La Tentation Du Velours 7
La tentation du velours 7
Ma chère Lola,
Tu mas fait rire dans ta lettre, quand tu dis avoir expliqué à ton mec que lorgasme nest pas une question de grosseur de bite ou de performance sportive, plutôt dêtre à lécoute de sa partenaire. Je ne doute pas de ta capacité à lui faire comprendre la leçon.
Jai passé ces derniers jours beaucoup de temps avec le coach de lagence, ex mannequin elle-même. Franchement, jaimerais lui ressembler à son âge. Les leçons ne servent pas seulement au boulot. Je me tiens plus droite, je marche mieux, donc je fatigue moins. Je connais les produits bons pour ma peau, ceux à éviter. Mes sourcils ont poussé, ils me donnent un air canaille qui, si jen crois le coach, est du plus bel effet.
La semaine suivant notre aventure, autant la nommer ainsi, jai revu Viviane avec beaucoup de plaisir. Nous nous sommes promenées, on a été au cinéma, elle est venue déjeuner chez moi et jai été invitée chez elle. Mais pas le week-end, je la laisse avec son mec. Donc, tout ce temps passé en sa compagnie est un pur bonheur. Une impression me chiffonne cependant, il suffirait de peu quelle ne passe de lautre côté du miroir. Est-ce pour elle un fantasme, un désir, ou un sentiment plus profond envers moi ? La question se pose.
Un coup de téléphone de Sarah ma déboussolée. Retenue à New York pour le boulot, elle a su me dire que je lui manque, mais pas quand elle envisage de rentrer. Ce que je ressens a aussitôt refait surface, amenant une déprime détestable. En sa présence je voulais simplement être moi, la gentille Anaïs, une personne sincère capable de tout donner.
Si Sarah avait reconnu quune autre femme comptait dans sa vie, je naurais pas insisté. Mais dentendre ce « Tu me manques, trésor. » poussa les trompettes de la révolte à résonner dans ma tête. Quand on se retrouvera, car elle finira par revenir, ce sera à moi de la faire courir. Je serai devenue entre temps une maîtresse experte, lamante incontournable.
Un lieu inconnu méritait mon attention : le 3 W Kafé (Woman with Woman). Cest fait, ma petite Lola. Ce célèbre bar lesbien a servi de décor à une scène de « La vie dAdèle », Palme dOr au festival de Cannes 2013, tu mexcuseras du peu. Les hommes y sont tolérés, mais on nen voit pas beaucoup. Nayant pas davantage aperçu Adèle Exarchopoulos, lhéroïne du film qui me fait craquer, je suis retournée au Nix Café, avec lintention de me faire une place dans ce microcosme de la « lez attitude ».
Pour une fois, on me remarqua. Un jean beige taille basse et un tee-shirt assorti y furent pour beaucoup. Comme dhabitude pour sortir, je nétais pas maquillée. Tous ces trucs sont réservés au travail de mannequin, ma peau est très bien au naturel. Un baiser avec ou sans rouge à lèvres na pas la même saveur, je préfère sans. Les ongles longs et vernis ? Cest au minimum inconfortable, voire dangereux, au cours dun rapport lesbien ; un ongle peut blesser les chairs intimes, le vernis peut provoquer des inflammations. En fait, il ne me manquait quune casquette pour dissimuler mes longs cheveux. Je me suis contentée dune queue de cheval haute.
Je venais draguer ou me faire draguer, pas question de repartir seule. Pas question non plus de servir de faire-valoir à nimporte qui. On ma persuadée que je suis jolie, bien faite, alors ces atouts doivent me servir.
Des copines à Sarah installées à une table me firent une place. Elles maccueillaient comme une des leurs maintenant. Attitude plaisante mais trop réservée, ces filles ne se draguaient pas, ne couchaient pas entre elles, se retrouvaient pour boire un verre et papoter. Le débat du soir tournait autour du mariage gay enfin reconnut légalement, la volonté ou la nécessité de porter le combat sur un autre terrain. Je finis par mennuyer.
Ça ne va pas, Anaïs ? demanda Nathalie, petite brune de 21 ans étudiante aux Beaux-arts.
