44.3 Thibault. Nico. Une Bière Et Autres Petits Bonheurs.
Dimanche 1er juillet 2001, apart des Minimes, 24 heures après la nuit commencée à quatre et terminée à deux dans le lit rue de la Colombette
La main puissante se pose sur le sexe bien tendu
il est tard et le sommeil tarde à venir pour le beau mécano
les doigts entreprennent des caresser lentes, régulières
tout garçon, hétéro ou homo quil soit, le sait bien, rien de mieux quune bonne branlette pour faire dodo vite et bien
Thibault ne déroge pas à la règle
et pendant que lexcitation monte, la fantaisie vague, le fantasme a bon train, les envies quon essaie dignorer deviennent visibles et des souvenirs anciens quon essaie doublier refont surface
au final, cest juste nos envies profonde, si refoulés soient-elle, qui viennent à nous lors dun petit plaisir solitaire
car cest non
non, on ne peut pas se mentir à soi même pendant une branlette
Souvenirs anciens
ses doigts qui se posent sur mon sexe
une main qui saisit ma queue et qui entame des mouvements lents de va et vient
cest comme ma main pendant la branlette, mais en mille fois mieux
ma première fois, le sexe partagé, après les « entraînements en solitaire » dans ma chambre dado
Sa langue qui me procure les plus délicieuses des sensations
cest lorsquelle glisse sur mon gland
(glisse
gland
remarquable assonance, voilà des mots qui vont très bien ensemble)
mouvement hésitant, qui devient de plus en plus net
ses lèvres qui la caressent mon sexe sur toute la longueur
sentir pendant un instant le bonheur dêtre dans sa bouche, cet endroit chaud et humide
sentir son envie, son hésitation, plaisir interdit, mais plaisir quand même, et quel plaisir
je sens le mien qui monte, prêt à exploser
Cest très court, très vite sa bouche délaisse ma queue, terrible frustration qui continue même lorsque sa main reprend aussitôt les va et viens
sentir venir la vague du plaisir, monter, monter, monter encore, atteindre le point de non retour
me sentir partir, happé par une puissance qui me submerge, qui me déborde, qui maspire
et
jouir
jouir très fort sous les caresses de sa main
oui, plaisir interdit, et terriblement excitant
Sentir mon jus retomber par à coups sur mon torse
la main qui sarrête
reprendre le souffle
avoir envie de lui rendre la pareille
ma main qui à son tour saisit son manche raide
sensation intense et terriblement excitante
le branler, lentendre respirer fort
bien le branler
se laisser guider par ses gémissement silencieux
voir tout son corps frissonner, se crisper
son plaisir qui monte, comme le mien, aussi puissant
je sais désormais ce que ça fait, grâce à lui, et je veux lui donner le même bonheur
dautant plus que cest sa première fois à lui aussi
ma main inexperte qui donne tout ce quelle peut
sa queue qui jouit rapidement
le voir venir, lentendre venir
sensation de bonheur dépassant lentendement
Souvenirs anciens, qui se mêlent à dautres bien plus récents
Le frisson du premier contact avec sa peau, avec ses épaules
inattendu, puissant
est-ce que Jéjé a ressenti la même chose ? Les têtes se tournent discrètement, presque au même instant ; les regards se cherchent, se croisent
les épaules nues se frôlent encore, encore et encore
les hanches se touchent, les cuisses se frottent, les genoux se caressent, les doigts seffleurent
Regarder Jéjé en train de prendre son pied tout en prenant le mien
excitant, terriblement excitant, et plus encore que je ne laurais imaginé
cest bien pour cela que jai accepté ce plan à quatre, le genre de plan sur lequel je nai jamais vraiment fantasmé, mais qui devient nécessaire car Jéjé est de la partie
oublier la nana que je suis en train de baiser, navoir envie que de le mater, lui, mon pote.
Le silence après lorgasme est lourd, gênant
le torse dessiné de Jéjé ondulant au rythme dune respiration encore haletante, son front dégoulinant de sueur
quest ce quil est sexe ce mec
cest terriblement beau et excitant de voir un garçon à poil en train de prendre son pied
et cest sacrement craquant quun beau garçon qui vient de jouir
surtout lorsquil sagit de mon Jéjé
Le joint en terrasse arrive à nous donner un semblant de contenance
le malaise devant sa demande sans appel de prendre les nanas par derrière
cest à cause de sa façon de balancer ses mots, avec son assurance culottée de ptit coq
le malaise de faire ça « avec » lui
devant lui
ce truc que je nai encore jamais fait de ma vie
son sourire sexy et coquin lorsque les nanas cèdent
Cest trop bandant regarder la blonde qui suce Jéjé en terrasse dans la pénombre
le voir simpatienter et son envie de jouir encore
et lentendre balancer : « Maintenant on baise ! »
croiser son regard
son sourire en guise dencouragement
et ses mots : « Tu vas voir comment cest bon
»
La sodomie, un truc que jai accepté dessayer pour lui faire plaisir
un truc que je finis par aimer très vite
pour le plaisir physique déjà
cest si serré un petit trou, ça fait des sensations si différentes par rapport à une chatte
ensuite, pour son coté « interdit »
et surtout, surtout, surtout
car cette pratique évoque pour moi des fantasmes refoulés depuis si longtemps
et puis, à bien regarder, laspect le plus excitant de cette position, c'est le fait de nous permettre, maintenant que les nanas ne peuvent plus nous voir, de nous sentir plus libres dans les regards, dans le contact de nos corps
les épaules se frôlent avec plus de facilité, les hanches se frottent avec plus dintensité, les cuisses se caressent, les genoux sappuient lun contre lautre, les doigts se rencontrent
des contacts qui ce coup-ci nont plus rien daccidentel, comme des envies silencieuses se dévoilant avec de moins en moins de retenue
Le plaisir monte, la jouissance approche
le corps et l'esprit secoués par ce plaisir inédit et intense, jen frissonne, jen tremble presque
lorsque Jéjé me regarde (et il ne sen prive pas), je trouve ça incroyablement excitant
Je me sens violemment attiré par lui
jai envie de le serrer dans mes bras, de le caresser, envie de sentir mon torse contre le sien, les tétons se frôler, les bassins se rencontrer, les queues se mélanger, envie de me perdre dans cette intimité de mecs
Repenser à un dimanche après un match, à cet « accident » troublant
lattention toute consacrée à la déconnade, Jéjé ôte la serviette autour de sa taille avant de commencer à shabiller
sans vraiment y prêter attention, à un moment je pivote pour attr mes affaires
au même moment, tout en discutant avec un autre coéquipier, Jéjé se déplace sans prêter attention
et là, ma main effleure accidentellement le bout de sa queue
très gêné, je mexcuse discrètement, tout en laissant traîner un long regard
et son regard à lui, mi surpris, mi
je nen sais rien
il me lance un petit sourire, beau au possible
Cest trop bon de le mater en train de prendre son pied
je sens lorgasme approcher
et cest là qui arrive ce truc incroyable, ce geste inattendu
le bras de Jérém se lève, sa main se pose sur mon cou à la base de ma nuque, ses doigts senfoncent dans mes cheveux comme une caresse douce, sensuelle et excitante a la fois ; ah, si cest bon cette caresse
sa main chaude à la base de ma nuque, cest bon, incroyablement bon
son regard terriblement sensuel, un regard de mâle en rut
altération de conscience dans lattente du plaisir
Jai limpression de sentir en moi sa propre excitation, son propre plaisir
jai limpression que nos désirs se rencontrent, se reconnaissent, limpression que nos corps et nos plaisirs se mélangent
je ferme les yeux et pendant un instant
ce nest plus une nana que je suis en train de limer
putain quest ce que jai envie de jouir
jai envie de jouir avec lui
jai envie de
jai envie de l
jai envie de jouir
en l
folie pure dans lattente du plaisir
Vendredi 6 juillet 2001, fin daprès midi
« Salut toi
» me lance le beau mécano sur un ton presque enjoué, lorsquil met le pied sur le trottoir.
