Sylvie Et Rose 2
- Paul, ce bal est notre bal. Je ne veux danser quavec toi et je tinterdis de danser avec une autre femme, bien compris ? Jure et embrasse-moi sans éclater ma coiffure.
La merveilleuse interdiction. Qua-t-elle rajouté à sa tenue? Je ne sais pas, mais quand je la rejoins, je la trouve encore plus belle, plus naturellement troublante, à la fois désireuse de plaire et sure de son charme. Elle doit avoir environ quatre ans de plus que moi, son autorité naturelle men impose, et son regard me fait chavirer. Cest comme si je changeais de catégorie, je passe dune jeune femme encore insouciante à une femme posée. Cest indéfinissable de se sentir ainsi apprécié et désiré par cette femme sur laquelle je naurais osé porter mon regard. Quelle allure, quel port ! Et cest bien moi quelle savoure dans ce nouveau baiser. Et cest bien elle que jenlace et que jembrasse. Je ne rêve pas.
-Encore ceci: Gilles dépité de mon refus sest fâché et ma lancé sa réservation. Nous aurons donc deux places réservées à la table quatorze. Si je pense devoir quelque chose à mon ex, cest de mavoir rappelé lexistence de ce bal : tout mon bonheur sera dy danser avec toi !
Nous ne sommes pas les premiers, le bal est déjà lancé. Sylvie décide de trouver nos places, je dois lattendre à lentrée. Je regarde la piste. A quelques pas devant moi, un couple oublie le monde qui lentoure, bouches soudées, bras de la femme jetés autour du cou de son compagnon, ventres plaqués lun contre lautre. Ils tournent sur place. Je reconnais en premier la robe; je lai vue aujourdhui. Cette femme collée amoureusement à son cavalier, comme lancée à lassaut, cest celle qui ma juré, il y a quelques heures seulement, que je serais désormais le seul homme de sa vie. Sylvie me secoue, suit mon regard, ouvre de grands yeux et me tire énergiquement vers notre table. Un couple très jeune partage cette table avec nous. Nous saluons ces voisins et les voyons disparaître dans le flot des danseurs.
-Allons danser. Montre-moi que tu nas pas oublié les pas dans ton antre.dours solitaire. Souris, montre que tu apprécie ma compagnie. Oublie-la puisque je suis contre toi. Paul et Sylvie, hum, ça sonne assez bien, non?
Elle plonge son regard dans le mien, affirme sa présence, me tient, me guide, me met en appétit, mimpose le rythme. Son sourire, son parfum, sa chaleur, son envie de me plaire et de samuser me dégèlent. Cest un réveil lent, progressif. Joublie Rose, je suis si bien avec Sylvie. De mené, je redeviens meneur pour le plus grand bonheur de ma danseuse. Nous évitons les embrassades passionnées en public, mais nous ne sommes plus seulement deux amis amateurs de danse. Yeux dans les yeux, sans efforts apparents, nous glissons sur le parquet avec le plaisir enivrant dévoluer avec grâce.
-J adore danser avec toi. Il y a des choses quon ne perd pas. Je suis si bien dans tes bras.
- Merci, moi aussi, jadore danser avec toi. Je trouve merveilleux de maccorder aussi bien avec toi, dès la première fois
On se sourit; on sentend de mieux en mieux. A la pause, Sylvie ne craint plus daborder le sujet grave :
-Tu as vu Rose: que penses-tu de ses déclarations de cet après-midi ?
-Cétait un piège. Elle agissait sur commande de son avocat et de Gilles sans doute. Elle et lui ont les mêmes intérêts.
-Tu as bien fait dêtre prudent. Tu ne le regrettes pas ?
- Comment regretter un comportement qui nous rapproche. Tu es là et ça me suffit. Viens retournons en piste, jai besoin de te sentir dans mes bras.
Le temps du dépit amoureux est passé, je pénètre dans une nouvelle vie, pleine de promesses. Sylvie est une révélation. Elle me procure une sensation de sécurité inaccoutumée. Elle est solide, aussi sure moralement que physiquement belle.
