Sylvie Et Rose 4


- Ma maison te conviendrait-elle? L’acheteur vient de se désister. Elle est à nous si tu le veux. Les souvenirs m’étouffaient. J’ai parfois imaginé une vie avec toi. Tu me semblais si belle, si inaccessible que j’ai voulu m’en aller pour ce rêve hors de portée. Mais tout est différent depuis cette nuit: Je ne vends plus ! Si tu le veux, tu embelliras à ton idée.

- Vraiment. C’est magnifique, mon amour. Déballons mon panier. Puis-je utiliser ta cuisine pour disposer le repas ?

- Tu es chez toi. Je te donne un coup de main.

- Hum! Tu es un célibataire méticuleux. Pas de vaisselle qui traîne, pas de miettes par terre: tu as une femme de ménage ?

-I l suffit de faire un peu attention. Je ne salis pas beaucoup.

- Et ton linge ? Ton repassage ?

- J’ai pris de bonnes habitudes, je me débrouille. Le lave-linge, le sèche-linge, le lave-vaisselle, l’aspirateur, le balai et la pelle n’ont pas de secret pour moi.

- Je t’embauche !Vraiment, cela existe un homme comme toi ? Tu es un phénomène précieux !

- Précieux, juste pour le ménage ?

- Cette nuit je verrai si tu as d’autres dispositions appréciables.

- Avec qui as-tu passé ta dernière nuit ? Le gars ne t’a pas convaincue ?

Elle éclate de rire et me donne un avant-goût de ce que sera l’examen nocturne. Elle ajoute :

- Il ne faudra pas oublier de régler la sonnerie du réveil pour demain matin: je devrai retourner chez moi pour me préparer.

Ce matin, au réveil, j’ai été déclaré admis à mon examen. C’est étrange ce mélange de passion et d’attention aux désirs de l’autre, cette combinaison de tendresse et de respect, cette alternance d’élans et de retenue, cette succession d’observation et de total abandon, la suite de plaisanteries et de propos graves, cette opposition d’oubli du passé et de projection vers l’avenir. Sylvie est une fée, à son contact j’ai la sensation de renaître en homme nouveau.

Mais c’est une fée de chair, brûlante et enivrante. Ce corps merveilleux jouit et dispense la jouissance. Sa maturité me rassure et sa joie de vivre redonne des couleurs à une vie qui se languissait, manquait de sel et ne trouvait plus son sens. Quel beau rêve vécu.

- Avec ce bouquet vous serez bienvenu,
m’a garanti la fleuriste en ce lundi soir. Après dix-huit heures, je me dirige bouquet en main, clé en poche, vers la cave de Sylvie. La journée a permis de laisser décanter le trop plein d’émotions. Qu’en restera-t-il ? Le choc de la surprise passé, m’éblouira-t-elle toujours autant ?

La porte est ouverte, une clé semblable à la mienne a été imprudemment oubliée sur la serrure, à l’extérieur. Je la subtilise, c‘est un trait de caractère permanent: j‘aime faire des farces à ceux que j’aime bien . Je traverse la buanderie, ouvre la porte qui donne sur l’entrée principale, vaste et joliment décorée. Des voix viennent d’une porte entrouverte sur la gauche. Je reconnais celle de Sylvie en conversation assez vive avec un homme.

Mon bouquet déposé sur le guéridon de l’entrée, sur la pointe des pieds je m’approche de la pièce où le dialogue continue.

- Pourquoi ne veux-tu pas admettre que j’aime Paul ?
- Je veux juste te mettre en garde contre un excès de précipitation. Tu sors d’un mariage malheureux; ne fonce pas tête baissée dans un nouveau mariage. Tu es libre : profite de tes plus belles années, mais ne t’enferme pas dans une nouvelle prison.

- Tu en as de bonnes. Tu es marié, Juliette et toi avez quatre s Ne serais-tu pas heureux ? Ton foyer serait-il une prison ?

-Notre couple est très différent des couples traditionnels. Si Juliette couche avec un autre homme ou si je fais l’amour avec une autre femme, ce n’est pas une catastrophe : cela ne nous conduit pas au divorce, nous sommes tolérants. Elle ne m’empêche pas de vivre et jouit en retour d’une totale liberté de mouvements.

