Les Yeux Grand Ouverts
Quand je leur ai présenté Mathias, mes copines étaient pour le moins surprises, et jai bien vu, dès ce premier moment, et après, quelles me prenaient pour une folle. A leur décharge, je dois reconnaître que la situation nest pas banale !
A cause de mon changement ? Sans doute. Elles me connaissaient comme une fêtarde, une fille qui passait très vite du lit dun garçon à un autre, et pour la première fois elles me voyaient amoureuse !
A cause de Mathias ? Bien sûr. Jai dit surprises
mais cest au-delà de la simple surprise. Elles ne comprenaient pas. Elles ne disaient rien, nosaient pas, je crois, mais lincompréhension était évidente. Des regards, critiques
elles se disaient que je faisais une grosse bêtise.
Mathias
amoureuse ! Une certitude ! Une évidence pour moi. Pourtant jai failli tout gâcher le jour où je lai rencontré. Je me suis comportée comme
comme dhabitude, en fait, comme je me comportais avec tous les autres avant lui.
Provocatrice. Légère. Je ne suis pas comme on sattend à ce quune fille soit. Un mec qui drague, qui couche avec qui veut bien quand ça lui chante, tout le monde trouve ça normal, mais une fille, ça choque les bien-pensants ! Et moi, lopinion de ces gens-là, je men moque.
Jaurais pu le perdre en étant
moi-même ! telle que je suis.
Je vous raconte ? Vous avez le temps ?
Jai cru que cétait un imposteur !
Javais pris son bras tout naturellement. Parce que
parce que ça se fait ! Cest un geste normal, non ? Euh
ok ! Je lavais vu passer devant moi en sortant de dune boutique, et
beau mec ! Alors cest aussi pour ça, javoue !
Quand un mec me plaît, je me débrouille pour quil le sache !
Jallais lui parler, lui proposer mon aide, et il ma scotchée !
Bonjour, mademoiselle ! Puis-je vous aider à traverser ?
Cétait tellement
irréel que jai éclaté de rire. Le feu piéton venait de passer au vert, il a fait un pas en avant en mentraînant à sa suite :
Il assez rare que je puisse rendre service à une jolie blonde, vous savez ! cest un plaisir !
Jai ralenti le pas, et je mapprêtais à retirer la main que javais glissée sous son bras.
Il ma sentie ralentir et a ralenti aussi en resserrant son coude pour retenir ma main :
Allons, suivez-moi, il nest pas prudent de rester au milieu de la rue.
En me parlant, il avait glissé sa canne blanche sous son bras et de sa main libérée tapait doucement sur ma main quil retenait contre lui, comme on réconforte une gamine.
En arrivant en face, il a enjambé le trottoir dun pas sûr et sest arrêté en se tournant vers moi. Directement vers moi !
Un imposteur ! Jen étais sûre ! et je sentais la colère me gagner. Lui, il souriait.
Vous vous moquez de moi !
Pas du tout ! Vous êtes en colère ?
Vous avez remarqué ? Souvent les aveugles lèvent le menton, redresse la tête en face dun interlocuteur, et souvent aussi ils tournent légèrement le visage de côté. Pas lui. Lui se tenait
normalement, face à moi, comme sil me voyait parfaitement à travers ses lunettes noires.
Il avait raison : jétais en colère ! Et en même temps, un peu incertaine. Et puis
ben il était beau ! Grand, bronzé, et un sourire désarmant ! Une voix chaude, posée
Jétais à la fois en colère, un peu amusée de sa supercherie, et
il me plaisait bien !
Il a levé le doigt en lair en baissant la tête, comme sil me demandait le silence et minvitait à tendre loreille :
Derrière moi, une quinzaine de mètres, ce doit être une dame, la cinquantaine ?
Sans y faire attention, mais parce quelle était dans mon champ de vision, je venais effectivement de voir une dame sortir à linstant dune boutique quelques secondes plus tôt. Il lui tournait le dos, il navait pas pu la voir. Impossible ! Jai regardé autour de moi, cherchant une devanture, une paroi réfléchissante, où il aurait aperçu un reflet. Mais rien.
