Réveil Au Paradis
LOUIS
Ma femme, Myriam,couchée nue à ma gauche, collée contre mon dos, garde une main sur mon cur dont elle surveille les battements. après ma tentative de suicide, consécutive à ses relations sexuelles effrénées, il y a environ 24 heures, avec Louis. Sabine, linfirmière qui a ramené Myriam, également nue, appuie son corps contre le mien pour me réchauffer et garde sa main droite sur mon pénis dont elle surveille la somnolence, dans lattente dune érection annonciatrice de mon retour réel à la vie. Elle ma narré le contenu de la journée du décès de Bruno son mari. Elle confesse sêtre trompée sur les intentions du malheureux homme quelle accusait, à tort, de commettre ladultère avec la dénommée Barbara et elle saccuse davoir provoqué la mort de son époux, parce quelle aussi avait livré son corps au même Louis. Incidemment jai appris que Louis le célibataire endurci, grand séducteur, avait eu des rapports sexuels avec la fameuse Barbara. Lindividu est absent mais occupe trop de place dans nos existences.
On peut donc rencontrer Louis, le dangereux voleur de femmes mariées, à chaque étape de nos vies. Il courtise, il enflamme, il baise puis il abandonne, car il ne veut pas épouser. Grâce à sa liberté conservée et à son célibat, Louis reste disponible pour ses victimes et entretient, chez les anciennes amantes comme chez celles quil convoite, le fallacieux espoir dêtre lhomme idéal auquel sattacher à vie. Il a largué Myriam, la désespérée. Un jour il lui reviendra.
Devant ses conquêtes, les maris cocus perdent pieds. Les plus nombreux ignorent les faiblesses de leur épouse. La trahison de leur femme a des conséquences néfastes sur les autres. Bruno sest pendu de désespoir quand Sabine la quitté. Je comprends son geste, car moi, jai tenté de mempoisonner après le départ de Myriam, sous le coup dune incontrôlable dépression. On peut se demander combien dhommes trompés nont pas voulu survivre à la défection dune femme.
Instruite par sa propre expérience, prise de pitié pour Myriam, désireuse de lui épargner les remords qui laccablaient encore plus dun an après la mort de Bruno, Sabine sest précipitée chez moi. Myriam lui est reconnaissante davoir volé à mon secours. La similitude des dernières paroles de Bruno et des miennes avait alerté la jeune veuve. Elles mont « sauvé ».
Voilà où jen suis après le sinistre récit de la mort de Bruno par Sabine. Elle a terminé la voix presque éteinte. Elle cherche dans mon regard mon jugement dhomme exposé à la même morale. Or je nai pas de jugement singulier à énoncer. Confronté à la même situation, jai répondu dune manière proche à ladultère et à la fuite de la femme aimée. Tout ça cest le passé. Ce qui me préoccupe cest lavenir. Mon geste avait une signification évidente. Pourquoi, de quel droit ces deux femmes ont-elles changé mon destin ? Je ne mourais pas parce que jétais soul. Jétais soul parce que je voulais mourir et je voulais mourir parce que je navais pas su protéger et garder Myriam. Je réponds à lattente de Sabine par une question:
- Je voulais mourir, ne lavez-vous pas pigé ? Vous mavez arraché à la mort. Vous vous êtes chargées de moi. Quallez-vous faire de moi, puisque vous mavez ranimé contre ma volonté ?
Myriam passe sa vie à pleurer dans mon dos. Sabine réplique :
- Nous allons te redonner goût à la vie.
- Quels gens ? Tu veux rire ? La seule personne que jaimais ne maimait plus et venait de me quitter pour sattacher à un autre. Avec qui discuter de mon envie de partir ? Comme dit le poète, les grandes douleurs sont muettes. Aurais-je voulu parler, jétais seul, Myriam ne voulait plus de moi. Myriam avait disparu
Dans mon dos les pleurs redoublent et Myriam hoquette des « pardon, pardon »
- Tu étais trop fier pour lui demander de rester; me reproche Sabine
- Non, mais
Plus dégoûté que fier, crois-moi. Tu ne las pas vue à luvre en train de brouter la queue de lautre salaud et je te passe le reste. Alors, je suis là, à cause de vous plus que grâce à vous. Que vais-je devenir, dites-le moi. Vous avez cru pouvoir décider de ma vie, quavez-vous prévu pour moi ? Je suis dans la mouise jusque là. Les pompiers aujourdhui, la presse demain; on va me regarder comme un pestiféré.
- Ah ! Tu te mets à réfléchir aux conséquences de tes actes. Ce nest pas trop tôt. As-tu toujours envie de fuir la vie?
