Clotaire Et Pierre - Cinquième Épisode
Six heures et demi. Cest sur un air chanté par la Callas que Clotaire prenait lhabitude de se lever si tôt pour terminer quelques devoirs pour la fac avant de se préparer pour y aller. Il appréciait beaucoup cette cantatrice quil aimait écouter quand, à cause dune dispute avec un être cher ou dun petit moment de déprime, il était habité par la tristesse. Aussi étrange que cela puisse paraître, le fait découter Maria Callas le remettait daplomb
Clotaire, aux yeux de ses proches, a toujours été compliqué. Cest sans doute cela qui fait sa valeur.
Chaque matin, cest invariablement le même rituel : le réveil ne sonne pas après six heures et trente minutes ; le temps pour Clotaire de recouvrer ses esprits tout en séveillant sur un air chanté par sa diva préférée, puis de prendre une douche bien chaude, exercice quil renouvelait avec plaisir le soir-même, il se préparait avec minutie pour aller à la fac : il était toujours vêtu de manière très élégante, avec un pantalon sombre ou clair (selon son humeur) et une chemise sur laquelle le couvrait une veste sombre ou un pull en fine laine. Enfin, il se parfumait légèrement avec « Ambre noir », une eau quil aimait beaucoup parce quelle « nempestait pas la drague à deux balles » comme il disait pour mépriser les parfums « trop remarquables » et parce que lodeur lui paraissait particulièrement douce. Le temps denfiler ses chaussures, il pouvait alors prendre son petit déjeuner.
Le temps quil lui restait pour gagner la fac en métro lui permettait, pour une fois, de prendre son temps pour savourer son bol de Cruesli, quil accompagnait toujours dune pomme et dun jus dorange. Un petit déjeuner concis, qui devait lui permettre de tenir toute la journée. Aujourdhui, il navait pas très faim ; certains pourront penser que lamour ny est pas pour rien
Ce nest pas tout à fait faux, puisque tout en faisant tourner sa cuillère dans son bol empli de céréales noyées dans du lait, il songeait à Pierre.
Après ce petit déjeuner assez bref, il navait plus quà se brosser les dents, avant de prendre sa sacoche et son petit imperméable noir pour partir, enfin, presque impatient de retrouver son homme dans les mêmes couloirs que lui. Oh, bien sûr, il nétait nullement question, pour linstant au moins, dassumer cette histoire : bien quil nétait pas franchement sensible au « quen dira-t-on ? », il ne lui déplaisait pas davoir sa petite part de mystère et dailleurs, Pierre lui-même approuvait son avis : leur histoire ne regardait queux. Peut-être quun jour prochain leur viendra lidée de vivre leur amour au grand jour
En se disant cela, Clotaire retint un sourire : cela faisait à peine trois jours que Pierre et lui étaient amants, et déjà, les projets lui venaient en tête. Cest que chacun se sera rendu compte que Clotaire est un jeune homme particulièrement organisé, qui napprécie que modérément limprévu. Sauf sagissant du sexe évidemment, mais cela, cest une autre affaire
En arrivant à la fac, Clotaire reprit tout le sérieux qui le caractérisait si bien. Il ne prit pas la peine de saluer qui que ce soit, préférant déjà chercher sa place dans lamphi pour suivre le cours qui devait bientôt commencer. Pierre était déjà là, ses affaires de cours posées devant lui ; il attendait certainement Amandine, lune de ses amies qui le côtoie durant les cours.
- Eh ben
Que me vaut lhonneur ?, sourit Pierre tel un .
- Javais quelque chose à te montrer à propos de notre exposé, donc je me suis permis de prendre la place tétant voisine.
Pierre étant assez troublé par la réponse, Clotaire sempressa de lui adresser un petit sourire doublé dun clin dil complice. Pierre était dans tous ses états : cétait la toute première fois que Clotaire semblait adresser assez ostensiblement un geste tendre à légard de son compagnon, ce qui fit rougir de plaisir le jeune homme, très content de se retrouver à côté de son amant régulier.