« Salut » je lui réponds pendant quil me serre la main avec sa prise puissante de mec
et lorsquil balance un nouveau sourire qui donne tout leur éclat à ses yeux vert marron magnifiques, je suis conquis et je sais déjà que jai perdu tous mes moyens
je ne saurais pas lui reprocher quoi que ce soit
je suis vraiment trop sensible au charme masculin
et là cest bien ainsi, car je nai pas à lui reprocher quoi que ce soit
jai surtout besoin de lapprivoiser et den faire un pote, et un allié
« Alors, tas fini ta journée ? » jarrive à enchaîner, malgré londe de choc provoquée par son sourire ravageur, doux et charmant à la fois, et par sa poignée de main
un contact visuel et un autre physique, lun comme lautre, ferme, marquant.
« Ma journée et ma semaine
» il relance « jadore ce taf mais quand le week-end arrive, je suis HS
».
« Cest dur comme taf
» je commente.
« Ca va, mais ce nest pas de tout repos non plus
» il répond.
« Cest le taf que tas toujours voulu faire ? » jenquête, menfonçant dans une question qui baigne dans lévidence. On le voit bien quil est tombé dans le chaudron du cambouis magique lorsquil était petit, et quil est comme un poisson dans leau
on voit quil adore ça
un vrai taf de petit mec
je le regarde et soudainement une image saffiche dans ma tête, une image « imaginaire » mais que je sens assez plausible
le petit Thibault, pas plus grand que la hauteur de deux pommes, qui joue aux legos et au mécano sous les yeux enchantés et fiers de son papa qui est en train de penser « il sera mécano plus tard »
« Un jour jaimerais ouvrir ma propre boite
» je lentends dire pendant que limage de Thibault imaginée et celle du Thibault jeune étalon que jai sous les yeux se mélangent dans mon esprit, rendant le « personnage » dautant plus craquant à mes yeux
Je souris. Ça cest vraiment un bon gars. Bosseur, passionné.
« Tu veux boire un truc ? » il me balance de but en blanc.
Ah, il fallait sy attendre à celle là
je réalise que franchement je nai pas envie de retraverser la moitié de la ville pour aller me planter en terrasse rue de Metz et me retrouver en présence de Jérém qui va certainement me regarder de travers
et puis, je nai franchement pas envie de me retrouver à discuter avec les deux mecs qui se sont tapés un plan à quatre pendant que je cuisais dans mon humiliation
un à la fois ça va, mais pas deux, et surtout pas le « cerveau » de ce plan que je nai toujours pas vraiment « digéré »
pas encore
« Eh bien
» je mavance, sans trop savoir comment présenter la chose «
c'est-à-dire que je nai pas trop le temps daller jusquà
».
« On na pas besoin daller rue de Metz
» il me coupe, lisant littéralement dans mes pensées « il y a des bars sympa par ici
».
Je crois que Thibault a compris que je nai pas envie de voir Jérém, et je crois quil a même compris pourquoi. En tout cas, cest mignon de sa part de tenir compte de mon ressenti.
« Alors je te suis
» je lui réponds, rassuré et un peu plus à laise.
Nous marchons quelques minutes jusqu'à que ce charmant Thibault sarrête devant la petite terrasse dun bistrot avec des parasols pour donner de lombre.
« Cest ici
» mannonce-t-il « ça ira ? »
« Parfait ! » je lui réponds.
Nous nous installons à une table et nous commandons. Nos bières arrivent rapidement. Oui, jai commandé une blanche. On ne peut pas discuter d« affaires importantes » en tournant au Coca. Ca ne fait pas sérieux
« Alors, ce bac
mention ou pas mention ? » me branche-t-il, dès que le serveur séloigne.
« Mention très bien
» je lui réponds, un peu gêné de passer une fois de plus pour le bon élève coincé de service.
« Félicitations
Jérém me lavait dit que tétais une tronche
».
Allez, ma réputation nest plus à faire. Eux les mecs
moi la tronche
nos planètes nous séparent
« Tu lui a parlé cette semaine ? » je me renseigne.
« Oui, lundi en début daprès midi. Il était plutôt content de lavoir eu
je crois quil ny croyait pas vraiment
»
Ainsi il a été lui aussi à laffichage
évidemment
tout simplement il y a été un peu plus tard que moi...
« Je le crois aussi
» je commente « en tout cas, je suis content quil lait eu
»
« Cest un peu grâce à toi
» il me lance.
Oui, Thibault, cest grâce à moi quil est arrivé au bac les burnes bien vides, prêt pour se concentrer
car cest à ça qui servaient nos révisions
Pendant quil parle, assis pile en face de lui, à un mètre à peine de son visage, jai loccasion de mater sans ménagement ses beaux yeux verts marrons à la lumière du jour
et ils sont encore plus beaux que dans mon souvenir
des yeux magnifiques doù se dégage un regard à la fois puissant, un vrai regard de mec mais doux, gentil
« Oui, un tout petit peu grâce à moi
» je finis par lui répondre.
Je bois une gorgée de bière pour essayer de trouver le bout par lequel commencer, mais rien ne me vient
jai envie de lui poser mille questions
tu tes bien amusé avec ton pote, espèce de saligot ? Cétait comment ? Vous avez fait quoi ? Vous avez joui comment ? Combien de fois ? Tas bien pris ton pied ? Il a bien pris le sien ?
Oui, jai envie de lui poser mille questions, mais son regard vert et transparent, la douceur de sa voix, mempêchent de franchir le pas
et puis je me dis quau fond, de lui poser toutes ces questions, en admettant quil veuille bien y répondre, ça ne servirait à rien à part me faire du mal
alors à quoi bon ?
Le silence commence à sinstaller entre nous, gênant. Je ne sais plus bien pourquoi jai voulu le voir. Je ne sais pas exactement ce que jattends de lui. Peut-être quil me dise que Jérém est secrètement amoureux de moi et quil me donne la recette pour accéder à son cur
et quoi encore
le tiercé gagnant pour la prochaine course à lhippodrome de la Cépière ? Je suis con, je naurais pas du aller brancher Thibault, ça ne sert à rien
Vite finir ma bière et trouver une excuse pour me sortir de ce pétrin.
Cest lui qui brise le silence. En mettant carrément les pieds dans le plat.
« Ca a été ta soirée au KL?... je ne tai plus revu après quon sest parlé, tu es parti de bonne heure, non ? ».
Bah, oui, cétait une très bonne soirée, une magnifique, somptueuse soirée de merde
le genre de soirée que jaffectionne tout particulièrement au point de la vivre jusquau bout, dans mon coin
et non, je nétais pas encore parti quand vous êtes tirés pour aller tirer les deux pouffes, jai bien assisté à toute la scène, tapi dans lombre, si tel est le sens de ta question, mon grand
« Ouais, ça a été » je lui réponds en prenant sur moi, mais laissant traîner quand même une petite accroche pour une mise au point qui me taraude « je suis parti après vous
»
Est-ce que je me trompe ou cest bien un petit malaise que je décèle dans son regard à ce moment là ? Je profite du blanc que mon propos a causé (non ce nest pas un ange qui passe, mais bien un petit malaise) et je ne peux mempêcher de céder à la tentation de mettre les pieds dans le plat à mon tour :
« Vous êtes partis accompagnés
» je laisse échapper en regrettant mes mots au moment où ils sortent de mes lèvres
Putain, Nico, tu ne pourrais pas te taire ? Désolé, Nico, ça a été plus fort que moi, fallait que ça sorte
ça montait tellement en moi, la tension était tellement insupportable cétait comme un orgasme émotionnel, il fallait que ça explose pour me calmer
il fallait quil sache, il fallait que je lui dise
Il me regarde dans les yeux, lair un peu surpris. Le blanc qui suit mes mots commence à être long. Je commence à avoir du mal à soutenir son regard
et puis il sourit
ah putain
le sourire
quest-ce quil est beau ce mec quand il sourit
ça alors, ce genre de mec est comme une bombe à retardement
mal maîtrisé, ou maîtrisé à des fins malhonnêtes, ce genre de sourire peut faire des dégâts dune ampleur imprévisible
sans compter laspect « fonte de la banquise », dans lintérêt de lordre public, ça devrait être interdit des sourires pareil
tu ne peux pas ténerver après eux, ce nest pas possible
plus fort que limmunité diplomatique, cest limmunité du bogoss impuni
car leur sourire leur donne accès à tout, à tout
« Oui
» il finit par répondre sobrement.
