Pot De Colle 20
A suivre
- Pourquoi, chère Myriam, réveiller pour la deuxième fois aujourdhui des souvenirs aussi affligeants ? Je me suis confiée à toi parce que tu voulais savoir comment javais pressenti la tentative de suicide de Jean. Il ne me paraît pas indispensable de lennuyer avec ce rappel de mon passé.
Jai longuement dormi, je retrouve goût à la vie, pressé entre deux corps de femmes, doux et chauds. Cest un cadre tout à fait exceptionnel, que beaucoup dhommes pourraient menvier. Jamais je naurais imaginé cette position voluptueuse possible pour moi. Pourquoi la moins connue me cacherait-elle qui elle est, son passé et particulièrement un passage tragique de son existence ? Elle ma sauvé la vie, elle a bien voulu coucher nue dans mon lit pour me réchauffer : nous ne pourrions guère être plus intimes, sauf si je lui manquais de respect en présence de Myriam, ce dont Dieu me garde, même en labsence de ma femme. Je suis curieux de mieux connaître cette créature inspirée et je suis donc tout disposé à lentendre parler delle. Depuis le bal, je la sais veuve dun mari décédé il y a un peu plus dun an, veuve et vivant seule, fidèle au souvenir de son défunt mari. Je viens dapprendre quelle est infirmière, ce qui me ramène à mes premières impressions lors de mon retour sur terre. Apparemment son mari serait mort dans des circonstances dramatiques et elle en aurait tiré une leçon qui lui a permis de voler à mon secours. Il est normal que son histoire mintéresse, je le dis:
- Sabine, jaimerais beaucoup savoir pourquoi vous vous êtes précipitée à mon secours. Ne craignez pas de me fatiguer en partageant votre secret. Nous voici bien proches lun de lautre, je vous dois beaucoup, vous mêtes très chère. Le fait de parler de certains événements soulage le cur et les rend moins douloureux, dit-on. Vous écouter sera donc pour moi une occasion unique de vous témoigner un peu de reconnaissance et de payer ma dette.
Myriam se félicite dy avoir pensé. Elle aussi se sent redevable envers Sabine. Sans son intervention, elle serait également veuve, bourrée de remords, peut-être. Grâce à Sabine son âme sera moins tourmentée quelle naurait pu lêtre. Grâce à Sabine elle se rend compte de ses erreurs, elle retrouve lespoir de vivre avec moi, si je veux toujours delle. Ce à quoi je ne veux pas répondre sur le champ.
Je reviens à la vie dans un confort inespéré, je jouis de linstant, je réserve mes projets pour plus tard. Une main compte les battements de mon cur, une autre guette le réveil de ma libido, On me dorlote comme un coq en pâte, cest si bon, je voudrais que cela dure toujours; donc une réponse mal pesée et maladroite mettrait malencontreusement fin à ce bienheureux état de grâce. Je ne veux pas désespérer Myriam, cependant elle a bien mérité de mijoter dans lincertitude, entre rejet et retour probable.
Aura-t-elle la patience dattendre ma décision ? Se lassera-t-elle de me soigner ? Attend-elle le retour annoncé du furet et de ses potes ? Ou redeviendra-t-elle lépouse aimante ? En réalité ma tentative, même ratée, dit clairement combien elle maurait manqué. Son retour, dicté par Sabine très certainement, un peu en dépit de sa propre intention de mourir, me consolerait davantage si elle était revenue delle-même. En effet à quoi correspondait son désespoir, son désir de se jeter sous un train : au regret davoir été trompée et ridiculisée par Louis au point de ne plus savoir à qui faire confiance, ou à un sentiment de honte qui lui interdisait de revenir vers son mari ?
Elle se sentait coupable davoir brisé la confiance réciproque que se doivent les époux. Dans le fond de mon cur, le doute sefface devant le bonheur de la sentir blottie contre moi. Alors sans phrase, jenvoie un message. Ma main gauche se pose sur ses côtes, effleure son sein, suit la courbe de la taille et descend sinstaller, doigts écartés, dans sa toison pubienne qui a résisté à la barbarie du rasoir préconisée par Louis.
Je me tourne sur le côté droit. Myriam se colle à mon dos. Je fais face à Sabine. Elle essaie de me sourire, garde un air triste et gêné mais entame son récit :
Javais vingt trois ans à ma sortie décole dinfirmière. Le diplôme en poche, pour évacuer le stress des examens de fin dannée je me suis inscrite à des cours de danses de salon. Vite jai sympathisé avec mon prof, Bruno. Il me trouvait douée. Un jour il me déclara que jétais sa meilleure recrue et peu de temps après il me fit une double proposition époustouflante :
- Accepterais-tu de tassocier à moi et de me seconder pour transmettre lart de la danse, principalement aux garçons. Ta présence et ton aura augmenteraient les inscriptions de jeunes hommes. Je ferais travailler les jeunes filles.
- Cette offre était intéressante, mais jétais infirmière, je voulais construire ma carrière dans le métier appris. Pourtant Bruno lemporta grâce à la seconde demande :
- Sabine accepterais-tu de mépouser ?
Jen rêvais ! Bruno était plus âgé que moi, mais beau, grand, élégant, charmant de caractère et sérieux, investi dans sa profession. Laffaire fut conclue devant un repas au restaurant. Jexercerais mon métier le matin et je deviendrais spécialiste de danse en fin daprès-midi..
La réputation du cours de Bruno lui valait une clientèle fidèle venue des environs. Comme prévu la fréquentation masculine augmenta, et Bruno attribuait cette amélioration à mon talent et à mon charme naturel.
Mais arriva un nouveau candidat. Il apprendrait toutes les danses si je moccupais personnellement de lui. Comme cétait dans les habitudes de la maison, je promis de fournir en personne mes soins les plus attentifs. Des amis mavaient chaudement recommandée et il ne regarderait pas à la dépense. Il était beau garçon, débordait dhumour, montrait fierté et assurance. Il s appelait Louis.
- Tu dis Louis ? Le même qui a réussi la conquêtes et lenlèvement de la femme que je supposais fidèle et amoureuse de moi ? Myriam et toi auriez un point commun, ce type vous aurait séduites et abandonnées toutes les deux? Tu mavais mis en garde contre lui, naurais-tu pas pu être plus précise ? Bof, dans le fond, cela maurait alerté mais naurait pas changé les sentiments et la conduite dune épouse qui souhaitait aller voir ailleurs.
-Il sagit bien du même individu.
- Toi aussi Sabine. Que cest affreux. Comment sy prend-il donc ?
A suivre
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