Par contre, lorsque Amandine arriva, les choses se compliquèrent un peu
- Pardon, môssieur Clotaire, mais ici, cest ma place.
- Tu peux bien me la prêter pour les deux heures qui viennent, non ? Je dois étudier un truc avec Pierre, cest exceptionnel
- Sauf que moi, jai envie dêtre à côté de mon ami, donc sois gentil : barre-toi !
- Stop ! imposa Pierre, enfin sorti de son silence. Clotaire veut juste me montrer quelque chose pour notre exposé ; tu ne penses pas que nos délires peuvent attendre un peu, non ? Rassure-toi : à la fin du cours, je te retrouve, mais là, sil te plaît, laisse-nous bosser tous les deux.
- Je préfère te prévenir, toi : ne viens pas la ramener aujourdhui, mit en garde Amandine en tournant les talons, ne cachant nullement sa vexation.
Sans accorder un seul regard à son amie qui partait au bord de la rage, Pierre se mit à sourire à Clotaire qui lui sourit en retour, avec un regard de braise qui pourrait faire fondre toute une banquise. Comme prévu, tous deux discutèrent essentiellement de lexposé mais, de temps en temps, le regard complice, ils séchangeaient quelques petites plaisanteries ou bons mots qui provoquaient quelques rires étouffés.
Les deux amoureux, parfois, saccordaient quelques petits sourires qui pouvaient traduire une certaine complicité aux yeux de tous, et cela, Pierre en était infiniment heureux ; ce nétait pas une officialisation de leur couple, mais cétait une preuve de lattachement quavait Clotaire à son égard. Finalement, tous deux discutèrent de tout durant ce cours
sauf de leur exposé, ce qui devait être la raison de leur rencontre !
Vers la fin de ce cours magistral, le couple se mit demeurait à lécart, dans lamphi, tandis que les autres, dont Amandine, toujours aussi froide depuis tout à lheure, commençait à quitter les lieux. Il nétait nullement question de leur couple dans cette conversation qui se voulait publiquement amicale, mais tous deux navaient au fond quune seule envie : disposer à eux seuls des lieux pour senvoyer en lair comme ils avaient désormais coutume de le faire. Alors quune poignée de gens demeurait dans lamphi, Clotaire, soudainement, parcourut de sa main droite le bras de son interlocuteur en lui souriant de manière appuyée, ce qui ne manquait pas de surprendre Pierre, lequel fut saisi dun léger tremblement que Clotaire pouvait prendre comme un ressenti du geste tendre quil venait de lui accorder de façon publique
Sur ce geste, il prit congé de son homme en lui rappelant quils devaient se voir dans laprès-midi pour discuter de la proposition que Clotaire devait faire à son compagnon.
- Je te retrouve dans les jardins de la fac ?
- Je dois tavouer que je nai pas beaucoup travaillé hier soir, je dois rattr mon retard. Mais si tu veux bien, jaimerais quon prenne un verre tous les deux ce soir.
- Première sortie en couple ?, chuchota Pierre, taquin.
- On peut dire cela, oui, sourit Clotaire à son tour. Tu connais le café La Table de Cassini ? Cest un endroit que jaime beaucoup, jaimerais vraiment te le faire découvrir ; et puis, comme cest assez intime comme endroit, on pourra se parler à cur ouvert, tous les deux.
Pierre nen croyait pas ses oreilles ; Clotaire et lui parlaient sans grande gêne de leur vie de couple au sein-même de la fac ; il était dautant plus ravi quil venait dentendre Clotaire lui dire quil aimerait lui faire connaître un endroit quil apprécie particulièrement. Tous les deux convinrent de lheure de leur rendez-vous : ils devront se retrouver à 21 heures, juste devant lendroit quévoquait Clotaire.