Ah, putain, il passe aux aveux. Il se met à table. Je vais le cuisiner. Jai à nouveau envie de lui poser mille questions
alors, cétait comment, espèce de petit voyou ? Vous avez baisé comme des lapins toute la nuit ? Jérém était comment ? Il a fait son macho excessivement viril, insolemment sexy? Tu las bien maté en train de prendre son pied ? Tas aimé, hein ? Il a bien pris son pied avec ces deux pouffes ? Autant quavec moi ?
Je sens une légère, grandissante, intense contrariété, doublée dune certaine colère, ou plutôt dune colère certaine, avancer à grand pas dans mon esprit et me mettre en pétard
jai envie de lui rentrer dedans (au sens figuré, certes
car au sens propre, faut bien avouer que cest plutôt linverse qui me fait envie) et de lui demander pourquoi
pourquoi il ma fait ça, alors quon commence à être potes
ce sont les mots de ma cousine retentissant dans mes oreilles qui mempêchent daller plus loin dans mon questionnement
Mieux que ça, ils ont le pouvoir de faire retomber ma colère de plusieurs crans
je repense notamment aux arguments avec lesquels elle a tenté dapaiser ma colère, ma tristesse et mon désarroi pendant le retour du KL, en mexpliquant que malgré ce qui venait de se passer
« Ca nempêche pas que Thibault soit un très bon gars
et je pense vraiment quil a envie de devenir ton pote
et à ta place, moi jaccepterais son amitié sans réserves
»
Car
«
si tu veux avoir une chance de garder un peu plus longtemps ton con de brun, tas tout intérêt à saisir la main que Thibault est en train de te tendre
Thibault est peut-être la personne qui connaît le mieux Jérém au monde, et apparemment il ne se fait pas prier pour te faire profiter de son savoir
là tu tiens un allié de taille pour mieux cerner ton serveur
de plus, je suis sure quil sait tout de vous deux et que tu peux dès maintenant lui parler franco
à contrario, si tu te fâches avec lui à cause de ce genre de conneries, je suis sur que tu vas passer à coté de quelque chose et tu vas le regretter
Alors je ne vais pas sévir devant son « aveu » car, péché avoué, à moitié pardonné
et lautre moitié du pardon tenant à son sourire
alors je continue, pudiquement
« Je vous ai vus partir
».
« Ah
» il sétonne.
Je ne trouve plus rien à dire. Soudainement je me sens triste. Jai beau essayer de prendre du recul par rapport à tout ça, le fait den parler me remue les tripes. Thibault sen rend compte.
« Cétait pas prévu, tu sais
».
« Tas pas à te justifier
» jessaie de me dédouaner.
« Je vois bien que ça te pose problème
».
« Et pourquoi ça me poserait problème ? ».
« Nico
»
« Quoi Nico? » je commence à méchauffer
« Je vois bien que ce qui sest passé samedi soir
ça tembête
».
« Mais pas du tout
» je mens.
Il sourit. Il se moque de moi. Il est beau à craquer. Il est charmant à ne pas pouvoir lexprimer. Et en plus il touche juste. Il ménerve. Je vais le .
« Nico
Jérém est mon ami
».
« Oui, et alors ? » je tente lesquive car jentrevois très bien où cette conversation va nous mener
« Je le connais un peu
» minforme-t-il.
« Oui
» je réponds à mi voix, en redoutant un brin ce qui va suivre. Je ne me trompe pas
« Alors je sais depuis longtemps que toi
et lui
».
Je me tais, je suis officiellement démasqué. Je ne sais pas comment réagir. Je garde les yeux rivés sur mon verre autour duquel mes doigts senroulent nerveusement.
Soudainement je me rends compte que je viens de faire mon premier coming out
certes Elodie est au courant depuis un certain temps
mais Elodie ne compte pas, elle est hors compétition, on pourrait tenter de lui cacher un truc sur Mars quelle le capterait
alors, oui, en ce jour de juillet 2001, je viens de faire mon premier coming out
et rien de moins quauprès du meilleur pote de Jérém
Cest un coming out "en douceur", comme une évidence, puisque c'est Thibault lui-même qui ma amené à me livrer. Il a juste su me mettre en confiance. Bien sur, il le savait déjà, ça n'a été qu'une simple "évidence" de le dire ce jour-la, à ce moment-la
cest comme si ça devait être dit tout simplement, comme si le bon moment était venu.
Je savais que ce moment arriverait un jour, mais maintenant que cest fait, jai limpression que cela marque un tournant dans ma vie
le signe que quelque chose s'est terminé, comme si une page d'un livre collée aux autres venait de se tourner, qu'une étape est franchie et que désormais rien ne sera plus comme avant.
C'est un sentiment étrange: un soulagement d'abord, un sentiment suivi de très près dun autre, bizarre, une sorte de nostalgie pour ma vie "secrète" d'avant, quand personne ne savait. Cette vie secrète qui me rendait malheureux du fait de ne pouvoir me confier à personne, de vivre dans une sorte de solitude permanente, cette vie qui était aussi mon jardin secret, une partie de moi à laquelle je métais habitué tant bien que mal et à laquelle je tenais au fond
Jai rêvé de ne plus devoir me cacher, de pouvoir être moi-même, de me moquer du regard des autres
et voilà que quand le moment tant attendu de me dévoiler arrive, je me surprends à éprouver cette sensation bizarre, une sensation qui me ferait presque regretter « mon monde davant », fait de cachotteries envers la terre entière... cest comme si ce « truc », ce quelque chose de si différent en moi, ce truc qui était la partie la plus sombre de moi, la partie que je me suis employé pendant tout ce temps à cacher de toutes mes forces
oui, cest comme si ce truc, une fois sorti de lombre et porté en pleine lumière, perdait toute sa gravité et ressemblait à quelque chose de tellement commun et banal
est-ce donc si terrible dêtre pd ? Cela valait-il dont tous les efforts produits et la solitude intérieure endurés pendant tout ce temps ?
A ce moment, je me dis que jai franchi un cap et que je ne pourrais plus faire marche arrière, et que mon histoire avec Jérémie aussi va prendre une direction en quelque sorte inéluctable. Thibault est désormais dans la confidence et ça va forcement changer beaucoup de choses
Je ressens un mélange de gêne et de soulagement
peu à peu ce dernier prend le dessus, jai limpression que dans ma vie quelque chose arrive enfin a son terme, a sa conclusion logique
« Nico
» jentends dire le beau Thibault pendant que je suis saisi par lagréable et touchante surprise de sentir la chaleur du contact de sa main sur la mienne, contact qui moblige à lever le regard et à rencontrer le sien ; et il continue : « tas pas à être gêné
avec moi
».
Oui, je suis démasqué. Quelque part javais désirée cette conversation
je lavais crainte
mais maintenant que cest parti, je me sens soulagé. Lespace dune seconde, jai basculé dans une nouvelle dimension où Thibault est devenu un confident, un ami. A qui jai envie de me livrer.
« Cest pas facile, tu sais
» je finis par lâcher, comme sortant dune apnée émotionnelle qui avait trop duré.
« Je sais que cest pas facile, ni pour toi, ni pour lui
» il tente de me rassurer.
Ah, Thibault a lair de savoir des choses
je memballe très vite
« Il ta parlé, il ta dit quoi ? » je menquête, curieux et impatient.
« Il ne ma rien dit
mais je sais pour vous
» precise-t-il
« Comment tu sais ? » je demande, intrigué mais mattendant quelque part à la réponse qui allait suivre.