- Ma vie na plus de sens. La prochaine fois je me pendrai.
- Quel comédien ! Es-tu seul ? Nes-tu pas un homme particulièrement heureux entouré de deux femmes toutes dévouées à ton bien-être. Nous te réchauffons, nous te donnons la becquée, nous veillons sur toi. Cesse de pleurnicher, tu es choyé, chouchouté.
- Cest un moment de bonheur qui ne durera pas. Vous partirez, vous vaquerez à vos travaux, irez au travail, me laisserez tomber. Mon employeur va me licencier.
- Oublie les problèmes matériels. Jai tout réglé. Les pompiers diront que tu as été victime dun excès de fatigue, la presse na pas été mise au courant, ton employeur taccorde une semaine de repos : dans huit jours tu retourneras au travail et tu renoueras avec tes habitudes.
As-tu assez chaud ? Tu devrais dormir un peu, tes paupières tombent.
- Tu vois, tu commences à te débiner. Va.
Sabine proteste:
- Dis, tu as encore envie de mourir ? Tu nas pas le droit de nous faire ça ! Je suis coupable de la mort de Bruno, je lai compris trop tard. Alors toi, je ne te laisserai pas entreprendre le grand voyage avant lheure; il est beaucoup trop tôt. Nous sommes deux à veiller sur toi, tu ne seras jamais seul. Tu es notre prisonnier.
- Sabine tu es têtue. Que timporte mon sort ? Qui suis-je pour toi ?
- Je suis infirmière, professionnellement responsable des malades. Depuis ce midi tu es mon malade.
- Je ne tai rien réclamé. Tu timmisces dans ma vie sans y avoir été appelée. Pour passer le temps termine ton histoire. Bruno enterré quas-tu fait ?
- Barbara a confirmé que sa relation avec mon mari était purement professionnelle. Cela a accru mon sentiment de culpabilité. Jai revu à quelques reprises Louis. Il avait renoué avec Barbara, il est venu sexcuser davoir accusé indûment de coucheries Bruno et Barbara. Jamais, pendant un an il na essayé de renouveler le rapport sexuel auquel il mavait conduite avec des suppositions sans fondement. Notre dernier contact a eu lieu au bal, samedi. Alors quil flirtait déjà avec Myriam, il ma fait part de son intention de réparer ses torts en mépousant.
- Il cherchait un corps de femme à posséder. Cela nétait quune tentative pour tentraîner au lit. Je lai entendu vanter les vertus du célibat.
- Peut-être aurait-il renoncé à conquérir ta femme, si javais consenti à lépouser. Hélas pour vous deux, je nai pas pu me résoudre à devenir la femme de lhomme qui mavait incitée à désespérer Bruno. Dailleurs nétait-ce pas une manuvre honteuse pour me visiter dans mon lit ? Je pense comme toi à un piège. Je suis méfiante et sa conduite infâme avec Myriam me conforte dans une conduite prudente.
- Tu nas rien à te reprocher. Tu aimais ton mari et tu étais jalouse.
Myriam gémit :
- Non. Ce type a un charme particulier. Il ma amusée, fait rire. Je navais aucune intention de te tromper avec lui. Je ne sais pas pourquoi je lui ai téléphoné. Il est faux de dire que je ne taimais plus.
- Plus assez pour éviter le piège. Je reviens à Sabine. En moins de quelques heures, tu as cru être trompée par Bruno. Tu as de plus été mal conseillée par Louis, tu as voulu te venger dun crime imaginaire et lhypocrite tentateur a profité de ton désarroi et dun moment dégarement. En tunissant à lui, tu as satisfait ses pulsions, non les tiennes.
- Cest vrai au début de lunion des corps. Il est pourtant venu un moment où mon corps a pris plaisir à être possédé. Louis me défonçait et jai joui. Je ne me le pardonnerai jamais.
- Myriam na pas lexcuse dune vengeance. Je ne mexplique pas sa conduite. Elle na agi que pour son plaisir, elle a eu des orgasmes, ne sest gênée ni pendant de longs préliminaires, ni en se livrant ou en prenant des initiatives obscènes sous mes yeux. Elle ne sest pas réfugiée dans un hôtel, mais le matin venu, elle est partie avec la ferme intention daller faire sa vie avec son amant. Louis est le responsable de la mort de Bruno mais ne sest pas inquiété de savoir ce que je deviendrais, si je tenterais ou non de me prendre la vie. Myriam pas davantage.
Sabine reprend des arguments déjà utilisés pour défendre ma pleureuse.