Cest sur cette promesse que les deux amants se séparèrent, très impatients de se retrouver enfin tous les deux, sans devoir le faire à la fac, au beau milieu de tous ces étudiants
Alors que Clotaire devait se rendre à un T.D. auquel nétait pas inscrit Pierre, ce dernier sen alla trouver Amandine, qui, lorsquelle le vit arriver, prit un air sévère, voire hautain, que Pierre, encore sur son petit nuage, ne cherchait pas à comprendre, bien quil était interloqué par lattitude de son amie.
- Eh ben
Tu me fais la gueule ?
- Non, pas du tout. Alors, comment cela se passe avec ton nouvel ami ?
- Ma parole
Tes jalouse ?! On devait juste travailler notre exposé
- Tu me prends pour une conne ? Pas un seul instant vous navez bossé ! Par contre, pour sûr, je vous ai vu sourire plusieurs fois de suite, et à mon avis, votre foutu exposé ne lexigeait pas
Même le prof vous a chopés puisquil a engueulé Clotaire et, de mémoire générale, cétait la première fois quil se faisait remarquer comme ça
- Oui, on plaisantait de temps en temps mais calme-toi un peu
Le côté « harpie », cela ne te va pas du tout.
- Franchement, dis-moi la vérité
Quest-ce que tu peux bien lui trouver à ce mec ? Il est aussi chiant que la pluie
On me dirait quil est sympa, je serai incapable de le croire !
- Tu ne le connais pas, alors ferme-la.
- Pardon, mais je ne peux pas le blairer, et quand je naime pas quelquun, cest que jai de bonnes raisons
- Je vais être assez clair, jespère : je refuse que tu parles de lui comme ça. Tu ne le connais ni de près ni de le loin, alors tu lui fous la paix. Il ne mérite pas ta condescendance.
- Pourquoi tu tiens à le défendre avec une telle vigueur ? Eh bien, réponds...
- PARCE QUE CEST MON MEC ! Cest assez clair, comme ça ?
A ce moment là, tous les deux se turent. Amandine, parce quelle était sidérée de ce quelle venait entendre ; Pierre, parce quil venait de se rendre compte de la bourde, et cest un euphémisme, quil venait de commettre. Durant un long moment, qui devait paraître interminable pour létudiant, sa camarade le fixa de ses grands yeux clairs, comme si elle navait pas saisi le message qui avait pourtant le mérite dêtre aussi clair que de leau de roche
Pierre, quant à lui, peinait à comprendre ce qui lavait poussé à révéler son secret ; il navait absolument pas honte des sentiments quil éprouvait sincèrement à légard de son amoureux, mais parce quil se doutait bien que celui-ci, lorsquil lapprendrait, serait certainement fou de rage. Les deux amis restèrent un long moment silencieux, avant quAmandine ne finisse par briser la glace. Enfin.
- Je ne peux pas le croire
- Crois-le ou non, cela mindiffère.
- Mais vous ne vous connaissez que depuis trois jours ! A PEINE !
- Inutile de me le rappeler, je le sais. On le sait. Mais on saime. On en est convaincus. Il nous faudra un peu de temps pour nous connaître vraiment, mais on saime déjà. Quand on nest pas lun à côté de lautre, il y a un manque quon ne peut pas combler. Je ne vais pas faire un exposé là-dessus, mais jaime vraiment ce mec. Je pense que cest réciproque et cest pour ça que je veux me donner à fond dans cette histoire.
- Tout ça parce que vous avez couché ensemble ?
- Ce nest pas que sexuel. Cela compte évidemment, mais il y a autre chose. Jai envie de passer du temps avec lui, comme cela a été le cas ce matin. Et tu ten seras rendu compte : nous nétions pas en mesure de baiser quand on était côte-à-côte, dans lamphi. Cela ne nous a pas empêché de savourer le moment.