Il me regarde droit dans les yeux et
putain
il a vraiment des yeux à se perdre dedans
alors je my perds et à force de les regarder, un petit détail finit par frapper ma conscience
je lai déjà remarqué en dautres circonstances, mais lorsquil sourit, on dirait que les paupières inférieures dessinent de charmants petits bourrelets tous mignons sous les yeux
cest un truc gracieux que lon voit le plus souvent chez les s ou les ados, lorsquils sourient
ce petit détail donne quelque chose din à son visage par ailleurs bien viril, avec une mâchoire carré et un duvet de barbe bien sombre, malgré quil soit en permanence rasé de près
et il est à craquer !!!
« Je lai su la première fois que je tai croisé sur son palier un soir que tu venais réviser chez lui
je me souviens davoir eu limpression quil était très impatient que tu arrives, que ça lui tardait que je parte
et quand je tai vu arriver comme une furie, je me suis dit que tout cet entrain ne pouvait pas être que pour des révisions
par la suite, sans que Jéjé me parle vraiment de toi, à part du fait que vous révisiez ensemble, jai quand même eu limpression assez nette que ta présence dans sa vie lui apportait quelque chose de positif
cétait bien la première fois que je voyais Jéjé prendre des études au sérieux
».
Pendant quil parle et que je bois ses mots, des mots que je reçois comme une caresse sur mon esprit ému, je réalise un truc que javais déjà remarqué par moments mais que à cette occasion, dans cette conversation loin du bruit de la boite de nuit, jarrive à capter plus régulièrement
le beau mécano a un tout léger défaut de diction : cest léger mais on lentend quand même, comme si sa langue se posait tout le temps trop au fond du palais
ça se rapproche de lexpression « avoir un cheveux sur la langue » mais cest très très léger et, une fois de plus, très mignon
je me fais la réflexion que les petits défauts de ce genre ont le pouvoir de rendre ce style de mec encore plus craquant
dautant plus que, à coté de ça, sa voix est puissante, son débit de parole est celui dun petit mec affirmé mais tout en retenue, le tout saupoudré dune gentillesse de chaque instant
alors voilà, ce petit défaut lui donne un coté mignon, touchant et fragile en contraste avec sa virilité de jeune mâle
et ça, ça fait définitivement un mélange explosif
« Ensuite
» il continue «
jai commencé à te voir apparaître en boite lors de nos sorties
je tai vu parfois partir seul avec lui
je me souviens tout particulièrement du soir sur le parking de lEsmé
je ne savais pas ce qui sétait passé ce soir là dans les chiottes, pourquoi il sétait battu, mais le fait quil ne veuille pas men parler ma fait me poser plein de questions
».
Jai limpression que sa dernière phrase est autant une affirmation quun questionnement à mon adresse. Allez, le mec est en train de jouer cartes sur table, je lui dois bien ça
« Ce soir là
» je le coupe avec un petit sourire «
il est arrivé au bon moment
il y avait un mec bourré qui me cherchait des noises
il était plein comme une barrique et il voulait une gâterie
moi je ne voulais pas et si Jérém ne lavait pas remis à sa place, il maurait cogné
il a été génial
fallait voir comment il la envoyé valser ce gros nul
il na même pas eu de mal
le sang sur son t-shirt venait du rapprochement entre le nez du mec et dune porte de chiottes
».
« Daccord
» fait Thibault en affichant un air satisfait de connaître enfin la réponse à ses questions sur ce sujet.
« Après
» continue le beau mécano «
jai eu loccasion de te côtoyer un peu
et jai senti à quel point Jéjé compte pour toi
jai vu comment tas couru le voir à son job juste après quon sest croisés la semaine dernière
je tai vu essayer de te cacher dans labribus pour le mater de loin
jai trouvé ça super mignon
et jai vu aussi Jérém heureux de te voir débarquer lors de son premier jour de travail
tout comme ça lui a fait plaisir quand samedi soir je lui ai annoncé sur la route du KL que très probablement tu allais être là
car je savais que tu allais y être
».
Ah, ce charmant Thibault
je réalise à ce moment ce quil a du ressentir le soir sur le parking de lEsmé, lorsquil nous a regardé partir tous les deux
et, qui plus est, même pas pour un plan à quatre
ce soir là Thibault savait pertinemment que son pote et moi nous allions coucher ensemble
et je mimagine bien ce quil a du ressentir, surtout si lenvie de partager une petite galipette avec son pote lui chatouillait lesprit
je me rends compte que je nai pas de raison de lui en vouloir pour samedi dernier, car il na fait que côtoyer Jérém pendant une bonne baise
du moins cest ce que jespère
en tout cas ce garçon me touche
profondément
Dautant plus que ce jeune mec possède une qualité très rare à son âge, la capacité dêtre en permanence à lécoute des autres
son regard est sensible, pénétrant
jai limpression que rien de ce qui se passe autour de lui ne lui échappe, son esprit est fin, perspicace
oui, ce mec voit tout, et cest pour en faire le meilleur usage
tout dans son attitude est bienveillance, le mec semble naturellement attentif et attentionné vis-à-vis de son prochain, quel quil soit ce prochain
que ce soit Jérém (il est comme un frère avec lui), un pote (je lai vu avec des potes en soirée) ; que ce soit une connaissance comme je le suis, ou que ce soit un inconnu, jimagine
, ce mec est toujours gentil, aimable, avenant, avisé, réfléchi, serviable
il sais observer, sintéresser et sadapter à chacun, il sait mettre à laise
il a toujours dans son escarcelle le sujet de conversation qui va bien
et un gars comme ça, ça vaut plus que son pesant dor
En attendant, me voilà démasqué. Que faire maintenant ? Continuer à cartes sur table ou respecter le fait que son meilleur pote nait pas voulu lui parler de notre relation ? Je nen sais rien
je meurs denvie de me confier à lui
et puis de toute façon il sait déjà presque tout, alors je craque :
« On ne peut rien te cacher à toi
» je finis par lâcher avec un petit sourire un peu intimidé en pièce jointe.
Il sourit, lair amusé de mentendre mettre cela sur le ton de la rigolade
cest un sourire qui a quelque chose de léger et in, un sourire quil laisse gentiment rouler au fond de sa gorge, un sourire qui devient alors une pure caresse pour les oreilles et pour lesprit
jai déjà dit que ce mec a quelque chose de profondément touchant ?
« Depuis que vous
» il cherche ses mots, avec un léger malaise.
« Depuis quon révise
» je laide.
« Oui » il percute et enchaîne instantanément sur ma petite formule politiquement correcte « depuis vos révisions Jérém a changé
même sil ne men a pas parlé, jai bien vu quil y avait du nouveau dans sa vie
je trouve que depuis quelques mois il a lair mieux dans ses baskets
disons que sa vie est
comment dire
un peu plus rangée
du moins autant que ça peu lêtre pour un mec dans son genre
jaime autant le voir rentrer avec toi que le voir picoler toute la nuit
à coté de ça, je vois bien quil a du mal à composer avec ce qui lui arrive
je crois que ce qui se passe entre vous, il ne la pas vu venir
ça lui est tombé sur la tête et il en est encore un peu assommé
le fait quil nait jamais eu envie de men parler, alors quil ma toujours tout dit, me laisse penser quil doit vraiment avoir du mal avec tout ça
».
Je ne me lasse pas dentendre le son de sa voix et de recevoir la tendresse de ses mots. Ah que ça me fait plaisir dentendre à travers la bonne parole de Thibault, que jai apporté quelque chose dans la vie de Jérém, même si ce dernier narrive ni à le formuler ni à lassumer.
Ah, ce petit, charmant Thibault
un petit mec de tout juste 19 ans, pourtant il émane de sa personne un charisme et une autorité qui s'expriment dans le moindre de ses gestes
alors, jai vraiment envie de croire à ses mots
« Je voudrais vraiment pouvoir penser que je représente quelque chose pour lui
» je finis par lâcher.
« Il taime bien, Nico, je pense juste quil a du mal à ladmettre
».
« Jen sais rien
moi, tout ce que je vois, cest quil mappelle quand ça larrange et quil me jette quand ça lui chante
»
« Tu ressens quoi pour lui ? » me demande-t-il à brûle pourpoint sans apparemment prêter attention à mes mots.
