La Rencontre

« Il en va de l'érotisme comme de la danse : l'un des partenaires se charge toujours de conduire l'autre. »
Milan Kundera

I.

Cela faisait presque deux heures qu’elle était assise là, la tête contre la vitre du train, perdue dans ses pensées. Cela faisait une heure et quarante-cinq minutes exactement qu’elle s’était assise dans ce siège et que ses pensées vagabondaient, pourtant cela semblait faire une éternité comme si le temps s’étirait à la manière de ces effets spéciaux inspirés de « Matrix » dont on abusait dans presque tous les films depuis quelques années. Le temps s’étirait au point qu’il lui paraissait possible de revivre chaque instant qui l’avait menée jusqu’ ici le temps d’un battement de cils.
Effectivement tout lui revenait, mais tout revenait en même temps, de la première discussion au dernier petit mot, ce petit mot sur un bout de papier, ce petit bout de papier glissé dans son sac qui faisait qu’elle était là aujourd’hui, assise dans ce train, la tête contre la vitre, le regard suivant l’horizon qui défilait et le cœur battant si fort dans sa poitrine que ses oreilles bourdonnaient au rythme de son pouls, un rythme à la fois enivrant et plein d’angoisse...

« Hôtel Saint James chambre 6 – Trouville
Pas besoin de bagages.
N. »

Voilà tout ce que le petit mot donnait comme information, il était accompagné d’un billet de train à destination de la gare de « Trouville – Deauville » pour le surlendemain matin 10h.

Elle avait longtemps hésité, devait-elle vraiment y aller, après tout ils n’étaient pas réellement en couple tout au plus ce qu’on appelle de nos jours des sex-friends et encore c’était un bien grand mot, elle ne le connaissait pas tant que cela, pourtant ils échangeaient par courrier électronique depuis plus d’un an, une sorte de relation épistolaire 2.0, d’ailleurs leur relation avait débuté grâce à internet et dès les premiers échanges ils avaient partagé leurs fantasmes et leurs désirs.


Oui elle ne le connaissait pas tant que cela, elle n’avait jamais goûté ses lèvres, senti contre elle la chaleur de son corps ni même juste senti la main de cet inconnu sur sa joue la caresser tendrement.

Et si cet homme était un détraqué, un pervers qui aurait attendu depuis tout ce temps pour tisser la toile d’un piège qui était sur le point de se refermer sur elle ou bien pire encore, si c’était un monstre pratiquant la traite des femmes, qu’il la séquestrait puis l’envoyait loin de chez elle, dans un pays des Balkans ou encore dans un pays du Moyen Orient pour devenir la énième femme d’un de ces magnats du pétrole pervers et libidineux.

Elle secoua sa tête de gauche à droite comme pour chasser ces idées noires.

Ma pauvre fille ressaisis-toi !! se disait-elle, s’il était réellement mal intentionné, il n’aurait pas attendu si longtemps !! et il n’aurait pas choisi Deauville pour fomenter son rapt. Et de toutes les façons, ce sont toutes ces émissions avec leurs reportages à sensation qui te rendent parano...

Elle sortit son téléphone pour regarder l’heure, 11h55, le train ne devrait plus tarder à arriver à destination.
La voix dans le haut-parleur annonçait l’arrivée en gare de Trouville – Deauville, son pouls s’était soudain accéléré et la puissance de ses pulsations lui donnait l’impression qu’il déchirerait sa poitrine au prochain battement.
Elle ne pouvait plus reculer, elle se trouvait dos au mur…


C’était le mois de juin, l’air était pourtant encore un peu frais pour la saison.

Elle avait suivi la seule instruction de ce petit mot qui lui avait fait parcourir les 174 KM qui séparent Paris de Deauville, elle n’avait pour effet personnel et vêtement que ce qu’elle portait, elle portait une robe longue grise si près de son corps qu’elle lui faisait une seconde peau moulant la moindre courbe de sa silhouette avec un décolleté vertigineux sur son opulente poitrine, ce qui aimantait le regard de presque tous les hommes et de nombreuses femmes bien que les raisons ne soient pas forcement les mêmes.
Elle avait également opté pour ses talons hauts de 12 cm, aux semelles rouge dont elle était si fière et qui accentuaient le galbe de ses jambes et mettaient en valeur des fesses qui naturellement étaient à se damner, le reste était somme tout aussi simple, une petite veste en jean et à son cou elle avait un collier de perles dont la classe contrastait avec le côté passe partout du reste de sa tenue qui au demeurant témoignait de son bon goût vestimentaire.