Amandine et Pierre commençaient à sourire de ce dialogue quelque peu surréaliste. Lamie de Pierre venait de prendre conscience quil y a encore une dizaine de minutes, elle ignorait complètement que celui-ci avait une relation vraisemblablement prometteuse et, surtout, que Clotaire était gay. Sur ce point, cest vrai, elle était assez déçue : elle aurait bien aimé lattirer car, en plus dêtre brillant, Clotaire était, il faut le reconnaître, un mec très bien foutu qui ne laissait que bien trop peu de femmes indifférentes
- Eh bien
Félicitations pour ta belle prise !, plaisantait Amandine, qui venait de retrouver sa bonne humeur. Quoique, jaimerais bien que vous cassiez vite
- Ah ? Pourquoi dis-tu cela ? demanda Pierre, interloqué.
- Ben
Comme ça, il sera libre et je vais pouvoir tenter ma chance.
- Ma pauvre fille
Laisse tomber : il est gay ! Cest un fait avéré.
- Certes, mais bon
Je peux croire en ma chance.
- Tu as la foi des premier chrétiens, ma belle, rigolait Pierre. De toute façon, il nest pas pour toi : il sait bien quavec moi, celui ou celle qui le convoite aura du souci à se faire !
Les deux amis rigolèrent de nouveau ; la journée pouvait reprendre son cours ordinaire. Toutefois, Pierre avait fait promettre Amandine de ne rien révéler de cette relation encore secrète, ce quavait accepté, avec compréhension, la jeune femme. La bonne humeur avait regagné Pierre, mais celui-ci ne put sempêcher de se poser une question : « dois-je informer Clotaire que lune de mes amies sait pour nous ? ». A vrai dire, il ne savait pas ce qui pourrait être le mieux : le dire à son petit ami par amour, pour lui prouver quil navait rien à lui cacher sagissant deux, ou dissimuler la nouvelle a son amant, qui ne serait certainement pas très heureux dapprendre pareille nouvelle
Le doute lassaillait, mais lessentiel était ailleurs : ce soir, il allait voir Clotaire et, le connaissant, cette sortie en ville précéderait ment quelques caresses intimes dont lun et lautre semblaient devenus accros.
La journée fut très longue pour eux. Ils avaient impatience de se retrouver lun et lautre car, pour récente que soit leur histoire, ils avaient bien des projets en commun. Lun et lautre, plus que tout, vouaient, par exemple, se fréquenter davantage, se voir plus souvent
La préparation de leur exposé leur permettrait cela, bien sûr, mais la bibliothèque universitaire nest pas un lieu rêve pour des gestes tendres ou des mots enveloppés de tendresse.
En rentrant chez lui, Pierre sempressa de faire sa toilette : il voulait être impeccable car, dune certaine manière, cela devait être sa première sortie en couple avec Clotaire. Il voulait lhonorer de lavoir accompagné et, pour cela, entreprit de se faire tout beau : douche, rasage, soins du visage, tenue très soignée
Il avait envie de lui plaire exactement comme ce fut le cas lors de leur première rencontre, quelques jours auparavant, chez Clotaire.
Il commença par la douche. Un moment que devait apprécier Pierre car lorsque ses mains parcouraient son corps pour lenvelopper de gel, il songeait à Clotaire, en imaginant les suites de leur sortie nocturne. Peu importe lendroit, peu importe le contexte pourvu que son homme le prenne avec fougue et frénésie tel un étalon passionné. En se masturbant alors que leau coulait sur son corps, il simaginait se faire prendre par son amant, toujours aussi dominant quil était. Durant leurs ébats, il osait à peine le dire, mais il aimait de plus en plus être dominé par Clotaire ; cétait la première fois quil acceptait cela dun homme, mais il aimait vraiment ça. Il appréciait dautant plus la manière dont celui-ci sadressait à lui quand il le prenait, lorsquil lui donnait du « Tu aimes bien ma queue, pas vrai ? »
Cétait assez paradoxal car, en dehors du sexe, Clotaire était un jeune homme particulièrement sensuel et doux, presque prévenant à légard de Pierre, qui nétait pas quun simple partenaire sexuel.