Il avait redressé la tête et son visage était tourné vers moi à nouveau, il souriait, avait lair très content de lui :
Comment vous faites ça ? Cest quoi, le truc ?
Jécoute.
Pardon ?
Ecoutez
Quoi ?
Le petit claquement, des ongles sur le ciment du trottoir, vous nentendez pas ? Ce doit être un tout petit chien, il marche vite. Et puis jai bluffé, mais sans trop de risque. Ce sont en général des dames dun certain âge qui ont des petits chiens en ville. Jaurais pu dire « la soixantaine », mais elle porte des talons qui claquent sur le trottoir, un pas un peu lourd malgré tout. Dites-moi
Plutôt la quarantaine, elle a des paquets dans les mains
Ah !
Pourquoi avez-vous dit « Mademoiselle », avant de traverser ?
Vous courriez en approchant, un pas léger
et puis quel que soit leur âge, les dames qui se proposent de maider aiment bien que je les appelle « Mademoiselle ».
Et « blonde » ?
Je nai pas dit « blonde »
il riait en faisant la moue
Jai dit « Jolie blonde » !
Encore une flatterie que vous réservez aux femmes qui veulent vous aider ?
Votre parfum. Il ma fait penser à une jolie blonde. Cest la première idée qui mest venue.
Jétais un peu troublée, pas complètement rassurée pour autant, mais il mamusait, et décidément, il était beau, sympathique, intrigant ! Un chouette sourire, bien quun peu narquois !
En arrivant au trottoir, vous lavez monté sans laide de votre canne.
Si vous habitiez le quartier comme moi, vous sauriez quon traverse la rue en 17 pas !
Jhabite ce quartier, mais je nai jamais compté mes pas !
Pour moi, cest une nécessité. Où habitez-vous ?
Deux rues plus loin, à droite
Rue Danton ! Je vous conduis ?
Il me tendait le bras ! Quel sourire il avait ! Jai pris son bras en riant. Il balayait la rue devant nous de sa canne au début, et puis la pliée et rangée dans la poche de son manteau en serrant plus fort ma main sous son bras.
Je me sentais
bien ! A cause de cette confiance quil me faisait ? Oui, et puis
Je vous le redis ? Oui, il était beau !
En arrivant devant la porte cochère de mon immeuble, je savais quil sappelait Mathias et avait 28 ans, quil était traducteur et travaillait pour le Parlement de Strasbourg, quil aimait Bach et Metallica.
Il savait que jétais étudiante en Droit, que javais des mèches auburn dans mes cheveux blonds, et que si je portais des talons hauts aujourdhui, cétait pour faire bonne figure dans le Cabinet où je souhaitais décrocher un stage.
Jen savais trop peu de lui, il en savait trop peu de moi. Il souriait en montant lescalier avec moi pour le thé vert que je lui avais promis.
Vieil immeuble, une cour
avec concierge
Comment savez-vous ça ?
Lair frais sur mon visage, lécho, lescalier en bois, lodeur de cire.
Vous devinez toujours autant de choses ?
Il suffit de faire attention.
Il sest mis à rire pendant quon montait jusquau 4ème étage.
Quoi, encore ?
Vous portez une robe, ou une jupe.
A cause de mes chaussures à talons ? je pourrais être en pantalon !
Non
en pantalon, vous nauriez pas mis de bas !
Vous bluffez !
Vous portez des bas, jen suis sûr, pas des collants, et avec de la dentelle en haut.
Cest pas vrai ! Vous inventez !
Ralentissez, montez plus lentement. Ecoutez
Et moi aussi jai entendu le léger crissement des dentelles qui saccrochaient quand mes cuisses frottaient lune contre lautre.
Pourquoi javais les joues aussi rouges ? Ce jour-là je portais des bas parce que je voulais être habillée un peu « classe » pour mon entretien, mais les autres fois où jen avais portés, cétait pour être sexy, pour un rendez-vous coquin. Et quil « écoute » mes cuisses frotter lune sur lautre me rendait toute chose !
