Du Sable Dans Le Maillot

Andernos, petite ville balnéaire du Bassin d'Arcachon. On dit même Andernos-les-Bains ... tout un programme !
Un magasin d'articles de mer, pelles et seaux en plastique pour s, épuisettes à crabes et à crevettes, espadrilles basques de toutes couleurs, et surtout maillots de bains pour filles...

Il faut dire que l'on vient dans cette boutique depuis toujours pour s'acheter un maillot. Même les gens d'ailleurs viennent ici et on ne sait pas trop pourquoi. Des gens de la ville bien sûr, de Bordeaux. Mais aussi des gens d'Arcachon, du Cap-ferret, des autochtones du fond du Bassin, Audenge, Cassis, Biganos même, des pingouins d'Ares, des indigènes de Petit et Grand Piquey et même des gonzesses, grandes et blondes, de Jane de Boy, just'après Claouey.
C'est vous dire l'attrait de ce magasin de maillots sur la population féminine des environs.

En plus, cette enseigne, Du Sable dans le Maillot, fait rêver. On se demande bien pourquoi...
Pourquoi du sable ? Et où se cache-t-il ce sable ? Est-ce du sable blond, clair, ce sable dont on parle ici ?

Plein le gousset, de sable ... et même de partout aussi.

Vous le croyez, vous ça, que ça puisse faire rêver les filles, et les gars itou ?

Nous on pense au marchand de sable qui nous borde le soir avant de nous endormir sage petite fille et nous accompagne toute la nuit, un peu papa Noël, un peu oncle coquin, un peu Nounours que l'on serre fort pour n'être pas seule toute froide toute fine petite crevette au fond du grand lit. On pense à ces choses-là dans le noir obscur solitaire, ado fraîche petits tétés pointus de gamine.

Moi je sais que le sable est mon copain dans mon maillot. Je le retrouve longtemps après comme souvenir de mes journées allongée à partager ma grande serviette avec l'un ou l'autre de mes copains de plage, tendre et aimant.

Je le garde ce sable. Je le verse grain à grain dans des bouteilles, de petites bouteilles récupérées de parfums, de lotions diverses.

Je les étiquette, Adrien, Pierre, Karim...
Avec l'année, comme des millésimes.
Et j'aligne sur l'étagère dessus mon lit. Comme un sportif aligne ses coupes, pas peu fier.

Quand un gars pose question, il lui faut bien comprendre que le sable est ma mémoire. Et que je ne renie rien ni personne.
Ma vie...

Du sable dans mon maillot et mon esprit vagabonde, Rio, Ipanéma. Je me vois fille de là-bas, exotique. Et je pense, en maillot brésilien, rien tu gardes, de sable. C'est triste un maillot brésilien si rien ne reste dans les replis de l'étoffe des grains de silice blonde de Copacabana.

Moi, je rentre à vélo des Quinconces en passant par les Réservoirs et le port ostréicole. La selle de cuir crisse un peu sur le tissu léger, mouillé.
En descendant, j'écarte la ceinture, pour voir. Deux brins de varech se mêlent à ma toison claire. Le sable, lui est plus diffus, éparpillé, grain à grain, sur le gousset. Sur ma peau aussi, collé égaré dans mes replis.

Je passe une main discrète pour donner un peu d'air, dégager le stretch de mes intimités suaves. Je pense au sable qui a capté mes odeurs et le goût forts de moi. Je pense à chaque grain, minuscule mais toute imbibé de ma tendresse. Et je comprend que chaque particule minuscule me contient toute entière. Je comprend cette idée d'Aristote, que chaque atome contient à lui tout seul l'Univers, plein.
Je pense à l'hologramme, chaque brin de l'image contenant l'espace entier de son point de vue.

Je rentre à la maison.

Ranger la bicyclette sous l'auvent, poser le sac de plage, en sortir le livre racorni, l'iPhone, le bandana, les lunettes vue-soleil.
Dire salut au deux qui traînassent dans les chaises longues au soleil.
Ils matent mes cuisses.
C'est vrai que mes cuisses brûlées de sel appellent.
Les gars aiment ça, mater le sel sur la peau tannée et le noir du maillot irisé. Les filles aussi, mais là ce sont juste des gars, deux gars.

Et moi je sens le sable dans les plis de l'aine chahutés par les élastiques.
Je pense à ma fente et j'espère que les cristaux blancs de sel ne marquent pas d'indécence.
Je les regarde. Je chausse les lunettes noires. Je n'y vois rien, les verres sont enduits d'huile solaire, mais je fais comme si de rien n'était. Je souris. Je regarde les boxers en guettant l'intérêt des garçons.

Je marche légère sur le caillebotis. Le sable crisse entre mes cuisses. J'imagine que tout le monde entend cette musique. Surtout que mon bouton s'est dressé. Il est à vif. Le tissu mouillé le fait chanter à chaque pas. Je regarde loin devant moi.

Je rentre et me glisse, sandalettes devant la porte de la douche, toute habillée de mon bikini sous le flot tiède.
Je lève le visage à la pomme, dénouant ma queue de cheval puis dégrafant mon haut. Je l'accroche au tuyau.
A nouveau j'écarte l'élastique du maillot. L'eau emplit la culotte, noyant la touffe et débordant de partout, poussant l'étoffe de part et d'autre de ma chatte. Le sable part et je le vois sur le carrelage ocre de la douche qui forme des ronds concentriques autour de la bonde.

Et chaque grain perdu est comme un soldat anonyme oublié. Waterloo ou Austerlitz, chance ou espoir déçu.
Qui sait...

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