Sous la douche, Pierre se voyait sucer la queue de son homme qui, comblé de plaisir, lui rendrait la pareille avec un 69. Il avait cependant remarqué que, depuis le début de leur aventure, lui-même était le seul passif de leur duo et que jamais il navait encore eu loccasion de prendre Clotaire. Il en venait à se demander si Clotaire allait sobstiner à refuser soffrir à lui. Cest vrai que Pierre apprécierait que, pour une fois, les rôles puissent sinverser, mais il navait pas franchement envie dembêter son compagnon avec ce genre de chose qui, pour importante quelle soit, navait rien de fondamentalement essentiel
Une fois tout propre, bien habillé, parfumé (prêt à séduire en somme), Pierre regarda le miroir une dernière fois pour être convaincu de sa prestance. Cest quil voulait à tout prix honorer lhomme qui linvitait
Dans le bus qui devait le conduire jusquau café désigné par Clotaire, il pensait à lui, se disant que la vie pouvait être surprenante à bien des égard, car il y a pas moins dune semaine, tous deux ne se connaissaient absolument pas, sinon de réputation lointaine. A présent, ils étaient amants et semblaient avoir envie daller plus loin dans cette relation dont ni lun ni lautre ne pouvait prétendre savoir jusquoù celle-ci les mènerait. Les deux jeunes hommes allaient certainement en parler ce soir car, si le sexe était évidemment important pour eux, ils avaient envie de sortir de ce cadre ; quand ils se confiaient, à lun comme à lautre, que tous deux se manquaient mutuellement, ils le pensaient sincèrement. Cet très étrange, mais réel.
Arrivé sur place, il constatait quil était visiblement le premier arrivé, puisque Clotaire, contrairement à ce quil avait annoncé, nétait pas encore arrivé à cette heure. « Il doit être encore tout à ses devoirs » pensait, soupirant, Pierre. Durant un quart dheure que le jeune homme pouvait trouver incroyablement long, celui-ci attendait son compagnon, lequel arriva fort en retard, à pied. Plus sexy que jamais.
Celui-ci sapprochait de Pierre, vêtu de son imperméable noir et dun pantalon clair qui lui donnaient toujours autant cet air intellectuel absolument séduisant, capable den faire tomber plus dun(e)
Il était coiffé différemment quà laccoutumée, puisque cette fois-ci, en lieu et place de sa très légère crête, ses cheveux étaient dirigés vers sa gauche, à peine laqués ; cela fit rire Pierre, sur le coup, car ainsi coiffé, cela lui donnait un petit air sévère mais pas moins désirable. Plus Clotaire sapprochait de son compagnon, plus son sourire devenait craquant, au point dexciter Pierre qui se demandait si leur passage dans ce bistrot devait être si nécessaire que cela
Comme attendu, les deux amants ne sembrassèrent point. Cétait bien trop tôt pour le faire publiquement. Mais tous deux saccordèrent quelques gestes tendres doublés de sourires sincères, tels deux meilleurs amis ravis de se retrouver après une séparation qui pourrait sembler pénible. Mais Pierre fut assez surpris car si cela se voyait quil se contenait pour ne pas sy abandonner, Clotaire était apparemment très tenté de succombé puisquil tenait à rapprocher ses lèvres de celles de son partenaire pour lui parler.
- Je suis désolé pour mon retard, mais le boulot sest accumulé, jallais devenir fou
- Toi, devenir fou à cause du boulot ? Ce serait bien la première f
- Non, fou de ne pas pouvoir te voir plus tôt. Parce que tu mas beaucoup trop manqué aujourdhui
Sur ces mots, Clotaire caressa, de ses doigts enveloppés dans de fins gants de cuir, lavant-bras de Pierre, qui se mettait à trembler dentendre pareille déclaration amoureuse.