Cétait bête, mais je me sentais
déshabillée ! Et ? Et ça me plaisait !
Je lai installé sur le canapé de mon studio avant de préparer le thé. On discutait
je ne sais plus de quoi, javais la tête ailleurs, jétais troublée, et lui se montrait à la fois charmant et charmeur.
Cétait inhabituel, bizarre ! Jai quelques arguments pour séduire les hommes, mais avec lui ? Il ne savait même pas à quoi je ressemblais ! Alors comment lui plaire ? Parce que je voulais lui plaire !
Il me racontait la dernière session du parlement, des moments amusants quand des députés européens échangeaient des propos aigres-doux, comment lui ou certains collègues essayaient, ou pas, de resti le ton des propos.
Sil vous plaît
il me cherchait de la main à côté de lui, sest excusé davoir posé la main sur mon genou
et sest mis à rire aussitôt :
Ce nétait pas volontaire, pardon, mais sachez que cest un truc connu chez nous, on se permet parfois davoir les mains baladeuses en sachant quon sera excusés. Vous voulez bien approcher ma main de la tasse ? Je préfère éviter une catastrophe !
Attendez
jai oublié, voulez-vous du sucre ?
Sil vous plaît.
En méloignant vers la cuisine, jai remarqué quil était attentif, restait figé un instant, et puis il tournait le visage droit sur moi, comme sil devinait où jétais dans la pièce, quand je contournais la table ronde pour aller dans la cuisine. Je métais pourtant déchaussée en entrant !
Au retour jai fait un détour jusquau couloir dentrée, pour voir
avec une ou deux secondes décart, à chaque fois il se tournait vers moi.
Il a deviné ce que je faisais et il sest mis à rire :
Vous jouez ?
Comment faites-vous ? Je ne fais pourtant aucun de bruit !
Il y un obstacle entre le canapé et la cuisine
Une table.
posée sur un tapis. Le bruit de vos pas est différent, assourdi. Vous avez enlevé vos chaussures, mais vos bas crissent sur le plancher. Quand vous êtes retournée vers lentrée je nentendais plus rien, mais une latte du plancher à craqué. Et
sous ses lunettes noires, ses sourcils se soulevaient. Il a pincé les lèvres, et puis ma demandé :
Dois-je me retourner ?
Pourquoi donc ?
Parce que vous êtes en train denlever vos bas
Ça aussi vous entendez ? Cest fou !
Fou, je ne sais pas, mais cest rare
Rare? Les autres
nont pas ce talent ?
Si, bien sûr !
Quest-ce qui est rare, alors ?
Ce qui est rare, cest quune jolie femme se déshabille devant moi dès notre première rencontre !
Et moi, comme une imbécile, je métais cachée derrière la table pour enlever les bas qui me trahissait, pour jouer à cache-cache ! Quelle idiote ! Lui se retenait de rire, et moi, je pestais. De ma bêtise, du rouge qui me montait aux joues ; vexée.
Je lui ai tiré la langue et
une impulsion, il ne pouvait pas savoir ! Une idée bête
jai bousculé une chaise du pied, pour masquer les sons quil percevait trop bien, et jai enlevé ma robe !
il nen saurait rien
Je me mordais les lèvres pour ne pas rire.
Jai sucré son thé, je lai remué pour lui avant de prendre sa main pour la guider vers lanse de la tasse, gardé sa main plus longtemps que nécessaire.
Il a de belles mains, des doigts longs et fins, soignés, des doigts nerveux.
Cest une sensation bizarre de pouvoir regarder quelquun à loisir, lobserver sans quil ne se rende compte de rien.
Et une sensation encore plus forte dêtre quasi nue sans quil ne puisse le savoir !
Il a deviné ? Il avait un petit sourire en coin, mais il nen disait rien.
Il sirotait son thé, de temps en temps reposait la tasse dans sa soucoupe, pile au milieu, dun geste sûr, précis, et moi je fantasmais sur ses mains ! Sur ses lèvres pleines si souvent étirées dun sourire, sur ses épaules larges sous le blazer bleu marine et son polo Lacoste quand il bougeait.
