La Tentation Du Velours 12
La tentation du velours 12
Ma petite Lola,
Merci de ne pas mavoir prise pour une dépravée. Aucune de nous nest prête à recommencer, néanmoins le souvenir reste vivace. Un pareil débordement des sens ne peut se concevoir dans un moment programmé à lavance. Loccasion sest présentée, on en a profité, point. Notre amitié en sort grandie, cest une chance ; réitérer lexploit risquerait de la faire voler en éclats.
La campagne daffichage achevée, les gens ne se retournent plus sur mon passage dans la rue. Excepté dans les bars du Marais où je suis devenue un peu une icône lesbienne, lanonymat me soulage. Je dois par contre me protéger de certaines féministes outrées de voir lune des leurs se dénuder sur une affiche. « La femme nest pas une marchandise à étaler aux regards lubriques » daprès elles. Sans leur donner tort sur le principe, jaffirme mon caractère en acceptant de faire ce genre de photos. Jy trouve un plaisir physique, pas seulement financier.
Jai été interviewée pour le Jeanne Magazine, dont je tai parlé, loccasion dune mise au point sur certains sujets. Avoir une sexualité débridée ne fait pas de moi une lesbienne anormale, même si les rapports se raréfient dans un couple établi. La liberté mautorise à de multiples expériences, qui se font dans le respect mutuel. Pas question dexploiter les sentiments dune fille pour obtenir ses faveurs. Oui, je profite de mon physique pour séduire, mais pas que. Et non, je nai pas honte dun tel comportement puisque je reste honnête envers mes maîtresses.
Je te raconte tout ça, cependant ma vie sexuelle a pris moins de place dans linterview. On a surtout parlé de la tendance lipstick, de la volonté de ramener notre orientation à un simple fait, non à un combat politique de tous les instants. La journaliste ma aussi interrogée sur lattirance supposée de la célèbre photographe Katia Amaliev envers les femmes. Jai évité le piège en disant que le talent de lartiste pour offrir au public une image érotique du corps féminin ne préjugeait en rien de sa sexualité.
Un gala au profit de léducation en Afrique noire me fit découvrir lunivers inconnu du pouvoir de largent, de quoi faire passer mes cachets pour de simples gratifications. Certains personnages présents évoluaient dans le monde de la finance, du show-business, ou de la politique, quelques journalistes célèbres assuraient la couverture médiatique de lévènement. Ma présence était due à une notoriété aussi soudaine quinattendue. La mode et ses dérivés génèrent des fortunes, normal que les grandes marques sassocient aux grands évènements. On mavait chargée de remettre un chèque, publicité peu onéreuse car déductible des impôts. Mais la véritable raison de ma mission parmi les puissants était de plaire aux yeux de ces messieurs, et de donner à mesdames lillusion de la jeunesse et de la beauté en achetant les produits de la marque.
Á moi de faire en sorte que, sur un plan personnel, ma présence ne se justifie pas par la simple exhibition dune potiche.
Jai pris le temps de compter deux cent quarante invités répartis en quarante tablées de six. Je découvris à la mienne un banquier daffaires à la retraite et Madame, dont la toilette datait sans doute de la IIIème République, capable de connaître le poids exact de la truffe dans son assiette de carpaccio de Saint Jacques crues. Ces deux Français bon ton avait placé leur fortune à létranger, comme il se doit.
Un ancien ministre, qui possédait daprès lui le monopole de la raison, bassinait tout le monde avec la nécessité de transformer nos courageux militaires en maîtres décole dans certains pays dAfrique. Son épouse, charmante brune dâge indéfinissable au visage avenant et aux rondeurs sans excès, avait renoncé à calmer son homme. Elle préférait se noyer dans le Porto.
Enfin, placé là par les organisateurs pour me servir de chevalier servant, le fils dun célèbre acteur doutre-Manche dépensait la fortune de papa à égalité entre les tables de jeux et les galas de bienfaisance.
Par chance, la femme de lancien ministre accapara mon attention au sujet du besoin pressant dinstruire les filles dans les pays musulmans. Léducation est, selon ses propres mots, nécessaire à leur émancipation, donc à lévolution de leur nation qui ne peut se passer dune grande partie de lintellect national pour asseoir leur situation dans le monde daujourdhui. Je ne répondis pas par simple politesse, ni afin dignorer mon gêneur de voisin, mais par réel intérêt.
