31 Drôle De Dimanche Pour Jérémie.
Dimanche soir, 23h58, rue de la Colombette.
Allongé sur son lit en train de se faire sucer, Jérémie ne tarde pas à se rendre compte quil va avoir du mal à venir
il est fatigué, il na ni la forme ni le moral et rien ne lexcite vraiment dans cette situation
Au bout dun moment, il se dégage de sa bouche, il ouvre le tiroir de la table de chevet, il att une capote, il lenfile
un instant plus tard, sa queue glisse entre ses cuisses
Jérémie commence ses allers retours
il est tendu, il bande dur mais il ne prend pas vraiment son pied, il est pressé darriver au bout, il est en nage, il est essoufflé, ce nest presque pas agréable, cest mécanique
le cur ny est pas
langoisse commence à semparer de lui, langoisse de ne pas y arriver, pire davoir une panne
il ferme les yeux, il part ailleurs
et cest en pensant à quelquun dautre que Jérémie arrive enfin à jouir en ce dimanche soir
Petit retour en arrière, dimanche matin, 7h50, rue de la Colombette.
Pendant que Nico subit le contrecoup dun réveil marqué par un retour à la réalité un peu brutal, nous retrouvons Jérémie dans sa salle de bain, nu, les mains posées sur les rebords de la vasque du lavabo, sa chaînette pendouillant au dessus du robinet, se regardant dans le miroir, impatient dentendre la porte dentrée claquer, marquant ainsi le départ de Nico.
Oui, Nico vient de connaître un dimanche matin difficile : cest à cause de la réaction inattendue et plutôt virulente de Jérém suite à des gestes de tendresse quil croyait les bienvenus après la nuit magique quil venait de passer à ses cotés. Hélas, il faut croire que bien souvent la nuit et le matin ne sont pas pétri de la même pâte.
Le beau brun frémit, ses mains tremblent, son visage empourpré porte les traces de son emportement, son corps sculpté a du mal à tenir en place et à ne pas se laisser aller à des gestes violents pour évacuer la colère qui est en lui ; il a envie de cogner, de se défouler
il finit par détourner son regard de la glace, sa propre image lui étant insupportable
il naime pas le type quil voit dans le miroir, il naime pas ce quil voit dans son regard
de lagressivité, presque de la haine
il est en colère, il lest contre Nico, il lest contre lui même
Jérémie a limpression que sa vie lui échappe des mains
« quest ce quil est en train de me faire ce con de Nico ? Pourquoi a-t-il besoin toujours de me tripoter de partout? ».
Jérémie nétait certainement pas contre une petite pipe ce matin
« Mais ses mains
elles sont allées trop loin ses mains
il ma foutu une colère
et cest normal que je sois en colère
je ne veux pas me laisser caresser par un mec, même par Nico
je ne suis pas pd
»
Jérémie ressent en lui un mélange de sentiments explosifs et contradictoires, il se sent déchiré, tour à tour sûr de lui, de ce quil est, de ce quil veut ; un instant plus tard il se sent perdu, sa mauvaise foi lui pète à la figure, il la déteste, il sy accroche, il se raconte des histoires en étant bien conscient de sen raconter
Jérém est sur les nerfs, Jérém est aux aguets
il attend toujours le claquement de la porte dentrée
pendant un instant il redoute que Nico puisse faire demi tour et le rejoindre dans la salle de bain
lidée dun Nico planté au milieu de sa chambre, hésitant à venir quémander une fois de plus une tendresse quil ne saurait pas lui donner, lui apparaît comme insupportable
dans sa tête cest le gros bordel, ça cogne dans sa tête, il a limpression que ses tempes vont exploser
Jérémie a par-dessus tout envie de se retrouver seul
« Quest ce quil attend pour dégager? Je vais y retourner et je vais le foutre dehors encore plus méchamment
il va comprendre, le con
»
Jérémie sent une colère de plus en plus grande monter en lui, laveugler
il est sur le point de bondir hors de la salle de bain quand il entend enfin le bruit de la serrure accompagné du bruit de la porte qui se referme. La porte na pas claqué. Elle a été refermé lentement. Il tend une nouvelle fois loreille. Pas de bruit dans la chambre. Nico est parti, il ne viendra plus le faire chier ce matin là. Jérémie est soulagé. Il ferme les yeux, il prend une inspiration profonde. Il souffle. Tétanisé par sa rage, il na toujours pas bougé de sa position en appui sur les rebords de la vasque du lavabo. Il remue la tête, il essaye de se débarasser des pensées qui saccrochent à son esprit troublé
il ouvre leau et se rince le visage plusieurs fois à leau froide
Il reste un long moment à regarder dans la glace, comme dans le vide, le visage ruisselant, les cheveux en bataille, essayant dévacuer tout ce bazar de sa tête.