Il était habillé avec soin, de couleurs assorties
pas dalliance à son annulaire, mais quelquun ment devait soccuper de lui, au quotidien !
Je le connaissais à peine et bêtement je ressentais une pointe de jalousie envers celle, parce que ça ne faisait aucun doute pour moi quil sagissait dune femme, celle qui soccupait de lui ! Jai ri de ces pensées idiotes.
Et puis être quasiment nue si proche de lui
amusée ? Troublée
très troublée !
Vous riez ? Un autre jeu ?
Non, pardon ! Je vous trouve
très soigné ! Celle qui a choisi ce pantalon et ce polo a du goût !
Je transmettrai à ma tante. Elle fait beaucoup deffort pour que je sois présentable.
Vous êtes très
présentable.
Oh ! la petite voix enrouée que javais pour dire ça ! ment il sen était rendu compte
Il sest décalé vers moi :
Vous permettez ?
Il avançait la main vers mon visage. Jai pris sa main pour la poser sur ma joue
Et je lai laissé faire
tu trembles
Oh oui, je tremblais ! Du contact de sa main sur ma joue brûlante, du tutoiement, de son air concentré, de crainte, denvie
on ne se touche pas dhabitude, pas si vite, le contact cest déjà un début dintimité, cest une acceptation, alors oui, je tremblais ! Mais peut-être pour lui, me toucher navait-il pas la même signification.
Il prenait son temps, du bout de ses doigts sur mes joues, son pouce qui balayait mes lèvres puis mes yeux, ses mains sur mes cheveux
Si ses mains glissaient sur mes épaules, il saurait ! jespérais quil le fasse en même temps que ça me faisait peur !
Moi aussi jai levé les mains vers son visage, mes mains sur les branches de ses lunettes noires :
Je peux ?
Ah
Je les enlève rarement
mais je crois que je vous dois bien ça
Un court instant il a gardé les paupières ouvertes sur ses yeux blancs, à peine voilés dun iris très pâle, et il a fermé les yeux, ses mains immobiles sur mes joues.
Il marrive de porter des lentilles de couleur
leffet est moins
dérangeant.
Ça va
pas si dérangeant que ça
Cest lui qui avait lair emprunté, maintenant, comme si ces lunettes avaient été un rempart, comme si en lui enlevant ses lunettes je lavais fragilisé.
Javais eu limpression de le mettre à nu en lui ôtant les lunettes qui masquaient son infirmité
Il navait pas bougé, navait pas remis les lunettes quil gardait entre ses mains.
Jai ramené nos tasses à la cuisine, et comme avant, avec un temps de retard, il se tournait vers la position que joccupais. Me promener en soutien-gorge et petite culotte sans quil puisse le savoir me mettait dans un drôle détat
Il souriait, les paupières closes et la tête baissée, ne tournait plus le visage vers moi. Il a tendu la main pour minviter à le rejoindre sur le canapé.
viens
je ne connais pas ton environnement
si jessaie de te rejoindre, je vais me cogner partout
sil te plaît !
En approchant je me sentais toute timide. Jai tendu une main pour prendre la sienne et il sest levé. On était face-à-face entre le canapé et la table basse.
Je suis là.
Nue ?
Pourquoi cette question ?
Tu te tiens loin de moi, des pas hésitants, un peu nerveuse
et je nentends plus le frou-frou de ta robe quand tu te déplaces. Jaime assez lidée que tu te serais dévêtue pour moi ! Ne men veux pas de rêver un peu !
Je ne suis pas nue.
Jai lâché sa main, jai pris ses joues entre les miennes et je me suis dressée sur la pointe des pieds pour poser un baiser sur ses lèvres.
Il a refermé ses bras sur moi pour mattirer contre lui, ses grandes mains chaudes dans mon dos, son visage baissé vers moi jusquà poser son front contre le mien, ses lèvres sur mes yeux, sur mon nez, mes joues, son nez dans mes cheveux et son souffle à mon oreille.
Tu nas pas osé ?
Jai pensé que
tu saurais faire. Tu sauras ?