-Votre conception du mariage n’est pas la mienne.
J’aime Paul, je crois qu’il m’aime et cela me satisfait.

- A ta place, je réfléchirais. Mets-toi à l’épreuve : tu prends un amant pendant un temps,, tu le remplaces, tu en essaie un autre et un autre encore. Tu choisis et quand l’élu ne te convient plus, tu le balances. Tu plais, tu peux ramasser les soupirants à la pelle. Vis, que diable, ouvre les yeux sur le monde tel qu’il évolue. Profite des plaisirs de l’existence. Tu as bien le temps de te repasser la corde au cou.

- Eh! Bien moi, j’envisage le bonheur différemment. J’ai trouvé un garçon sincère, bien fait de sa personne, comme moi attaché à la fidélité. Pourquoi irais-je de l’un à l’autre. Tu n’es d’ailleurs pas convaincu de la tolérance de ton épouse. ou de sa fidélité.

- Oui ! Je suis heureux comme ça. L’un de nos quatre s n’est pas le mien. Juliette a eu une liaison avec un de mes amis. Elle m’a tout raconté. J’aime cet comme les trois autres. N’est-ce pas une preuve de tolérance. Je pourrais t’en donner d’autres.

- Tu connais le père ?
- Oui, et c’est toujours un bon ami. Et si lui et Juliette venaient à coucher encore, ça ne me fâcherait pas. Si Juliette y trouve du bonheur, au nom de quoi pourrais-je être offusqué ? J’ai moi-même eu quelques expériences depuis notre mariage, parfois avec les meilleures amies de ma femme. Nous nous retrouvons toujours.

- Tu m’étonnes.

- Plutôt que de te lier les mains, fais des expériences, laisse-toi l’occasion de goûter d’autres fruits pour te faire connaître d’autres pratiques. Il n’y a que les imbéciles qui ne changent pas d’opinion. Tu es loin d’être une imbécile, laisse-toi la chance de profiter de toutes les possibilités qui sont en toi.

- J’ai compris ton discours. Je n’y adhère pas. Vis ta vie et accorde-moi le droit d’organiser la mienne à ma guise.

- Tu crains de ramasser des râteaux? Je te fais une proposition. Depuis des années je considère que de toutes les femmes de mon entourage tu es la plus belle, la plus intelligente et la plus désirable.
Depuis des années, je rêve d’être ton amant. Alors, ne perdons plus de temps, aimons-nous. Je veux te faire désirer une vie différente.

- Et Juliette? Tu espères m’utiliser avant de passer à la suivante ou de retourner à ta femme ? Je serais une sorte d’intérimaire, à la merci de tes humeurs.Ah! Non .

-Juliette? Détrompe-toi. Elle n’attend que ça. Vous pourriez très bien vous entendre. C’est encore une belle expérience à tenter. As-tu déjà fait l’amour avec une fille ? Non ? Il serait l’heure d’essayer et Juliette t’initierait à la volupté saphique. Sors, vis et tu oublieras vite ton petit chef de bureau.

- Tu es incorrigible. A la longue tes divagations me fatiguent. Bon, je te remercie d’avoir changé ma roue.
- Sylvie, tu ne me prends pas au sérieux. Viens ici près de moi et embrassons-nous. Tu sauras si je fais naître en toi des frissons et du désir. Comment veux-tu savoir si tu t’abstiens ?

- Cesse de rêver, mon cher Roger. Tu perds ton temps. Allez, merci et à demain au lycée.

- Ne sois pas si cruelle avec un vieil ami. Approche, ne me désespère pas, j’ai envie de toi. Même si tu te lies avec ton Paul, tu pourrais me réserver quelques rendez-vous de cinq à sept.
-Lâche ma main. Non, je ne veux pas t’embrasser. Ne tue pas notre amitié.

Je sais, à la suite de cette indiscrétion involontaire, que j’aurai de la concurrence. La beauté de Sylvie ne peut pas laisser indifférents les mâles qui l’approchent. Le tentateur actuel a dévoilé ses intentions. Il y en aura ment d’autres, c’est un peu effrayant. Par bonheur Sylvie es forte. Je ne vais pas le laisser jouer plus longtemps avec des allumettes. Je retourne à la buanderie et j’appelle à haute voix, avec la volonté d’affirmer que j’occupe la place, qu’un homme veille sur la maîtresse des lieux :

- Sylvie, es-tu là ? Houhou, mon amour, où es-tu ?