Leau coule sur sa tête et sur ses épaules, glisse tout au long de son corps, de ses muscles, de sa peau, comme une caresse, apaisante, revigorante. Hélas, ses tensions ne semblent pas vouloir se relâcher si facilement, son esprit est toujours chahuté par des sentiments troublants
Après une nuit trop courte, le réveil est souvent difficile
et ce nest par forcement le choc du passage prématuré de létat de sommeil à celui de veille qui pose le plus souci : le réveil le plus difficile à assumer, le plus dur à appréhender est le réveil des illusions, de celles quon a limpression davoir données autant que de celles quon se serait crées tout seul
cest le genre de réveil le plus dur qui soit, celui qui est souvent assorti dune bonne douche froide
Oui, quand on ne prête pas gare au mélange et à léquilibre des éléments, quand on ne prépare pas suffisamment le moment avant de passer sous leau, la douche du matin peut se révéler glaciale. Elle lavait été pour Nico. Il aura beau tourner à fond le robinet de leau chaude, elle ne le sera pas moins pour Jérémie.
Toujours dhumeur plutôt massacrante, il retrouvera son lit juste après, pour ne le quitter quautour de midi, juste à temps pour manger un bout, avant de se rendre au match de laprès-midi. Vers deux heures il retrouvera Thibault et ses autres coéquipiers pour lune des dernières compétitions du tournoi. Jérémie transformera deux essais et son équipe gagnera la rencontre haut la main.
Cest ainsi que pendant quelques heures, Jérémie trouvera le moyen de séloigner du malaise et de la colère du matin et quil aura limpression que tout cela est derrière lui et que plus jamais il ne se trouvera dans un tel état desprit
la boisson aidant, entouré de ses potes, de leurs blagues, de leur façon dêtre ensemble, entouré de cette convivialité quil connaissait par cur et à laquelle il essayait de participer comme toujours ; lespace dun après-midi, enveloppé par cette camaraderie, par cette complicité entre potes qui avaient le don de le faire presque sentir « en famille », Jérém aura lillusion presque parfaite quil était le Jérém de toujours, le Jérém qui contrôlait sa vie et qui était bien dans ses baskets, le Jérém qui se suffisait à lui même, qui ne se posait jamais de questions, le Jérém pour qui il ny avait que trois buts dans la vie
les potes, le rugby, les meufs
bref, le Jérém que tout le monde connaissait, le Jérém qui était un vrai mec qui ne se fait pas emmerder par qui que ce soit, même pas par une nana
et certainement pas le Jérém tourmenté et sans couilles qui se met à angoisser dans les bras dun pd
à bannir, celui-là !
Une fois cette idée chassée de son esprit, la troisième bière faisant des miracles, Jérém ne pensera plus à sa colère du matin, se berçant dans lillusion que tout reprendrait son cours, que le fait de reprendre en main les commandes de sa vie était certes urgent, mais définitivement à sa portée
Dans la tête de Jérémie, lillusion était presque parfaite : hélas, une illusion nest jamais une réalité, elle est fragile ; il suffit dun élément discordant, pour insignifiant quil soit, pour dissiper la plus belle et la plus soignée dentre elles
Le rappel à la réalité se fera pendant la troisième mi temps : lorsque, au détour dune conversation entre deux bières, Thibault lui demandera :
Ça sest bien passé le retour de lEsmeralda
avec Nico
?
Question étrange venant de Thibault
question que Jérémie esquivera dun revers de main non sans éprouver et laisser transparaître un certain embarras
question qui aura le pouvoir de replonger directement le beau brun dans le même état desprit du matin
de le faire repenser à Nico, à la nuit précédente, à la haine quil avait ressentie au réveil ; oui, la question de Thibault aura le pouvoir de lui ôter toute envie de faire la fête
Jérémie a désormais envie de se retrouver seul
eh, oui, très difficile de faire face à ses tourments, de devoir faire semblant, de faire croire que tout va bien alors qu'à l'intérieur tout va mal, alors que les questions semmêlent dans la tête, et que ça nous est impossible dy donner des réponses claires.