- Bon, eh bien beau gosse ? Tu my emmènes dans ton café ? simpatienta Pierre en souriant.
- Je suis ton prince pour la soirée ! répondit, en riant, Clotaire.
- Ah non
Tu les pour très, très longtemps, jespère !, répliqua Pierre, sur un ton sérieux mais non dénué damour profond et sincère.
Tous deux quittèrent le point de rassemblement pour se diriger ensemble, côte-à-côte, vers le café. Ils ne se tenaient pas par la main, mais ils auraient payé cher pour le faire. Sauf que, les conventions étant ce quelles sont, ils préféraient éviter les ennuis ; dailleurs, ils sabstenaient par pudeur : après tout, pour vivre heureux, vivons cachés, dixit ladage
Mais tout au long de leur trajet, les papouilles et gestes tendres, preuve de leur évidente complicité, se multiplièrent. Cette première sortie en couple leur faisait vraiment plaisir : cétait, pour ainsi dire, la première fois quils se rencontraient sans quil ny ait ment de contexte sexuel. Cette soirée, ils lespéraient, parce que lun et lautre allaient certainement apprendre à mieux se connaître et, surtout, passer du temps en tête-à-tête. Loin des autres, il ny aurait plus queux, discutant autour dun verre.
Les deux jeunes hommes, animés par la bonne humeur, arrivèrent enfin devant le fameux bar, évoqué le matin même par Clotaire. Quand il entra, le premier, Pierre nen revenait pas : cétait un très bel endroit, très reposant, très feutré ; lendroit idéal pour venir se détendre après un mauvais moment. Il y avait, dans ce bar, un style un peu semblable à celui dun grand et beau café de gare, mais cest autrement plus différent car ici, les clients consomment leurs confiseries et leur boisson dans une absolue discrétion ; il paraitrait impossible à quiconque de vouloir entendre quelque bout dune conversation car tous, lorsquils sadressaient à leurs interlocuteurs, le faisaient à voix basse. En tout cas sagissant de celles et ceux qui siégeaient à proximité de lentrée de létablissement. Pierre comprenait pourquoi son amant disait apprécier sy rendre : cest un endroit très intime et reposant, non dépourvu dune certaine classe et du confort nécessaire. On devinait volontiers que la clientèle devait être assez aisée. Les deux jeunes étudiants allaient bientôt se diriger vers une table quand soudain, sans quon ne sy attende, une voix posée mais assez enjouée se fit entendre.
- Ne serait-ce pas notre plus beau client ?, demanda, tout sourire, un beau jeune homme de grande taille et de bonne corpulence, les cheveux bruns très courts et les yeux noirs.
- Et si, mon bon Hugo, répondit Clotaire. Alors, comme dhabitude, tu veux bien me conduire à ma table ?
Pour la toute première fois depuis le début de leur relation, Pierre fut saisi dun sentiment semblable à de la jalousie ; mais après, il devait bien se douter quil ne serait pas le seul homme à fréquenter Clotaire ! Ce qui le gênait le plus, cétait lévidente familiarité quavait le serveur avec son amant. Dautant plus quil avait remarqué que celui-ci nétait pas vraiment vilain, au contraire. Pierre se mit à penser que peut-être il y allait avoir de la concurrence. Il était loin de se douter, à ce moment-là, que Cédric, quil croisait souvent dans les couloirs de la fac, était à craindre tout autant, surtout compte tenu du passé de celui-ci, que Pierre ignorait encore.
Ledit Hugo les conduisit comme promis jusquà la table généralement occupée par Clotaire lorsquil venait dans cet établissement. Cétait une table simple couverte dune belle et longue nappe blanche à laquelle faisait face deux petites chaises de style baroque ; elle avait la particularité de se si dans un coin du restaurant, à lécart des autres tables, ce qui promettait à celui qui y était attablé dêtre tout à fait tranquille, ce quallaient apprécier particulièrement les deux jeunes hommes.