Chacun par notre porte nous pénétrons dans l’entrée. Moi bouquet tendu, elle souriante mais contrariée remet en place une mèche défaite et tire la porte de la pièce derrière elle.


- Ah! C’est toi Paul. J’étais en train de faire du rangement dans la chambre d’amis.

Déjà ? Sylvie veut garder un secret ? Il y a eu Rose la menteuse; toutes les femmes aiment-elles cultiver des petits secrets. Ma prochaine déception est-elle déjà programmée ? Je décide de couper court :

- Est-ce la chambre où tu voulais me loger. Je peux voir ?

- Demain, je n’ai pas fini. Il faut que je mette encore de l’ordre pour te la montrer. Oh ! Les belles fleurs. Merci ! Embrasse-moi.

Son baiser est rapide. Elle n’est pas à l’aise.

- Je t’apportais la clé de ma maison, mais je crois que je vais te rendre la tienne, puisque tu les distribues. En voici deux.

- Mais, Paul, qu’est-ce que tu me racontes ? Embrasse-moi encore.

- Merci, ne me joue pas la comédie, ça me rappelle trop Rose.et ses astuces.

Elle voit les larmes dans mes yeux, mesure le sérieux de la situation.

- Quoi tu ne m’aimes plus? Quelle comédie ? Viens dans cette chambre d’amis. Tirons les choses au clair, tu as raison.

Elle prend des risques, il va falloir m’expliquer la présence de Roger. Je chuchote :

- Ca fait environ un quart d’heure que je suis dans cette entrée. Je sais.

- Ah ? Tu as écouté ?

- J’ai entendu votre conversation. Je n’ai besoin ni d’explications ni de mensonges à propos de rangement nécessaire avant de visiter une chambre.

- Ce n’est pas bien d’écouter aux portes! Mais tant mieux: tu sais à quoi t’en tenir si tu as tout entendu. Donc, tu n’es pas en colère. Mais tu ne m’embrasses pas?

J’avance bras tendus. Derrière Sylvie la porte s’ouvre. Pantalon sur les chevilles, précédé d’une imposante érection « Roger » se montre; l’air triomphant de l’amant vainqueur et déclame :

-Alors chérie, c’est pour aujourd’hui ? Achevons ce que nous avons entrepris.

Je réponds clairement :

- Bonsoir, Roger. Qu’avez-vous commencé de si pressant ?

Sylvie me regarde, nous pouffons de rire. notre rire désarme le prétentieux. Roger se dégonfle, sa chose retombe, il nous imite et rit avec nous.

- Bonsoir Paul. Félicitations, s’étrangle-t-il.

Il se rajuste, reprend un air digne :

- Ce que femme veut… Vous permettez que j’embrasse la mariée ?

- Faites, mon ami, faites : sur les joues !

Il va vite en besogne, je ne veux pas le contrarier en précisant que le mariage est consommé, même s’il n’est pas officiellement annoncé.

Sylvie lui ouvre la grande porte, je ne le retiens pas, nous ne sympathiserons jamais, c’est évident. Il s’en va.
Sylvie ferme la porte et se tourne vers moi :

- Tu es pensif, je t’ai déçu. J’avoue que j’étais ennuyée et que j’ai été maladroite. Ca ne se reproduira plus

- Tu as si bien défendu notre amour. Merci .

- Tu dors avec moi, ce soir ?

- A tes ordres mon amour, je t’appartiens.

- Alors, je veux un acompte… montons notre lit nous attend. Porte le bouquet s‘il te plaît. Il est magnifique. Tu as un souci ?

- Résisterons-nous aux attaques de certains de tes amis ? Roger a tenté le tout pour le tout afin de te détourner de moi et du mariage.

-Ne t’inquiète pas. C’est une grande gueule. Il coucherait volontiers avec moi. Il y a longtemps que je le sais. Il y a longtemps qu’il tire la langue, mais il sait que je ne l’aime pas. C’est juste un collègue un peu collant. C’est un ami utile parfois. Désormais tu suffiras largement à mes exigences. Bon, mangeons et nous discuterons ensuite.

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