La Tentation Du Velours 10

La tentation du velours 10

Ma petite Lola,
Avoir une aventure avec Viviane ne l’a pas incitée à me redire qu’elle est amoureuse de moi. Tant mieux. Mais je sens que la situation reste tendue, fragile, elle ne rejoint pas son copain en Espagne et a prétexté devoir travailler pour lui justifier sa décision. Je ne dois plus coucher avec elle, au risque de provoquer une nouvelle crise.
L’amorce de ma nouvelle vie me permet de me découvrir moi-même. Deux traits de caractère suffisent à me définir : gourmandise et impatience. Je t’en ai déjà parlé, avoir été spoliée d’une part de mon adolescence me pousse à prendre tout ce qui passe à ma portée, avant de réfléchir aux conséquences. J’ai poussé Sarah à fuir, j’ai joué avec Viviane. Les deux souffrent sans doute de mon manque de discernement. Peut-être, si on m’avait permis d’évoluer dans un environnement sain, mon comportement ne serait pas celui d’une gamine capricieuse.

L’autre jour, appelée à l’agence, je fus surprise de l’accueil. La secrétaire se charge d’habitude de me donner une date et une adresse à laquelle me rendre. Un agent marketing est chargé par une marque de vêtements ou de cosmétiques de trouver un model correspondant à l’image à donner au public, cet agent fait son choix parmi des centaines de portraits sur un catalogue, et prend contact avec l’agence prestataire de service. Les employés oubliaient leurs tâches ou se retournaient sur mon passage ce matin là. Marc me gratifia d’un clin d’œil en m’indiquant la porte du salon dans lequel sont reçus les invités de marque.
– Tu as tiré le gros lot avec ton nouveau look, sourit le sympathique photographe. Ne te laisse pas démonter, tu es capable de le faire.
Ma poitrine remplie de cet avertissement, j’entrai dans la pièce après avoir frappé. Outre mon coach, la directrice me sourit. On la voyait parfois déambuler d’un bureau à un autre, toujours un mot gentil ou un encouragement aux lèvres, mais jamais encore elle n’avait servi d’intermédiaire entre un client et moi.

On me présenta donc à un homme d’une quarantaine d’années, bien mis de sa personne, directeur marketing d’une marque connue.
– Voici Anaïs, paracheva la directrice après avoir énoncé mon CV.
– D’accord, conclut l’homme d’une voix posée, jeune dans le métier mais déjà demandée, des qualités indéniables.
Puis, s’adressant à moi :
– Mademoiselle, Anaïs si je puis me permettre, vous êtes celle que nous cherchons. On va faire cette campagne avec vous. Si tout ce passe bien, on envisagera ensuite un contrat d’exclusivité.

J’étais cette fois dans le grand bain, chère Lola ; le studio et la taille de l’équipe faisaient passer mes précédents contrats pour la photo annuelle de l’école. Malgré tout, l’ambiance bon me rassura. Je réussis à apercevoir le photographe avant d’être poussée dans la salle de maquillage. Un jeune homme, vingt-cinq ans environ, occupé à régler des appareils, m’accorda un sourire. La posture, l’âge, la jovialité, il n’était pas sans me rappeler Marc, le mec cool de l’agence. Je n’avais donc pas de souci à me faire. Autour de lui, deux éclairagistes ajustaient la luminosité de deux puissants projecteurs dignes d’un plateau de cinéma. Du vrai travail de pro. Au fond de la salle, une jeune femme style secrétaire à lunettes patientait, un carnet de notes à la main.
La maquilleuse, qui ne devait pas être loin de la retraite, m’indiqua une patère à laquelle pendre mes vêtements.
– Enlevez tout, mon assistante va vous donner un peignoir.
Me mettre à poil pour des raisons professionnelles était devenu une habitude. Le coach m’avait prévenue : rapporter aussitôt toute tentative de harcèlement ou de chantage sexuel. Les avocats de l’agence porteraient l’affaire devant le tribunal compétent. Les mannequins sont protégés de nos jours, le coup du « Si tu veux travailler, tu dois passer à la casserole » est devenu trop dangereux pour celui ou celle qui s’aviserait de tenter le coup. Je commençai donc à me dévêtir, quand une voix connue m’incita à me retourner.