- Il y a deux ans, vous aviez participé au concours de danse ?
- Oui, Rose et moi avions échoué au pied du podium.
- Je tavais remarqué. Gilles et moi avions terminé en deuxième place.
-Le monde est petit. Je tavais trouvée si belle et si gracieuse: cétait toi !
- Ce soir, serais-tu prêt à concourir avec moi ?
- Nest-il pas imprudent de trop nous afficher en public ? Cela risque de nuire à notre procès.
- Ce qui sera jugé sest passé avant ce soir. Depuis nos époux ont quitté le domicile conjugal. Tout le prouve et plaide en notre faveur. Le juge ne tient pas compte des faits postérieurs à la séparation de corps. Sois tranquille, nous pouvons danser ensemble, cela ne nuira pas à notre cause. Je tattendais, tu étais intimidé : nous avons beaucoup de retard à rattr.
- Dans ce cas jaurai grand plaisir à concourir avec toi. Serai-je à la hauteur ?
- Viens donc au lieu de gamberger. Entraînons-nous. Je vais te montrer quelques astuces, je crois que nous pouvons être parmi les meilleurs. Ce sera amusant.
-Prenons du plaisir et peu importe le résultat.
Un parfum connu approche de notre table, une voix ravissante murmure à mon oreille. Sylvie a vu avant moi larrivée de Rose et guette ma réaction.
- Chéri, maccorderas-tu une danse ce soir ? Tu sais, il va y avoir un concours. Nous pourrions le gagner si tu dansais avec moi. Tu te souviens, il y a deux ans..?
- Bonsoir Rose. Il y a deux ans nous étions amoureux, te souviens-tu ? Je regrette, mais Sylvie et moi sommes déjà engagés ensemble. Il y a longtemps que tu es là ?
- Non, jarrive et depuis lentrée je tai vu danser, bonne chance. La prochaine fois je tinviterai plus tôt.
-Tu vas concourir ?
-Il faut que je me trouve un cavalier.
- Va vite, le garçon que tu embrassais quand nous sommes arrivés semble simpatienter.
Cette fois le mensonge ma rendu cruel. Elle a compris et sen va.
- Cette fille ne peut pas sempêcher de mentir, commente Sylvie.
-Cest-ce qui a tout gâché entre elle et moi. Cela me donne une raison de plus de ne plus la regretter et surtout de te trouver adorable.
Rose a retrouvé son cavalier. Celui-ci nous rejoint, il minterroge :
:
- Est-il vrai que vous soyez le mari de Rose et que vous vous moquiez quelle membrasse ? Ca vous laisse vraiment indifférent ?
Que cherche-t-il ? Est-ce le prochain de Rose. Se méfie-t-il déjà de sa parole. Veut-il mon autorisation de danser avec elle, de lembrasser et plus si affinité.
- Vous le constaterez par vous-même, cest une question dhabitude. Comme moi vous apprendrez à la voir samuser. Oui, embrassez-la autant que vous voudrez, cela ne me fâchera pas. Elle aime les langues fourrées, faites lui plaisir.
- Ah ! Bon, merci monsieur.
Le malheureux ! Il me remercie, il me prend pour un « monsieur ». Jen pouffe de rire et lui tourne le dos. Sylvie vient à mon secours
:
- Chéri, dansons, quils soient heureux.
Lautre ny comprend plus rien. Moi aussi jai entendu « chéri ». Je préfère de loin ce « chéri » au « monsieur » du successeur de Maurice
Quand on a le bonheur de glisser avec légèreté en compagnie dune beauté aussi douée que Sylvie, au fur et à mesure des éliminations des candidats moins prisés du jury, on finit par attirer les regards. Les commentaires vont bon train. A plusieurs reprises des doigts désignent Rose et son compagnon ou notre couple. Gilles et Sylvie étaient très connus.