- Tu ne mas pas présenté le beau jeune homme qui te tenait compagne, dis-moi
, lança le serveur à Clotaire en regardant Pierre, qui parut un peu gêné dun tel compliment.
- Eh bien je te présente Pierre
Un ami qui mest cher. Très cher, sourit Clotaire en réponse, non sans fierté.
- Enchanté Pierre ! Moi, cest Hugo, se présenta celui-ci en tendant la main à Pierre, qui la serra en se présentant à son tour.
- Pierre, « lami très cher » de Clotaire.
- Rassure-toi, jai bien compris pour vous deux, lâcha le jeune homme avant de leur adresser un clin dil puis de partir faire son service dans le reste du restaurant.
Pierre était troublé, mais Clotaire semblait assez content ; visiblement, cela voulait dire quHugo était son ami. Les deux jeunes hommes se regardèrent les yeux dans les yeux puis sassirent cote-à-côte en souriant tels deux amoureux. Puisquils étaient à lécart, ils pouvaient séchanger des gestes tendres, ce quils ne manquaient pas de faire, sinterrompant seulement quand lune des serveuses du restaurant prirent leur commande ; tous deux se contentèrent dun apéritif, un verre de rosé pour Clotaire, un verre de rhum pour Pierre.
Chacun dégustait avec délice son alcool tout comme il savourait le moment. Progressivement, Clotaire se faisait beaucoup plus tendre avec Pierre, qui prenait évidemment bien du plaisir à se laisser caresser la main, la joue puis, subrepticement, la cuisse, ce qui les excitait lun et lautre. Mais le sexe nétait pas là le sujet ; Pierre, qui voulait vraiment en savoir plus sur lhomme auquel il se donnait si facilement, se plaisait à jouer les interrogateurs
- Et du coup, tu connais cet endroit depuis quand ?
- Depuis très, très longtemps
Quand mes grands-parents vivaient encore à Paris, dans lappartement où je vis à présent, ils memmenaient souvent ici avec mes frères et ma sur quand nous étions bien petits. A présent, jy retourne seul, deux ou trois fois par semaines pour y prendre une boisson et une fois par mois pour y dîner.
- Seul ?
- Toujours. Cest pour cela quHugo, que tu as vu tout à lheure, me tient parfois compagnie durant le repas quand il perçoit que je mennuie un peu. Cest vraiment quelquun de bien, javoue que je laime beaucoup.
- Ah
- Eh, oh ! Ne panique pas, mon cur
Cest juste un bon ami qui sait tenir compagnie !
- Oui mais
Faut reconnaître quil est vachement bien gaulé
Quand même
- Oui, ce nest pas faux, mais tu sais quoi ? Je suis persuadé quil lest bien moins que toi.
- Tes mignon
Mais je suis persuadé que tu dis ça pour me faire plaisir.
- Non, non, je le pense sincèrement. Et dailleurs, je tiens à te rassurer sur ce point.
Après avoir jeté un rapide coup dil vers le couloir qui menait à la sortie, quempruntaient les serveurs pour servir les occupants de cette table, Clotaire se cacha rapidement sous la nappe, sous le regard de Pierre qui comprenait ce que voulait faire Clotaire ; ils avaient bien assez parlé depuis le début de ce tête-à-tête et tous deux ne manquaient pas denvier une petite partie de jambes en lair
Mais Pierre était à des lieues de penser que cela pouvait se faire au restaurant. En effet, Clotaire avait déboutonné le pantalon de son compagnon puis baissé son boxer pour entreprendre une fellation qui devait régaler son compagnon ; lexcitation était accrue par le fait quils sadonnaient à cet exercice dans un endroit public et, bien que leur table, fort à lécart, les préservait du regard des autres, ils noubliaient pas quun serveur pouvait débarquer à tout moment. Mais au lieu de les retenir, cela ne faisait quaccroître le plaisir qui était le leur ; toutefois, hormis cette caresse buccale, ils savaient bien quils ne pouvaient faire autre chose ici.