– Salut, me lança Viviane sur le ton d’une simple copine. Ton peignoir.
L’excitation professionnelle dans son regard tranchait avec la sobriété de sa déclaration. Sans chercher à savoir le pourquoi du comment, je me pressai d’enfiler le kimono soyeux. La décision prise de mettre un terme à notre relation sexuelle, inutile de jouer à l’allumeuse, même de façon non intentionnelle.
La coiffeuse lut à voix haute les instructions écrites laissées par le photographe : « Chevelure à laisser en l’état, augmenter l’effet décoiffé avec les doigts, s’assurer qu’une frange ne cache pas le regard. » J’étais ravie d’entendre qu’on avait choisi mon image au naturel pour ce shooting photo, non une idée que l’on se faisait de moi qui nécessitait des modifications.
Le maquillage aussi fut tranquille. Outre l’habituelle poudre invisible pour masquer la brillance naturelle de la peau, du rouge vif sur mes lèvres et du mascara aux sourcils, on ne m’imposa rien d’autre qu’une rapide manucure et pédicure plutôt agréable.

Sans être claquée, la porte du studio se referma avec assez de conviction pour attirer les regards. Le silence soudain trancha avec le bourdonnement habituel d’une ruche en effervescence.
– Bonjour, lança la nouvelle venue d’une voix claire teintée d’un fort accent slave. Tout est fin prêt, les s ?
Grande pour une femme, la quarantaine légère, la veste de lin beige au col mao arrondissait les épaules droites. Sous la veste ouverte, un tee-shirt mauve à la coupe brassière ne dissimulait que la poitrine et le haut du ventre plat. Le pantalon, aussi de lin beige, laissait deviner des cuisses et des jambes fines.
Ses cheveux blonds coupés en carré arrondi court mettaient un regard sombre en valeur, duquel se dégageait une autorité naturelle. Dans l’ovale du visage aux pommettes hautes, le nez droit était souligné par deux lèvres fines au-dessus du menton volontaire. Une certaine sécheresse émanait de l’ensemble, sécheresse qui disparut quand son regard se posa sur moi.
Sans être jolie au sens strict du terme, surtout dans ce métier, elle avait un charme, un charisme hallucinant.
La femme s’approcha, il y avait quelque chose de maternel dans son comportement. Ses mains tombèrent sur mes épaules, un frisson passa de ma peau à la sienne à travers le kimono.
– Salut ma petite, me sourit-elle d’une voix douce qui tranchait avec la manière de s’adresser à l’équipe. Tu as froid ?
– Non Madame, réussis-je à articuler.
Le sourire se transforma en rire haut, sincère, l’accent slave chanta à mes oreilles.
– Appelle-moi Katia ! Ou Katioushka si tu préfères. Toutes les deux, nous allons leur faire une campagne publicitaire que personne n’oubliera. Tu es magnifique, ma petite Anaïs, et mon rôle est d’immortaliser cette beauté si parfaite. Autant le faire en s’amusant, conclut-elle d’un regard brillant de complicité.

Comment ne pas avoir le trac ? Comme si je passais soudain de la météo à la présentation du journal de 20 heures. Les éclairagistes, chacun derrière un projecteur, guettaient le moindre signe pour interagir sur l’intensité de la luminosité, une des composantes essentielles d’un bon shooting photo. L’assistant photographe, car le jeune homme que j’avais d’abord pris pour l’artiste n’est en fait qu’un élève, passait son temps à vérifier chacun des appareils, certains numériques et d’autres argentiques. Viviane patientait, assise sur une chaise, une boîte de lingettes pour la transpiration et la poudre anti-reflet à portée de main. Malgré son désir de n’en rien laisser paraître, je sentais son regard protecteur, celui d’un chaperon chargé de veiller mon hymen.
Seule Katia semblait en mouvement dans la grande pièce au milieu de laquelle trônait un grand canapé rose pivoine. Mimant le cadrage d’un appareil photo, elle étudiait chaque position, utilisait une cellule à main pour mesurer la lumière arrivant sur le sujet (la lumière incidente) et un flashmètre (qui programme l’intensité du flash) avec une dextérité incroyable.

