la rêver. Lire dans mes pensées ? Impossible ! Ces choses-là nexistent pas.
mon subconscient me joue des tours, voilà tout. Cest vrai quavec Jacques, ces derniers temps, tout ne va pas au mieux. Je compense. Croit-il mappâter ce saltimbanque pickpocket avec cette histoire de scène à partager ? Il me connaît bien mal !
bon, quand même, si hier soir il mavait proposé de le suivre
je ne sais pas. Cet homme a du charme, cest certain, un charme particulier, troublant, mais tout de même ! Me ressaisir ! Je dois me ressaisir.
en rentrant à lhôtel, seule, jétais presque vexée. Parce quil ne ma pas invitée à le suivre ? orgueil stupide ! Inconsciemment, je voulais le séduire et il se jouait de moi, jouait avec moi avec ses tours de passe-passe. Ce nest pas dune promesse de scène que je voulais, mais quil me prenne dans ses bras, quil succombe à mon charme, jétais vexée dun rejet ... moi ! m'offrir ainsi à un inconnu ! Si loin de ce que je suis !
et toute la nuit jétais assaillie de rêves lubriques ! Victime consentante, moi, de ce type prétentieux ! Quelle bêtise !
J'avais demandé au desk de me réserver une place à l'Olympia. Je le verrai sur scène. Saltimbanque à faire ses tours de passe-passe. Et toutes les idées stupides que javais en tête disparaîtraient, cest certain.
Il avait mon numéro de portable. Il a appelé dans laprès-midi, ce devait être lui, un numéro inconnu affiché sur mon écran. Je nai pas répondu. Moi sur scène ? Pour me faire dépouiller dune montre, dun bracelet, mais il rêve ! Il en trouvera une autre à ridiculiser !
Rentrée tôt laprès-midi tout exprès pour me préparer, jai pris un bain, jai rafraîchi mes jambes, le maillot aussi pour le petit slip blanc qui allait bien à mon bronzage dété que je porterai sous ma robe en lamé, la même que j'avais porté la veille, sans doute trop habillée pour cette soirée mais tant pis, bien sûr pas de soutien-gorge avec le profond dos nu de la robe, un peu courte peut-être, mais qui avait bien plu à mes collègues masculins.
Mon collier de perle, un bracelet, mes ongles peints et un maquillage léger, mes escarpins blancs, un grand châle, suffisant pour une soirée de fin dété, le miroir était rassurant.
J'ai traîné dehors avant d'entrer, hésitante, me trouvant stupide du nud dans ma gorge et de mon ventre serré qui me retenait de me mêler à la queue des spectateurs. Très souvent je levais les yeux sur les lettres lumineuses rouges sur la façade "Maître LUSOR", en plus petit dessous "et l'espiègle Mistigri".
L'heure de la représentation approchait, je suis finalement entrée, me laissant guider jusquà ma place sous le regard curieux de mes voisins juste avant que les lumières de la salle ne s'éteignent. Ma courte robe en lamé était un peu déplacée ici.
Jétais tout au bout du second rang, au balcon, légèrement à gauche de la scène. Je dois reconnaître que jétais rassurée en minstallant de me savoir perdue dans la foule et le noir, loin de lattention de celui qui allait se produire et dont la proximité minquiétait malgré tout, peur irrationnelle, pendant que le rideau s'ouvrait.
Lui en costume sombre, grand, imposant, silencieux, parcourait la salle des yeux en s'approchant à pas lents, bras ouverts comme pour envelopper les spectateurs. Quelques pas derrière lui, Mistigri sans doute, une jeune-fille aux cheveux tirés en chignon, yeux sombres et pommettes rouges, dévêtue d'un maillot d'argent échancré très haut montant étroit sur le ventre ne s'évasant que pour couvrir une absence de seins, qui souriait en grand et dansait en installant quelques accessoires.
Au début, magie et manipulations, des foulards et des colombes apparaissaient, des spectateurs invités à le rejoindre sur scène par une Mistigri virevoltante qui se faufilait entre les rangs pour choisir des hommes dans le public, que bientôt Lusor délestait de leurs montres, cartes de crédit, à lun deux il a même enlevé sa cravate puis ses bretelles.
Moi je ne regardais que lui, peu intéressé par ces tours que je nai jamais beaucoup appréciés, et même un peu mal à laise en voyant des spectateurs transformés en victime pour les rires de la salle, leur attention détournée de gestes, de contacts, des questions quil leur posait.