Le repas séternisa. Lépouse du banquier devisa seule à haute voix de la qualité nutritionnelle des mets servis. Son époux et lex ministre, branchés économie, ignorèrent le reste de notre tablée peu désireux de les suivre sur ce terrain. Sa femme et moi, nous nous consolâmes en papotant de tout et de rien. Sans men apercevoir, je la laissai remplir mon verre plus que de raison. LAnglais passa la soirée à vouloir me mettre dans son lit. Mon interlocutrice le remit plusieurs fois en place sans ménagement. Loccasion me fut enfin donnée de lui transmettre un message en clair quand un intervenant insista sur le besoin de lutter dans léducation contre les idées reçues.
Je suis homosexuelle ; je connais les effets pervers de lintolérance prônée, à mon humble avis, autant par les parents que par les enseignants.
Il y eut un certain moment de flottement. Le banquier à la retraite et son épouse firent comme sils navaient rien entendu au sujet de mon orientation. Lancien ministre rejeta la faute sur tous les gouvernements excepté sur le sien. Son épouse recadra aussitôt le fils de lacteur qui se vantait de pouvoir rendre nimporte quelle femme hétéro.
Votre attitude déplaisante ne doit certainement pas encourager cette jeune femme à changer, sinsurgea-t-elle pour mon plus grand plaisir. Vous pousseriez au contraire la plus bigote dentre nous à chercher son bonheur dans des bras féminins.
Vint enfin le moment de remettre le chèque face à lobjectif dun photographe, puis de quitter la table. Tout le monde ségaya autour du buffet chargé de thé, de café et de liqueurs. Lépouse de lex ministre, Hélène pour létat-civil, se montra de compagnie agréable. De ma taille, brune aux cheveux courts, la commissure des lèvres tombante conférait une certaine rigidité au visage rond, sévérité contredite par des yeux rieurs.
Votre prétendant ne renonce pas, mavertit-elle en perdant son sourire. Il est à un mètre dans votre dos et ne cesse de vous reluquer.
Oubliez le, Hélène. Au fait, merci de mavoir soutenue. La soirée aurait été triste sans vous. Je ne mhabiai jamais à ce genre de société.
Sa main se fit plus insistante à mon bras, son regard plus affûté, sa voix plus chaude.
Croyez-moi, chère Anaïs, on shabitue à tout. Vous trouverez sous le vernis luxueux autant de sincérité et dhypocrisie quailleurs. Jai aussi mes secrets, vous savez.
Intriguée, je tentai de comprendre la teneur du message dissimulé derrière le rire discret. Et la vérité se fit jour dans mon cerveau embrumé par un léger excès dalcool. Mariée de raison ou non, lépouse de lex ministre était adepte des aventures extraconjugales. Cette révélation accentua la sensation de charme. Je décidai den avoir le cur net.
On distingue les épouses des maîtresses ici, mavançai-je avec prudence. La présence de la presse doit inciter à la retenue.
Oui et non, ma jeune amie, ça dépend de ce que lon désire. Je suis personnellement adepte des unions improbables.
Tout le monde cherche à séduire, mais la séduction est un art que peu maîtrisent. Inciter une personne à offrir ce quelle a de plus intime tient souvent de la chance, daprès moi, le hasard de la rencontre. Dites-moi quel homme vous plait dans lassistance, demandai-je lair de rien.
Hélène me dévisagea, sans doute surprise du raisonnement dune jeunette de 18 ans.
Aucun. Je nai jamais laissé le lit de mon mari pour celui dun autre homme. Ma préférence va aux femmes. Et je ne suis pas une exception dans ce genre de rassemblement.
Je restai interdite, subjuguée, hypnotisée par la voix dassurance tranquille. Hélène me présenta à quelques connaissances féminines, dont certaines ne se privèrent pas de me déguster des yeux. On ne sattarda pas en leur présence.
Vos amies sont
hésitai-je.