Mmmm
Il avait trouvé ma bouche, et lattache du soutien-gorge entre mes seins après avoir tâtonné dans mon dos, a abandonné le baiser à ma bouche pour se baisser, embrasser mes seins au passage et faire glisser sur mes hanches mon joli petit slip, mais ça il ne pouvait pas le voir, et embrasser mon ventre avant de se relever.
Il savait faire. Et moi je me laissais faire.
Inquiète ? Sur le moment ? Pas du tout ! Je ne pensais absolument pas à ce quil pouvait penser de moi à moffrir à lui comme ça, alors quon ne se connaissait que depuis
une heure ? A peine. Javais envie de lui. Envie de ses mains sur moi. Envie de ses baisers. Envie de faire lamour.
Après ? Après oui, jétais inquiète. Bien après. Le lendemain. La crainte de ce quil pensait de moi est venue après. La peur même
je voulais tellement lui plaire, le garder !
Provocatrice, fille facile, nymphomane, salope
tous les mots que je lui prêtais, parce que je me souvenais bien de ce que moi javais en tête la veille, des pensées
moches, ignobles, indignes
javais juste tout fait pour me faire un beau mec, parce que jen avais envie, pour jouer avec lui
Et un handicapé ! Javais honte davoir eu à lesprit un instant que pour lui loccasion était trop belle ! quil nallait pas séchapper ! Quelle prétentieuse débile davoir pensé ça !
Il riait en se redressant, il a dit un truc que jai pas compris sur le coup :
Je savais depuis un moment
Je lai emmené dans ma chambre en reculant, en tenant ses mains dans les miennes.
Son blazer, je lai presque arraché de ses épaules et de ses bras. Son polo, soulevé de sous la taille de son pantalon, je lai soulevé au-dessus de sa tête.
Il riait. Les yeux fermés.
Jai débouclé sa ceinture et baissé la fermeture éclair, me suis mise à genoux devant lui pour lui enlever ses mocassins et ses chaussettes, pour faire glisser son pantalon sous ses pieds. Vite. Précipitée. Sans le toucher. Et puis assise sur les talons je lai regardé.
Ses jambes musclées, fortes. Etonnée. Un aveugle fait du sport ? Mais comment ? Ses mollets poilus, ses cuisses contractées, son slip de nylon noir. Rassurée ? Jétais pas vraiment inquiète, mais tout de même ! voir son sexe déjà dur couché à lhorizontale sous la ceinture du slip quil tendait, oui, ça ma rassurée, lui aussi éprouvait du désir.
La mince ligne de poils qui montait en pointe vers le nombril, ses abdos dessinés, son visage figé
pouvoir le détailler à loisir, sans son regard, sans me cacher de fixer les yeux sur son corps, cétait
waouh ! Jai pris mon temps !
Il ne souriait plus. Je voyais sa glotte monter et descendre sur son cou. Lui, inquiet ? Mais de quoi aurait-il dû lêtre ? Il était
franchement, un beau mec !
Lui ne mavait pas touchée en me déshabillant, je ne lai pas touché non plus, pas comme jen avais envie, juste effleuré. Je le regardais, je le goûtais des yeux, en toute liberté. Et puis lenvie de lui
Du bout du doigt je tournais autour du nombril, descendait le long de la ligne de poils bruns et soyeux qui descendait en sélargissant, je marrêtaits à la limite de la ceinture du slip, que je suivais du bout du doigts vers la droite, où elle se soulevait de la tension de la verge dessous, dessinée sous le mince nylon, je riais du petit soubresaut à la chatouille de mon doigt, et en levant les yeux je voyais quil mordait son sourire, je voyais ses narines souvrir et battre au frottement de mon doigt tout léger, tout proche, que je retenais comme il avait retenu ses mains.
Il savait bien sûr que je le regardais, mais là où avec un autre amant je naurais pas osé le regarder ainsi, le fait quil ne sache pas vraiment, de ne pas croiser son regard, me laissait toute liberté, en voyeuse. Cétait une expérience nouvelle, une liberté nouvelle, de pouvoir garder le regard sur lui et de ladmirer à loisir agenouillée devant lui, tout en calmant dune main entre mes jambes la tension de mon sexe gonflé dexcitation. Ce geste-là, à un autre je laurais caché.