Aaaahhh
voilà la question qui tue, simple, claire, sans détours, directe à lessentiel, du pur Thibault
comment répliquer à cette question
? Y répondre, équivaut à aller chercher et à raviver un ressenti que je tente denfouir depuis une semaine
répondre à cette question va mobliger à replonger dans « Le monde de Jérémie » à clore définitivement « La parenthèse inattendue avec Stéphane »
un bien, un mal, je ne sais pas
Tout ce que je sais cest que, maintenant que jai mis le doigt dans lengrenage, je vais être aspiré. Je vais devoir affronter mes démons, mon magnifique démon Jérémie
jai beau essayer de ne pas penser à mon beau brun, tant que je serai sur Toulouse, tant quil sera sur Toulouse, et maintenant que Stéphane sera loin, la proximité physique entre nos deux corps fera que je ne pourrais pas passer à autre chose
tiens, rien que cette ruse ridicule de passer et repasser en bus devant son taf juste pour le mater
si cest pas con ça, ça donne quand même lampleur de ma maladie
Et encore, comment répondre à la question posée par Thibault, comment négocier pour sauver la chèvre et le chou, quand je repense aux mots dElodie
«
il y a juste un truc qui pourrait clocher
Thibault va être ton allié, à moins quil en pince lui aussi pour son pote
».
Allez, Nico, balaie tout ça de ta tête et essaie davancer
répond à sa question, et sois franc avec ce mec
sois franc avec toi-même
« Je ne sais pas par où commencer
» je concède.
« Tu es amoureux de lui ? »
Droit au but, juste, sans fioritures, comme une action de rugby. Le mec veut transformer lessai. Oui, du pur Thibault. Encore. Jadore. Je respire profondément
jai du mal à me laisser aller
« Je ne sais pas si je peux parler de ça avec toi
je pense que si Jérém ne ten a pas parlé, cest quil nest pas prêt
tu es son meilleur ami, il tadore
mais
».
« Je te demande juste ce que tu ressens
toi
pour lui
» il tranche net, le ton ferme, calme, rassurant, sa main se resserrant un peu plus fermement sur la mienne.
Présenté comme ça, ça me parait déjà mieux
je sens que la tempête dans ma tête se calme un peu, que mes pensées se posent, arrêtent de sentre choquer
oui, ma langue est prête à se délier
et au fond, elle nattend que ça
« Je
» je nirai pas plus loin, car son portable sonne. Le contact de sa main avec la mienne est rompu, et jai limpression que la magie est partie. Le contact de ses mains puissantes me manque déjà
surprenante sensation qui nest pas sans men rappeler une semblable sous certains aspects, la sensation dabandon qui me saisit lorsque Jérém se dégage de mon intimité après avoir joui en moi
« Excuse-moi, je dois répondre, cest important
» me lance-t-il tout en décrochant.
« Allo
». Affirmé mais cordial. Je pense quun de ces jours je vais lappeler juste pour le plaisir dentendre cet « Allo ! ». Hélas, lorsque je lappellerai quelques semaines plus tard, ce ne sera pas pour de pareils bêtises, mais pour un sujet bien plus grave.
Il parle avec un pote, ils parlent rugby, de la finale du tournoi, contre Blagnac, prévue pour le dimanche daprès. Il sourit, il blague, son visage sillumine sous leffet du bien être inconscient mais bien réel que lui apporte cette entente entre potes, cette complicité qui ressort même dune conversation au tel dont je nentends que la moitié des répliques
je vois, jentends, je ressens deux potes qui se captent au quart de tour
et je trouve ça beau
Pendant quil est au téléphone, je profite pour encore mieux le détailler
décidemment sous son marcel gris qui a du connaître pas mal de passages à la machine, son torse massif ressort vraiment dune façon plutôt spectaculaire
sans parler de ces quelques poils qui pointent au dessus de larrondi assez profond du marcel
et quest-ce que cest beau aussi ces épaules découvertes se prolongeant dans des biceps à la musculature saillante, ces derniers supportant des bras puissants, aux veines apparentes, des avant bras à la peau finement poilue
et lorsque mon regard glisse jusquà sa main posée sur la table, il se laisse impressionner par sa grosse paluche de droite abandonnée à coté de sa bière, la gauche appuyant fermement le portable à son oreille
Et cette main puissante et harmonieuse, nonchalamment abandonnée sur la petite table, cette main qui me fait penser à celle du David de Miquel Ange, résume pour moi à elle seule la morphologie carrée et puissante du personnage
un physique tout en puissance mais en retenue, animé par un naturel gentil, sensible, touchant, voilà qui résume Thibault en quelques mots
Je repense à la blague de ma cousine lorsquelle ma conseillé daller me confier à Thibault en me demandant si ça ne me « plairait pas de pleurer dans les bras musclés de Thibault plutôt que dans les bras frêles de ta cousine
»
ah, si Elodie, je confirme, jaimerais bien me retrouver un de ces jours enserré dans ses bras puissants
Et puisque mon regard subjugué sattarde sur sa main portant encore quelques traces légères de cambouis, je finis par remarquer une vieille cicatrice sur lextérieur de l'index courant sur presque toute la longueur du doigt
ça, à mes yeux, cest le genre de détail capable de rendre un garçon encore plus charmant, car un peu plus
mystérieux
oui, quest ce qui tes arrivé, beau Thibault, ce jour là ? De quand date-t-elle cette cicatrice ? Un tout petit détail, parmi les nombreuses choses que jignore et que jaimerais savoir de lui
La conversation au téléphone continue, le mot « Jéjé » est lâché à maintes reprises dans des phrases traitant de jeu de rugby que je ne comprends quà moitié
Jéjé
ainsi cest sous ce petit diminutif que mon Jérém est connu de ses coéquipiers
ce nest pas quun truc propre à Thibault
Jéjé est le mot de passe de mon beau brun dans la grande meute de leur équipe
Jéjé est le titre du mâle alpha
cest un des éléments de leurs relations de mecs, dune complicité que jentrevois et qui me laisse rêveur
« Attend mec, jatt de quoi écrire » je lentends dire à un moment. Et, ce disant, Thibault incline la tête pour coincer le portable entre loreille et lépaule, ce qui fait ressortir encore davantage sa musculature du coté ou le cou est étiré
le beau mécano plonge sa main gauche dans la poche de son short et il en sort un petit calepin quil pose sur la table pour y noter ce qui ressemble à un numéro de téléphone
Et là, surprise
je remarque un autre petit détail qui a pour moi une importance presque capitale
voilà
le beau Thibault est gaucher, un détail qui, pour une raison inexplicable, le rend encore plus sexy à mes yeux
un petit détail, qui revêt pour moi limportance dun trait essentiel qui compose lunivers inconnu de ce garçon
La conversation au téléphone prend fin, et le beau mécano replonge son regard vert marron dans le mien. Je fonds.
« Excuse-moi
» me chuchote-t-il en remettant ses mains autour des miennes. Il attend que jaille au bout de ce que javais entrepris. Je décide dy aller franco. Advienne ce qui peut.
« Je suis fou de lui
».
Une simple question, une réponse simple. Et mon cur se fend. Cest lâché. Je suis fou de lui. Je le suis toujours. Je passe aux aveux. Devant Thibault. Et devant moi avant tout. La tristesse menvahit. Une partie de moi savait que cétait une bêtise daller à la rencontre de Thibault. Au fond je savais que cette conversation allait avoir lieu. Et je savais quelle allait me replonger dans le gouffre sans fond de cette relation malheureuse
je savais que la lancée et la détermination du dimanche après midi auraient étés éclipsés par la lumière aveuglante de mes sentiment pour le beau brun une fois que ces derniers auraient été déterrés par une question de ce genre
une simple question et tout remonte en moi
une simple réponse et je me sens replongé dans langoisse dun amour impossible
Si dur, si frustrant, si humiliant dadmettre que malgré ma colère face à son comportement à la con de samedi dernier ; malgré ce dimanche après-midi où jai cru découvrir un nouveau moi, envisager un nouveau demain sans Jérém, découvrir une tendresse qui ma fait tant de bien, des câlins qui mont comme fait renaître, des mots qui mont donné des ailes : oui, malgré tout ce qui sest passé depuis une semaine, mes sentiments pour Jérém sont toujours là, aussi vifs et puissant que jamais
jen suis secoué
jai envie de pleurer car je suis en train de tourner le dos à lamour que Stéphane ma offert. Je trahis tout le bonheur de dimanche dernier. Je trahis Stéphane. Je me trahis moi-même
cette fois-ci cest définitif
Rien ne passe inaperçu au charmant Thibault. Ses mains se resserrent un peu plus autour des miennes, elles disparaissent carrément dans les siennes. La chaleur de ses paumes irradie sur ma peau et ça me donne du courage.