Lépouse dun adjoint au maire apprécie de se faire brouter le minou par ses conquêtes, mais déteste leur rendre la pareille. Lautre, avocate, aime défoncer ses amantes avec un godemiché. Á chacune ses fantasmes. Hypocrisie pour certaines, luxe pour dautres, elles mènent une vie rangée dépouses et de mères modèles. On en rencontrait certaines parmi les homophobes dans la Manif Pour Tous.
Cette assertion ne me surprit pas.
Et vous, quest-ce qui vous satisfait ? osai-je avec une insouciance inconnue de moi-même. Que recherchez-vous auprès dune femme ?
Les situations incongrues, exceptionnelles, répondit Hélène après un court instant. Provoquer aussi, jadore surprendre.
Petit à petit, je laissai Hélène sapprocher. Je ne me serais pas retournée sur elle dans la rue ou dans un bar du Marais, mais au milieu de cette assemblée bourgeoise, je trouvai un malin plaisir à être draguée comme une lycéenne par une louve dâge mur. Je finis par la trouver attirante, presque belle. La soirée devenait intéressante en sa compagnie.
Je ne veux pas vous paraître indiscrète, mentis-je avec affront tant la curiosité me dévorait, je ne vous ai jamais vue dans les bars du Marais.
Parce que je ny mets jamais les pieds, samusa mon guide dans le monde de la bourgeoisie. Plein de lieux sont propices aux rencontres : restaurants, cinémas, piscines, et des soirées comme celle-ci.
Lallusion me sembla à propos.
Vous comprenez pourquoi je parlais du hasard tout à lheure, minaudai-je, séduite.
Votre chevalier servant anglais ne lâche pas le morceau, sinquiéta Hélène changeant de sujet. Promettez-moi de prendre vos précautions en partant.
Partir ? Jen avais envie, oui, pour une autre raison. Lénoncé de mon accompagnatrice laissait sous-entendre quelle me laisserait seule après mavoir demandé mon numéro de téléphone, pour une rencontre ultérieure. Mais je la désirais maintenant. Demain, jaurais sans doute changé davis après une bonne douche.
Vous accepteriez de me raccompagner ?
Hélène me jaugea, puis sourit.
Personne ne remarquera notre départ, pas même mon époux. Il doit passer la nuit à jouer aux cartes avec des amis et ne rentrera que demain matin.
Des pas derrière les nôtres dans le petit escalier, quelquun nous suivait. Mon cur se souleva dans ma poitrine au souvenir des faits divers relatés dans la presse quotidienne, des chroniques au sujet de femmes abusées, de viols sordides. Hélène, sans avoir lair de rien, plongea la main dans son petit sac. On sarrêta, le suiveur aussi. Qui dautre que le jeune éconduit pouvait nous filer le train ?
De lentresol où nous venions darriver, il nous était possible dalerter le personnel du vestiaire chargé de la réception. On avait aussi le temps de trouver refuge près des chauffeurs de maître au rez-de-chaussée, dont les conversations feutrées nous parvenaient aux oreilles. En fait, le seul réel danger aurait été de saventurer seules dans la rue.
Lalcool sans doute, ma grimace se mua en sourire. Lui devait se sentir piégé, pas nous. Alors le désir de jouer de la situation sinsinua en moi. Ce type avait abusé de ma patience, gâchant le peu de plaisir que jaurais pu trouver à la soirée. Et bien jallais men donner du plaisir, du vrai, à ses dépens.
Plaquant Hélène contre le mur, je posai mes lèvres sur les siennes. Ses grands yeux souvrirent, de surprise et de peur mêlées. Elle me rendit pourtant mon baiser avec une passion grandissante. Ma langue fouillant sa bouche, je caressai sa poitrine à travers la veste de tailleur strict. Ses seins gonflèrent sous ma main.
Grisée par la situation, mon amante se tortilla dans mes bras jusquà faire sauter les boutons de son corsage. Le soutien-gorge retenait mal deux seins ronds. Je réussis à les dégager tour à tour de leur conque de tissu pour en triturer la pointe. Hélène roucoula de mon initiative, sa salive emplit ma bouche.