Sa voix, sa voix comme le premier soir, éveillait en moi des échos profonds, une vibration continue comme un acouphène, misolant de lambiance et du lieu, et à chacun des foulards rouges quil faisait apparaître, quil froissait dans sa main en parcourant des yeux le public, je le revoyais face à moi la veille me tendant la culotte souillée de désir quil avait sortie de mon sac et quil me tendait, je me recroquevillais dans mon fauteuil, persuadée que cétait moi quil cherchait des yeux.
Au milieu de la scène il a enfermé son assistante derrière un rideau noir, louvrait le fermait, en faisait le tour, Mistigri agitait la main au-dessus du rideau pour bien montrer quelle était là, et brusquement un éclair, une fumée, il ouvrait le rideau, cris de stupeur et applaudissements en le voyant prendre en main la laisse du guépard qui remplaçait Mistigri derrière le rideau.
Les spots de poursuite se sont affolés, balayant le public, puis se sont tous éteints, et un seul, blanc, très lumineux, en partant de la scène cherchait dans le public, remontait les allées, sinfiltrait dans une rangée, suivait le trajet que Lusor montrait dun bras tendu.
Je savais. Je me suis mise à trembler. Dès cet instant jétais certaine que le spot me trouverait, moi.
La poursuite a balayé le balcon, lentement a suivi la rangée dont joccupais lextrémité, s'est éteint, noir complet une fraction de seconde, rallumé violent aussitôt.
Moi. En pleine lumière, moi mais pas seulement. A côté de moi, écartant dun coup la grande cape noire qui lenveloppait, Mistigri, un bras levé ouvrant sa cape, lautre étirant la cape sur mon épaule pour minclure dans la lumière, debout dans lallée à côté de moi, un genou posé sur laccoudoir de mon fauteuil.
Le noir. Le noir en moi. Le noir de la salle. Un noir percé des deux yeux immenses fixés sur moi depuis la scène. La musique forte présente depuis le début du spectacle devenue assourdie, lointaine, et dans ce blanc sonore sa voix «
vous méritez un public
».
Je me souviens
De la main qui tenait la mienne, me tirait à sa suite pendant que sur scène un appariteur tirait une grosse malle, de lui, seul, dans un halo de lumière rouge.
De la course dans un couloir et de la petite main cramponnée à la mienne qui me tirait à sa suite, des exhortations à la suivre « Vite, vite, cours ».
Dune cabine et dun ascenseur si rapide que jai eu un haut le cur et des mains qui soulevaient ma robe au-dessus de ma tête, de la course encore, sous la scène : « Vite, vite, mets ça » .
Du slip à paillettes quelle enfilait sur mes jambes et de ses mains fraîches qui lajustaient sur mes hanches, de ses doigts frais qui repoussaient ma culotte sous les paillettes sur mes fesses et entre mes jambes. Affolée, perdue, noyée, je ne protestais pas, me laissais bousculer, affolée.
Dune trappe et dun frôlement contre ma jambe, le guépard, dune main qui appuyait sur ma tête, dun corps pressé contre le mien, Mistrigri et moi recroquevillées enlacées.
De la main qui brusquement dans un éblouissement de lumière maidait à me relever, la levait très haut, un fracas de musique et des applaudissements, du trou noir devant moi, un voile devant mes yeux.
Du bras de Mistigri qui protégeait mes seins nus et des rires et des applaudissements qui crépitaient.
Et du noir au milieu des spots inondant la scène.
Et du silence au milieu du tonnerre de la salle.
De sa voix, à lui, qui comme Mistigri me tenait un bras levé pour saluer, sa voix qui résonnait et bourdonnait, paroles sans aucun sens qui menveloppaient, du contact froid du bras qui couvrait mes seins nus.
Le noir et le rideau fermé, la course dans les coulisses.
Pourquoi je me laissais faire ? Peut-on vraiment imposer ça à quelquun ? Je nai aucune réponse ! Des flashes. Pas de vrai souvenir dune continuité dévènements. Un sentiment dinéluctable. Un bourdonnement continu.
Je me souviens de la loge et du paravent dans un angle, de Mistigri qui se changeait à côté de moi dans lespace étroit, si frêle, nue, de son corps pâle et de labsence de seins ou presque, deux petits boutons roses à peine gonflés, de son étonnante toison brune et épaisse, du juste-au-corps quelle enfilait, de ses mains qui menlevaient le slip à paillettes et m'aidaient à enfiler ma robe.
Je me souviens
non, je me souviens pas très bien, en fait.
Je sais quil était là, quil me parlait en me tenant aux épaules. Ses yeux. Fixes et immenses. Sa voix profonde et
tout est si flou
Je sais que je suis retournée sur la scène. Je sais.
"Et voilà pour la 1ère partie !
Bientôt, bientôt elle retournera sur scène ! Vous serez là ?"
Misa - 04/2015
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