Ainsi, prétextant un besoin de repos pour le bac du lendemain, il quittera ses potes aux alentours de 20h30. Il sera chez lui à 20h50. Il reprendra une douche et il saffalera sur le canapé devant la télé. Il zappera en boucle sur les cinq chaînes existantes, regrettant de ne pas avoir pris labonnement à Canal. Il regardera le bazar dans sa chambre, ça ne lui donnera pas envie de sy mettre. Il regardera ses cahiers de notes en vrac. Ça non plus ça ne lui donnera pas envie
de toute façon le bac cest demain et pour les révisions cest foutu
Oui, les révisions
le révisions avec Nico
sacrées révisions
décidemment, tout le ramène à ce con de Nico
et à sa colère
« Pourquoi ai-je prouvé tant de colère ce matin ? (il ne faut pas quil me tripote comme ça
quil soccupe donc de ma queue
il la bien cherché, putain, il me colle, jai chaud, je viens de jouir, il me colle encore
jai besoin dêtre seul, de recharger
)
Pourquoi ses mains sur mon visage pendant quil avalait ma queue mont-t-elle mis autant en pétard, alors que cette nuit jai accepté et aimé bien plus que ça ? (je ne sais pas, il membrouille, il profite de moi quand je suis pas dans mon état normal
il veut me rendre pd comme lui
)
Pourquoi sa branlette au réveil ma-t-elle autant excité ? (je suis un mec
je bande au réveil
)
Est-ce que je prends du plaisir à le sentir ou à le mater prendre son plaisir à lui? (le mater se branler cest comme mater un porno
il aurait du me sucer dabord
)
Ca ma fait quoi de le faire jouir cette nuit? (cétait dans le feu de laction, jai même pas fait express
il a mouillé sans prévenir
)
Pourquoi je prends autant de plaisir avec lui ?
(parce que je peux me vider les couilles autant que je veux, comme je le veux et lui faire des trucs que je nose pas demander aux meufs
)
Pourquoi ai-je eu envie de lui demander de rester ?
(pour le sauter encore, si lenvie men prenait, pendant la nuit
)
Pourquoi étais-je dans cet état cette nuit ?
(javais trop bu, jétais naze
des conneries de mec beurré
il ma chauffé
il ma cherché, il me casse les couilles
il me prend la tête
il en fait toujours trop
ses caresses, son sourire, ses baisers sur mon cou, sur mon visage, sur mes lèvres
pourquoi il fait ça ?
pourquoi il ma embrassé, ce pd ? jai eu envie de le frapper
je me suis rebiffé
javais envie de lui arracher la lèvre
je me suis arrêté juste à temps
)
Pourquoi je me suis énervé en voiture quand il ma parlé de cet abruti qui voulait le coincer dans les chiottes de lEsmé ? Pourquoi ai-je senti un pincement désagréable en limaginant en train de faire une gâterie au type ?
(jai eu peur que le mec le tape
quil loblige à lui faire des trucs
ce type ne peut pas le toucher
ni le frapper, ni lobliger à
Nico est à moi
il ne peut pas aller voir dautres mecs
je ne vais jamais accepter ça
si jamais il me fait ça, je ne pourrai plus le baiser
putain
vraiment il me prend la tête
)
Pourquoi le regard de Nico ma fait sentir si bien quand le type est parti sans demander son reste après être revenu à la charge ?
(il fallait voir comment Nico ma regardé après que jai foutu sa raclée au type
jétais carrément son héros, son Dieu vivant, jamais personne ne ma regardé ainsi
)
Jérémie se sent emporté par le flux de ses pensées, trop de questions dans sa tête, trop de réponses données à la va vite à défaut dêtre crédibles, des réponses bidons
Sont-elles bien les bonnes questions, les seules questions ? et du coté des réponses ??? tout semble facile quand on botte en touche
mais à bien y penser
il y a trop de ressentis de la nuit précédente qui remontent à son esprit, ils sont si troublants, et les questions quils semblent poser si énormes, quelles ne trouvent pas décran assez grand dans la tête déjà trop remplie de Jérémie pour safficher
Se poser des questions cest humain, et il est plutôt signe dune bonne et saine attitude face à la vie.
Ces questions, les vraies questions, Jérém les sens venir, comme les signes annonciateurs dun ouragan
mais pour linstant la tornade gronde encore au loin, il décide alors de fermer les volets sur sa conscience et dignorer le cataclysme intérieur qui approche
Jérémie se sent dans sa petite chambre. Il a envie de sarracher à ses pensées, il a envie de prendre lair. De bouger. Il na même plus de cigarettes. Très dur quand on est de mauvais poil. Tout pour plaire. Cest 23h00. Il est fatigué, demain cest le bac philo. Cest pas raisonnable mais il en a besoin. Il va sortir faire un tour. Rentrer dans un pub, boire un coup et lever une nana. Si en plus décarter les jambes elle a des cigarettes, ce sera le top.
Jérémie est dans le couloir du dortoir. Il descend les escaliers et se retrouve dans la petite rue. Le maghrébin débout sur le seuil de lépicerie de nuit située juste a coté de linternat le reconnaît et lui souhaite une bonne soirée. Jérémie le salue et tourne à gauche direction boulevard Carnot.
Il a envie daller place du Capitole, continuer vers la Daurade ou vers le quartier des Carmes. Il y a des endroits sympas par là, avec des jolies nanas. Les terrasses des cafés débordent dans les rue étroites et lambiance est à la fête quand la belle saison arrive et les nuits tièdes sécoulent agréables sur les façades en briques roses des immeubles du centre ville à Toulouse.