- Tu oublies lexcès de champagne, lambiance chaude que tu as volontairement créée avec ta musique, linvitation à danser ou à se déshabiller avant la recommandation dobéir à leurs désirs et à se connaître. Ta responsabilité personnelle est forte. Enfin tu as pratiquement mis ta femme à la porte.
- Parce que Myriam ne ta pas raconté mes mises en garde. Je lui ai fait remarquer que son type avait pour seul but de la sauter, notamment quand Louis est allé aux toilettes. Elle aurait pu arrêter la farce et chasser lindésirable.
- Nétait-il pas un peu tard, les choses étaient trop avancées. Je la crois lorsquelle me dit avoir cru que tu voulais la voir possédée par un autre homme.
- Non, il faut mal me connaître pour imaginer pareille perversité. Je ne suis pas taré à ce point. Toi, Sabine, tu me connais à peine, tu peux gober cette excuse, mais Myriam était ma femme et jamais je ne lavais entretenue de telles pulsions. Ces turpitudes existent, je ne les cultive pas et Myriam le savait. Cette histoire est invoquée pour excuser la passion dévorante qui la couchée sous Louis, là, sur le canapé. Dailleurs, sans toi, se serait-elle inquiétée de mon sort ? Il a fallu la défection de Louis pour quelle se sente abandonnée et assez désespérée pour vouloir se jeter sous un train.
- Oh! Jean, jai pris conscience du mal que je tavais fait. Cest vrai, jaurais été incapable doser taffronter. Javais tellement honte de mon comportement. Louis me punissait, me repoussait sous prétexte quune « salope capable de tromper un mari comme toi » ne pouvait pas lui inspirer confiance. Les reproches que tu madresses, à juste titre, prouvent que jai commis limpardonnable. Je navais plus la force et le courage dimplorer ton pardon ou un retour en grâce.
- Comme je te comprends. Mais que fais-tu là ?
Latmosphère tourne au vinaigre. Sabine sinterpose :
-Oh! Vous deux, quand cesserez-vous de vous faire du mal? Vous êtes vivants. Oubliez vos erreurs. Serez-vous plus heureux si vous vous condamnez à mort. Quoi, cela ne vous a pas suffi pour aujourdhui ? Mon exemple ne vous parle-t-il pas ? Bruno est mort, je suis seule, malheureuse. Est-ce ce que vous recherchez ? Arrêtez dêtre négatifs. Il est tard, dormons. Bonne nuit !
Au cours de la nuit, jai ressenti la sensation de froid. Jétais seul dans mon lit, personne à droite, personne à gauche pour me tenir chaud. Sous la porte passait un rayon de lumière venu du salon. Des voix chuchotaient. Cétait celles de Sabine et de Myriam. Jai voulu savoir de quoi elles discutaient. Jai entrouvert la porte et tendu loreille. Sabine interrogeait Myriam :
- Tu gagnes ta vie, tu peux vivre indépendante comme je le fais depuis le suicide de Bruno. Tu nas pas de problème dargent. Tu nas aucune raison de vouloir te .
- Jai trahi Jean, je lai perdu de façon idiote. Tout sest subitement embrouillé dans ma tête. Je ne me comprends pas moi-même ce que jai fait; donc comment mon mari pourrait-il le comprendre ? Comment vivre sans lui, sans son amour. Je laime, il ne peut plus le croire.
- Tu prétends aimer Jean, tu sais combien il taime : sa tentative de suicide est un cri de désespoir, elle montre quil ne pouvait plus envisager une vie sans toi. Ton comportement avec Louis est condamnable comme tu le répètes, mais tu as droit à une deuxième chance. Jean ne pourra pas vivre sans toi. Tu es indispensable pour lui comme il lest pour toi.
- Oui, mais il est trop blessé. Il ne veut plus de moi, sinon je resterais. Quand il ira mieux il me chassera.
- Cest une erreur. Il espère ton retour sous son air bougon. Mais tu ne dois pas rester par pitié ou par crainte dune deuxième tentative de suicide. Reste uniquement si tu laimes. La constatation que tu restes sans amour, mais par pitié le ait sûrement plus sûrement quune nouvelle fuite. Laimes-tu vraiment ? Cest la seule question à te poser.
- Bien sûr, je réalise que je laime encore plus fort. Mais il ne peut plus me croire. Je suis une salope impardonnable, désespérément amoureuse mais impardonnable
- Cesse tes lamentations, sois positive. Serais-tu daccord pour que je serve de médiateur entre lui et toi, comme nous en avons fait le projet ? Pendant une ou deux semaines je demeurerais avec vous. Je servirais de tampon en cas de dispute.
- Ce serait formidable; Jean lacceptera-t-il ?
Comments:
No comments!
Please sign up or log in to post a comment!