Pierre était dans un état dabandon complet, les yeux levés vers le plafond de la salle, se concentrant de toutes ses forces pour quaucun gémissement ne sorte de sa bouche et pourtant, Clotaire mettait bien du cur à louvrage. Celui-ci, caché sous la nappe, semblait se régalait, tel un comblé de fourrer dans sa bouche une longue sucette très sucrée. De sa langue, il titillait le gland de son compagnon qui, ne souhaitant pas jouir ici, se redressa un peu vivement sur sa chaise. Un peu déçu que cela soit déjà terminé, Clotaire regagna sa place, immédiatement consolé par Pierre.
- Rassure-toi, ça ne sarrêtera pas là. Ce soir, on poursuit les hostilités ?
- Jy compte bien
Mais attention ! Tu vas payer cher le fait davoir mis un terme à ma petite surprise
- Maître, je vous en prie, faites-moi grâce de cette faute
Les deux jeunes hommes se mirent à rire puis continuèrent leur discussion. Il ny en avait plus pour bien longtemps car tous les deux étaient déjà très impatients de faire lamour. Il leur suffisait de quelque minutes pour enfiler leurs manteaux, déposer un pourboire sur la table et, Clotaire ayant une dernière fois salué Hugo par un « A bientôt, mon grand ! », quittèrent le restaurant, pressés de se retrouver enfin tous les deux chez Clotaire.
Ils pressaient le pas car le désir les animait de plus en plus. Une fois la porte de limmeuble de Clotaire fermée derrière eux, les deux jeunes amants se livrèrent à un superbe baiser amoureux tout en se caressant avec tendresse. Leur baiser ne dura pas bien longtemps car Clotaire voulait éviter de croiser lun de ses voisins dans pareille posture mais, main dans la main, tous deux montèrent jusquà lappartement de Clotaire. La porte de celui-ci fermée, ils reprirent le cours de leur intense baiser tout en enlevant mutuellement leurs vêtement ; en un rien de temps, tous les deux nétaient plus que vêtus de leurs boxers, qui contenaient avec difficulté lérection de leurs engins, dont lun caressait celui de lautre à travers le tissu, ce qui ne fit quaccroître de manière plus intense leur désir. Clotaire interrompit leur baiser pour regarder son compagnon dans les yeux, amoureusement. Le jeune homme avait la particularité davoir un regard de braise qui pouvait faire fondre un glaçon.
- Je taime Pierre, déclara le jeune homme sur un ton très humble qui pouvait mettre en valeur la sincérité de son propos qui ne manqua pas de faire rougir son compagnon qui remarquait que cétait la première fois que celui-ci lappelait par son prénom.
- Moi aussi, je taime Clotaire, lui répondit-il en lembrassant dans le cou puis posant sa tête sur lépaule de son compagnon tout en caressant le corps bien foutu de son partenaire de ses fines mains.
- Je dois tavouer quelque chose : tu mattirais depuis que je tai croisé quelques jours après la rentrée, mais depuis quon a fait lamour tous les deux, je suis vraiment devenu accro à toi
- Cest réciproque, tu sais
Il ny a pas une seule minute de ma journée que je passe sans penser à toi, mon petit prince. Je taime comme un fou
[A suivre
]
Que mes lecteurs se rassurent : il va bientôt y avoir quelques rebondissements ! C'est à l'étude, en tout cas. Si vous avez des suggestions, des commentaires ou quelque avis à me faire part, n'hésitez pas :) ! En espérant que vous serez fidèles aux autres aventures de ce duo amoureux...
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