« Cest ton premier ? » finit-t-il par me demander.
« Oui, mon premier
» jadmets, touché et ému.
« Tu es heureux, Nico ? » me demande-t-il, direct, adorable.
« Je nen sais rien
» je marque une pause pendant la quelle je parviens si bien que mal à retenir mes larmes et je continue « quand je suis avec lui, je suis bien, mais lui il veut juste coucher avec moi
».
« Et toi tu voudrais plus
» devine-t-il.
« Pas me marier avec, mais un peu de
» je ne sais pas comment définir ce que jattends de Jérém, surtout devant Thibault.
« Un peu de tendresse ? » il me devance.
« Oui
juste pas me faire foutre à la porte dès que cest fini
quand je suis avec lui, je suis bien, mais quand je rentre chez moi, je me sens mal
tu comprends
»
« Oui, très bien
» et il continue «
malgré tout, tu sais, Nico, je crois vraiment que Jérém taime
bien
à sa façon, certes, mais il taime bien
il ne me la jamais dit, mais je sais que tu comptes pour lui
je le connais un peu et certaines choses me sautent aux yeux
».
« Bah, il devrait le montrer un peu plus alors, car moi je ne vois quun mec qui a envie de tirer son coup et qui me jette juste après
»
« Je comprends, ça ne doit pas être facile à vivre pour toi
»
« Non, je te confirme
» je lâche ; un instant plus tard, je coupe court « de toute façon il va partir, alors cest pas la peine de continuer à se faire du mal
».
« Putain
ça, oui
je te jure
» assène-t-il en prenant un ton soudainement emporté «
cest vraiment trop con quil veuille partir
».
Ah, si cest pas touchant ce beau Thibault qui me fait cette sortie inattendue venant tout droit du profond du cur, un grand cur que je découvre touché, blessé. Je suis surpris. Je croyais que dans sa tête cétait réglé. Mais je suis con, bien sur, ils sont potes depuis lenfance, bien sur que leur amitié va lui manquer
comment jai pu ne pas penser à cela
lamitié et lamour, deux sentiments si proches
entre l'amour et l'amitié
il n'y a qu'un lit de différence
Il fallait entendre comment il a appuyé sur le mot « vraiment » avec un ton presque in, comme un gosse qui sexclamerait « cest pas juste », un gosse confronté à une injustice qui le prend aux tripes et quil se sent cruellement impuissant à léviter, un gosse mis devant des événements quil est condamné à subir
si cest pas mignon ce contraste entre son physique de beau mâle puissant et cette sensibilité à fleur de peau, cette angoisse de perdre le pote qui représente tellement à ses yeux, tellement que cen est émouvant
Il marque une pause, le temps dévacuer la colère sans cible véritable que jai sentie surgir de ses derniers mots ; et il continue, sur un ton un peu plus apaisé mais ému :
« Putain
il va vraiment vraiment me manquer ce petit con, si tu savais
Jérém nest pas quun pote pour moi
[Je sens soudainement la panique submerger mon esprit, lalarme rouge dalerte maximale retentit dans ma tête
tu veux dire quoi par là, Thibault ? Elodie a donc raison ? Toi aussi tu en pinces pour lui ? Vous navez quand même pas couché ensemble ? Calme toi, Nico, calme toi
laisse le parler
laisse lui le temps
].
«
Jérém est comme un frère pour moi, un jeune frère, même si on a le même âge
[aaahhh, jaime déjà mieux ça
]
on a tout vécu ensemble, depuis la toute première enfance jusquà aujourdhui
on a connu de bons moments, mais aussi des moments difficiles
cest vraiment mon meilleur pote et il compte énormément pour moi
et ça me fait chier, chier, chier
si tu savais, de penser que je ne vais plus le voir tous les jours, et quon va peut-être se perdre de vue
».
Il boit une gorgé de bière et il continue :
« Je sais que Jérém est un homme désormais
un homme qui na besoin de personne pour vivre sa vie
mais moi je sais que ce petit bout dhomme a tendance à perdre pied lorsque ses démons refont surface
un verre de trop et tout peut partir en vrille
quand il sera loin, je ne pourrai plus lempêcher de boire le verre de trop, lempêcher de conduire quand il la quand même bu, ce verre
je ne pourrai plus lempêcher de se bagarrer
car lorsquil est un peu rond, Jérém est le genre de mec quon a pas besoin de trop chercher pour le trouver
jai longtemps espéré quil trouve une fille assez forte pour le garder, une fille capable de le driver
mais Jérém nest pas facile à vivre
et surtout ce nest pas le genre de mec qui se fixe, surtout pas si jeune
».
Je lui souris timidement. Je suis vraiment touché par ses mots. Il marque une pause, il respire profondément et il finit par continuer :
« Et puis, un jour tes arrivé
et là jai vu Jérém retrouver petit à petit les commandes de sa vie
cest pour ça que jai été content quand jai compris ce qui se passait entre vous
tu sais, jamais je ne lai vu
réviser
aussi longtemps avec la même personne
».
Aaaaahhhh, je sais
je me rappelle maintenant pourquoi je me suis dit que je devais aller voir Thibault, et jai eu raison ! Je suis touché
presque coulé
ses mots me font un bien fou
« Ce que tu me dis me fait chaud au cur
» je lui réponds « mais ce mec est ingérable
je ne sais jamais sil a envie de me voir, comment il va réagir
tiens, lautre jour lorsque tu mas appris quil bossait rue de Metz, jai de suite eu envie daller le voir
mais javais super peur quil menvoie bouler en me voyant arriver
si tu ne mavais pas gaulé à labribus, je me serais contenté de le regarder bosser
».
« Tes vraiment bien atteint
» il rigole avec un sourire à la fois lumineux et ému qui me donne des frissons.
« Je te lai dit
je suis grave
» jadmets, toujours entre gêne et soulagement.
« Tu sais
» enchaîne-t-il un peu plus sérieusement « Jéjé peut se comporter comme un parfait petit con
je le sais
mais au fond cest un bon gars
».
« Je le pense aussi
mais cest dur, trop dur de laimer
»
« Tu laimes vraiment, Nico ? »
« Oui, je crois que je laime vraiment
mais je nai pas le droit de le lui monter
dès que je lui montre un peu daffection, il me jette comme du poisson pourri
et ça me fait un mal de chien
».
« Je te comprends, Nico
»
« Jen peux plus, je suis à bout de forces
» je finis par balancer.
« Je sais quil peut être très dur, même méchant, quil fait souvent nimporte quoi
je pense quil ne veut pas que tu tattaches car il a surtout peur de sattacher à son tour
dabord
un mec comme lui, un mec qui a tombé plus de nanas quil peut en contenir son répertoire téléphonique, si seulement il prenait la peine de le faire
un mec dont la réputation nest plus à faire, et qui se découvre un penchant pour un autre mec
».
« Je vois, oui
» jadmets.
« Ensuite
» il continue «
je crois que je ten ai déjà un peu parlé
Jérém a trop souffert du sentiment de labandon de sa mère, et aujourdhui encore il ne sait pas sattacher aux gens, il ne veut pas, au fond de lui il doit avoir peur de les perdre
».
Jérém en fait applique un précepte de Maître Yoda, lorsquil dit a Luke : "Apprends a renoncer a ce que tu as peur de perdre"
« Bien sur
» continue le beau mécano « tu es un mec, ce qui complique encore la tache, mais si ça peut te consoler, jamais je ne lai vu amoureux dune nana
jamais
et jamais une de ses relations na duré autant que la votre, si houleuse soit-elle
je sais quil tient à toi, Nico, et je pense quil serait réellement malheureux sil devait te perdre
».