Ce soir là, Jérémie aura envie de pousser la porte dun bar pour oublier ses angoisses. Difficile de savoir ce que Jérémie cherchait ce soir là : peut-être avait-t-il simplement envie de se retrouver seul avec de la présence humaine anonyme en bruit de fond
une bonne bière, un peu de musique, une cigarette ça se grattera toujours
avait-t-il envie de se rassurer en mesurant sa capacité demballer au pied levé, besoin réconforter son ego de mâle ? Quoiquil en soit, ce soir là Jérémie ne sera pas seul longtemps. Partout où il met les pieds, un garçon aussi beau attire forcement lattention et les convoitises.
Dix minutes après être sorti de chez lui, Jérémie est assis au comptoir du bar devant sa bière, en train de fumer la clope quun autre client lui a passée. Quelques minutes plus tard, il voit une silhouette quitter la petite piste de danse au fond du local, sapprocher de lui et prendre place sur le tabouret vide juste à coté du sien. Ca fait un moment quil se fait mater. Depuis son arrivée. Des regards, un sourire, une attitude. Il na pas cherché ça. Tout dabord, il sest employé à faire semblant comme si de rien nétait. Ensuite, face à linsistance de ce regard, il na pas pu se dérober plus longtemps. Leurs regards se sont rencontrés et le processus de séduction sest enclenché
Non, ce soir là Jérém na pas cherché sciemment à séduire ou à attirer lattention
il ne la pas cherché mais il aurait sans doute été déçu que ça narrive pas
Et lorsquil a compris que son charme a une fois de plus exercé son effet tout seul, sans effort de sa part, il a laissé faire, jouant la séduction en mode « beau brun ténébreux indifférent ». Arme redoutable, presque non conventionnelle, aussi puissante que celle ayant fait bien de preuves : larme « beau brun charmeur ».
Un instant plus tard, Jérémie sent ses lèvres fines et sensuelles sapprocher de son oreille, presque leffleurer, son souffle caresser son cou, une sensation très excitante.
« Tout va bien pour toi, bomec ? ».
Jérémie ne répond rien, se contentant dafficher un petit sourire sournois qui ferait craquer nimporte qui. Les nanas en sont folles. Il est rassuré. Il na jamais pu sortir quelque part sans se faire brancher ce ne serait que par un regard appuyé. Et ça ne se dément pas. Et ça le flatte. Il a beau être le mec le plus convoité du lycée, à chaque fois que son charme exerce son effet, Jérém ne peut sempêcher de ressentir une fierté qui se transforme vite en véritable impression de bien être
et ce soir là il a sacrement besoin de se sentir bien dans ses baskets
Ce soir là, il sentendra dire quil est charmant, quil a lair triste mais quil est craquant
que cest dommage quun aussi beau garçon ait lair si seul et si accablé
que ce nest pas possible quun mec comme lui rentre seul chez lui
Jérémie ne répondra que par des regards, au plus des monosyllabes.
En fait, Jérémie ne sait pas trop ce quil cherche à cet endroit
à lorigine, il est juste sorti de chez lui pour ne pas se retrouver seul dans sa chambre, pour arrêter de ressasser les dernières 24 heures
pour échapper au générique de fin du film du dimanche soir qui amène avec lui langoisse de la fin du week-end et annonce à élèves et employés larrivée imminente dun lundi qui nenchante guère
Jérémie le sait
il sait quil na pas forcement besoin dune aventure
des aventures il en a eu tellement depuis cinq ans que sa vie sexuelle a commencé pour savoir que cest pas ça quil lui faut, pas dans des moment comme celui là
combien de fois, lorsque ça nallait pas fort dans sa tête, il a cherché à baiser des nanas pour se changer les idées : à chaque fois il en avait fait lexpérience
celle de se retrouver encore plus mal après
Jérémie sait bien quune aventure flatte son ego mais finit toujours par laisser un goût amer à la sortie, ce sentiment de solitude et dabandon sans cesse renouvelé
Hélas, la chair est faible et son besoin de compagnie ce soir là finit par lemporter : un quart dheure plus tard, Jérémie est allongé sur son lit en train de se faire sucer
une pipe est une pipe, mais toutes les pipes ne se ressemblent pas forcement
sous les coups dune langue et dune bouche bien moins averties que celles qui ont fait son bonheur la nuit précédente, Jérémie ne tarde pas à se rendre compte quil va avoir du mal à venir
il est fatigué, il na pas la forme ni le moral et rien ne lexcite vraiment dans cette situation quil regrette déjà
dès lors, son imagination se met à errer, cherchant limage la plus excitante qui soit à ses yeux
et voilà que pendant quil se fait sucer ce soir là, Jérémie se surprend à penser à quelquun dautre
Jérémie se surprend à penser à
à ce petit Nico
à sa façon de soccuper de lui
«
quest ce que je fais là en train de me laisser faire une mauvaise pipe
alors que jai envie de lui, je nai envie que de lui, envie dêtre dans la bouche, envie dêtre en lui
de jouir en lui
cest avec Nico que cest bon
pourquoi est-ce que je me suis laissé embarquer dans ce plan