- Ne les écoute pas, Paul, ne te raidis pas, reste souple. Oui, cest bien comme ça. Regarde mes yeux.
Nous évoluons en harmonie. Sylvie semble ravie, je suis sur un nuage. Il faut en descendre pour recevoir le bouquet des vainqueurs, les applaudissements de circonstances et deux gros bisous sur les joues dune cavalière rayonnante de joie dont la voix douce me glisse :
- Toi, tu ne perds rien pour attendre.
Au premier rang, Rose applaudit. Les amis et connaissances de Sylvie la félicitent et lembrassent. Modeste et souriante, elle tient fermement ma main et massocie à ce succès. Le photographe du journal local prend une magnifique photo au moment où nous nous regardons comblés de bonheur. Jai entendu çà et là que cest la beauté de la jeune femme qui a été primée. Je suis fier dêtre son servant.
A peine assis pour lever une coupe à notre succès, nous assistons à une bousculade. Cest à qui fera danser Sylvie.
-Paul, je te présente Roger, prof de math dans le lycée où jenseigne lallemand.
-Bonsoir Sylvie. Quel plaisir de te revoir. Tu as enfin décidé de sortir. Cétait navrant. Mais où est Gilles, il nous avait annoncé votre réconciliation ? Vous deviez la fêter ici ce soir. Est-il malade ?
-Bonsoir Juliette. Paul, voici lépouse de Roger. Chers amis, Il y a erreur, Gilles et moi ne nous sommes pas remis ensemble. Gilles sest moqué de vous. Permettez-moi de vous présenter mon fiancé, Paul.
Juliette, Roger et quelques membres du cercle autour de notre table tombent des nues, hypocritement. Ils nous ont vus danser, savent à quoi sen tenir. Le plus étonné cest moi. Je souris béatement à lannonce de ma promotion inattendue au rang de fiancé. Sylvie enchaîne :
- Ce soir nous célébrons nos fiançailles, vous voudrez me pardonner de ne pas danser avec vous, ma nuit est réservée à Paul, mon amour.
Incrédules ils scandent:
- Un bisou, un bisou, un bisou.
Sylvie se lève, se tourne vers moi, me tend les bras. Il ny a pas à hésiter. Je me dresse et sous les applaudissements, en public, nous échangeons un baiser damoureux, le premier en public, un vrai, plein de la passion qui jusque là simposait de la retenue. Jamais je naurais osé le demander ou le voler. Fiancé réel ou fictif, je reçois sous les yeux des amis et du public ce baiser réel de Sylvie. Elle ne fait pas semblant, les plus suspicieux cette fois seront convaincus. Et pour me convaincre, lorsque nos lèvres se séparent, Sylvie me gratifie dun large sourire satisfait.
Le bal terminé, il faut rentrer.
- Heureux de ta sortie? Tu ne men veux pas davoir annoncé nos fiançailles ? Je tai surpris, mais cétait lunique moyen de nous défaire de cette troupe parfois collante. Pardonne la surprise. Elle nétait pas préméditée.
- Merci de mavoir invité. Tu mas fait vivre une soirée magnifique. Jai dû faire beaucoup de jaloux : mais, cette annonce nétait quun stratagème, je suppose ? Alors excuse-moi de tavoir si amoureusement embrassée. Un moment je me suis pris à ton jeu, jy ai cru.
- Mais si tu le souhaites, tu peux y croire. Pour se fiancer, il faut être deux. Je ne tavais pas demandé ton avis, maintenant dis-moi, accepterais-tu de tengager avec moi. Je le souhaite et toi ?
- Est-ce bien sûr ? Ne te crois pas obligée par ta déclaration.
- Veux-tu entrer chez moi ? Jai préparé un repas froid, nous le partagerons. Et nous pourrons discuter tranquillement.
Nous sommes dans lentrée, porte fermée. Sylvie me tient par la main pour me faire gravir lescalier. Sur le palier elle se tourne vers moi, me fixe :
- Paul voudras-tu de moi pour épouse?
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