Début Du Travail D'Escorte (Mise En Contexte)
Comment construire une histoire? Commencer passer de quelques mots, dune situation, à quelque chose de plus construit, de plus complet? Certains de mes auteurs préférés frères de décadence- Bukovsky, Guiterez nont pas une histoire tant quune thématique.
Le sale, le sexe, la décadence sociale. Quant à moi, femelle québécoise bien pensante, comment pourrais-je créer ce genre dengouement? Mon appartement, quoique peu cher, est propre, aux murs blanchis, aux hauts plafonds caractéristiques des années 40. Jai même un peu investi pour des meubles antiques. Sur les murs, des impressions dartistes en expansion. Je vis avec un salaire temporaire, précaire, mais je le fais bien. Et les priorités mappartiennent. Ni voiture ni permis. Mais je mange et, surtout, je bois bien. Lexistence dans tout ce quelle a de plus terrestre.
Cependant, rien ne sait éteindre les braises sous mes jupons. Et cest bien là, dans ces excès de lucre, beuveries épiques et robes soulevées que jaurais pu rejoindre la plume des grands. Mais une femme est-elle capable, avec les mêmes intérêts et vices, de soulever autant dintérêt?
Jentrais rapidement dans la baignoire immense- dun motel lavalois. En sortais aussi vite, couinant comme une souris. Leau fumait, moussante de saloperies chimiques, prête à toutes les bactéries qui auraient pu rester sur mon corps. Galant ou intéressé, le client sempressait à ajuster la température. La quarantaine, légèrement ventru, récemment divorcé, dun bronzage en cacanne, il régissait ses sentiments, ses hormones, voire sa thérapie en se commandant de jeunes femmes.
Il était, en tout, mon deuxième client, mavait réservée pour plusieurs heures. Pendant quil ajustait leau du bain, rigolant de malaise, je sifflais son verre de plastique empli de Grand Marnier. Le genre de verre que lon trouve recouvert de plastique, juste à côté du lavabo dans toutes les chambres hôtels dOccident.
Javais donc un peu plus de 25 ans et dealais avec un nouveau client. Adepte du foot job, de surcroît. Dire que je passais mes journées à luniversité.
Ma sexualité avait longtemps été débridée. Peut-être indifférente à la pudibonderie catholique, je ny voyais ni bien, ni mal, simplement une meilleure façon de connaître lautre. Ou doublier une mauvaise journée. Ou doccuper un temps mort.
Depuis longtemps, ma relation à la sexualité était conflictuelle. Agressée sexuellement à lâge de douze ans. Comment mettre un mot sur les choses à cet âge là? Les actes plus ou moins clairs sur la limite du consentement sétaient multipliés.
Il marrivait, rarement, de me questionner, je viens dune bonne famille, je suis éduquée, intelligente, pourquoi tout ça?
Le résultat était que je me considérais de moins en moins comme une personne, mais, à linverse, de plus en plus comme une chose, disponible au bon vouloir de toutes et tous.
Jamais je ne pourrais dire du mal de mes anciennes collègues de travail, de ce métier précis. Elles mont rendue plus forte. Mont permis de reprendre possession de mon corps.
Il nétait peut-être pas lidéal et restait objet , mais il était mon objet, un objet déchange, une valeur. Pas envie de me livrer à une sodomie? Il mappartenait de monter le prix si haut que le client ne suivrait pas.
Il y eut aussi beaucoup de gentils gros qui, bêtement, voulaient me faire plaisir, avoir eux aussi du plaisir, puis discuter. Ces clients-là me manquent encore au quotidien. Avec eux, je me sentais belle, désirée, aimée, intelligente. Et les conversations étaient habituellement agréables.
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