il faut que ça cesse, vite»
Au bout dun moment, il se dégage de sa bouche, il ouvre le tiroir de la table de chevet, il att une capote, il lenfile
un instant plus tard, sa queue glisse entre ses cuisses
Jérémie commence ses allers retours
il est tendu, il bande dur mais il ne prend pas vraiment son pied, il est pressé darriver au bout, il est en nage, il est essoufflé, ce nest presque pas agréable, cest mécanique
le cur ny est pas
langoisse commence à semparer de lui, langoisse de ne pas y arriver, pire davoir une panne
et puis, pendant que ses coups de reins perdent de la vigueur, il se surprend à nouveau à penser à son Nico
au plaisir dêtre dans sa bouche, au bonheur dêtre entre ses fesses, au plaisir et à lexcitation que lui apporte limage de Nico prenant son plaisir, un plaisir qui vient du sien
le plaisir de Nico dans la soumission à son propre plaisir de mâle
cest un plaisir bien autre que ce simulacre quil est en train de vivre
Il ferme les yeux et cest comme sil était en Nico
il revoit son regard extasié sous ses coups de reins, son envie palpable, son envie de lui, son sourire magnifique la nuit davant, juste avant quil jouisse
et cest avec cette image en tête que Jérémie arrive à se lâcher dans la capote, haletant, épuisé, mal dans sa peau, contrarié
Jérémie vient de jouir et il se sent épuisé, dune humeur encore plus massacrante quil létait avant de sortir de chez lui une peu plus dune heure plus tôt. Il se sent triste, frustré, il na quune hâte, cest de se retrouver seul dans son lit. Il en est largement à regretter ce qui vient de se passer. Pour la première fois de sa vie, il regrette une baise. Il la regrette parce quil na presque pas pris de plaisir. Il regrette davoir fait ça alors quil nen avait quasiment pas envie
il regrette presque davoir fait ça à Nico
Il se dégage, il enlève la capote et passe à la salle de bain.
Cétait trop bon
- il sentendra lancer dès son retour dans la chambre.
Cest le genre de compliment qui, sortant de la bouche dune nana et malgré son attitude indifférente, à toujours ravi lesprit un brin macho de Jérémie ; cependant, ce soir là ces mots résonnent bien désagréables à ses oreilles. Lexcitation passée, sa petite lampe de chevet lui parait jeter une lumière aveuglante sur la bêtise quil vient de commettre.
Le silence, accompagné dun regard froid et distant, sera sa seule réponse.
Je ne tai jamais vu à la Ciguë
Cest parce que je ny ai jamais foutu les pieds
Jérémie regarde le mec en train de se rhabiller. Cest un petit blond plutôt bien foutu, mais sa présence le met mal à laise. Il se rend compte quil est incapable de se souvenir de son prénom.
Nouveau, ici ? insiste le type.
Tu peux partir maintenant
- coupe court le beau brun.
Je te reverrai ?
Non, oublie.
Cest dommage
jai plein de truc à te faire découvrir
Je survivrai
Mais tu baises comme un Dieu et tas un engin à se damner
Bon, tu pars maintenant
Tes hétéro, je me trompe ? Tas quelquun ?
Fous moi le camp avant que je ménerve
- seront les derniers mots de Jérémie, des mots accompagnées dun mouvement du buste intimidant qui feront en sorte que le type naura plus envie de déconner. Voir un beau corps musclé se contracter et dégager de la colère, un beau regard brun se faire noir et menaçant, ça coupe bien des ambitions.
Ça va, ça va
Le type finit se shabiller sans chercher son reste. Quelques secondes plus tard, il prendra la porte en lâchant une dernière pique :
Bye mec, je me souviendrai de toi
Jérémie ne répondra rien, se contentant de prêter attention à une petite voix dans sa tête qui dit sans détour « bah
pas moi, tarrives pas à la cheville de Nico, personne comme lui sait comment me faire jouir comme un dingue
»
Jérémie est couché dans son lit, dans le noir. Il est fatigué, mais le sommeil ne vient pas. Son esprit est secoué par des vents de plus en plus puissants, la tornade est de plus en plus proche
c'est dur d'accepter des choses dont on a envie mais que l'ont croit mauvaises, on essaie de les éloigner mais on y revient toujours car elles font partie de nous... quand on essaie de résister, de fuir la vérité et quelle te revient en face comme un élastique qui pète
« Pourquoi je suis si bien avec Nico et pourquoi il me manque autant ce soir ? (Nico me fait jouir comme personne dautre
il ny a quavec lui que cest vraiment bon
)
Alors pourquoi ai-je éprouvé tant de colère ce matin ? Pourquoi sa présence ma semblée agréable la nuit dernière alors que ce matin elle mest parue si chiante ? Pourquoi ses caresses sur mon visage pendant quil avalait ma queue mont-t-elle mis autant en pétard, alors que cette nuit jai accepté et aimé bien plus que ça ? (il ne faut pas quil me tripote comme ça
quil me colle
mais le fait est que Nico me fait vraiment du bien
)
Pourquoi sa branlette au réveil ma-t-elle excité ? (je crois que je prends du plaisir à le sentir ou à le mater prendre son plaisir à lui
je deviens dingue
)
Pourquoi ai-je aimé le faire jouir ? (oui, pourquoi ?