La femme à l’allure de secrétaire, en fait collaboratrice du directeur marketing de la marque, suivait la photographe dans le moindre de ses gestes. Ses tentatives d’imposer à l’artiste sa vision personnelle du travail ressemblaient à des prêches dans le désert.
– Tout le monde en place, les s, s’écria-t-elle sans prévenir. On commence.
Déjà silencieuse, l’équipe se fit attentive. Katia me fit m’allonger sur le canapé, puis joua une fois encore de sa cellule à main. Satisfaite de la lumière, elle fit quelques portraits avec un petit appareil numérique avant de retourner derrière l’argentique fixé sur un pied à trois mètres de moi.

– C’est OK pour moi, reprit la photographe au bout de dix minutes et d’une troisième pellicule. Tu peux enlever le peignoir, ma petite Anaïs.
Viviane se précipita, je restai allongée sur le sofa. Katia s’approcha, arrangea une mèche sur ma joue. Sa vois tinta à mes oreilles.
– On est là pour suggérer, ma chérie, pas pour montrer. Je te veux insolemment belle, sensuelle, charmeuse, impudique. C’est à toi de jouer maintenant.
Sans doute à cause de l’accent slave, je me sentis Lara inspirant le Docteur Jivago.

Quelle catastrophe ! Je n’étais bonne à rien, ma chère Lola. Malgré sa gentillesse, sa patience, la pauvre Katia n’obtenait rien de moi qu’une exposition confuse de chair inanimée sur un étal au marché de Rungis. Je me faisais l’effet d’une carcasse dont personne ne voulait.
Sans doute avais-je atteint mes limites en faisant quelques photos avec des petits photographes amateurs pour des catalogues de La Redoute ou des 3 Suisses. Ce type de contrat ne nécessite pas de capacités particulières, de réelle sensibilité, juste d’une plastique à peu près convenable.
Katia est une artiste, elle fait partie de ces gens capables d’imposer leur vision, de transmettre un message au plus grand nombre, de laisser exploser leur personnalité à travers des œuvres. Et moi, je la décevais.
J’étais si mal que Viviane devait utiliser son pinceau entre chaque prise afin d’effacer les traces de brillance laissées par ma nervosité comme des stigmates sur une statue. J’essayai, je paniquais de ne pas y arriver, alors ma prestation empirait.

– Tout le monde dehors ! commanda Katia d’une voix étrangement calme. Allez ! Laissez-nous seules. Je ne veux plus voir personne.
L’assistance s’éclipsa sans oser un commentaire, un simple murmure. Étrange situation que de voir cette maîtresse femme dicter sa loi sans hausser le ton. Même la représentante de la marque, cliente de mon agence et patronne de la photographe pour l’occasion, avait suivi le mouvement.
Katia s’assit près de moi et posa une main douce sur mon épaule.
– Tu sais, je connais des top models qui sont incapables de travailler devant une assistance. Ce n’est pas un défaut ni un caprice, c’est comme ça. C’est leur sensibilité. Et cette émotivité est une des causes de la réussite, aussi étrange que cela paraisse. Elle est la clé de tout travail artistique. Calme-toi, on n’est pas pressées.
Ses paroles me faisaient du bien, chassant l’envie de pleurer qui montait depuis tout à l’heure. Pour un peu, j’aurais voulu faire une sieste, allongée sur ce canapé moelleux, près de sa présence rassurante, bercée par le bel accent slave. Je la regardai dans les yeux, des yeux d’un vert profond. Sans doute mesura-t-elle mon désespoir, le besoin ancré en moi d’être consolée. Katia se pencha, baisa mon front, puis se redressa.
– Je te sens tendue. Ne pense plus à rien.