Je ne suis pas venue pour parler politique, répondis-je négligemment, jai envie de me faire une nana.
Ce ne fut pas tant laveu qui jeta un froid, mais la tournure de phrase employée. Les regards sur ma personne changèrent. Tant pis ! Je les abandonnai bientôt, après avoir repéré une fille esseulée au comptoir.
Salut, tu veux boire quelque chose ?
Linconnue tourna vers moi une frimousse demployée de bureau torturée par ses collègues, le genre à crier « Au viol ! » quand un courant dair sinfiltre sous sa jupe. Il ne me vint pas à lidée que je lui ressemblais sans doute à mon premier passage dans ce type de lieu.
Sous la chevelure brune flirtant avec ses épaules tombantes, je découvris un joli minois rond, plein, respirant la santé. Les lunettes à fine monture sur un petit nez à peine épaté révélaient deux grands yeux noisette.
Une bière, merci, glissa une petite voix de gorge intimidée.
Un geste à la barmaid, un sourire entendu, et on nous servit. Mon invitée resta interdite devant le Vittel rondelle.
Tu ne bois pas ?
Sans lavouer, je trouvais ridicule de commander la même chose quune personne quon veut séduire pour sinventer des points communs et justifier labordage.
Ça marrive, mais ce nest pas bon pour la peau. Á la tienne quand même, fis-je en trinquant, armée de mon plus beau sourire. Comment tu tappelles ?
Sandrine, et toi ?
Anaïs. Tu fais quoi dans la vie, à part profiter dune belle soirée dété.
La faire parler, lui montrer de lintérêt, démonter le savant mécanisme de la séduction par des interventions réfléchies, ne pas jouer les ingénues éblouies, ne pas se mettre en avant ni en arrière, ne pas forcer les confidences mais provoquer le désir den faire, lire entre les lignes, tout cela me convenait. Je draguais pour la première fois, avec un plaisir non feint.
Sandrine, qui se sentait hétéro depuis toujours, expliqua larrivée dune nouvelle collègue dans le cabinet dassurance pour lequel elle travaillait. Lier connaissance lui avait paru normal, se lier damitié avait suivi.
Delphine voulait vivre avec moi mais
je ne sais pas, poursuivit la jeune femme de 25 ans après avoir commandé une autre tournée. Elle donnait limpression de vouloir régir ma vie, je me sentais prise au piège.
Ce nest pas simple en effet de tenir à quelquun sans l. Alors un coup de blues ta amenée jusquici.
Oui, admit-elle avec une facilité naissante, preuve que la belle se détendait en ma compagnie. Retourner vers un homme ? Cest difficile maintenant, je ne pourrai plus me comporter comme avant. Je veux être une femme sans que ce soit un rôle à jouer, tu comprends ? Je fais le ménage pour vivre dans le propre, pas parce que mon devoir dépouse lexige.
Sandrine devenait intarissable. Une gorgée de houblon, et elle repartit dans sa diatribe.
Tu bois de leau, cest ton choix, je le respecte. Quon reconnaisse mon droit à aimer la bière sans me traiter de garçon manqué, ou pire. Pourquoi, à diplôme équivalent, une femme est moins bien payée quun homme au même poste ? Un mec raconte une histoire de fesses à un repas entre amis ou en famille, tout le monde en rit. Une nana fait la même chose, on la dévisage comme une lépreuse. Merde alors !
Oups ! La liberté de penser entraînait une libération du langage, le vernis policé sécaillait. Un rire franc tinta à mes oreilles.
Quoi ? gloussa Sandrine devant mon air déconfit. Tu nes pas daccord ?
Si ! Ta manière de lexprimer mamuse, cest tout. Enfin non, ce nest pas tout, je dirais plutôt quelle me charme.
Le regard noisette à travers les lunettes séclipsa un très court instant derrière un battement de paupières appuyé. Laquelle des deux avait touché lautre ?
Parle-moi de toi, lança Sandrine enfin calmée.