)
Pourquoi je prends autant de plaisir avec lui ?
(
son regard, amoureux fou, perdu, charmé
ce petit regard coquin qui me fait cet effet de malade, cette envie de moi quil a constamment dans les yeux
je suis un Dieu pour lui
et ça cest rudement bon)
Pourquoi cette nuit ai-je aimé le prendre dans mes bras ? (
)
Pourquoi cette nuit ai-je eu besoin quil me prenne dans ses bras ?
(
jamais personne ne ma serré contre lui comme Nico
le bonheur de savoir quau delà du désir cest bien quelque chose de plus fort et plus réconfortant que Nico ressent pour moi
je suis bien avec lui
)
Pourquoi ai-je eu envie de lui demander de rester ?
(sur le moment, jen avais vraiment envie
oui, cette nuit javais besoin dêtre avec lui
jétais bien avec lui et
je me suis laissé aller
et il faut bien ladmettre
quest ce que ça fait du bien de se laisser aller
cette nuit javais bien besoin de ça)
Pourquoi étais-je dans cet état cette nuit ?
(
)
Pourquoi me ai-je aimé quil me caresse pendant que jétais en lui ?
(quest ce que ça a été bon de coucher avec lui cette nuit, encore meilleur que dhabitude
)
Pourquoi cette nuit ai-je supporté et même
aimé
ses baisers sur mon cou, sur mon visage, sur mes lèvres ? (Jai limpression que la nuit dernière jai découvert une autre façon de baiser
et cétait bon
ça doit être ça que les nénettes appellent faire lamour ???... je ne sais pas ce que cest que de faire lamour
je naime que baiser
mais il faut croire quil y a baiser et baiser et cette façon de baiser là, il faut vraiment admettre que ça na rien à voir
à force de le baiser, je commence à lavoir dans la peau ce petit Nico et ça
ça je ne peux pas
je ne peux pas admettre cela, je ne peux pas permettre cela
avec Nico ça ne devait être que de la baise et là ça prend des proportions insupportables
)
Pourquoi ai-je moi même eu envie dapprocher mes lèvres des siennes ?
Pourquoi est-ce que jai autant aimé ses câlins, sa douceur, ses attentions ?
Pourquoi je me suis énervé en voiture quand il ma parlé de cet abruti qui voulait le coincer dans les chiottes de lEsmé ?
Pourquoi ai-je senti un pincement désagréable en limaginant en train de faire une gâterie au type ?
(Nico est à moi, cest mon Nico
)
Jérémie voudrait penser à autre chose, mais les dernière 24 heures repassent en boucle dans sa tête, se bousculent, se chassent et se rattnt les unes les autres, sans cesse
son esprit revient encore et encore au matin même, lui balançant à la figure limage de ce petit mec meurtri se levant lentement et se dirigeant vers la porte comme un petit animal blessé
à la dernière minute il avait bien eu un sursaut de sensibilité, lenvie de le rattr, de le serrer à lui, mais il navait pas pu
il navait pas pu aller jusquau bout de son geste, de son intention
et alors il navait pas trouvé mieux que de se barrer dans la salle de bain
y rester en attendant le claquement de la porte dentrée
Pendant un instant il avait redouté que Nico puisse faire demi tour et venir le retrouver dans la salle de bain
il lavait redouté, il en avait eu envie, il ne voulait pas quil vienne, il tendait loreille, il avait senti son cur faire des bonds quand il lui avait semblé dentendre un bruit ; pendant un instant, lidée quil vienne le rejoindre lui était parue adorable
adorable et insupportable à la fois
Jérémie savait que si Nico était venu il aurait été méchant avec lui, et quil laurait regretté ensuite
il avait voulu quil ne vienne pas
mais il avait bien envie de voir la porte de la salle de bain souvrir
Et quand il avait enfin entendu la porte claquer, quand Jérémie avait réalisé que Nico était bien parti, quil ne viendrait plus, il s était senti soulagé
soulagé, frustré et triste à la fois
Nico venait de partir en larmes, écoeuré par ce qui venait de se passer
et Jérémie sétait senti mal à son tour
fautif, coupable, déplorable
« Au fond il ne mérite pas ça
il est si attachant ce petit mec
il cherche juste à me faire plaisir, à me faire du bien et je le traite comme de la merde
je narrive pas à arrêter de penser à lui
il me manque déjà
Nico me manque
envie quil soit là
mais il faut arrêter, Jérém
Nico sattache trop, je mattache trop
on ne peut pas continuer comme ça
on va où comme ça ?