Javais les joues en feu à imaginer tous les possibles qui soffraient à être libérée dun regard.
Combien de temps je suis restée à ses pieds ? De longues minutes, le temps de voir son sexe se dégonfler de la tension que la situation et mes doigts légers avaient provoquée, le voir tout doucement rétrécir et se coucher vers la cuisse sous le nylon, ne laissant sous la ceinture quune petite trace humide pour témoigner de son passage.
En maidant de ses deux mains, je me suis relevée, attirant son visage vers moi pour un nouveau baiser, sans que nos corps ne se touchent.
Je tenais ses deux mains dans les miennes pour le faire pivoter, quil sente le matelas où sasseoir derrière ses jambes.
Avec le dernier qui avait partagé mon lit, je tirais les lourds rideaux avant de me déshabiller. Cet après-midi-là ma réserve habituelle navait pas lieu dêtre, au contraire, avec lui je me voulais nue au grand jour, pour moi, et je voulais le grand-jour pour moi profiter de lui comme jamais avec un autre.
Je me suis agenouillée devant lui et il a écarté ses genoux pour mattirer plus près.
Pas de baiser. Ses mains levées sur mes cheveux, leur caresse sur mes joues, mes lèvres, un petit baiser dabord et un de ses doigts mordus, il gardait les yeux fermés, craignant sans doute que ses yeux vides me gênent, il souriait, ses mains sur mes épaules ont cette fois glissé tout droit sur mes seins, ses doigts tendus dabord et les mains en coupe pour enfermer mes seins entiers de ses longs doigts.
Il suivait du doigt la peau grenue des aréoles autour des tétons, puis prenait mes seins à pleines mains pour apaiser mes plaintes soufflées et le tremblement de mes mains posées sur ses genoux quand je me tendais, crispée de tension parce quil jouait sur mes tétons dressés.
Il ma relevée de ses mains sur ma taille. Il embrassait mon ventre creusé en caressant mes cuisses et remontait ses mains sur mes fesses, plongeait son nez dans ma toison et embrassait mes lèvres gonflées.
Il ma allongée près de lui et a enlevé son slip, repoussant mes mains et étouffant sous ses lèvres mes protestations parce que jaurais voulu finir de le déshabiller moi-même et a roulé sur moi, mouvrant les cuisses de ses genoux.
Jattendais sa lenteur à me découvrir, ses caresses, il en a décidé autrement et passée une seconde de surprise, je savais quil avait raison, que cétait exactement ce que jattendais de tout mon corps qui sest tendu vers lui.
Sans hésitation, sans aucun tâtonnement, ses mains sous mes épaules et sa bouche au creux de mon cou, mes jambes levées autour de sa taille, son sexe a trouvé le chemin du creux de mon ventre où il sest planté dune seule poussée lente jusquà ce que nos ventres se collent lun à lautre. Il na interrompu sa poussée, et je ne laurais pas laissé faire autrement, lattirant en moi de toute la force de mes jambes, mes talons plaqués fort contre ses fesses, que lorsque son pubis sest collé au mien, son sexe tout au fond de mon ventre, presque douloureux.
Comment il a su que jétais prête, que les caresses étaient inutiles, que depuis bien longtemps, avant même quon ne vienne dans la chambre mon sexe était mouillé de mon désir de lui, mon envie de sa verge tout au fond de mon ventre ? Il la su, comme il sait toujours deviner ce dont jai envie avant même que je le lui dise.
Jai fini par lui demander comment il devinait si bien mon désir, et il souriait aussi grand que quand il mavait surprise de ce quil comprenait de tout ce quil entendait. Il souriait aussi grand mais un peu gêné en se touchant le nez « tu te trahis, ma chérie, comme le tout premier jour ».
Jétais fâchée, honteuse que mon odeur corporelle puisse être assez prononcée pour quil la perçoive, plus troublée et dérangée par son odorat que par son ouïe.