Sa main glissa sur mon bras, puis sur mon avant-bras replié sur ma poitrine. Ce simple geste me détendit un peu.
– Ferme les yeux, ma jolie Anaïs.
Katia effleura mes seins d’un revers de main, attouchement subtil à la douceur indéfinie. Avant de me laisser le temps de m’interroger, elle remonta vers ma gorge, presque trop vite à mon goût.
– Je vais m’occuper de toi.
Connaissait-elle le pouvoir de sa voix pour me parler ainsi ? Sans doute. Ses doigts montèrent jusqu’à mon cou, jouèrent dans les boucles de mes cheveux, s’attardèrent sur ma joue ; un toucher d’une sensibilité charnelle.
– Là ! laisse-toi aller.
C’était mon intention. Mon avant-bras s’écarta de ma poitrine par réflexe, dévoilant ma nudité à son attention. Katia retourna à ma poitrine, du plat de la main cette fois.
– C’est bien comme ça, détends-toi.
Mes seins réagirent, elle fit rouler les pointes entre ses doigts, les allongea. La surprise laissa la place au désir de la voir continuer.
– Ça ira mieux ensuite, c’est promis.
Sa main palpa mon ventre qui durcit encore sous l’effet de ses caresses. Je n’étais plus étreinte par l’angoisse mais par une étrange sensation, une véritable envie sexuelle.
– On va faire disparaître cette boule là.
De fait, Katia abandonna mes abdos pour ma toison duveteuse. Je ne pus réprimer un frisson de la sentir si près du but.
– Laisse-toi faire, oublie tout le reste.
Malgré la tendresse, je la devinai pressée d’arriver à ses fins. Ses doigts lissèrent les lèvres de mon sexe. Ma fente suinta, mes chairs s’ouvrirent, comme si elles n’attendaient que ça.
– Oui, ma jolie Anaïs. Laisse parler ton corps.
Katia imprima aussitôt un mouvement tournant à ses doigts sur mon minou, débusquant mon clito de son capuchon. Elle ne chercha pas à approfondir son exploration.
– Ne te retiens pas, ma chérie. Ne pense qu’à ton plaisir.
Qu’est-ce qui m’excitait le plus, d’être masturbée par une inconnue, sachant l’équipe de l’autre côté de la porte ? Ou d’entendre sa voix claire ? Le bout de son index sur mon bouton, la pointe de son majeur à l’orée de mon intimité, Katia me sourit.
– C’est bon ? Tu aimes ?
Je répondis d’un simple « hum… », tandis qu’elle continuait de me branler, de me parler.
– Ton minou est doux, ton bouton est dur. Tu mouilles bien sous mes doigts.
La boule grossit encore dans mon ventre, se dilata, sur le point d’exploser. Katia le ressentit, le mouvement de son index se fit plus précis sur mon clitoris.
– Jouis, ma belle. Laisse éclater ton plaisir. Tu sens mes caresses.
C’en était trop. Les narines pincées, mon regard accroché à son sourire, mordant ma lèvre pour ne pas crier, je fus secouée par un orgasme.
– Comme ça, oui. Tu es superbe quand tu jouis, mon ange. Viens encore.
De la savoir en train de m’observer dans un instant si intime décupla mon plaisir. Katia garda le contact jusqu’à ce que mon corps se détende. Quand tout fut fini, elle porta ses doigts plein de ma mouille à sa bouche, un hommage à ce que je venais de lui offrir sans retenue.

Katia essuya sa main qui avait servi à me masturber avec une lingette. Son visage exprimait la sérénité, la certitude de ses convictions.
– Ça va aller maintenant. Redresse-toi, mon ange, je vais te remaquiller.
Elle s’appliqua d’abord à nettoyer les traces visibles de luxure avec des lingettes, puis utilisa le pinceau soyeux. La poudre atténua les dernières preuves de notre moment d’égarement.
– On va faire ces photos, rien que nous deux. Tu vas voir, ça va être amusant. Tu n’auras qu’à laisser parler ton corps comme tout à l’heure.
Sa voix conservait toute sa sensualité, rassurante, pleine de promesses. Á l’entendre, la séance photos serait le prolongement de ses caresses. J’allais jouir de nouveau.
– Tu es parfaite, Anaïs. Cette pub a été pensée pour toi. Montre leur de quoi tu es capable.

Katia me précéda dans la salle de maquillage. Son visage s’illumina de la satisfaction du travail accompli, de la fierté d’avoir tiré le meilleur de moi.
– Alors ? demanda la représentante de la marque, tenaillée par l’angoisse de devoir annoncer un échec à ses supérieurs.
– C’est dans la boîte, sourit négligemment l’artiste. Je vous l’avais dit : Anaïs était faite pour ce rôle, j’espère travailler de nouveau avec elle au plus vite.
Viviane m’observa d’un regard empli de reproche. Peut-être avait-elle deviné, peut-être pas. Je m’en moquais. Sarah avait fait de moi un mannequin, Katia venait de révéler le top model. Et si les deux avaient touché mon corps, aucune n’avait profité de moi ou d’une situation. J’avais dans les deux cas été heureuse de leur offrir cette part intime qui détermine ma personnalité.
Je me sentais aimée, donc vivante.

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