Prise au jeu, je me laissais aller à certaines confidences, sans entrer dans les détails sordides du rejet parental de mon homosexualité, ni de la grande question de mes sentiments envers Sarah, la présentant comme celle qui mavait offert une belle opportunité demploi.
Tu vas reprendre tes études, alors ? demanda Sandrine, un coude sur le comptoir et la joue dans sa main, dans une attitude découte attentive.
Oh oui ! Je veux bien faire un peu de photos, il faut reconnaître que ça paie, mais ma passion cest la littérature. Après la Sorbonne, je ne sais pas, prof ou écrivaine
Si, ça se dit, on appelle ça la sexualisation des professions.
Nouvelle étape dans le processus de séduction, on en était à relever avec humour certains mots ou expressions particulières à chacune. Lironie permettait surtout den apprendre sur les espoirs à court terme, sur ce que chacune attendait de lautre dans limmédiat, une manière de dédramatiser la situation. Je me fis prendre de vitesse par Sandrine à ce jeu.
Alors, tu viens ici chercher la femme de ta vie.
Euh
non, finis-je par admettre. Un peu de bon temps suffirait.
Les yeux derrière les lunettes sécarquillèrent, la commissure des lèvres se releva, je mattendis presque à la voir se gratter la tête sous leffet de la réflexion, ou se frotter le menton, comme dans les dessins animés. La surprise venait de changer de camp.
Ne me dis pas que
Quoi ! lâchai-je dans un éclat sonore qui divertit la serveuse occupée à nettoyer des verres. Je te choque ?
Sandrine ne pouvait pas douter de ma bonne humeur, mais paraissait circonspecte sur ce que je venais davouer à mots couverts.
Non, non ! se débattit-elle aussitôt, prise à son piège. Cest juste, euh
curieux de tentendre lavouer comme ça.
Comment voudrais-tu que je le dise ?
Dautres regards se tournèrent dans notre direction, attirés par nos rires. Leur présence ne nous gêna pas, il était trop tard pour cela. Certaine de ne pas essuyer un refus, amusée dabandonner la poignée dindiscrètes à son sort, je pris une des mains de Sandrine dans les miennes. Son frisson se propagea à tout mon être.
On va chez moi, jhabite à côté.
Elle ne se déroba pas, et se laissa entraîner. On partit presque en courant, comme deux gamines délurées pressées de faire quelques bêtises.
Ma chère Lola, si tu voyais mon nid maintenant, tu tomberais des nues. Jai installé des posters, tous tirés à partir de scènes damour de films lesbiens. La petite mamie du rez-de-chaussée sera sans doute choquée. Mais ce nest pas vulgaire, attention, jai choisi des représentations érotiques de mon attirance.
Tu annonces la couleur, au moins, gloussa Sandrine dont la main restait dans la mienne, à la découverte de mon alcôve.
Disons que je naime pas lhypocrisie.
Tu as vu ce film ? ajouta-t-elle après un sourire de connivence, le doigt sur limage des deux femmes nues enlacées dans leur sommeil. « When night is falling. »
Oui, Pascale Bussières est surprenante.
Et celui-là ! sexclama Sandrine devant la photo étalée sur la largeur complète de la tête du lit. Certaines disent que les scènes de sexe dans « La vie dAdèle » ne sont pas réalistes.
Sur le poster, Adèle Exarchopoulos et Léa Seydoux se broutaient mutuellement le minou. Soft mais évocateur.
Je ne sais pas, balbutiai-je, rattrapée par ma niaiserie. Je nai pas vu le film, et jimagine que toutes les filles ne font pas lamour de la même manière.
Tu as raison. Cest chaud, semporta mon invitée, dune grande beauté érotique. Jai le DVD, on se fera un visionnage chez moi si tu veux.
Merci, dis-je en lâchant sa main. Tu veux boire quelque chose ? Je nai pas de bière.
Comme toi, ça ira.
Je tapotai rapidement sur la télécommande de la stéréo. Une voix sensuelle séleva sur un air de Chill out. Deux petites bouteilles de vodka soda, des verres pour la forme, et je madossai au bar, le regard perdu à la contemplation de Sandrine à deux mètres de moi, au milieu de la chambre.