Pendant quelques temps après jabusais de parfum comme à un autre je me serais cachée sous des vêtements épais.
Il est resté immobile un long moment en noyant mon cou de baisers et de mots murmurés, son torse pesant sur mes seins, et ensemble nous avons commencé à bouger, de lentes bascules des reins accordées.
Jai su. Jai su ne pas avoir besoin dune main entre nous comme souvent je le faisais pour me caresser et arriver à lorgasme. Souvent il interrompait ses coups de reins en sortant presque de mon ventre, à chaque fois marrachant une plainte frustrée, et chaque fois mon ventre se crispait autour de lui pour le retenir.
Cest très rare, je pourrais compter sur les doigts dune seule main les fois où javais joui dune pénétration, sans que mon amant ou moi ne touche mon clito, et cest bien dommage, parce que ces orgasmes-là sont tellement plus profonds, plus accomplis. Lui ma offert ça, sans jouir lui-même.
Ni lun ni lautre, emporté par le désir, navions pensé un seul instant à un préservatif, et il sétait souvent interrompu, se retenant de jouir en moi pour me préserver.
Ce nest que bien après, après avoir repris mes esprits que je me suis inquiétée de lui et de son plaisir, que je lui ai dit que je prenais la pilule et quil pouvait se laisser aller. Bien après parce que ce premier orgasme égoïste m'avait étourdie, littéralement, et quil nen était pas resté là, me faisant jouir encore de ses caresses.
Lui, venait de se montrer à la fois lamant le plus attentionné et le plus adroit que jai jamais eu auparavant, des histoires brèves, dun soir ou de quelques jours, par ma faute ou la leur. Je sais aujourdhui quavant lui, javais baisé, ou je métais faite baiser, des plaisirs égoïstes bien peu partagés.
Avec lui jai pris mon temps comme avec aucun autre avant. Ce que javais détesté avec un, qui maintenait ma tête dun poing dans mes cheveux pour me retenir et jouir dans ma bouche, que javais refusé à dautres en me souvenant de cette expérience, je le lui ai offert, pour son plaisir à lui mais aussi pour le mien, parce quil ny avait aucune contrainte, au contraire, il avait tenté déchapper à ma bouche en sentant son plaisir venir. Je lavais deviné prêt à jouir et cest moi qui ai résisté quand il a voulu sécarter.
Et puis les heures ont passées, sans que mon désir de lui ne passe, et toujours lui aussi reprenait vigueur.
Je voulais le garder, il navait pas lintention de partir.
Ce premier après-midi et la nuit, le lendemain et une nuit encore.
Dans ma chambre et dans le salon, dans la cuisine et la salle de bains, nous ne nous sommes quasiment pas quittés. Je le guidais dans cet appartement quil ne connaissait pas, plein de pièges pour lui, on parlait de tout et de rien, ma vie détudiante et sa vie au bout dune canne blanche, moi les étudiants qui passaient une nuit ou deux dans mon lit, lui celles qui partageaient avec lui une heure ou deux.
Il avait dès le premier soir rassuré sa tante par téléphone sur son absence et était resté chez moi, sans quon imagine se séparer lun de lautre un instant, sans quon ne juge utile lun et lautre de nous rhabiller au sortir dune douche ou avant un repas. Je lui ai dit mon inquiétude, parce que je métais jetée à son cou, une fille facile. Il riait.
Un an. On est ensemble depuis un an et mes amies se sont un peu éloignées, dans mon dos jentends « il est sympa, plutôt beau gosse, daccord
mais vivre avec un handicapé ? ça durera pas
».
Jentends.
Jentends moins bien que Mathias, ; je sens, moins bien que lui mais je sens ; japprends.
Très souvent dans la rue à son bras je ferme les yeux et je me laisse guider, très souvent chez nous je reste les yeux grand ouverts pour le regarder. Chez nous très souvent je suis nue, pour quil me sente et me voit
me voit du bout de ses doigts, et jaime beaucoup comme il me regarde
Misa 11/2015
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