Je nétais pas pressée par le temps, ni par la peur dêtre découverte, mais par un désir puissant. Ma mouille trempait ma culotte. Nous étions là, dans ce petit escalier, isolées entre le monde de la réception et celui des chauffeurs, à se peloter en sembrassant à pleines bouches, comme si tout le reste navait aucune importance. Nous nétions plus que des corps irrésistiblement attirés lun vers lautre, deux femelles en chaleur à la satisfaction dun besoin primitif. Une pareille idée maurait outrée dhabitude, ce soir elle me survoltait.
Hélène ne resta pas longtemps inactive. Elle souleva ma jupe, écarta mon slip dun doigt et en glissa un autre dans mon antre. Jétais heureuse de la voir, ou plutôt la sentir, en venir à lessentiel. Je la désirais ainsi, déterminée, belle femme dâge et de caractère, maîtresse et non attentiste. Mon ventre se projeta en avant.
Ma main atteint son entrejambe que je massai à travers le tissu du pantalon, Hélène râla dans ma bouche, nos salives mêlées coulaient sur nos mentons. Le temps dune dernière hésitation sans doute, je fis glisser le zip de la braguette et glissai mes cinq doigts dans son slip. Lhumidité ne me surprit guère. Je découvris une toison que je devinai épaisse et brune. Jinvestis aussitôt la fente dilatée.
Au diable la tendresse, les préliminaires, tout ce qui dhabitude faisait la particularité de mon désir. Je voulais jouir sous ses doigts et la faire jouir sous les miens à la va-vite dans ce couloir, au risque quon nous surprenne. Dailleurs, je nétais pas certaine quune arrivée aurait suffi à nous interrompre tant nos intimités réclamaient.
Jinvestis deux doigts dans le vagin dHélène, mon pouce trouva son clito. Elle feula, au point de ne plus pouvoir supporter notre baiser. Sa bouche se colla à mon oreille.
Continue, mais nous ne sommes pas seules.
Affolée, je suspendis mon geste malgré la supplique de mon amante. LAnglais, assis un milieu de lescalier, se branlait frénétiquement en nous observant, aussi inconscient que nous du danger potentiel. Hélène sagita sur mes doigts fichés dans son sexe trempé.
Ne tarrête pas, fais-moi jouir.
Je repris mon mouvement de va-et-vient sans quitter le mec des yeux, par peur de le voir venir aussi, car jamais je naurais cru assister à ce spectacle. Mon amante gratta lentrée de mon vagin dun doigt fouineur.
Non, larrêtai-je, caresse mon bouton.
Hélène ninsista pas, obéissante. Elle saffaira sur mon clitoris tandis que je la fouillai avec un entrain décuplé par linédit. Les premières contractions mannoncèrent quelle risquait de jouir à tout instant. La main sur sa hampe, lhomme sactiva de plus belle, comme sil craignait de nous voir disparaître avant davoir pris son plaisir. Mon esprit se libéra, décidé à les accompagner sur le chemin de lorgasme.
Le regard rivé au spectacle non loin de nous, Hélène déglutit à mon oreille, son souffle brûla mon cou. Elle sabandonna au plaisir sur mes doigts crochetés dans son vagin. Jétouffai de mon autre main le cri dans sa bouche. Le mec la suivit de près, répandant des traînées blanchâtres sur les marches. Mon amante, toute à son orgasme, maltraitait mon bouton dun doigt furieux, elle le pinça. Davantage un soulagement physique quune véritable jouissance, je me laissai aller aussi à quelques convulsions bienfaisantes.
On passa entre les chauffeurs, guettant leurs réactions. Au ton des conversations, je compris à mon grand soulagement que notre séance était passée inaperçue. Même la main dHélène dans la mienne parut invisible. Nos doigts encore pleins de nos mouilles tremblaient de peur rétrospective. LAnglais était retourné à la réception, emportant un souvenir de nous quil nétait sans doute pas près doublier. Lair de lextérieur me fit du bien. On en profita pour reprendre pied sur le trottoir, à une quinzaine de mètres de la file de taxis.
Tu viens chez moi ? proposai-je à Hélène, désireuse de prolonger notre étreinte de façon plus classique. Jai envie de toi.
Ah oui ! Et tu désires me faire quoi ?
Notre rire trancha avec nos paroles discrètes. Je portai instinctivement les doigts avec lesquels je lavais masturbée à ma bouche.
Hum
jai soif.
On sengouffra dans un taxi.
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