Elle marchait en direction de l’hôtel Saint James, son iPhone à la main lui servant de plan. Malgré la fraîcheur pour cette saison, un soleil éclatant illuminait le paysage, tout lui semblait onirique, irréel mais la réalité revint une nouvelle fois comme un boomerang ses craintes reprirent le dessus et voilà qu’elle se reposait les mêmes questions : pourquoi être venue sur les ordres d’un quasi inconnu car maintenant cela lui semblait clair c’était un ordre comme ceux que l’on envoie aux agents secrets avec le minimum d’info. Son esprit se remit à vagabonder et elle s’imaginait comme dans ces films ou ces romans qu’elle aimait dévorer, elle allait à son point de rendez-vous où elle rencontrerait son contact qui lui donnerait tous les détails de sa mission. Elle imagina le fameux petit mot s’autodétruire et cela lui rappela la série mission impossible qu’elle regardait puis l’inspecteur Gadget et le chef Gontran, l’idée la fit sourire, elle était Gadget et son inconnu était Gontran, NON ! C’était le Docteur Gang de l’organisation M.A.D…

-Tu vas arrêter avec tes sottises, se dit-elle… Pourquoi me voudrait-il du mal…

Soudain, elle aperçut l'hôtel, ce qui réveilla son esprit aussitôt et la sortit de sa torpeur. Ce n'était pas l'un des ces hôtels modernes de type Formule 1 pour VRP en déplacement, cela ressemblait davantage à une maison d'hôtes, une petite bâtisse de trois étages toute en pierre. On apercevait certains estivants sur les balcons du deuxième étage : un couple de jeunes qui devaient avoir le même âge qu'elle ou 35 ans maximum, dans la chambre mitoyenne elle vit un homme d'un certain âge accoudé à la rambarde, une cigarette à la main.
L'étage du dessus ressemblait à des combles. Elle se dit que les employés de maison devaient certainement vivre là. Elle entrçut un mouvement devant la fenêtre d'une des chambres de bonnes et crut reconnaître son inconnu.

-tu as beaucoup trop d'imagination, va falloir te décider à grandir, se dit-elle.

Son cœur n’avait pas cessé de tambouriner depuis qu’elle avait lu le nom de l’hôtel et avait l’impression que son cœur cognait pour sortir, pour fuir, partir loin de ce "trip". Pourquoi l’avait-elle suivi dans ce jeux car oui, il s'agissait bien d'un jeu bien que coquin et sensuel. Ce n'était rien d'autre qu'un jeu.
Elle répéta au moins dix fois dans sa tête comme pour s’auto-persuader : ce n'est qu'un jeu, ce n’est qu'un jeu, ce n’est qu’un jeu... après tout c'était bien cette raison qui l’avait poussée à suivre cet inconnu, à obéir à un bout de papier, le jeu. Elle se rappela ce qu’elle s était dite avant de prendre sa décision :

- je suis jeune, je veux profiter, m éclater, vivre, vivre, vivre.

Elle avança jusqu’à l’entrée, prit une grande inspiration comme si elle remplissait ses poumons de courage, poussa la grande porte en verre et entra d'un pas qu'elle voulait décidé mais que l'appréhension crispait traduisant son manque d'assurance dans cette entreprise.

Elle pénétra dans le hall, le cadre était réellement plein de charme, boiserie sur les murs et poutre apparente. Le mobilier avait dû être chiné ici et là mais l’ensemble gardait tout de même une certaine homogénéité et donnait un certain côté authentique au décor. Elle alla directement à la réception.

- Bonjour. J'ai une réservation chambre 6, je dois être attendue.

En s entendant prononcer la phrase, elle fut soudain prise de panique et son esprit se mit à nouveau à s’enflammer !

- Mais que va t-il penser de moi, il doit se dire que je suis une pute ! Une escort girl, arrête de te r comme ça se répéta-t-elle.
Ca pourrait également être ton mari, ton amant ou encore mille autres choses...

Le réceptionniste n'avait aucune expression sur son visage. Elle ne pouvait même pas tenter de déchiffrer ses pensées.

- Bonjour Madame, effectivement la chambre 6 est prête pour vous, on m’a demandé de vous remettre la clef et ce petit paquet.

Il lui tendit une boîte de la taille d'une feuille au format A3 et d’approximativement 10 cm d’épaisseur, malgré la taille le paquet était léger, emballé dans un papier rose pâle, d'une finesse donnant l'impression qu'il se déchirerait tel une feuille d'or au moindre contact indélicat. Un ruban en soie d'un violet sombre enlaçait le paquet se terminant par un petit nœud. Elle observa au centre du nœud, un véritable sceau de cire, cachet faisant foi que le paquet était vierge de toute curiosité. Cette observation la rassura.
Elle se demandait ce que pouvait bien contenir cette petite boîte, mais il était clair qu'elle attendrait d'être dans la chambre, le sceau témoignait du secret dont relevait le présent, elle était à nouveaux dans mission impossible, dans l'inspecteur Gadget, le docteur Gang... Elle secoua la tête...

-Tu ne peux plus faire marche arrière ma cocotte, maintenant tu n'es plus au pied du mur, tu as franchi le seuil ! se dit-elle.

A sa droite comme apparu de nulle part, un employé de l'hôtel vêtu d'un uniforme qui lui fit penser à Spirou, oui un groom, il portait un uniforme de groom.