Ça y est Thibault, cest ce que tu voulais ? Voilà, tas réussi à me faire chialer
Jai la gorge nouée, je narrive plus à parler. Une de ses mains se décolle de létreinte autour des miennes, son pouce se pose tout doucement juste en dessous de mes paupières, lune après lautre, pour essuyer le flot de larmes qui glissent sur mes joues
ce petit contact est aussi doux que sil mavait serré dans ses bras
dailleurs, je suis à deux doigts de me lever et de me jeter vraiment dans ses bras
je ne sais pas ce qui me retient, à part peut-être le fait que nous ne sommes pas seuls en terrasse
Il me sourit, son regard est ému, ses lèvres ont lair de trembler
ses yeux aussi
jai limpression quil se retient de justesse
un instant plus tard il me chuchote :
« Ne pleure pas, Nico, sil te plait
».
Il reboit une gorgée de bière et il enchaîne :
« Tu comptes beaucoup pour lui, beaucoup plus quil ne te le montre ou quil veuille ladmettre à lui-même
cette relation qui au départ, dans sa tête, je pense, ne devait être que
physique, a pris petit à petit des proportions inattendues
il est débordé par ce qui se révèle en lui
».
« De toute façon, il moubliera vite
je crois bien quil a déjà commencé à moublier
».
« Jen suis pas si sur
je pense que ça doit trotter dans sa tête aussi
».
« Quoi donc ? ».
« Ton départ, son départ
».
Je frissonne. Je tremble comme si jétais en t-shirt en Sibérie. Si seulement il pouvait dire vrai.
« Jérém nest pas un mec très expressif, tu sais
» il finit par enchaîner « et quand il a mal, au lieu den parler, il cogne dabord
je veux dire, il devient mauvais
ça peut paraître con, mais cest sa façon de se protéger
il est perdu en ce moment
il se cherche
mais il a vraiment besoin de toi
».
« Cest pour ça que samedi il ma jeté et quil a préféré se faire ce plan avec
» je minsurge.
« Tu sais, Nico
» me coupe-t-il net avant que je termine ma phrase «
je crois vraiment que ce qui sest passé montre à quel point il se cherche, à quel point il se voile la face
».
« Je lai vraiment dans la peau, mais il y a des fois où il me fait trop mal
»
« Je te promet que ce gars en vaut la peine
».
« Je sais pas
» cest tout ce que je trouve comme réponse.
« Si tu laimes vraiment, tu ne dois pas baisser les bras
cest vrai quil va peut-être partir à la rentré, et toi aussi, mais il vous reste deux mois pour vous faire du bien
ce serait dommage de gâcher ce temps
».
« Oui, je laime vraiment
» je finis par admettre.
Voilà, jai répondu à sa question. A ses questions. Je ne voulais pas le dire, car dès que lon énonce quelque chose, il devient plus vrai. Je me suis fait avoir. Bien joué Thibault, petit coquin
Mais comment me contenter de répondre à cette question sans avoir envie de poser la même question dans lautre sens au cas où le beau mécano en saurait ou il en devinerait quelque chose des sentiments que Jérém pourrait avoir pour moi
Thibault a affirmé à plusieurs reprises que Jérém tient à moi, et quil nest peut-être même pas conscient à quel point
que je pourrais lu manquer si nos vies se séparent
quil cogite sur notre éloignement à venir
tout cela me fait si chaud au cur
et voilà que cette sensation de bien être, cet espoir, cette force que le beau mécano a su imprimer en moi, font que je nose plus poser LA question qui brûle mes lèvres
une question pour laquelle il naurait par ailleurs pas la réponse, étant donné que même le direct intéressé ne doit pas lavoir non plus
Alors, voilà, mon petit Thibault, je ne te poserai pas la question qui me tourmente lesprit par-dessus toutes, la question de savoir quest ce que Jérém ressens pour moi
et je ne te poserai pas non plus, pas aujourdhui du moins, une autre question dont la réponse pourrait se révéler fâcheuse pour notre amitié naissante
à savoir
et toi, beau Thibault, tu ressens quoi au juste pour ton pote Jéjé ?
« Tu es vraiment touchant, Nico, Jéjé a de la chance de tavoir
» me rassure Thibault. Le contact de la paume de ses mains avec le dos des miennes, le contact avec cette chaleur dhomme a le même effet sur moi quun feu de cheminée
elle me chauffe le cur, elle mapaise
« Tu parles
» jessaye de me défendre «
je ne sais même pas comment un mec aussi beau peut sintéresser à moi
» je lui confie.
« Mais tes beau garçon, Nico et tes adorable
».
« Merci, toi aussi tes beau garçon
et en plus tu es un mec bien
» je laisse échapper.
Nos regards saccrochent, saimantent lespace dun instant, un instant déternité
aaaahhh
quil est beau et sexy et sensuel et adorable ce garçon
il émane de lui une « virilité tranquille » dans laquelle on a envie de se perdre
Et puis, à un instant, jai comme limpression que son regard pénétrant arrive à lire au plus profond de moi, à percevoir lattirance que je ressens pour lui
je suis sur le point de couper le contact, de décrocher mon regard du sien lorsque je crois voir dans le sien quelque chose de troublant
se yeux me fixent intensément, avec une douceur qui me fait fondre
et je ne sais plus comment me sortir de ce doux malaise
« Je dois y aller
» finit par couper court le beau mécano, avec un sourire tout gentil et lumineux.
« Moi aussi
» je réponds.
Il relâche létreinte autour de mes mains, il finit la dernière gorgée de sa bière et il me lance :
« Ça me fait plaisir que tu sois venu me parler
je te trouve sympa comme mec
jaimerais bien quon devienne amis
»
« Le plaisir est pour moi
moi aussi je te trouve sympa
on se reverra, tinquiète
».
« Tu y seras demain soir, à la soirée du bac ? » me lance-t-il.
Il sait tout. Les deux potes parlent entre eux.
« Oui
» je lui confirme.
« Je ne sais même pas si Jérém va y être, il ne bosse pas ? ».
« Il va y être
cette semaine il a fait un tas dextras pour avoir sa soirée
» me répond-il.
Ah, il va être là
cest officiel
je me sens piqué à vif
je sens mon inquiétude me rattr, grandir, me déborder
ça doit se voir, je ne sais pas cacher mes ressentis
mais le beau mécano est là, avec le mot juste, comme dhab
« Nico
ne te prends pas la tête
ne pense pas à comment ça va se passer, de toute façon ça ne se passera jamais comme tu las imaginé
détends toi, écoute ton coeur, sois toi-même
tu sauras comment tu dois faire quand le moment se présentera
».
Quand je dis que ce garçon est pétri dune sagesse incroyable pour son jeune âge
« Tu as raison
» je finis par lâcher.
« Je sais que tu sauras gérer
» et il enchaîne, un beau sourire, un de plus, en bonus «
je crois en toi, Nico
».
Je souris, touché.
« On se verra à lEsmé, alors
» minforme-t-il.
Cest cool si Thibault va être de la partie
je sens que si Thibault est là, ça devrait mieux se passer
« Ce serait cool
» je réponds.
Thibault est déjà debout. Je bois la dernière gorgée de ma bière et je me lève à mon tour. Il me serre la main. Et au même temps, voilà que son autre main se lève et me tape deux fois sur lépaule, fermement, chaleureusement, amicalement
sensuellement. Son regard se pose dans le mien. Je me sens dériver. Je me noie dans ce regard vert marron, je me perds dans ces pupilles transparentes, je me mets à rêver devant ce regard derrière lequel se cache tout un monde merveilleux, les envies, les craintes, les désirs, les peurs, les espoirs, les joie et les tristesses, en un mot, tout ce que compose la vie toute entière, mystérieuse et inconnue, captivante dun beau garçon.
