Daniel, Son Pianiste

C'était un virtuose, un enchanteur de piano. Il avait de longs doigts tortueux et agiles: "des doigts en or" comme disait son père. Elle adorait ses mains, elles lui décrivaient le monde à travers le piano. Des heures durant, inlassable, Daniel travaillait des gammes, ses accords, revoyait ses partitions. Son piano était une bonne partie de sa vie. Elle l'avait épousé lui et son piano. Elle avait même finit par jalouser cet instrument : son homme passait plus de temps à caresser les touches qu'à lui faire l'amour. Cette douce lassitude mêlée de frustration s'était immiscé dans son esprit et elle ne pouvait s'en défaire. Pourtant Daniel avait des arguments, sa carrière prenait un tournant, sa popularité décollait: il obtiendrait une renommé internationale d'ici quelques années.

Elle obtempérait tant bien que mal, le cœur serré, regrettant leurs jeunes années. Il n'était qu'un pianiste de barre, tout juste bon à faire le bruit de fond à l'époque, mais ça leur convenait. Tout en ce remémorant leur rencontre, elle quitta sa cuisine et alla rejoindre son homme dans le salon. Il était sur son banc, le pied battant la mesure, les mains folles sur le clavier. Elle resta dans l'encadrement de la porte.

La première fois qu'ils avaient acheté un piano privé à Daniel : leur premier bien commun, ils y avaient fait l'amour toute la nuit. C'était les temps insouciants. Il jouait Beethoven, Mozart....tous ces grands là sur son petit piano. Et elle, elle le regardait jouer, l'œil guettant de nouvelles débauches. Oui, les temps insouciants, ceux qu'elle regrettent... Son Daniel, la mine grave, concentré sur ces notes l'excitait systématique dans ce temps là. Elle s'imaginait ses longs doigts anguleux s'agité sur son corps à elle, son ventre se crispant de désir pour lui. Et alors, toute jeune et audacieuse qu'elle était, elle s'avançait jusqu'au piano, se déshabillait entièrement, le regardait intensément avant de s'installée sur l'instrument, cuisses écartées face à son homme, les doigts sur le sexe.

Daniel aimait encore ça à l'époque, qu'elle 'salisse' leur petit piano de son plaisir. Ils échangeaient des regards complices pendant qu'elle se touchait au rythme de la musique, emplissant la pièce de son parfum de femme. Il inhalait à grandes respirations, lapant sa fente de temps à autre tout en jouant. Ce petit jeux, ils s'y étaient adonnés longtemps. Parfois, il faisait traîner la mélodie, allongeait les accords, pour obliger sa dame à retarder sa jouissance. Parfois il ne faisait plus que des bribes de notes et agitait plutôt sa langue sur la chatte offerte. Mais jamais il ne cessait de jouer.

Bien sûr, c'était avant qu'un célèbre aristocrate ne fasse dont d'un piano prestigieux à Daniel, il y avait de cela cinq années. "Ce petit a de l'avenir" avait - il dit. Elle, elle lui en voulait à cet homme. C'est lui qui avait parler de Daniel, qui l'avait fait connaître. Et elle, elle ne pouvait pas jouir sur ce piano là, trop dégradant que de se caresser sur une œuvre d'art. Trop humiliant pour Daniel que d'avoir une femme de cette sorte. À croire qu'elle le souillait lui et son piano qu'elle haïssait.

La femme, fatiguée d'observer son homme depuis la porte, vide de tout audace, épuisée de tous désirs, s'en retourna dans sa cuisine. Qu'elle regrettait les temps insouciants...

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