Il tendit la main pour récupérer la clef et dans un geste de révérence l’invita à le suivre. Ils prirent un petit escalier de pierre et de bois recouvert d'un tapis rouge dont le ton lui rappelait le rouge des semelles de ses talons hauts de 12 cm dont elle était si fière. Ils montèrent les étages pour ne s'arrêter qu'au troisième, le dernier, les chambres de bonne !...

Le groom stoppa net devant l'une des portes, inséra la clef, ouvrit la porte et dans un nouveau geste de révérence invita Estelle à pénétrer dans la chambre.
Elle s'étonna en se rendant compte qu'elle n'avait pas attendu qu'il finisse sa phrase et était déjà presque au milieu de la chambre.
Ce n'était pas une chambre de bonne mais bel et bien une chambre spacieuse, au milieu de laquelle trônait un grand lit à baldaquin. La porte se ferma en même temps que le groom lui souhaitait un agréable séjour.
Elle s'approcha du lit, des pétales dessinaient un chemin qui partait de la porte et menait jusqu'au lit sur lequel deux roses d'un rouge éclatant étaient posées, des roses d'un rouge qui n'était pas sans rappeler le rouge des semelles de ses talons hauts de 12 cm dont elle était si fière, un petit mot plié était posé entre les deux roses.

- Encore un petit bout de papier, se dit elle !!!...

« Je ne devrais pas tarder, mets-toi à ton aise et profite de la chambre et des présents!
Affectueusement,
N. »

A côté du lit, une table de nuit sur laquelle était posée une bouteille de champagne, deux coupes, une coupelle de fraises. Elle s'assit sur le bord du lit, posa le paquet à côté d’elle, tira sur le nœud et le sceau céda... Son cœur battait dans tout son corps, des pulsations puissantes lui engourdissaient les membres. Elle le sentait palpiter, cogner dans sa tête, dans sa gorge qui s'était asséchée, sa poitrine explosait à chaque contraction de son cœur et lorsqu'elle souleva le couvercle du paquet, le temps s'était à nouveau étiré à vitesse inverse des pensées qui fusaient dans son esprit.

La première chose qui attira son regard était au centre du paquet, un collier... mais ce n'était pas un bijou. Il n'était pas fait d'or ni paré de pierres précieuses. Il était en cuir, un cuir rouge qui rappelait le rouge des semelles de ses talons hauts de 12 cm dont elle était si fière. Il était fin, le cuir était luisant mais c'était bien ce qu'elle avait compris c'était un collier semblable à un collier pour chien, un collier pour chienne, un collier pour elle...
Le collier était délicatement posé au milieu du paquet sur un tissu qui semblait être de satin. Elle prit le collier, sur celui-ci elle pouvait lire son prénom en lettres de métal chromé tellement brillant qu'elle pu voir son reflet et le rose qui teintait ses joues. Elle posa le collier sur ses cuisses et caressa le tissu dans le paquet, elle aperçut une dentelle blanche, elle souleva le tissu, ce n'était pas simplement un tissu...
C’était une robe, non une tenue, une tenue de soubrette semblable aux uniformes des femmes de chambres de ces palaces de luxe, elle semblait tout de même amputée d'une grande longueur de centimètres.
Elle trouva également dans le paquet des dessous en dentelle dont un string qui avait une fente sur la partie avant et des bas résille blanc et parmi toute cette parure elle trouva un sextoy, un petit vibromasseur rose orné de pierres sur sa base qui devait servir d'interrupteur...

Elle sentait que ses joues avaient viré au rouge vif, elles étaient brûlantes comme une plaie sur laquelle on aurait versé de l'alcool à 90°. Son cœur n'était plus qu'un tambour, un tamtam qui tapait le rythme effréné d'une transe tribale.
Sans même s'en rendre compte le vibromasseur était entre ses cuisses, par-dessus le tissu fin de sa robe, ses doigts avaient activé l'interrupteur. Il vibrait l'entraînant dans une autre sorte de transe. Elle vibrait avec lui, sentant les palpitations de son bas ventre se répandre dans tout son corps, elle s'était laissée tomber en arrière, son bassin se soulevait dessinant un mouvement circulaire, sa respiration s'accélérait, d'une main elle remonta sa robe au-dessus des cuisses. Il était maintenant tout contre son clitoris, elle sentait chaque vibration. Son corps tout entier était envahit d'une vague de plaisir, déclenchant des soubresauts, des gémissements, étouffés. Une part d'elle résistait encore au désir de son corps mais cette partie infime était acculée par le plaisir qui se déversait dans ses veines en un torrent de lave chaude jusqu'à ce qu'elle n'étouffe plus son ardent plaisir et se laisse emporter dans un orgasme explosif... Son corps tout entier tremblait d'un intense frisson, elle était là, allongée sur le lit, son esprit vagabondait à nouveau, mais cette fois il se fixa sur un seul évènement, le jour de leurs premiers échanges...

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