je dois garder de la distance
je dois remettre de la distance, des limites
au départ il était daccord pour baiser comme je lentends, on navait prévu rien dautre
je le baise comme jen ai envie, il aime se faire baiser
il faut que ça sarrête là, il faut que ça reste aussi simple et aussi clair
Pourtant, limage de Nico assis sur son lit meurtri par son comportement ne cesse de le hanter
il prend une bonne inspiration, il se frotte le visage, il essaie de recouvrir ses esprits
ses émotions changent de polarité pour lénième fois depuis le matin :
« Au fond, quest ce que jen ai à foutre de lui
je ne lui ai rien demandé
»
Toutes sortes de sensations troublantes et contradictoires secouent lesprit du beau brun ; il sen veut davoir imaginé pendant un instant, au cours dune nuit qui ne ressemble à aucune autre, que laisser rentrer Nico dans son intimité puisse être envisageable et opportun
«
je ne dois pas lui donner lillusion que jai besoin de lui
pourtant
pourtant cétait vrai à ce moment là
cette nuit javais bien besoin de lui, besoin quil reste avec moi
mais ce matin je ne supporte plus lidée de le savoir enlacé à moi, lidée quil ait été témoin de ma détresse
lidée quil puisse avoir pitié de moi
quest ce qui marrive ? Je deviens faible, je ne suis plus maître de moi-même
ça ne me ressemble pas, ça ne peut pas être moi
je suis un mec, je ne peux pas me laisser aller de cette façon, et surtout pas avec un pd
il va falloir lui montrer que cette nuit na rien changé, que je suis toujours le Jérémie qui a besoin de personne, que je suis fort
je nai pas besoin de lui, je ne peux pas avoir besoin de lui
il faut que je lui montre que ce qui sest passé cette nuit ne veut rien dire
il faut quil comprenne que cest toujours moi qui dirige le jeu
il ne faut pas quil se fasse des illusions
il ne faut pas qui sattache à moi, mais il ne faut pas non plus quil aille voir ailleurs
il ne doit sintéresser quà moi
je vais le baiser tant que jaurais envie de le baiser, ensuite je le laisserai tomber
non, ce ne sera pas lui qui me laissera tomber, on ne laisse pas tomber Jérémie T
on ne le laisse plus tomber, plus jamais
Il nous arrive parfois dans la vie de sentir que les événements nous échappent des mains ; parfois cest si difficile à accepter, que nous essayons longtemps de nier lévidence. On a toujours peur dadmettre un grand changement, car cela nous amène à devoir reconsidérer notre vie toute entière. On a un mal de chien pour arrêter à maîtriser les tentations qui viennent dune part un peu plus sombre de nous.
Et lorsque notre équilibre est mis à mal par un grand changement que nous narrivons pas à accepter, on essaie de se rassurer en prenant des résolutions. Et peu importe quelles soient bonnes ou mauvaises ou quelles soient manifestement hors de notre portée. Quand on est mal, on essaie de s'accrocher, quand on se sent couler on att n'importe quoi pourrait nous tenir la tête hors de l'eau. On appelle cela l'esprit de survie. Mais c'est sans compter avec nos forces qui parfois ne sont pas d'envergure à seconder les ambitions de notre esprit.
Cest ainsi que, après avoir pris la résolution doublier toutes « ces conneries » et de ne considérer Nico que comme un plan baise, Jérém se retrouvera dans son lit avec les questions quaucune résolution naura plus jamais le pouvoir de faire taire dans sa tête
pourquoi je nai pas continué vers les Carmes ? pourquoi le fait de voir ce blond rentrer à la Ciguë juste pendant que je passais sur le trottoir en face ma donné illico lenvie de traverser la route et de pousser la porte de ce bar, ce pub où je navais jamais mis les pieds auparavant et devant lequel jétais passé mille fois sans même lever les yeux ?