Et puis, surprise
tout se passe très vite, au point quil me faut un instant pour comprendre ce qui marrive
rien de très grave, mais assez fort pour provoquer en moi un frisson puissant
sa main se resserre autour de mon épaule, je vois son buste avancer, je sens un léger parfum de déo de mec mélangé à lodeur dun savon dégraissant envahir mes narines
Thibault se penche vers moi, son visage sapproche du mien, ses lèvres se posent sur ma joue, puis sur lautre
une bise
la chaleur de son visage, combiné à la sensation très virile de sa barbe naissante me fait vibrer
« On est potes maintenant
» il me chuchote à loreille, comme pour me rassurer et pour me mettre à laise une fois de plus.
Oui, on est potes, mais là tu prends un risque sérieux, mon Thibault, le risque que je te saute dessus sans autre forme de procès !!! Tu ne te rends même pas compte
Ahhhh, la bise, ce geste qui se veut si anodin, si virilement affectueux, entre potes
et qui lest en effet, la plupart du temps
cest un geste que jai vu séchanger parfois entre beaux gosses, nonchalamment, le plus naturellement du monde, des beaux gosses bien dans leurs baskets et que personne ne songerait à traiter de « pd » pour cela ; un geste damitié et de complicité virile entre garçons, un geste qui a cependant toujours été pour moi très évocateur, qui a souvent fait remonter en moi des fantasmes de promiscuité, dambiguïté entre bogosses me laissant imaginer toute une complicité sensuelle qui sy cacherait derrière
oui, la bise, voilà un geste que jamais je naurais le cran de proposer à qui que ce soit de mon même sexe
de peur quon puisse justement me traiter de « pd »
Cest la première fois que je reçois la bise de la part dun garçon. Et dun beau garçon, qui plus est. Et ça me file des frissons
tout comme sa petite phrase « On est potes maintenant
» qui me va droit au cur
« A samedi
» il me lance en me quittant avec un sourire à faire fondre la banquise.
« A samedi
» je lui retourne, abasourdi.
« Ne le lâche pas, Nico
» il me chuchote en partant.
Je lui souris, sans trop savoir quoi lui répondre.
Je le regarde séloigner en direction de la gare en repensant toujours et encore aux mots de ma cousine
je me dis que, comme toujours, elle a raison
avoir un pote comme Thibault, loyal, solide, gentil et attentionné, va me faire un bien fou
Je rentre chez moi, je prends une douche, je dîne vite fait. Jécoute de la musique, je zappe un peu sur les 5 chaînes télé et je me laisse brancher par la finale de Loft Story
de niaiserie en niaiserie, de pub en pub, le temps de voir Loana et Christophe remporter cette première saison, la soirée mest glissée entre les doigts. Je me mets au lit vers minuit.
Les longues heures de course sur le Canal ont un effet bénéfique sur mon corps. Mes muscles sont épuisés, je sens une douce fatigue semparer de mes membres
ça commence dans mes jambes, ça remonte dans mon ventre, ça avance jusquà mes épaules, ça redescend au long de mes bras et ça finit par atteindre mon cerveau, mon esprit
mes yeux deviennent lourds, je sens que le marchand de sable arrive à grand pas, je pense que je vais mendormir vite
La rencontre avec Thibault a, quant à elle, un effet bénéfique sur mon esprit
ses mots, ses regards et ses gestes ont provoqué en moi tout un ensemble démotions qui mont secoué en profondeur
je me sens serein, presque heureux
car je vais mendormir en maccrochant à la rassurante sensation davoir un pote maintenant
et pas nimporte quel pote
le meilleur ami du mec que jaime et qui semble bien intentionné à me soutenir, à maider
à nous réunir
cest bon de penser que je peux compter sur quelquun pour me guider dans le voyage, dans lodyssée qui mattend avant datteindre mon Ithaque à moi, ce lieu lointain et dont la route est semée dembûches, quest le cur du beau brun
Mon beau brun
la rencontre avec Thibault na fait que jeter de lessence sur un feu qui ne sest jamais éteint dans mon cur
jai cru pendant un temps que je pourrai arriver à le contenir, à léteindre
mais mon amour pour Jérém est le genre de brasier si débordant que le seul moyen de léteindre, cest de le laisser flamber et se consumer tout seul
à rien ne sert de tenter de l, il ne sarrêtera que le jour où il ny aura plus rien à brûler
et pour linstant, je sens que ça brûle toujours et encore et que ce nest pas prêt de séteindre au fond de moi
Ou est donc passé le « feu sacré » de ce dimanche soir qui sur le moment a ma semblé balayer tout sur son passage ? Ou sont donc partis mes propos de ne plus me laisser faire, de reprendre le contrôle de ma vie ?
En commençant à me branler dans mon lit, je retrouve dans ma tête le tourbillon images qui ma cueilli la veille à la gare lorsque je buvais mon café assis sur un banc dans le hall devant le tableau daffichage des trains
Stéphane, Jérém, Jérém, Stéphane
Stéphane, ladorable garçon qui ma fait découvrir ce quest faire lamour
Jérém qui ma fait découvrir le plaisir de la baise avec un étalon dominant
Stéphane qui ma montré que les câlins cest trop bon
Jérém qui refuse toute tendresse
Stéphane le mec qui ma appris que jaime jouir comme un mec, Jérém le mec qui ma appris à quel point cest bon de me faire baiser
Stéphane que je trouve touchant, Jérém que jai dans la peau
Stéphane charmant et adorable, Jérém le petit con ultrasexy à gifler
Stéphane calme et posé, gentil, rassurant
Jérém impulsif et sanguin, imprévisible, parfois agressif
Stéphane attentionné, doux, Jérém dur, parfois brutal
Stéphane avec qui lamour est partage, Jérém pour qui il ny a que son plaisir qui compte
Stéphane sexy et adorable, fougueux et généreux, Jérém sexy et odieux, macho et égoïste
Stéphane avec qui tout parait possible, Jérém avec qui il ny a que la baise de possible
Stéphane qui me respecte, Jérém qui fait de moi ce quil veut
le regard doux et bienveillant de Stéphane, le regard viril et fuyant de Jérém
Jérém la baise, Stéphane lamour, Stéphane la balade au Jardin des plantes, Jérém la baise à la piscine
le risotto
la baise au terrain de rugby
le dvd dAladdin
la baise dans les chiottes du lycée
me sentir bien dans les bras chauds de Stéphane, me sentir bien défoncé par la queue bien chaude de Jérém
le t-shirt blanc de Jérém
la serviette verte de Stéphane
Jérémie qui provoque mes larmes, Stéphane qui tente de soigner mes larmes
les images senchaînent et saccélèrent dans ma tête, ça va si vite que jai du mal à gérer
je me perds, jen ai la tête qui tourne
Stéphane (où est-t-elle passé la magie de dimanche dernier ?), Jérém (il y a quoi au juste entre Thibault et Jérém ? - cette fois-ci le disque de ma mémoire a sauté lespace dun instant sur une scène dans la section bonus, avant de revenir dans la lecture principale) Stéphane, Jérém
Jérém, Stéphane et
Paf !
Ça re-bogue méchamment
tout se bloque à nouveau dans ma tête, les images sarrêtent, plus de signal, lécran est noir, comme si le disque était endommagé et que la lecture plantait toujours au même point
et là que je retrouve la petite voix de la veille avec son message si dur à admettre
je fais semblant de ne pas lentendre, mais elle ne me lâche pas
jai passé toute cette journée de vendredi à essayer de la fuir, sur le Canal, dans le bus rue de Metz, en terrasse avec Thibault
mais le petite voix a pris du coffre et maintenant elle crie presque dans ma tête
et la rencontre avec Thibault a vraiment remis de lessence sur les braises
Ce quelle me dit, cette petite voix, cest que même si Stéphane est et restera dans mon coeur, voilà que ce fameux dimanche de tendresse, damour est de partage dans le quartier de la Halle, cest avec mon Jérém que j'aurais voulu le vivre.
Oui, cest en jouissant quon voit enfin cette vérité qui nous fait peur, cette vérité en images que lon sentête naïvement à essayer de cacher à nous même mais qui nous lâche pas dune semelle tant quon ne laura pas acceptée.
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