Son ondulation au rythme de la musique provoqua lentrebâillement du chemisier échancré sur une gorge blanche, la silhouette apparut à la lumière sous le tissu. Je devinai les seins pas très gros mais larges, dune exquise rondeur. Les épaules dans lalignement des hanches prononcées sous la taille fine, le bassin généreux, elle sapprocha posément, portée par des cuisses pleines gainées dans un pantalon de toile grise taille basse. Sa main joua avec les pans de la chemise, les écarta afin de livrer à mon regard subjugué la vision dun nombril profond.
Sandrine se coula contre moi, mordilla ma lèvre inférieure. Avant que je prenne sa bouche, elle avait saisi une bouteille sur le comptoir, virevolté en souplesse, et sétait posée à côté de moi, son bras contre le mien.
On trinqua sans un mot, les yeux dans les yeux. Une gorgée de vodka, je lenlaçai pour un slow. On se déhancha dans un langoureux corps à corps, ses formes incrustées aux miennes, ma joue sur son front, attitude dabandon mutuel. Le sucré de son parfum léger disparut derrière la fraîcheur naturelle de sa peau.
Un regard échangé, lacceptation du désir, la tendresse partagée dun sourire, je pris ses lèvres avec douceur. Notre baiser séternisa le temps de la danse, sans autre geste que mes mains sur ses hanches et ses bras autour de mon cou. Les corps enlacés, les langues lovées lune contre lautre, on laissa monter la fièvre sans provocation inutile.
Repue de ma salive, Sandrine me poussa contre le bar dans ma position initiale. Elle moffrit sa bouche après lavoir remplie dune gorgée de vodka soda. Nos langues se mêlèrent dans le liquide pétillant, dont une partie échappa à ses lèvres pour se répandre dans son cou. Je léchai le résultat jusquà lentendre soupirer.
On saventura dans une lente découverte de nos nudités par un déshabillage mutuel, sans plus attendre, sans rien précipiter, détachant nos vêtements un à un. Lexercice séternisa, entrecoupé de regards captivés, de caresses suggérées, de halètements compulsifs au son envoûtant de la Chill. Les habits mélangés jonchèrent enfin le parquet entre la porte et le bar.
Les bras tendus, ses mains dans les miennes, je me laissai aller à lobservation du cou fin dans lequel battait la grosse veine. Les seins étaient comme je les avais imaginés, pas très gros, ronds et larges aux belles aréoles brunes, aux tétons encore sages. Je fus une nouvelle fois surprise par la profondeur du nombril au milieu du ventre plat magnifiquement dessiné. La taille mince sévasait sur des hanches pleines. Le pubis épilé, mon regard se focalisa sur la naissance de la fente fermée de son fruit damour. Les cuisses musclées sur deux jambes galbées à souhait parachevaient ce nu artistique de femme accomplie.
Sandrine me détailla de la même manière. Léloquence de son regard me fit me sentir belle et désirable. Je découvrais le pouvoir de lérotisme suggéré, de la sensualité dun corps exposé à la vue de lautre, offert dans ce quil avait de plus impudique.
Je remplis sa bouche dune gorgée de vodka. Nos langues se retrouvèrent dans le liquide qui sévada de nouveau entre ses lèvres charnues. Je léchai le résultat sur son menton, dans son cou, entre ses seins que jempoignai au passage, jusquau nombril que je pénétrai de la langue. Tendue, ma belle poussa son ventre en avant. Mais je ne répondis pas à sa supplique.
Puis ma bouche suivit le chemin inverse. Je remontai lentement de long de ce corps vibrant que je désirais ardemment. Je pris ses lèvres dans un nouveau baiser passionné. Sandrine empoigna mes fesses pour mieux nous souder lune à lautre.
Un second slow nous rapprocha du lit. Ma cuisse gauche se faufila entre ses jambes, se frotta à ce sexe que jallais enfin toucher, embrasser, aimer. Sa langue dans ma bouche, Sandrine laissa ses pétales souvrir et déposer un peu de mouille sur ma peau, pour mon plus grand plaisir.
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