pourquoi ai-je eu envie de décharger ma colère et de me vider les couilles avec un autre mec ? pourquoi ai-je eu envie de savoir si dautres mecs me font de leffet
si le contact avec un autre mec est aussi bon quavec Nico
pourquoi jai eu autant de mal à jouir
pourquoi jai eu besoin de penser à Nico pour jouir
pourquoi la tendresse de Nico ma autant manqué une fois que jai joui, alors quavec les nanas je navais besoin de rien de plus
pourquoi je me suis trouvé dans cette galère, avec ce mec pour qui je ne représente quun bon coup parmi dautres, un beau physique, un trophée pour se vanter auprès de ses potes pd
cest triste de ne se sentir quune bite sur pattes alors que pour mon Nico je suis tout et plus que ça encore et quil me le fait sentir tout le temps dans son regard
ce regard qui me met parfois en colère, que je repousse méchamment, ce regard reflet de lamour quil me porte et que parfois me fait vraiment peur, ce regard qui me trouble quand Nico le pose sur moi et qui me manque terriblement quand il est loin
ce regard perdu de jeune homme amoureux fou
pourquoi je me sens mal davoir sauté ce mec ?
pourquoi ai-je si peur que Nico en fasse de même ?... pourquoi je me sens mal à lidée de retrouver Nico demain, de le regarder en face, comme sil pouvait savoir ce qui sest passé ce soir et quil ne voulait plus de moi comme je ne voudrais plus de lui sil allait voir ailleurs
jai limpression davoir gâché quelque chose
que même si Nico ne saura jamais rien de cette connerie, jai peur quaprès ça pour moi ce ne sera plus comme avant
Quand on se pose enfin les bonnes questions, pas sur quon ait le cran dy répondre honnêtement, car la réponse à ces questions là entraîne souvent des questions encore plus grandes et plus puissantes, capables de nous déraciner et de nous emporter à jamais
Jérém est mal dans sa peau et narrive pas à trouver le sommeil : il a chaud et il a limpression davoir toujours dans des narines et sur sa peau lodeur de ce type
il se lève, il change les draps, il passe à la douche. Il reste un long moment sous leau, hagard, essayant de rassembler ses esprits, essayant de chasser le sentiment de malaise persistant qui a pris la place de la colère du matin. Il se savonne plusieurs fois, il se rince, il laisse couler jusquà que leau chaude ne le soit plus. Leau froide rafraîchit sa peau, il la trouve agréable au début, mais il finit par commencer à frissonner et par fermer le robinet presque contrarié. Il a froid, il grelotte. Il est à nouveau en colère. Ça cest encore du Jérémie. On laisse les choses venir, quitte à se faire surprendre et à être débordé par les événements. Et finir par être énervé par ce qui arrive, même si à bien regarder ce nest que le résultat de sa propre conduite.
Jérém avait vidé son cumulus de toute leau chaude, pourtant, il sentait que sa douche nétait pas terminée. Oui, il existe des souillures quaucun savon ni douche ont le pouvoir de faire partir. Quand on se sent sali à lintérieur, à rien ne sert de faire couler leau longtemps sur sa peau.
Il na toujours pas de cigarettes, mais il lui reste un bout de joint. Il le fume en terrasse, nu, profitant de la douceur du soir. Une fois au lit, dans le noir, Jérémie se fera jouir une dernière fois en pensant aux câlins, aux accolades et à la tendresse de la nuit précédente.
Et quand les effets combinés du joint et de lorgasme lui apporteront cette fatigue et cette douceur de lesprit qui font souvent remonter à la conscience, et parfois même aux lèvres, ce qui est enfoui le plus profondément dans le cur, Jérém sendormira en pensant une dernière fois à son Nico
Nico, où es tu Nico ? pourquoi je me sens si mal à lidée davoir été si dur avec toi ce matin
je tai foutu dehors comme un chien, après tavoir demandé de rester cette nuit... comment as-tu passé ton dimanche ? Est-ce que tu as passé une journée de tristesse à cause de moi ? Est-ce que tu as pu penser à autre chose ?
pardon Nico, pardon pour tout
* * * * *
Au même moment, à lautre coté de la ville, dans un autre appartement, un autre beau garçon musclé, couché sous sa couette, narrive pas à trouver le sommeil
il repense à son meilleur pote avec qui il était parti en boite le soir davant : il le revoit en partir plus tôt que prévu, suite à une bagarre quil avait affrontée tout seul et à son insu. Ce petit con de Jé-Jé
toujours en train de se mettre en danger
il le revoit partir accompagné dun autre garçon, un garçon quil connaît à peine, mais quil sait être plus quun simple ami pour lui
Oui, ça fait un moment que Thibault sait, quil imagine ce qui se passe entre Nico et son meilleur pote à lui
et le malaise évident de Jérém lorsquil lui avait posé la question sur son retour de boite cet après-midi là, navait fait que conforter son ressenti
Un autre appartement, un autre lit, un autre beau garçon la tête pleine de questionnements et denvies
un autre plaisir solitaire pour apaiser provisoirement un esprit inquiet et pour amener un sommeil réparateur
à suivre
samedi prochain
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